M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chacun ici est extrêmement attaché à la libre administration des collectivités. Toutefois, la disposition que vous proposez, mon cher collègue, est de rang constitutionnel. Elle n’est donc pas opérante.
Je pense qu’il serait important de prendre en compte les propositions que nous avons déjà faites au fur et à mesure de l’examen des articles. Ainsi, nous avons renforcé le pouvoir réglementaire local et la capacité des collectivités à faire des propositions en matière de délégation de compétences. Dès lors, je considère que votre demande est satisfaite.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai le même avis que la commission, même si je le dirai autrement : au fond, votre amendement est déjà satisfait par la Constitution.
M. le président. Monsieur Sautarel, l’amendement n° 130 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Sautarel. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 130 rectifié est retiré.
L’amendement n° 891 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 519 rectifié bis, présenté par MM. Michau, Cozic, Jeansannetas, Pla et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5210-1-1 A du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Forment la catégorie des intercommunalités les communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles. »
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Le présent amendement vise à mieux identifier, dans la diversité extrême des formes d’établissements publics de coopération intercommunale, la catégorie spécifique des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il est ainsi proposé de regrouper sous le terme générique d’« intercommunalité », désormais mieux connu des Français, les différents statuts d’EPCI à fiscalité propre ; ils resteront naturellement maintenus, mais formeront une catégorie commune.
La création de cette catégorie permettra de mieux expliquer le fait intercommunal à nos concitoyens, à travers une sémantique claire, et de simplifier l’écriture des lois et règlements, tout en la sécurisant.
Les EPCI à fiscalité propre doivent être distingués, pour d’évidentes raisons, au sein des établissements publics de coopération intercommunale.
Ainsi, outre le fait que toute commune doit faire partie d’un EPCI à fiscalité propre, et ce à l’exclusion de tout autre, le législateur a prévu l’exercice d’un certain nombre de compétences à l’échelle de l’intercommunalité.
Les conseillers communautaires et métropolitains issus des communes de plus de 1 000 habitants sont également élus directement par les électeurs.
Enfin, les répartitions de sièges entre communes au sein des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre sont très encadrées par la loi, contrairement à celles des autres formes d’établissements publics de coopération intercommunale.
Ces caractéristiques singulières, comme la nécessité de mieux expliquer le fait intercommunal au grand public, plaident pour l’usage d’un substantif adapté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La sécurité juridique de votre proposition, mon cher collègue, n’est pas du tout assurée. Ce serait mettre dans une même catégorie des groupements de communes excessivement importants, comme les métropoles que je qualifie de « génériques » et les métropoles à statut particulier.
Vous soulevez par ailleurs un point extrêmement important, qui a fait l’objet d’un travail dans la loi Engagement et proximité, à savoir la lisibilité et la transparence du fait intercommunal pour nos concitoyens. À mes yeux, un nom ne saurait suffire à créer un sentiment d’appartenance à une intercommunalité : il appartient aux élus intercommunaux, mais aussi aux maires et aux conseillers municipaux, de communiquer sur l’ensemble des actions menées par les intercommunalités. C’est ainsi que nos concitoyens auront une vision plus heureuse des intercommunalités et qu’elles-mêmes le seront plus.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je comprends ce que vous dites, monsieur le sénateur : dans le langage commun, on utilise souvent le mot « intercommunalité ». Toutefois, il faut un terme juridique pour distinguer les établissements publics de coopération intercommunale. C’est pourquoi, comme la commission, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Michau, l’amendement n° 519 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Michau. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 519 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 689 rectifié, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Henno, Canévet et Kern, Mme Vermeillet, MM. J.M. Arnaud, Hingray, P. Martin, Le Nay et L. Hervé, Mme Vérien et M. Moga, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Cet amendement vise à redonner aux collectivités territoriales une certaine marge de liberté qui leur avait été ôtée par la sinistre loi NOTRe, où était mise en avant l’idée selon laquelle, si quelque chose est plus gros, plus grand, plus massif, il est plus efficace. C’est ainsi que l’on a obligé un certain nombre de communes et de communautés de communes à fusionner pour respecter de fameux seuils de population, déterminés à l’échelle nationale. Une population de 15 000 habitants a-t-elle donc la même signification en Île-de-France et dans nombre de nos régions ? Assurément pas ! Il en est de même pour le seuil dérogatoire de 5 000 habitants. Quant aux coefficients mis en place, qui permettraient d’abaisser ces seuils au regard d’un nombre de facteurs, dont la densité démographique, nul ne peut les comprendre !
On pourrait toujours dire que, somme toute, cette situation ne mérite pas que l’on y prête attention comme nous le faisons dans cet amendement. Il existe encore dans notre pays quelques communautés de communes qui comptent moins de 5 000 habitants : ainsi de celle du Cordais et du Causse, dans le Tarn, qui compte 4 800 habitants. Les seules perspectives offertes à cette intercommunalité, dans le schéma actuel, seraient de se rapprocher soit de la communauté de communes Carmausin-Ségala, qui compte déjà 32 communes sur un territoire très large, soit de la communauté d’agglomération Gaillac-Graulhet, qui regroupe 63 communes sur un périmètre encore plus large.
On en arrive à créer des formes de monstres, si vous me passez l’expression, avec un éloignement toujours plus grand entre nos concitoyens et ces communautés de communes qui ne correspondent plus, à certains égards, à des bassins de vie quotidienne. Il ne faut pas ensuite s’étonner qu’il y ait une large abstention aux élections, ne serait-ce qu’au regard du fait que nos concitoyens ne se retrouvent pas dans tout cela.
Cet amendement a donc pour objet de supprimer la référence à ces seuils de population, afin de redonner aux communes la liberté de s’unir et de coopérer dans le périmètre qui leur semble le plus opportun et le plus adapté à leur situation territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement de notre collègue Philippe Folliot illustre les difficultés qui sont nées de réformes autoritaires, menées à marche forcée – à rênes serrées, diraient des cavaliers. On ne serait pas là aujourd’hui si les réformes précédentes avaient été lumineuses. On pourra constater, tout au long des débats sur ce texte, que des situations extrêmement difficiles et des blocages remontent du terrain.
Mon cher collègue, vous évoquez la notion mortifère de « seuil ». Quelle est la pertinence d’un seuil, notamment pour les intercommunalités ? On nous a affirmé un temps que la lumière était à 5 000 habitants ; quelques années plus tard, c’était à 20 000 ! Ma profonde conviction est qu’un seuil est tellement contraire à la réalité des choses qu’il vaut mieux éviter d’en parler. On ne substituera pas au seuil en place un autre seuil miraculeux.
Dans la loi Engagement et proximité, nous avons fait deux choses. Premièrement, nous avons permis que des intercommunalités se divisent, sous réserve de préserver l’intérêt de tout le monde, selon des règles strictes. Deuxièmement, nous avons supprimé la clause de révision sexennale qui avait été inscrite dans la loi NOTRe pour prévoir un nouveau regroupement d’intercommunalités.
Ces changements signifient que, si la situation actuelle peut encore être difficile, le préfet ne pourra en tout cas pas, à ce stade, contraindre une intercommunalité à en rejoindre une autre. Ce serait en revenir au refrain selon lequel seul ce qui est « XXL » est puissant et utile, refrain si simple qu’il en est faux !
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur Folliot, j’étais sénatrice lors de l’examen de la loi NOTRe. Nous nous sommes battus dans cet hémicycle pour qu’il y ait des exceptions au seuil de 15 000 habitants et, notamment, pour qu’on admette que des intercommunalités puissent se former dès un seuil de 5 000 habitants dans les zones où la densité de population est inférieure à la moyenne nationale, ce qui est le cas dans beaucoup de départements ruraux.
Au lendemain d’élections municipales et intercommunales – elles n’ont eu lieu qu’il y a un an –, il est sage de laisser la loi comme elle est et de ne pas provoquer de bouleversements qui viendraient perturber la vie locale.
Ces arguments, ainsi que ceux de Mme la rapporteure, justifient l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Folliot, l’amendement n° 689 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Folliot. Oui, je le maintiens, ne serait-ce que pour cette simple et bonne raison : qu’on le veuille ou non, ces seuils existent toujours !
Je veux donner encore un exemple de cette obligation de fusionner les intercommunalités qu’on en a tiré. J’étais président d’une intercommunalité qui fonctionnait très bien, mais qui avait un défaut aux yeux de la loi : elle n’avait que 3 500 habitants. Eh bien, nous avons été obligés de fusionner avec une autre intercommunalité pour en créer une nouvelle, de 12 000 habitants. Certes, cela entre dans le cadre de la loi, mais il faut quarante-cinq minutes au maire du Masnau-Massuguiès pour se rendre en voiture au siège de la nouvelle communauté de communes, pour chaque réunion de l’intercommunalité ! C’est juste impossible !
Ce que certains subissent déjà, il n’est pas tout à fait logique de l’imposer à d’autres. Plus il y aura de liberté et plus nous reviendrons sur les excès d’une loi que nous sommes presque unanimes à condamner en la matière, mieux ce sera pour nos territoires !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Nous savons gré au Sénat d’avoir abaissé à 5 000 habitants ce seuil qui s’impose aux intercommunalités. Toutefois, qu’adviendra-t-il le jour où une communauté de communes qui compte actuellement 5 050 habitants passera sous le seuil des 5 000 habitants – toutes les régions de France ne connaissent pas des augmentations de population –, pour n’atteindre plus que 4 950 habitants ? Que fera le préfet ? On n’a pas prévu un tel cas !
C’est pourquoi je suis complètement d’accord avec mon voisin et ami Philippe Folliot : c’est le genre de stupidité qu’il faut vraiment faire sauter, pour libérer les territoires ruraux. N’oublions pas que certains d’entre eux, en France, n’ont que cinq habitants au kilomètre carré !
Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous n’allons pas refaire ici les nombreux débats de la loi NOTRe, avec sa volonté exprimée à l’époque de fixer des seuils. On était très loin de la différenciation : il fallait les fixer et, après seulement, trouver quelques exceptions pour que chacun puisse quand même retrouver ses petits et rentrer dans son département sans trop de violence.
Nous voterons bien évidemment cet amendement. Je veux simplement souligner qu’on est parfois beaucoup plus prompt ici à prôner la différenciation pour l’adaptation de certaines lois et de certaines normes que pour d’autres. La question des seuils et de la constitution des intercommunalités nous ramène à des débats passés, quoique passionnants. En fin de compte, il n’est de seuil pertinent que celui qui est vécu et partagé par ceux qui constituent une intercommunalité.
Je me rappelle que, quand ces seuils ont été institués, le Sénat avait tout fait pour les abaisser le plus possible par rapport au texte initial ; il n’en demeure pas moins que des difficultés continuent de se produire, parce qu’on ne peut pas tout anticiper. C’est pourquoi on en arrive aux situations qui viennent d’être décrites.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je pense que le seuil de 5 000 habitants qui avait été retenu par le Sénat est très bon. Je veux en remercier Mme la ministre. Ma communauté de communes compte un peu plus de 5 000 habitants ; si nous avions dû fusionner avec l’agglomération de Tulle, nous aurions été à plus de cinquante-cinq kilomètres de la ville centre.
Il faut absolument conserver ces intercommunalités où les petites communes se retrouvent et où on a une gestion de proximité. Bien sûr, les revenus sont modestes et ce n’est pas facile quand il faut réaliser des implantations, mais les élus veulent de la proximité.
Adopter cet amendement pourrait être utile pour apporter davantage de souplesse et pour que, comme Alain Marc l’a évoqué, il n’y ait pas de remise en cause d’une communauté de communes qui descendrait un peu en dessous de 5 000 habitants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Cet amendement inaugure bien les travaux que nous entamons aujourd’hui autour de ce projet de loi 4D. Nous devons déterminer si, oui ou non, nous allons procéder à une redéfinition des libertés locales. Il me semble que, sur beaucoup de sujets dont nous aurons à débattre tout au long de l’examen de ce texte, c’est bien ce curseur qui importera.
M. Philippe Pemezec. Eh oui !
M. Jean-Michel Arnaud. Nous aurons un débat sur la liberté locale en matière de choix de compétences, notamment pour l’eau et l’assainissement. J’ai cru comprendre que le Gouvernement allait demander en la matière le retrait des propositions de la majorité sénatoriale, qui me semblent d’ailleurs rassembler un grand nombre des groupes de notre assemblée.
Ce qui est demandé aujourd’hui à travers cet amendement de M. Folliot, c’est de recréer de la souplesse, mais aussi une certaine adhésion à un pacte intercommunal de la part des communes membres, qui doivent choisir la manière dont elles souhaitent s’organiser territorialement. Or pour celles et ceux qui ont vécu l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale – j’en étais ! –, la question de la cohérence des espaces de vie intercommunale était largement au second rang par rapport à l’objectif de respect des seuils démographiques.
On se retrouve ainsi, dans certains secteurs, avec des intercommunalités de 64, 65, voire 66 communes ; dans de telles circonstances, les communes les plus modestes et les maires qui les représentent se trouvent complètement exclus du projet intercommunal. Rappelons, pour la forme, que l’intercommunalité est au service de ses communes membres, et non l’inverse !
Il me paraît donc indispensable, si l’on veut sauvegarder durablement l’intérêt des intercommunalités pour nos territoires, intérêt bien réel dans certains domaines, de conserver cette liberté locale. C’est la raison pour laquelle je voterai, de manière très engagée, en faveur de l’amendement déposé par notre collègue Folliot.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis une rurale, comme vous. Il faut quand même relativiser les choses. Rappelons que c’est la loi de 2010 qui a rendu obligatoire l’appartenance à une intercommunalité. On peut toujours faire la critique des voisins, de ceux d’avant et de ceux d’encore avant, mais il n’en reste pas moins qu’une logique s’est installée sous des majorités différentes.
Quant à ce seuil, j’ai consulté les chiffres : en France, il y a quatre intercommunalités dont la population est inférieure à 5 000 habitants. Eh bien, personne n’est venu les embêter ni nous poser de questions ! On trouve également 340 intercommunalités dont la population est comprise entre 5 000 et 15 000 habitants. Franchement, revenir sur ce seuil de 5 000 habitants déclencherait un petit séisme dans l’intercommunalité qui n’a pas vraiment d’intérêt.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Encore une fois, le sujet dont il est question illustre un vrai malaise. Je l’entends, et je considère qu’il y a eu dans la loi NOTRe beaucoup d’égarements théoriques.
Certes, nous pouvons renverser la table de manière considérable, en changeant des seuils, ou en les supprimant, ce que je comprends sur le fond, mais cela aurait des conséquences. Je vous le dis très sincèrement, après en avoir discuté lors de nos auditions avec les représentants des associations d’élus.
Des situations particulières existent, comme celles qu’ont évoquées M. Folliot et d’autres encore, qu’il faut régler. Si nous pensons régler ces situations en modifiant les seuils pour l’ensemble des intercommunalités de France, nous devrons aussi le faire pour les communautés d’agglomération, voire pour les communautés urbaines et les métropoles.
Ce qui a été fait n’était sans doute pas ce que les élus locaux souhaitaient, ce n’était pas génial – ne revenons pas là-dessus, je partage leur sentiment –, mais ils ont mis trois ans à s’organiser et considèrent aujourd’hui que l’urgence est plutôt, comme nous l’avons dit précédemment, de rendre des services aux citoyens. Si l’on devait à nouveau démonter l’architecture pour tout recommencer – cela n’est pas demandé par les associations d’élus –, on mettrait à mon sens des collectivités et des groupements de communes en difficulté. Reste qu’il est très important, madame la ministre, qu’un dialogue soit mené avec le préfet de manière à assurer un traitement particulier des situations qui conduisent à des blocages.
Nous allons introduire des possibilités de délégation et de territorialisation de compétences au sein des intercommunalités. Mme la ministre n’aime pas cette idée,…
M. le président. Il faut conclure, madame le rapporteur !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … mais les réponses aux questions sont là.
Je vous confirme donc, mes chers collègues, l’avis défavorable de la commission sur cet amendement. C’est, si je puis dire, une sagesse de raison.
Veuillez me pardonner, monsieur le président, d’avoir été un peu longue.
M. le président. Vous connaissez comme moi le nombre d’amendements que nous devons examiner ; c’est pourquoi je vous ai invitée à conclure votre propos.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je suis un peu inquiète – le mot est peut-être exagéré – de la manière dont s’engage le débat.
Voilà un texte dont tout le monde a dit dans la discussion générale qu’il était insatisfaisant, fourre-tout, sans colonne vertébrale, et j’en passe. Tout le monde veut donc y apporter ce qui nous remonte des élus locaux de partout, pour au moins améliorer des situations insatisfaisantes. Le présent amendement va dans cette direction ; c’est pourquoi nous le voterons.
Si on craint que l’adoption de cet amendement contribue à dissoudre toute l’architecture de l’intercommunalité en France, quel aveu d’échec sur ce qui a été construit ! En réalité, cela va non pas révolutionner l’organisation territoriale en France, mais simplement permettre de revenir sur des intercommunalités qui n’épousent absolument pas des bassins de vie et qui sont des constructions technocratiques. Effectivement, madame la ministre, cela ne concernera sûrement qu’un petit nombre d’entre elles, mais, verrouiller toutes les modifications possibles avant même d’aborder l’article 1er d’un texte qui veut faire de la différenciation territoriale et de la décentralisation son cœur, ce n’est pas de très bon augure pour la suite de nos débats.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Il faut quand même apporter un peu de liberté aux collectivités territoriales. Leur libre administration doit être une réalité ! Il faut bien dire que, à la suite de l’adoption de la loi NOTRe, un certain nombre de regroupements ont été opérés, quasiment d’autorité, par les préfets dans les départements, sans qu’ils correspondent aux souhaits des élus.
Il est pourtant important, si l’on veut développer la coopération intercommunale dans notre pays, que les territoires retenus soient pertinents. Or la pertinence des territoires s’affranchit bien entendu de certaines règles relatives au seuil, même si l’on s’aperçoit que peu de collectivités sont concernées par ce problème. Cela ne fait rien : il faut absolument qu’on s’affranchisse de ces seuils pour redonner aux élus la capacité de s’organiser et de décider eux-mêmes du projet qu’ils veulent construire ensemble.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je ne voudrais pas qu’on se trompe de débat. J’ai été l’un des premiers, lors du vote de la loi NOTRe, à regretter que les seuils soient ainsi définis. Là où le bât blesse, je le dis très clairement, c’est que ce que vote le législateur n’est pas toujours suivi d’effet.
Nous en avons discuté il y a quelques jours avec Mme la ministre. La loi offre la possibilité aux intercommunalités de se scinder, de définir de nouveaux périmètres, mais, il me faut malheureusement le dire franchement, trop souvent les préfets bloquent. J’imagine qu’ils agissent sur instruction, parce qu’il ne serait pas de bon ton de séparer des intercommunalités… Je connais un cas dans le département du Morbihan, mais je pourrais citer d’autres exemples pour étayer mon propos.
Je veux le dire très solennellement : si les textes que nous votons ici ne sont pas suivis d’effet, alors il ne faut pas s’étonner qu’on en arrive à des abus, ce qui ne peut qu’inciter nos collègues à déposer des amendements comme celui-ci.
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Faites-nous confiance, mes chers collègues : comme nous l’avons fait avec la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, nous pointerons du doigt chaque cas qui se présentera à nous et nous le ferons émerger. On ne peut pas continuer de demander au législateur de voter des lois, pour, ensuite, si la loi adoptée ne va pas dans le sens choisi par l’État, s’asseoir dessus !
Je veux le dire avec fermeté, car il me semble que le type de débat que nous avons aujourd’hui naît du fait que l’on n’applique pas les textes que nous avons adoptés. On débattra demain des compétences « eau » et « assainissement », où on fait face à peu près au même problème : à un moment donné, on n’entend pas les situations des territoires, on ne leur laisse pas suffisamment de liberté.
Cela dit, je rejoins l’avis défavorable de ma collègue rapporteur.
M. Jean-Michel Arnaud. C’était un avis de sagesse !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Non, mon cher collègue, j’ai dit que notre avis défavorable était une sagesse de raison !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Le débat que nous avons n’est pas nécessairement le bon, mais il me semble que nous devons être très vigilants pour que ce que vote le législateur soit suivi d’effet après la promulgation du texte.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. J’entends tout ce qui a été dit sur les libertés locales ; nous partageons tous une grande partie de ces propos. Cela étant, la liberté locale, pour quoi faire ? L’intercommunalité est un espace de coopération pour porter un projet de développement local ; voilà à quoi elle sert !
Je rappellerai simplement, comme d’autres avant moi, que, depuis quinze ans, des seuils différents ont été fixés : d’abord, 5 000 habitants, dans la loi RCT ; ensuite, 15 000 habitants, dans la loi NOTRe. Pourquoi ces seuils ont-ils été fixés ? Il faut tout simplement se souvenir de la période antérieure : certaines intercommunalités, quand bien même elles correspondaient à un bassin de vie, étaient trop petites pour mener une quelconque politique publique, parce qu’elles n’en avaient pas les moyens.
On peut concevoir l’intercommunalité de deux façons : selon un mode identitaire, où chacun réclame sa place, ou comme un mode de coopération, pour lequel il est important de délivrer des politiques publiques aux citoyens. Tel est bien l’objectif des intercommunalités !
Pour prolonger les propos des rapporteurs, je veux rappeler qu’il existe déjà des possibilités de dérogation. Toutes les intercommunalités n’ont pas une population supérieure au seuil de 15 000 habitants : c’est le cas de trois communautés de communes de mon département, qui remplissaient déjà certains critères dérogatoires.
En outre, les intercommunalités qui le souhaitent ont la possibilité de se démarier. Certes, on peut regretter que cette faculté ne soit pas très utilisée : à ma connaissance, sur les 1 253 EPCI français, seuls trois démariages sont en cours. Il n’en reste pas moins que cette faculté existe.
M. le président. L’amendement n° 331, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur assurer le bénéfice de ressources propres et ainsi leur permettre la mise en œuvre réelle de leur libre administration.
De plus, la compensation intégrale des transferts de compétences de l’État, vers les collectivités territoriales, ou entre elles, doit être réellement assurée.
Par ailleurs, toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi.
La parole est à Mme Céline Brulin.