M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Section 2

Dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence

Article 3
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire
Article 5 (supprimé)

Article 4

(Non modifié)

I. – L’article 434-7-2 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 434-7-2. – Sans préjudice des droits de la défense reconnus à la personne suspectée ou poursuivie ou des droits des victimes, le fait pour toute personne qui, en raison de ses fonctions, a connaissance, en application du code de procédure pénale, d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit de révéler sciemment ces informations à des tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

« Sans préjudice des droits de la défense reconnus à la personne suspectée ou poursuivie ou des droits des victimes, lorsque la révélation par une personne mentionnée au premier alinéa est faite à des personnes qu’elle sait susceptibles d’être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs dans la commission de ces infractions, et que cette révélation est réalisée dans le dessein d’entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

« Dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, lorsque l’enquête ou l’instruction concerne un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement relevant de l’article 706-73 du code de procédure pénale, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende. »

bis. – À l’article 114-1 du code de procédure pénale, le montant : « 10 000 € » est remplacé par les mots : « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € ».

II. – L’article 11 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les références : « des articles 226-13 et 226-14 » sont remplacées par les mots : « prévues à l’article 434-7-2 » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « public », sont insérés les mots : « ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie » ;

b) Après le mot : « parties », sont insérés les mots : « , directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle ».

III. – (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 72, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’article 4 aggrave les peines prévues en cas de violation du secret de l’enquête et de l’instruction.

Bien entendu, nous souhaitons préserver le secret de l’instruction, garantie indispensable au bon fonctionnement d’une justice équitable. Cela étant, nous regrettons l’alourdissement des sanctions prévues à cet article, alors que les condamnations en la matière sont aujourd’hui marginales.

Une fois de plus, le Gouvernement semble afficher des objectifs contradictoires. Il réaffirme l’importance du secret de l’enquête, corollaire de la présomption d’innocence ; mais, dans le même temps, il élargit les possibilités d’y porter atteinte en multipliant les personnes autorisées à communiquer sur l’enquête.

Comme l’a relevé le Conseil national des barreaux, le présent texte ne prévoit aucun dispositif lorsque l’avocat, pour la défense de son client et sans nuire à l’enquête ou à l’instruction en cours, utilise légitimement les informations issues de cette enquête ou instruction.

Par voie de conséquence, une telle absence de garantie pourrait entraver l’exercice des droits de la défense. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous comprenons l’objectif que vise la Chancellerie en aggravant les peines en cas de violation du secret de l’enquête et de l’instruction. En outre, nous n’avons pas le sentiment que de telles dispositions sont susceptibles de porter atteinte à la défense : de toute façon, le dispositif s’applique sans préjudice des droits de la défense reconnus à la personne suspectée ou poursuivie.

Pour nous, en la matière, il n’y a donc pas de problème : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 73, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ce sujet nous interpelle, ma chère collègue : il s’agit de savoir qui s’exprime sur une enquête en cours. Les procureurs de la République en ont pris l’habitude, ce qui ne pose aucune difficulté. Faut-il étendre cette faculté d’expression aux officiers de police judiciaire placés, le cas échéant, à leurs côtés ? En pareil cas, la parole de l’État est-elle une ou peut-elle être diverse ? Faut-il ou non permettre à l’enquêteur de s’exprimer sur une enquête en cours ?

Ce sujet nous paraît sensible ; c’est pourquoi nous sollicitons l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable.

Mme Cécile Cukierman. Ça, c’est de l’avis du Gouvernement…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Chapitre II

Dispositions tendant à limiter le recours à la détention provisoire

Article 4 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire
Article additionnel  après l'article 5 - Amendements n° 76 et n° 75

Article 5

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 197, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° L’article 137-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l’article 142-5 et à l’article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l’article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;

b) Le second alinéa est ainsi modifié :

– après le mot : « notifiée », il est inséré le mot : « verbalement » ;

– les mots : « contre émargement au dossier de la procédure » sont supprimés.

2° L’article 142-6 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;

« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;

b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés

c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a pour objet de rétablir l’article 5 du présent texte, qui tend à favoriser le recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique en lieu et place de la détention provisoire.

J’ai été un peu surpris de constater que votre commission des lois avait adopté un amendement de Mme Boyer visant à supprimer cet article. Je le comprends d’autant moins que c’est la Haute Assemblée qui est à l’origine de l’introduction dans notre procédure pénale du dispositif du bracelet électronique, lequel permet d’éviter, lorsque c’est possible, une privation de liberté.

Je le répète : c’est le Sénat qui, contre l’avis du gouvernement de l’époque, a pris cette décision en 1997, adoptant définitivement la loi du 19 décembre 1997 qui consacrait le placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté.

Il serait particulièrement regrettable que, presque un quart de siècle après cette réforme historique, le Sénat s’oppose à des dispositions favorisant le recours au bracelet électronique mobile à la place de la détention.

De plus, je tiens à rassurer Mme Boyer…

M. Hussein Bourgi. Elle n’est pas là ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce n’est pas grave : vous lui direz que je souhaite la rassurer ! (Nouveaux sourires.)

La détention provisoire demeurera possible – c’est un point essentiel – chaque fois qu’elle apparaîtra indispensable comme mesure de sûreté, notamment pour éviter de nouveaux faits ou à raison de nécessités de l’instruction.

Il ne s’agit pas de remplacer la détention par la surveillance électronique mobile : nous voulons simplement que cette surveillance soit prononcée chaque fois que la détention peut être évitée.

Pour ce qui concerne le recours au bracelet anti-rapprochement en cas de violences au sein du couple, votre commission indique, dans son rapport, que ce dispositif connaît des difficultés et peine à être mis en œuvre du fait d’un manque de bracelets disponibles. C’est totalement inexact ! Il est vrai que cette mesure nouvelle est appliquée de manière progressive par les juridictions ; mais en aucun cas les magistrats souhaitant y recourir ne voient leur action entravée faute de matériel.

Il est donc tout à fait souhaitable de rappeler l’existence du bracelet anti-rapprochement, qui, dans certains cas, peut opportunément se substituer au maintien en détention provisoire. En particulier, les juges qui mettent fin à une détention n’opteront que plus volontiers pour cette solution.

Enfin, dans son rapport, la commission suggère que la surveillance électronique mobile serait moins sévère que la surveillance électronique fixe. C’est tout aussi inexact : dans les deux cas, la personne est tenue de demeurer chez elle. Même dans les situations où elle reste libre, elle fait l’objet d’une surveillance y compris lorsqu’elle quitte son domicile. On peut donc vérifier qu’elle ne se rend pas sur les lieux qui lui ont été interdits.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande avec force d’adopter cet amendement de rétablissement de l’article 5.

M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article 137-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire prévues à l’article 138 6° du code de procédure pénale, des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l’article 142-5 et à l’article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l’article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;

2° L’article 142-6 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;

« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;

b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;

c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. L’article 5 imposait, en cas de second renouvellement de la détention provisoire, de motiver le non-recours à une assignation à résidence assortie d’une surveillance électronique ou d’un bracelet anti-rapprochement. Il rendait également obligatoire la saisine du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) avant la date de la seconde prolongation de la détention provisoire, lorsque l’intéressé encourt une peine d’emprisonnement de cinq ans ou moins.

En adoptant un amendement de Mme Boyer, la commission des lois du Sénat a supprimé cet article, qui, selon nous, constitue pourtant un point notable d’amélioration du fonctionnement de notre justice.

Il faut proposer des substituts à la détention provisoire, propices à la régulation carcérale : c’est ce que recommandent de nombreux professionnels.

Voilà pourquoi nous souhaitons, nous aussi, rétablir cet article, en ajoutant de surcroît aux alternatives qui y étaient prévues la possibilité de recourir à une autre solution, à savoir le contrôle judiciaire.

À nos yeux, il faut réaffirmer la place du contrôle judiciaire, assorti d’obligations socio-éducatives, sur la liste des mesures alternatives à la détention provisoire, afin que le juge des libertés et de la détention puisse l’envisager lorsqu’il examine la situation de la personne.

Les personnes placées en détention provisoire représentent 32 % de la population carcérale. Il est plus que jamais urgent de réfléchir à des dispositifs susceptibles de se substituer à la détention provisoire. Bien sûr, il faut répondre aux besoins de protection de la société par des mesures coercitives. Mais il faut également travailler à favoriser le changement de comportement des prévenus.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 164 rectifié est présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

L’amendement n° 215 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article 137-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l’article 142-5 et à l’article 142-12- 1, ou du dispositif électronique prévu à l’article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;

2° L’article 142-6 est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :

« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;

« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;

« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;

b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;

c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié.

M. Guy Benarroche. À cette heure tardive de la nuit, je partage l’interrogation de M. le garde des sceaux concernant la volonté de la commission des lois de supprimer l’article 5. Cette suppression me paraît en effet très surprenante.

Avec moins de force que lui, mais autant de conviction, je vous demanderai donc de voter les amendements visant à le rétablir. Je regrette en effet la vision « tout incarcération » qui me semble être celle de la commission.

La détention provisoire est aujourd’hui l’exception. Nous l’avons voulue comme telle. Elle ne devrait être prononcée que lorsqu’elle s’avère nécessaire pour le bon déroulement de l’enquête. La percevoir comme le début d’une punition nuit totalement aux mis en cause.

Corollaire de la présomption d’innocence, ce régime d’exception doit perdurer. Aussi, l’article 5, que nous souhaitons rétablir, et qui prévoit l’obligation de justifier une détention provisoire par l’inapplicabilité de l’assignation à résidence, nous paraît fondamental.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 215 rectifié.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je n’ajouterai que peu de choses à ce qui vient d’être souligné tant par M. le garde des sceaux que par mes collègues.

Je souhaite toutefois rappeler que le sens de la détention et de la contrainte participe de la motivation de l’encadrement des décisions de prolongation de la détention provisoire, encadrement que cet amendement vise à rétablir.

Ce même sens a été longuement mis en avant hier, lors de l’Agora de la justice, y compris par des collègues émettant d’importantes réserves sur l’article 5.

Rappelons, à cet égard, que les rapporteurs n’avaient pas eux-mêmes déposé d’amendements sur cet article dont la suppression est intervenue via l’adoption d’un amendement dont ils n’étaient pas les auteurs.

Il faut enfin rappeler que les dispositions de l’article 5 n’interdisent en rien de recourir à la détention provisoire chaque fois que celle-ci s’avérera nécessaire.

Je demande donc à mon tour le rétablissement de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Notre collègue Mme Boyer s’est montrée très convaincante devant la commission ; c’est pourquoi nous l’avons suivie.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements visant à rétablir l’article 5.

Je voudrais cependant relativiser la portée de notre débat. Dans la version de Mme Boyer – si je puis m’exprimer ainsi –, à l’expiration du délai de huit mois de détention provisoire, le magistrat doit rendre une ordonnance. Il s’agit, par principe, d’une ordonnance de maintien en détention, sauf à ce que le magistrat décide d’opter plutôt pour une décision motivée de placement sous bracelet électronique.

Dans la version soutenue par nos collègues et par M. le garde des sceaux, à l’expiration du délai de huit mois, le passage au bracelet électronique ou au bracelet anti-rapprochement est automatique, à moins que le magistrat ne décide d’un maintien en détention.

C’est donc seulement la motivation de la décision qui change de nature ; sur le fond, les situations sont extrêmement proches. Dans le premier cas, une décision de principe s’applique dans un certain sens, mais le magistrat peut statuer dans l’autre sens, en motivant ce choix. À l’inverse, dans le second cas, c’est cette dernière direction qui est prise par défaut, mais le magistrat peut également choisir, là encore en exposant ses motifs, d’en décider autrement.

Je vous prie donc de bien vouloir relativiser, d’une certaine manière, la portée de ce sujet.

Avis défavorable sur ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 74 et des amendements identiques nos 164 rectifié et 215 rectifié au profit de l’amendement n° 197. À défaut, son avis serait défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 197.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 rectifié et 215 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 5 demeure supprimé.

Article 5 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire
Article 6

Articles additionnels après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 76, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article préliminaire du code de procédure pénale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Toute autorité judiciaire prononçant une peine privative de liberté du type détention provisoire ou emprisonnement ferme, doit expressément motiver sa décision au regard de toute autre mesure pouvant être effectuée en milieu ouvert.

« Cette règle est d’ordre public. »

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 76 et 75.

M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 75, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l’article 142-5 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et plus particulièrement à celle du 6° de cet article afin d’engager des mesures socio-éducatives visant à prévenir le renouvellement de l’infraction ».

Veuillez poursuivre, madame Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. L’amendement n° 76 a pour objet d’inscrire dans la loi l’inversion de la logique du tout carcéral, en rendant obligatoire et d’ordre public, à quelque moment que ce soit de la procédure pénale, la motivation du choix d’enfermer une personne en regard d’une autre mesure pouvant être effectuée en milieu libre.

Cette disposition préserve l’office du juge, mais impose une obligation de motivation circonstanciée de l’emprisonnement comme dernier recours, car le juge est tenu d’examiner les raisons de l’impossibilité de prononcer une mesure en milieu libre.

Il est en effet grand temps de réfléchir à des logiques de décroissance carcérale et de penser l’organisation de l’administration pénitentiaire sous l’angle de la régulation carcérale. La période de pandémie de covid-19 nous a enseigné qu’il était possible de mettre en œuvre une telle décroissance, bien que cela ait été fait de manière tout à fait circonstanciée, dans un cadre qui était celui de l’urgence sanitaire.

Nous devrions en tirer le bilan, sachant par ailleurs que de telles logiques sont déjà déployées dans certains centres pénitentiaires, comme nous l’apprend la section française de l’Observatoire international des prisons.

Quant à l’amendement n° 75 – il s’agit d’une recommandation du réseau d’associations Citoyens et Justice –, il vise à mentionner spécifiquement dans le texte la possibilité de soumettre le prévenu à des obligations socio-éducatives afin que soit engagé un travail sur ces problématiques – mobilisation autour du soin, d’une prise en charge psychologique, etc.

La structure désignée pour ce suivi produira obligatoirement un rapport avant l’audience de jugement, comportant des informations relatives à la situation du prévenu, aux actions engagées avec lui, à son adhésion à certaines mesures, à la faisabilité de certaines peines alternatives ou encore à sa capacité à respecter des obligations.

Ces éléments se révèlent particulièrement utiles au tribunal dans son appréhension fine du prévenu, concernant tant la propension de ce dernier à respecter des mesures contraignantes que son engagement dans un travail visant à prévenir la récidive.