Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oh !
M. Éric Kerrouche. … mais il n’en est rien : c’est aussi par la multiplication des outils que nous sortirons d’une démocratie à éclipses, qui fait exploser l’abstention électorale, pour aller vers une démocratie continue, qui permette à chacun de prendre de nouveau part à la délibération collective.
Nous déterminerons le sens de notre vote sur l’ensemble du texte en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quarante ans, le 27 juillet 1981, Gaston Defferre disait aux représentants de la Nation : « ouvrons les yeux, regardons autour de nous. En quelques années, tout a changé […]. Partout, un nouveau droit a été reconnu. Partout, pour y parvenir, la décentralisation est devenue la règle de vie ; partout, sauf en France. » Or, cinquante ans plus tard, pour beaucoup d’élus, ces mots résonnent toujours avec force, car notre pays a conservé, en matière de décentralisation, plusieurs trains de retard sur ses voisins. Cela constitue, à mes yeux, une des raisons majeures de son incapacité à se réformer.
Ce texte marque-t-il une avancée ? La réponse est apportée par le Conseil d’État : « Les mesures qu’il comporte sont d’ampleur limitée en matière de décentralisation. » C’est là le malentendu majeur entre ce gouvernement et ceux qui attendaient, comme en 1982 ou 2004, qu’on ouvrît un nouveau cycle de décentralisation grâce à un transfert substantiel de nouvelles compétences vers les collectivités, accompagné des moyens financiers et humains correspondants.
Ce projet de loi est, après la loi Engagement et proximité, au mieux un nouveau volet de la réforme territoriale portant sur l’organisation des collectivités, au pire un second volet de la loi Accélération et simplification de l’action publique, un ASAP bis, en quelque sorte. Non, ce n’est pas une loi de décentralisation, et la France conservera bien plusieurs trains de retard sur ses voisins !
Vous n’avez même pas osé, après y avoir pensé, décentraliser une médecine scolaire sinistrée au profit des départements, qui ont pourtant fait leurs preuves en matière de PMI. Vous avez reculé au premier grognement des syndicats. Heureusement que Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin n’en firent pas autant en 2004.
Sur le transfert des gestionnaires des collèges et lycées, la mesure que vous nous proposiez était en deçà de l’attente des collectivités. Là aussi, vous avez cédé aux corporatismes syndicaux.
Nos rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, que je salue chaleureusement, vous invitent désormais à préciser vos intentions et à mettre un terme à une curieuse incongruité, où des fonctionnaires d’État commandent encore à des fonctionnaires territoriaux, comme s’il y avait une hiérarchie de noblesse des fonctions publiques dans ce pays.
Sur la différenciation, les dispositions que vous portez sont également très modestes. On est loin de l’attente de certains territoires, comme le mien, en la matière. Heureusement, les rapporteurs nous proposent un transfert à la carte des compétences sur les territoires intercommunaux ou le rétablissement du critère de l’intérêt communautaire, autorisant l’agilité tant réclamée pour s’adapter à la réalité très diverse des EPCI. De même, j’ai apprécié la réécriture par nos rapporteurs des passages sur la différenciation.
Madame la ministre, vous nous dites que ce projet de loi répond aux attentes des élus. Effectivement, les maires, les élus départementaux et régionaux plaident, presque à l’unisson, pour ne pas subir un nouveau big-bang territorial. Pour autant, tout en entendant la demande de stabilité des élus locaux, vous aviez la possibilité d’aller plus loin et de donner un souffle nouveau à l’action publique. Pour vous y aider, le Sénat avait formulé, dès 2019, 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales. Vous en avez fort peu tenu compte.
Voilà presque un an jour pour jour, au lendemain des élections municipales, le président Larcher nous rappelait qu’il existait un lien entre abstention et absence de décentralisation. Ce constat résonne plus fort encore aujourd’hui. Nos concitoyens ont en effet compris que le pouvoir reste concentré à Paris, pour ne pas dire à l’Élysée. Ailleurs, il demeure émietté, atomisé, contrôlé, d’où le retrait des électeurs. Pourtant, il existe en Europe des pays où la participation électorale est aussi forte aux élections locales qu’aux élections nationales. Ce sont des pays profondément décentralisés.
Chez nous aussi, les territoires et les besoins de ceux qui les habitent sont pluriels. Ignorer cela en uniformisant l’action des collectivités territoriales, c’est aggraver l’éloignement des citoyens de l’action publique ; c’est alimenter à leur encontre ce sentiment d’impuissance et de défiance.
À force de retarder la libération des énergies territoriales et d’entraver les libertés locales, à force de reprendre d’une main, celle, toujours suspicieuse, de l’administration, ce que le pouvoir central fut obligé de concéder de l’autre, notre pays s’enlise dans un lourd et désuet jacobinisme, meilleur rempart des conservatismes, qui ne se trouvent pas toujours là où on le croit. Il est donc temps de rompre avec ce carcan. Ce quinquennat a, hélas, sur ce point échoué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la démarche du Gouvernement sur laquelle nous allons délibérer est d’adapter, de moderniser et de prendre en compte la diversité des territoires. Tous les orateurs ont exprimé cette vérité, que nous partageons, qu’il n’était pas souhaité de grandes transformations de nos structures locales.
Parmi les talents parlementaires, il y a celui du commentaire, et il y a aussi celui de la proposition. Comme c’est plutôt logique dans une discussion générale, nous avons entendu une variété de commentaires, dans lesquels revenaient très souvent les mots « ambition » ou « souffle », mais, dans quelques minutes, nous allons passer aux propositions et, ainsi, revenir à un dialogue beaucoup plus équilibré. En effet, il y a dans ce texte beaucoup de dispositifs qui donnent prise à un travail de proposition, d’ajustement, d’amélioration. Il me semble que c’est bien l’une des missions principales du Sénat, que nous exerçons, il faut le dire, avec intérêt et même parfois avec plaisir, toutes les perversités étant dans la nature. (Sourires.)
Je crois vraiment que nous allons faire un travail utile sur plusieurs champs de la décentralisation, que ce soit pour faciliter la participation des citoyens ou en matière de transport, avec un transfert négocié et adapté aux situations de routes ou de lignes ferroviaires. Je pense également à la préservation de la biodiversité, avec le rôle que peut avoir le pouvoir de police des maires dans les espaces protégés, sachant qu’ils sont les mieux préparés, avec leur personnel, pour assurer cette préservation.
Le projet de loi introduit aussi des éléments de coopération améliorée entre les niveaux de collectivités. Je cite à cet égard, parce que je pense que c’est une excellente idée, la contribution, qui devient maintenant la règle, du département à la préparation des programmes locaux de l’habitat. Pour ces projets, les grandes agglomérations disposent de l’ingénierie. Or c’est aussi un besoin dans les zones rurales ou les petites villes, qui ne disposent pas des compétences nécessaires pour réaliser un tel document, avec toutes ses composantes et toutes ses implications. Dans ces cas-là, la contribution du département va être précieuse.
De même, confier aux départements le rôle d’opérateur dans la réalisation des opérations d’habitat inclusif, qui est une intervention très utile en matière de solidarité concrète dans logement, me semble une bonne chose. À la différence d’autres, je ne vois pas la nuance négative à qualifier une collectivité d’opérateur d’une politique publique.
Enfin, ce texte propose une flexibilisation nécessaire de la loi SRU – je remercie à cet égard Mme Estrosi Sassone de sa contribution –, qui, j’en suis sûr, sera largement partagée et soutenue dans cette assemblée.
Il m’apparaît donc que nous allons sortir assez rapidement – c’est une question de minutes – de ce contraste entre des proclamations, pour certaines franchement critiques, ou appelant à des jours meilleurs, chacun ayant en tête un agenda politique, et une approche concrète d’amélioration de notre législation sur beaucoup de sujets. J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail des commissions.
Nous entrons maintenant dans un débat où se manifestera une volonté partagée de partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. Il y aura des divergences, mais aussi beaucoup de complémentarité, et je me réjouis que nous puissions contribuer ensemble à améliorer la décentralisation dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en trente ans, de la loi ATR de 1992, qui a créé les intercommunalités à fiscalité propre, en passant par la loi NOTRe de 2015, une succession de textes législatifs a transformé en profondeur l’organisation territoriale de notre République. Certains étaient nécessaires et ont permis d’adapter l’organisation territoriale aux évolutions de la société. D’autres, en décalage avec les réalités du terrain, ont complexifié et finalement pénalisé l’action locale.
Alors, quels sont aujourd’hui les besoins des territoires ?
Sur le terrain, je le répète après d’autres, les élus n’attendent pas de nouveaux bouleversements. Ils ont désormais besoin de visibilité, j’y insiste, institutionnelle et financière. Cependant, dans ce cadre, ils attendent tout de même certaines évolutions pour faciliter, d’une part, leurs initiatives en matière de développement local et, d’autre part, leur tâche au quotidien. Et cela passe tout d’abord par une politique de la différenciation ! Tous les territoires ne sont pas identiques, et des règles appliquées partout, de façon uniforme, constituent un frein aux dynamiques locales.
Le bon sens veut que les règles s’adaptent aux réalités des territoires, et non l’inverse. C’est pourquoi, madame la ministre, l’inscription de la différenciation dans ce projet de loi est une avancée majeure que nous saluons. Le transfert des routes nationales, appliqué uniquement dans les départements volontaires, s’inscrit dans cette logique.
Mais la différenciation doit irriguer les territoires bien au-delà du texte qui nous est présenté. Par exemple, c’est un sujet qui me tient à cœur, les secteurs ruraux en perte d’habitants doivent pouvoir relever le défi de leur reconquête démographique grâce à une application différenciée des mesures de lutte contre l’artificialisation des sols. C’est vital pour eux ! Nous aurons l’occasion d’en reparler.
La simplification s’impose aussi à nous. Au fil du temps, les procédures et les normes se sont multipliées et complexifiées, créant autant d’obstacles à la bonne marche des territoires, et, de surcroît, des inégalités entre les grandes collectivités, qui disposent de services administratifs et juridiques étoffés, et les petites communes, qui se trouvent démunies et pénalisées dans leurs projets.
Il est temps de stopper cette fuite en avant de la complexification. Au-delà des mesures prévues dans ce texte, comme les échanges de données ou encore l’acquisition des biens sans maître ou en état d’abandon, ne ratons pas l’occasion d’inscrire dans notre droit une ambition forte de simplification massive, qui doit se concrétiser dans de nombreuses procédures administratives.
La déconcentration doit devenir une réalité pour renforcer l’efficacité de l’action de l’État dans la proximité. Les réformes successives des services de l’État se sont accompagnées d’un désengagement, particulièrement marqué dans le secteur rural, où la présence de l’État est pourtant cruciale, et d’un affaiblissement de l’État à l’échelle départementale au bénéfice d’une concentration au niveau régional.
Plusieurs mesures du texte que nous allons examiner vont dans le bon sens sur cette question, mais tout ne peut pas être réglé par la loi non plus. C’est une ligne de conduite continue qu’il faut adopter en faveur de la déconcentration afin que l’État réinvestisse les territoires au plus près des citoyens. Dans ce cadre, il est important de renforcer les prérogatives du préfet de département, mais cela ne suffit pas.
Enfin, j’en viens à la décentralisation. Les compétences que vous proposez d’accorder aux départements en matière de santé, de transition écologique ou d’habitat inclusif sont bienvenues. Cependant, il convient aussi d’introduire davantage de souplesse et de créer des passerelles entre les compétences de chaque niveau de collectivités, afin de faciliter la réalisation des projets. L’article 3, conforté par la commission grâce à plusieurs amendements, vise à répondre à cette préoccupation, notamment au travers de la délégation de compétences entre collectivités. Je pense néanmoins que des améliorations peuvent être apportées pour agir au meilleur niveau d’efficacité en fonction des situations locales.
Nous saluons, bien sûr, la réforme de la gouvernance des ARS, même si je considère qu’une réforme de plus grande ampleur serait nécessaire, avec notamment le renforcement des prérogatives à l’échelon départemental.
Madame la ministre, je veux dire un mot sur les contrats de cohésion territoriale. J’insiste sur l’importance de conserver, à côté des outils financiers contractualisés, la souplesse de la DETR, qui permet de répondre annuellement aux besoins des communes. En d’autres termes, et pour être bien clair, elle ne doit pas être complètement absorbée par les contrats de cohésion territoriale, ce qui pénaliserait les petites communes
Le texte que vous portez, avec la détermination que l’on vous connaît et le réalisme d’une élue de terrain, ce qui a permis de le faire arriver jusqu’ici, contient tous les ingrédients pour répondre aux besoins des territoires dans leur diversité. Il appartient désormais au Sénat d’y apporter les évolutions qui lui semblent nécessaires pour l’améliorer. Le groupe Union Centriste entend bien y prendre sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Calvet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Calvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi 3DS traite de beaucoup de sujets différents. Je vais m’intéresser à trois d’entre eux.
Commençons par la question du transfert d’une partie des routes nationales aux régions. Lorsque le Premier ministre, à Font-Romeu, a annoncé cette mesure phare, nous nous sommes tous réjouis dans mon territoire, plus spécialement à propos de la nationale 116, véritable colonne vertébrale du département des Pyrénées-Orientales, tant nous attendons une route nationale digne de ce nom.
À l’examen du projet de loi, ce fut plutôt la douche froide. En effet, malgré les effets d’annonce, nous ne connaissons pas la liste des routes nationales concernées. La RN116 et la RN20, qui aboutissent toutes deux à Bourg-Madame, seront-elles incluses dans l’expérimentation ? La prudence est de mise, vu les renoncements précédents de l’État, d’autant que nous ne savons pas dans quelles conditions se feront ces transferts de compétences : quid du transfert de personnels, de l’entretien et, surtout, des compensations financières ?
C’est aujourd’hui que nous avons besoin d’obtenir des précisions, car il est bien connu que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Nous en savons malheureusement quelque chose en ce qui concerne notre nationale 116. Pourtant, l’enjeu est prioritaire pour le développement et le désengorgement des régions.
Je remarque par ailleurs que le projet de loi prévoit des conventions État-région, d’une durée de cinq ans, que la commission des lois a eu la bonne idée de porter à huit ans.
J’en viens maintenant au chapitre de la coopération transfrontalière. Là, il y a vraiment de quoi être déçu. Nous nous retrouvons avec presque rien, ce qui est très décevant pour un pays comme le nôtre, qui partage 2 913 kilomètres de frontières terrestres en métropole avec ses huit États voisins.
Certes, des accords-cadres bilatéraux spécifiques sont régulièrement signés, par exemple l’accord de coopération sanitaire transfrontalier franco-espagnol de 2014. Certes, les différents sommets qui ont lieu tous les deux ans permettent des ajustements et de régler un certain nombre de problèmes pratiques, tels que l’accélération des formalités en vue de l’agrément des médecins pour l’exercice à l’hôpital franco-espagnol transfrontalier. Mais, en ce qui concerne la coopération entre les collectivités territoriales de régions frontalières, il a fallu l’adoption par la commission des lois d’un amendement tendant à conférer à l’ensemble des départements frontaliers les prérogatives octroyées à la Collectivité européenne d’Alsace. C’est indéniablement un progrès, tout du moins si cette disposition est maintenue.
Dans le cas de la coopération transfrontalière entre la France et le Royaume d’Espagne, on aurait pu s’appuyer sur le traité de Bayonne de 1995, qui porte justement sur la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales. Chez nous, nous avons créé des équipements communs utiles à tous les habitants du même bassin de vie : l’hôpital européen transfrontalier de Cerdagne, une station d’épuration des eaux, un abattoir. Nous pourrions aller beaucoup plus loin, notamment en matière de coopération universitaire.
Pour finir, j’en viens aux dispositions aménageant la loi SRU. Ici, les avancées sont réelles, et elles sont dues à Mmes Estrosi Sassone et Létard, qui, dans leur excellent rapport, ont identifié les particularités locales qui empêchent certaines collectivités d’honorer leurs obligations. Il s’agit des communes touristiques, qui se trouvent très souvent confrontées à une transformation massive de leurs nombreuses résidences secondaires en résidences principales. C’est le cas de Canet-en-Roussillon, par exemple, ou aussi du Barcarès, qui doit son existence à la volonté de l’État, à l’époque de la mission Racine.
La commission a donc décidé d’introduire de la souplesse là où il n’y en a pas, notamment en adaptant les contrats de mixité, qu’elle porte à six ans, et en introduisant la possibilité pour les communes soumises au rattrapage de recourir à la mutualisation des objectifs à l’échelle intercommunale. Il s’agit principalement de permettre aux communes de tenir des objectifs réalistes, compte tenu des spécificités du terrain, sans être injustement et inutilement pénalisées. J’espère toutefois que ces améliorations seront maintenues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs des groupes qui se sont exprimés. Je les ai bien sûr écoutés très attentivement.
Monsieur Marie, vous avez regretté que le texte passe de 83 à 158 articles. Je dois dire que nous devons cette augmentation à l’excellent travail constructif du Sénat. Aujourd’hui, nous sommes en séance publique, mais, vous le savez, ce travail a commencé bien en amont : les commissions ont travaillé chacune sur des parties du texte, la commission des lois ayant réalisé la plus grande part du travail.
Parmi les 158 articles, certains faisaient déjà partie du texte initial, même s’ils ont pu être modifiés, d’autres sont nouveaux. Comme certains ont l’impression que rien ne bouge de la part du Gouvernement, sachez que nous proposerons de maintenir 100 articles issus des commissions, sans les modifier de nouveau, ce qui montre l’étendue du travail de préparation que nous avons fait avec l’ensemble des acteurs du Sénat. Nous souhaitons en rectifier 30 – je dis bien « rectifier » –, pour les améliorer. Restent 28 articles avec lesquels nous ne sommes pas en accord. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cinquante amendements de séance, ce qui n’est pas énorme, vous devez en convenir.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mais c’est lourd !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je termine avec le document que Philippe Bas a brandi et qui contient les 50 propositions du Sénat. (M. Philippe Bas brandit de nouveau le document.)
Il faut savoir, cher Philippe Bas, qu’il y avait déjà nombre de ces propositions dans le projet de loi initial et que nous sommes encore en discussion sur une quinzaine d’entre elles. Nous arriverons peut-être – qui sait ? – à ce que la moitié de ces 50 propositions figure dans le texte final. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
Article additionnel avant le titre Ier
M. le président. L’amendement n° 260 rectifié, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre Ier : la différenciation territoriale
Insérer un article ainsi rédigé :
Avant le livre Ier de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 3111-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-… – La République reconnaît les départements comme division territoriale fondamentale, inhérente à l’organisation administrative et politique française et nécessaire à son bon fonctionnement, notamment par leurs compétences en matière de solidarités et leur soutien aux communes. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre préliminaire
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons inscrire le département comme une division administrative française indispensable au cœur d’une République décentralisée.
Ces dernières années, le département a été fortement malmené, parfois fragilisé, voire menacé dans son existence. Il convient donc de réaffirmer toute la place et tout le rôle de cette collectivité des solidarités, non seulement sociales, mais également territoriales.
Le département a fait la démonstration de son efficacité, notamment dans la gestion de la crise sanitaire. C’est à cela que nous souhaitons nous attacher en défendant cet amendement, ainsi que d’autres qui suivront.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je note que cet amendement est une déclaration d’affection profonde au département, que nous partageons tous ici. En revanche, sa portée normative n’est pas à la hauteur de cette affection. Sans doute retrouverons-nous des manifestations de ce sentiment dans d’autres amendements plus opérationnels, mais, ici, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que celles développées par Mme la rapporteure.
Je rappelle que les départements sont inscrits à l’article 72 de la Constitution. Je ne vois donc pas l’utilité d’adopter un tel amendement. En outre, madame Cukierman, cette majorité n’a pas l’intention de faire disparaître les départements.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens à rassurer chacune et chacun ici, je ne fais pas partie de ceux qui mélangent l’affect et la politique.
M. Jérôme Bascher. C’est un tort !
Mme Cécile Cukierman. Vous dites que cet amendement est déclaratif et pas normatif, mais, au-delà de la déclaration, il vise à réaffirmer un principe.
Madame la ministre, j’en conviens, d’ici à la fin du quinquennat, les départements ne seront pas supprimés… Je me rappelle cependant les propos d’un certain candidat, devenu ensuite Président de la République, qui laissaient tout de même sous-entendre bien autre chose. Comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois !
Certes, cette majorité n’a pas supprimé les départements, mais nous resterons vigilants. La majorité précédente ne les avait pas supprimés non plus, mais quand on ne leur donne pas les moyens, on les affaiblit au point d’en faire des coquilles vides, ce qui a parfois des conséquences non négligeables. Cela aggrave notamment la fracture démocratique. Nous en avons la traduction avec l’abstention qui augmente élection après élection.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Même si le département est déjà inscrit dans la Constitution, réaffirmer son rôle capital pour le milieu rural, je trouve ça pas mal. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 260 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
LA DIFFÉRENCIATION TERRITORIALE
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 130 rectifié, présenté par MM. Sautarel, Rapin et C. Vial, Mmes Raimond-Pavero et Drexler, M. Mandelli, Mmes Schalck, Belrhiti, Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Burgoa, Courtial, Tabarot, Sido et Gremillet, Mmes Gosselin et Chain-Larché, M. Cuypers, Mmes Imbert et Joseph et MM. Genet, Bouchet et H. Leroy, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :
« Titre préliminaire
« Art. L. 100-…. – Le principe de libre administration confère aux collectivités territoriales la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et l’autonomie financière. »
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement a pour objet de réaffirmer le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il vise à desserrer les contraintes en rendant aux collectivités la maîtrise de leurs compétences et en refondant leur autonomie financière. L’enjeu n’est autre que de libérer les énergies locales et les initiatives en faisant confiance aux élus locaux, responsables et engagés.
La portée du principe de libre administration doit juridiquement être appréciée de manière différente de celle du principe de libre organisation des collectivités territoriales. Le premier principe confère aux collectivités la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et l’autonomie financière, les limites de ces libertés étant la protection des droits fondamentaux, les libertés publiques et le respect du principe d’égalité.
Avec cet amendement, nous voulons substituer une décentralisation politique à une décentralisation trop souvent administrative.