M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je tiens à saluer la dernière séance de Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sénateur depuis 1998 et représentant les Français établis hors de France. (Applaudissements.)
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 6 octobre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Serge Babary. Monsieur le président, lors du scrutin n° 177, je souhaitais voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valorisant le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, d’une part, et de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, d’autre part, ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Confiance dans l’institution judiciaire
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission modifiés
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi et du projet de loi organique, adoptés par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l’institution judiciaire (projets nos 630 et 631, textes de la commission nos 835 et 836, rapport n° 834).
projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (suite)
TITRE II (suite)
DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE DÉROULEMENT DES PROCÉDURES PÉNALES
Chapitre III (suite)
Dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes
M. le président. Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 7, à l’amendement n° 199.
Article 7 (suite)
Au premier alinéa du III de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
M. le président. L’amendement n° 199, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 181 est complété par les mots : « , sous réserve de l’article 181-1 » ;
2° Après l’article 181, sont insérés des articles 181-1 et 181-2 ainsi rédigés :
« Art. 181-1. – S’il existe, à l’issue de l’information, des charges suffisantes contre la personne d’avoir commis, hors récidive, un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, elle est mise en accusation par le juge d’instruction, selon les modalités prévues à l’article 181, devant la cour criminelle départementale, sauf s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas aux conditions prévues au présent alinéa.
« Le délai d’un an prévu au huitième alinéa de l’article 181 est alors porté à six mois et il ne peut être procédé qu’à une seule prolongation en application du neuvième alinéa du même article 181.
« Art. 181-2. – Lorsqu’une ordonnance de mise en accusation du juge d’instruction qui n’est plus susceptible d’appel a, au regard des qualifications criminelles retenues, renvoyé par erreur l’accusé devant la cour d’assises au lieu de la cour criminelle départementale ou inversement, le président de la chambre de l’instruction peut, sur requête du procureur de la République ou d’une partie, procéder par ordonnance motivée à la rectification de cette erreur en renvoyant l’accusé devant la juridiction criminelle compétente.
« Si l’affaire est renvoyée devant la cour d’assises, les délais prévus à l’article 181 sont alors applicables.
« Si l’affaire est renvoyée devant la cour criminelle départementale, les délais applicables sont ceux prévus au second alinéa de l’article 181-1 à compter de la décision prévue au premier alinéa du présent article, sans pouvoir dépasser les délais prévus à l’article 181. » ;
3° Au premier alinéa de l’article 186, après la référence : « 181 », est insérée la référence : « , 181-1 » ;
4° Le premier alinéa de l’article 186-3 est complété par les mots : « ou devant la cour criminelle départementale » ;
5° L’article 214 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou devant la cour criminelle départementale » ;
b) Au second alinéa, les mots : « cette juridiction » sont remplacés par les mots : « la juridiction criminelle compétente » ;
6° L’intitulé du titre Ier du livre II est complété par les mots : « et de la cour criminelle départementale » ;
7° Au début du même titre Ier, il est ajouté un sous-titre Ier ainsi intitulé : « De la cour d’assises » ;
8° Au début du premier alinéa de l’article 231, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions de l’article 380-16, » ;
9° Le titre Ier du livre II est complété par un sous-titre II ainsi rédigé :
« Sous-titre II
« De la cour criminelle départementale
« Art. 380-16. – Par dérogation aux chapitres Ier à V du sous-titre Ier du présent titre, les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, sont jugées en premier ressort par la cour criminelle départementale.
« Cette cour est également compétente pour le jugement des délits connexes.
« Elle n’est pas compétente s’il existe un ou plusieurs coaccusés ne répondant pas aux conditions prévues au présent article.
« Art. 380-17. – La cour criminelle départementale, qui siège au même lieu que la cour d’assises ou, par exception et dans les conditions prévues à l’article 235, dans un autre tribunal judiciaire du même département, est composée d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel, pour le président, parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d’appel exerçant ou ayant exercé les fonctions de président de la cour d’assises et, pour les assesseurs, parmi les conseillers et les juges de ce ressort. Le premier président de la cour d’appel peut désigner deux assesseurs au plus parmi les magistrats exerçant à titre temporaire ou les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
« Art. 380-18. – Sur proposition du ministère public, l’audiencement de la cour criminelle départementale est fixé par son président ou, à la demande du procureur général, par le premier président de la cour d’appel.
« Art. 380-19. – La cour criminelle départementale applique les dispositions du présent code relatives aux cours d’assises sous les réserves suivantes :
« 1° Il n’est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés ;
« 2° Les attributions confiées à la cour d’assises sont exercées par la cour criminelle départementale et celles confiées au président de la cour d’assises sont exercées par le président de la cour criminelle départementale ;
« 3° La section 2 du chapitre III du sous-titre Ier du présent livre, l’article 282, la section 1 du chapitre V du même sous-titre Ier, les deux derniers alinéas de l’article 293 et les articles 295 à 305 ne sont pas applicables ;
« 4° Pour l’application des articles 359, 360 et 362, les décisions sont prises à la majorité ;
« 5° Les deux derniers alinéas de l’article 347 ne sont pas applicables et la cour criminelle départementale délibère en étant en possession de l’entier dossier de la procédure.
« Art. 380-20. – Si la cour criminelle départementale estime, au cours ou à l’issue des débats, que les faits dont elle est saisie constituent un crime puni de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité, elle renvoie l’affaire devant la cour d’assises. Si l’accusé comparaissait détenu, il demeure placé en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant la cour d’assises ; dans le cas contraire, la cour criminelle départementale peut, après avoir entendu le ministère public et les parties ou leurs avocats, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou mandat d’arrêt contre l’accusé.
« Art. 380-21. – L’appel des décisions de la cour criminelle départementale est examiné par la cour d’assises dans les conditions prévues au sous-titre Ier du présent titre pour l’appel des arrêts rendus par les cours d’assises en premier ressort.
« Art. 380-22. – Pour l’application des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle, la cour criminelle départementale est assimilée à la cour d’assises. »
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne vais pas monopoliser la parole. En effet, hier, lors de mon intervention pour donner un avis défavorable sur deux amendements, j’ai longuement développé celui que j’entends soutenir à cet instant.
Je suis pour la généralisation des cours criminelles départementales. Elles ont, je le dis dès à présent, fait leurs preuves. Surtout, l’objectif de cette nouvelle juridiction est d’interdire la correctionnalisation des viols dans les affaires de mœurs. Prolonger l’existence d’une cour d’assises départementale et, en parallèle, d’une cour d’assises traditionnelle, mais aussi dans certains départements faire en sorte qu’il n’y ait qu’une cour d’assises traditionnelle, c’est au fond réserver deux statuts, deux sorts différents, non pas à nos justiciables mais à la procédure.
Je veux également dire qu’il me tient à cœur que les audiences devant cette nouvelle juridiction soient beaucoup plus rapides que devant la cour d’assises traditionnelle, lesquelles connaissent un problème qui n’est – je le concède – ni superfétatoire ni dirimant : celui de la convocation des jurés, qu’il faut trouver, ce qui est infiniment complexe comme tout le monde le sait.
Je le redis, cette juridiction fait l’objet d’excellents « renseignements », si vous me permettez cette expression, de la part tant des magistrats qui la pratiquent que d’une grande majorité d’avocats. Les justiciables en sont également satisfaits puisque le taux d’appel est inférieur de dix points. Les audiencements sont nettement plus rapides, et on met fin à la correctionnalisation des viols.
Si on poursuit l’expérimentation sans la généraliser, alors dans certains départements des viols seront correctionnalisés, tandis que dans d’autres ils seront jugés comme des crimes. Ces différences entre les justiciables ne me paraissent pas souhaitables.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que l’on mette un terme à l’expérimentation qui a démarré en septembre 2019.
Deux rapports transpartisans ont porté sur ce sujet.
D’une part, il s’agit, si ma mémoire est bonne, du travail de deux députés avocats de profession, MM. Mazars et Savignat, pour lesquels cette juridiction fonctionne bien et constitue une excellente initiative. Je ne vais pas revenir sur la réactivité qui était la mienne à l’origine.
D’autre part, un autre rapport a été établi par mes services, sous la présidence d’Anne-Marie Gallen, ancienne présidente de cour d’assises, directrice de ce projet, qui estime que ces cours criminelles marchent bien.
Je veux bien que l’expérimentation soit poursuivie, mais alors, je le dis, il y aura deux catégories de victimes dans notre pays, ce qui n’est pas souhaitable. J’ajoute qu’en termes de « déstockage », cette juridiction permettrait de rendre les audiences beaucoup plus rapides.
Je souhaite que les magistrats se mettent en état parce que nous en arriverons là, cela me semble inéluctable. Ceux que je rencontre sont tout à fait prêts à assumer cette tâche qui consiste à juger devant la cour criminelle départementale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le ministre, une partie du débat a effectivement eu lieu hier.
Nous ne remettons pas en cause les premiers résultats obtenus à la suite de cette expérimentation, qui ont été énoncés dans le rapport de la mission « flash » de nos collègues MM. Mazars et Savignat comme dans celui de la mission présidée par M. Jean-Pierre Getti.
Néanmoins, et c’est le premier point, nous constatons que ces évaluations sont réalisées à partir d’un petit nombre d’expérimentations, puisqu’il n’existe aujourd’hui que quinze cours criminelles départementales. Nous ne disposons donc pas d’une vision consolidée.
Le deuxième point est un élément de principe. Nous considérons que la confiance repose avant tout sur le respect des engagements pris. Lorsque nous avons voté l’expérimentation, vous avez pris l’engagement de la mener pendant une durée de trois ans. Généraliser l’existence des cours criminelles départementales avant la fin de cette période reviendrait à rompre l’engagement qui a été pris. C’est donc selon nous une affaire de principe : dès que l’on s’engage dans une expérimentation, il faut aller jusqu’au bout pour permettre une vision totale et une approche consolidée, pouvant éclairer le Sénat lors de la décision finale.
Quand bien même il y aurait aujourd’hui deux formes de justice concernant les crimes – la cour d’assises dans certains territoires et les cours criminelles départementales dans d’autres –, il s’agit bien du principe de l’expérimentation : nous avons besoin de deux systèmes pour pouvoir les comparer et tirer des conclusions.
L’avis de la commission est donc défavorable, et nous proposons de prolonger cette expérimentation.
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, MM. Panunzi et Cadec, Mmes Gosselin et Puissat, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet et Belin, Mme de Cidrac, MM. Bouchet et Gremillet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Milon, Mmes Drexler et Joseph, M. Grosperrin, Mme Lherbier et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, après les mots : « quinze ans » sont rajoutés les mots : « , à l’exception du crime de viol, ».
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. « Quand une femme se bat, elle a véritablement du courage parce qu’elle sait que ce n’est pas pour elle, mais pour que les autres femmes ne passent pas par les épreuves qu’elle a subies. » Voilà ce que déclarait en 1977 l’avocate Gisèle Halimi, qui s’est engagée de toutes ses forces pour faire reconnaître le viol comme un crime.
Les cours criminelles départementales en phase d’expérimentation ont compétence pour les crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’ils ne sont pas commis en état de récidive légale. Concrètement, cela signifie que certains crimes de viol pourraient échapper à la compétence des cours d’assises pour être jugés par ces nouvelles juridictions.
Monsieur le ministre, vous devez intégrer des jurés populaires aux cours criminelles départementales. À défaut, les viols doivent rester de la compétence des cours d’assises, auxquelles il faudra bien sûr donner davantage de moyens pour éviter que ces viols ne soient traités comme des délits.
Écarter le peuple des affaires de viol serait une véritable régression. En tant que femme et en tant que parlementaire, je ne peux m’y résoudre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Vous proposez d’exclure les viols de la compétence des cours criminelles départementales. Nous pensons que cela revient à tuer celles-ci puisque ce type de contentieux représente 93 % des affaires aujourd’hui jugées par ces juridictions.
Si nous ne sommes pas favorables à la généralisation de l’expérimentation, nous souhaitons néanmoins qu’elle aille jusqu’à son terme et que les cours criminelles puissent continuer à juger ces infractions.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends le sens de votre amendement, mais je vous rappelle que lorsqu’un accusé n’est pas satisfait du verdict prononcé par la cour criminelle départementale, il interjette appel et l’affaire est alors portée devant la cour d’assises. Ce n’est pas compliqué. Et contrairement à ce que j’ai pu entendre ces dernières heures, cette juridiction n’est pas supprimée mais bien renforcée en termes de souveraineté populaire.
Vous proposez de créer une nouvelle juridiction, une cour d’assises départementale mâtinée de jury populaire. Or le but principal des cours criminelles départementales est de lutter contre la correctionnalisation des viols. Si vous leur enlevez ceux-ci, on se demande à quoi elles pourraient servir !
Au sein des cours criminelles départementales, l’audiencement étant plus rapide, les jugements sont rendus plus rapidement, dans des délais raisonnables, selon une procédure orale qui respecte les grands principes de la cour d’assises.
Il y a un instant, je défendais la généralisation de cette juridiction. À ma grande surprise, j’ai été battu… Je suis contraint de m’y résoudre.
J’avais exprimé beaucoup de réserves sur cette juridiction, mais elle fonctionne et elle est plus rapide, en particulier pour les victimes, au sort desquelles vous êtes sensibilisée, madame la sénatrice.
Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 92 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 175 rectifié est présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 92.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à celui que nous avions présenté hier. Nous voulons porter la durée de l’expérimentation de trois à cinq ans.
La commission a proposé de porter celle-ci à quatre ans. En raison des perturbations de l’expérimentation dues notamment à la crise du covid, nous souhaitons que sa durée soit allongée.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 175 rectifié.
M. Guy Benarroche. Il s’agit du même amendement, que nous déposons pour des raisons identiques.
De notre point de vue, les cours criminelles départementales éloignent le justiciable de l’intervention des jurys populaires et d’un système qui nous semble vertueux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Point trop n’en faut : la date de mai 2023 nous paraît constituer un juste équilibre.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Dans ma courte expérience de garde des sceaux, j’ai remarqué que chaque fois que l’on choisissait un délai, certains voulaient l’allonger et d’autres le raccourcir. Quand on décide de la durée d’une peine, c’est la même chose…
Je suis totalement contre la poursuite de l’expérimentation, je ne peux pas me renier. Je suis donc défavorable à ces amendements, même si certains tendaient à réduire le délai de l’expérimentation.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 et 175 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 200, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Un des assesseurs de la cour d’assises, y compris en appel, désigné par ordonnance du premier président de la cour d’appel, peut être un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à l’article 3 de la loi organique n° … du … pour la confiance dans l’institution judiciaire. Dans cette hypothèse, le premier président de la cour d’appel ne peut désigner un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ou un magistrat exerçant à titre temporaire comme assesseur à la cour d’assises.
II. – Un des assesseurs de la cour criminelle départementale, désigné dans les conditions prévues au I du présent article, peut également être un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à l’article 3 de la loi organique n° … du … précitée. Dans cette hypothèse, le premier président de la cour d’appel ne peut désigner en qualité d’assesseur à la cour criminelle départementale, par dérogation à l’article 380-17 du code de procédure pénale, qu’un seul magistrat exerçant à titre temporaire ou magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
III. – Le présent article est applicable à titre expérimental dans au moins deux départements et au plus vingt départements, déterminés par arrêté du ministre de la justice, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par ce même arrêté, et au plus tard six mois après l’entrée en vigueur du présent article.
IV. – Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la rapporteure, cet amendement du Gouvernement devrait vous plaire puisque je suggère une expérimentation. (Sourires.) Je propose au Sénat de mettre en œuvre une disposition qui me semble juste. Si je me trompe, ce qui est possible, il sera toujours temps d’en tirer les conséquences qui s’imposent.
Il s’agit de permettre à des avocats honoraires de siéger au sein des cours d’assises et des cours criminelles départementales.
L’objectif n’est aucunement de pallier le manque de magistrats : nous avons atteint le seuil de 9 090 magistrats, soit 650 de plus qu’en 2017 – l’année prochaine, il y en aura 50 supplémentaires, sans compter ceux qui seront remplacés à raison des départs.
Pourquoi se priverait-on d’avocats honoraires qui ont vingt ans d’expérience professionnelle ? Certains disent qu’il y a de la défiance. Mais lorsque j’ai demandé que les magistrats viennent composer l’échevinage qui sera appelé à juger de la déontologie des professionnels du droit, en particulier des avocats, personne ne m’a rien dit !
Depuis que je suis garde des sceaux, j’essaie de rapprocher des professions qui se sont un peu éloignées. J’ai nommé une avocate à la direction de l’École nationale de la magistrature, et j’ai béni la nomination – qui n’était pas dans mes attributions – d’un haut magistrat à l’École de formation du barreau (EFB). J’ai tout fait pour que ces professions se parlent et se rapprochent.
Les choses se sont dégradées. D’aucuns en font le constat – j’ai d’ailleurs pu le faire moi-même.
J’ai un petit avantage sur nombre d’entre vous. Il ne tient pas au fait d’avoir été avocat, mais à celui d’avoir assisté à deux délibérés, ce qui a été possible en raison de la faible épaisseur de la cloison. J’étais aux côtés de celui que je venais de défendre et le délibéré avait lieu dans la salle voisine, normalement dans le secret le plus absolu – nous avons eu ce débat hier. Mais je l’ai entendu, et je me suis dit que parfois, il ne serait pas mal que le délibéré soit un peu plus ouvert.
Je connais des cas dans lesquels chacun a respecté son rôle et la souveraineté populaire. Mais je sais aussi que la situation contraire existe.
Émile Pollak, qui fut le « prince » de la cour d’assises, souhaitait qu’un « avocat taisant » – et non honoraire – soit assis lors du délibéré. Cette idée a été relayée, monsieur le rapporteur Bonnecarrère, par un avocat que nous avons bien connu, vous et moi, Alain Furbury. Je n’irai pas jusque-là : les avocats n’ont pas à contrôler qui que ce soit, ce serait le monde à l’envers. Mais il n’est pas incongru qu’un avocat honoraire ayant travaillé vingt ans, ayant donc acquis une véritable expérience, puisse aider à rendre la justice – mieux, moins mal ou aussi bien, d’ailleurs !
On me dit qu’il vaut mieux qu’il se transforme en magistrat exerçant à titre temporaire (MTT). Non ! Je connais un certain nombre d’avocats honoraires qui seraient absolument ravis d’aider la justice de notre pays.
La magistrature a exprimé des réticences, que j’entends, à quelques reprises. Mais, au fond, nous faisons déjà venir des personnes pour participer à la justice : les jurys populaires sont composés de personnes âgées de plus de 23 ans, de nationalité française, n’ayant jamais été condamnées, et qui sont tirées au sort.
J’adore les jurys populaires, et en dépit de ce que l’on peut dire, j’ai renforcé la force de la souveraineté populaire, qui n’existait plus.
La présence d’un avocat honoraire lors d’un délibéré n’insulte pas la justice, au contraire. Son regard d’expérience – vingt ans, ce n’est pas rien ! – peut être légèrement différent de celui des magistrats. Pourquoi n’êtes-vous pas favorables à cette mesure ?
D’autant, madame la rapporteure – je termine par là où j’ai commencé –, qu’il s’agit d’une mesure expérimentale. Je suis pragmatique et non dogmatique, et je peux me tromper ; seuls ceux qui ne font rien ne se trompent pas. Mais c’est une mesure qui permettrait une vision différente : l’avocat honoraire peut apporter un « plus » à la juridiction criminelle.