M. le président. L’amendement n° 796 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 100-4 du code de l’énergie est complété par deux paragraphes ainsi rédigés :
« … – Les sociétés de gestion de portefeuille définies à l’article L. 532-9 du code monétaire et financier et les établissements de crédit et les sociétés de financement définis à l’article L. 511-1 du même code mesurent chaque année les émissions de gaz à effet de serre dont sont responsables leurs actifs détenus dans les entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures et du charbon et rendent cette information publique. À compter du 1er janvier 2022, elles réduisent progressivement la part de leurs actifs détenus dans les entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures et du charbon pour la porter à zéro d’ici à 2027.
« … – À partir du 1er janvier 2022, les sociétés de gestion de portefeuille définies à l’article L. 532-9 du code monétaire et financier et les établissements de crédit et les sociétés de financement définis à l’article L. 511-1 du même code ne peuvent plus détenir d’actifs dans les entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures et du charbon. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à organiser le désengagement des énergies fossiles de la part des investisseurs.
Selon Oxfam, les crédits accordés par les grandes banques françaises aux seules entreprises actives dans le secteur du pétrole et du gaz représenteraient plus de 40 % des émissions de CO2 de leurs portefeuilles de crédits aux entreprises.
Cet amendement vise à obliger les établissements de crédit et les sociétés de gestion de portefeuille à mesurer les émissions de gaz à effet de serre dont sont responsables leurs investissements dans les entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures et de charbon, et à mettre fin à de tels investissements d’ici au 1er janvier 2027.
La France a signé l’accord de Paris, mais elle ne respecte pas ses engagements. Le c du 1° de l’article 2 de cet accord prévoit de « rend[re] les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ».
Las ! les banques françaises ont financé les énergies fossiles pour 295 milliards de dollars depuis la signature de l’accord. Encore plus surprenant, alors que la récession suscitée par la pandémie a entraîné une baisse de près de 9 % des financements aux énergies fossiles à l’échelon international, les banques françaises – nos banques –, elles, ont accru leurs financements en ce domaine, en moyenne, de 19 % par an entre 2016 et 2020 !
Face à cette contradiction, nous souhaitons rappeler que la transition écologique ne pourra s’opérer par la seule bonne volonté affichée des principaux acteurs financiers. Par sa permissivité, le cadre réglementaire actuel, qui organise l’absence de régulation, favorise les banques qui financent les énergies brunes au détriment des acteurs les plus exemplaires. Il est donc temps d’obliger les acteurs financiers à désinvestir dans les énergies fossiles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’évolution proposée par les auteurs de l’amendement est satisfaite.
Dans le cadre de la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat, c’est la commission des affaires économiques du Sénat qui a fait adopter le principe selon lequel les sociétés de gestion de portefeuille conçoivent et rendent publique une information sur les risques liés au changement climatique et à la biodiversité.
Elles doivent y retracer toute leur stratégie d’investissement, les moyens pour y parvenir, les critères et les méthodologies, ainsi que les droits de vote. Doivent notamment y figurer les investissements de ces sociétés qui contribuent à l’atteinte de nos engagements climatiques.
Par ailleurs, le dispositif va bien plus loin que les seules sociétés de gestion puisque sont également visés les organismes mutualistes ou de sécurité sociale.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Les prestataires de services financiers que vise cet amendement devront publier, au titre de l’article 29 de la loi relative à l’énergie et au climat et de son décret d’application, paru récemment, ainsi que du droit européen, la part de leur encours alignée sur les énergies fossiles.
Cet amendement doublonne donc des exigences qui sont déjà prévues par le droit.
Ces mêmes acteurs de marché devront publier également d’importantes informations relatives à leur stratégie d’alignement sur les objectifs de température de l’accord de Paris : la mesure de l’exposition de leur portefeuille, la manière dont leur politique d’engagement et de vote répond à ces objectifs, ainsi que les mesures correctrices mises en place.
De telles exigences viennent compléter un droit européen en cours de développement, qui est déjà ambitieux, et permettent de positionner la place de Paris comme pionnière en termes d’alignement sur l’accord de Paris.
La taxonomie européenne va en effet contraindre les établissements bancaires, par exemple, à publier la part de leur encours ou de leur bilan alignée sur la neutralité carbone dès 2022.
Enfin, les mesures mises en œuvre dans le cadre de l’engagement de la place de Paris sur le climat répondent également à votre objectif, madame la sénatrice, puisque l’ensemble des acteurs du marché doivent ainsi publier et rendre publique une politique de désengagement financier du charbon visant à une sortie à l’horizon de 2030 dans l’Union européenne et les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et à l’horizon de 2040 dans le reste du monde, en ligne avec les recommandations du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
C’est donc tout un cadre de recevabilité qui est en train de se mettre en place aux niveaux national et européen afin que les acteurs du marché français se désengagent des énergies fossiles, tout en accompagnant la transition énergétique en conformité avec les objectifs de l’accord de Paris.
Cet amendement me semble donc satisfait, c’est pourquoi j’en demande le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne pense pas que cet amendement soit satisfait. Peut-être me suis-je mal exprimée ou n’ai-je pas assez développé mes arguments, mais il ne s’agit pas uniquement de publier des informations – cela, tout le monde peut le faire !
Dans l’article que je propose, une trajectoire est imposée. Peu importe donc que les informations soient rendues publiques, ce qui est fondamental c’est qu’à compter du 1er janvier 2022 les entreprises financières réduisent « progressivement la part de leurs actifs détenus dans les entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures et du charbon pour la porter à zéro d’ici à 2027 ». J’ai évoqué l’horizon de 2027 dans la présentation de mon amendement.
Ce que je souhaite, c’est qu’« à partir du 1er janvier 2022, les sociétés de gestion de portefeuille définies à l’article L. 532-9 du code monétaire et financier […] ne peuvent plus détenir d’actifs dans les entreprises se livrant à des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures et du charbon ». Il s’agit non pas de déclarer des chiffres, mais bien de suivre une trajectoire alignée sur l’accord de Paris.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 796 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 21 bis (nouveau)
Au premier alinéa de l’article L. 341-6 du code forestier, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « , dans un espace mentionné à l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme ». – (Adopté.)
Chapitre IV
Favoriser les énergies renouvelables
Articles additionnels avant l’article 22
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 63 rectifié est présenté par Mmes Thomas, Pluchet et Chain-Larché, MM. Burgoa et Cardoux, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre et Favreau, Mme Lassarade, M. Savary, Mmes Deromedi, Di Folco et Dumont et MM. Brisson et Babary.
L’amendement n° 822 est présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 181-3 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’autorisation environnementale ne peut être accordée pour les projets d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent, lorsqu’au moins une des communes consultées en application des articles R. 181-38 et R. 181-54-4 du présent code émet un avis défavorable. »
La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.
Mme Catherine Di Folco. Cet amendement vise à prévoir que l’implantation d’un parc éolien ne puisse se faire sans l’accord explicite de l’ensemble des communes concernées.
Les maires se sentent souvent démunis face à l’implantation d’éoliennes qui suscite de plus en plus d’opposition de la part de leurs administrés. Aujourd’hui, leur avis n’est plus que consultatif. Cela n’est pas acceptable, car ils sont aménageurs du territoire et doivent avoir un rôle décisionnel sur tout projet de construction : ils doivent définir des conditions d’installation acceptables pour les citoyens et positives pour le territoire.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 822.
M. Gérard Lahellec. L’objet de cet amendement est de renforcer le rôle des élus locaux et des populations dans tous les projets éoliens, en convergence avec ce que vient de rappeler notre collègue Catherine Di Folco.
Il faut bien reconnaître que, durant ces dernières années, voire ces dernières semaines encore, la multiplication de ces installations d’électricité a posé de sérieux problèmes. Cela engendre d’ailleurs parfois des conflits et des incompréhensions. Or la qualité des implantations dépend de la qualité de la concertation et de l’acceptation par les populations et les élus des projets en question.
L’objectif, encore une fois, est de renforcer le rôle des élus locaux dans l’implantation des éoliennes afin de rendre leur avis plus déterminant quand il s’agit d’opérer de tels choix.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ces deux amendements identiques visent à renforcer les pouvoirs de contrôle des élus locaux sur les décisions d’implantation d’éoliennes.
Je suis d’accord avec l’objectif visé ; toutefois, je vous proposerais plutôt, mes chers collègues, d’adopter l’amendement n° 860 rectifié de M. Courtial, que nous examinerons ultérieurement, qui vise à instituer un droit de veto de la commune pour l’ensemble des projets, et pas uniquement pour ceux soumis à une enquête publique.
L’amendement n° 860 rectifié me semble satisfaire l’objectif porté par ces amendements identiques de manière encore plus large et opérante.
Je propose donc à leurs auteurs de les retirer au profit de l’amendement n° 860 rectifié. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement émettra un avis défavorable.
De nombreux débats ont lieu sur la question des implantations d’éoliennes. Je suis absolument convaincue qu’il convient d’y mettre davantage de raison et un peu moins de passion. Il est impossible de discuter sérieusement d’un sujet en se fondant sur des faits inexacts ou sur des sentiments. Le sujet est trop important, puisqu’il s’agit de notre politique énergétique globale.
Nous prenons en ce moment des mesures pour favoriser l’acceptabilité des éoliennes, car il y existait à certains endroits des problèmes de luminosité et de balisage des éoliennes. À une époque, maintenant bien révolue, les socles des éoliennes posaient également problème, car ils restaient en terre, sans obligation de les enlever. Maintenant, en cas de repowering, on enlève les socles. Il existe aussi des obligations de recyclage et d’autres mesures, à l’inverse de tout ce que l’on peut entendre dire.
Néanmoins, à certains endroits, il a pu se développer, à juste titre, un sentiment d’encerclement lié à un manque de concertation en matière d’implantation des éoliennes. Nous tirons les leçons de ces expériences pour essayer de concilier, comme il se doit, nos impératifs – j’insiste bien sur ce point – d’évolution du mix électrique et de développement de l’électricité en France, car nous avons des besoins, avec nos impératifs de préservation du patrimoine, aussi bien culturel que naturel – je pense à la biodiversité, à laquelle je suis particulièrement attachée.
Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur une méthode qui consiste à réaliser une cartographie des lieux. Je prends du temps pour répondre à ces amendements, afin de poser le cadre du débat, ce qui me permettra d’être plus rapide sur les amendements suivants. Les préfets ont reçu une circulaire en ce sens afin de déterminer précisément dans chaque département à quel endroit il est possible d’implanter des éoliennes et où il est impossible de le faire, pour des raisons variées, mais cumulatives.
Il faut évidemment qu’il y ait du vent pour implanter des éoliennes, et il ne doit pas y avoir de radars, notamment militaires. L’implantation ne doit pas créer de difficulté au niveau aérien, et il ne doit pas y avoir non plus de problème de biodiversité. Il importe, notamment, d’identifier les couloirs de migration d’oiseaux ou de faire attention à la présence de chauves-souris, car on sait que celles-ci sont très perturbées par la présence d’éoliennes. Il faut également tenir compte des éléments de patrimoine remarquables que nous souhaitons préserver.
Bref, tous ces points vont permettre d’établir une cartographie assez précise, qui sera une aide à la décision pour tout un chacun.
Nous déclinerons ensuite par région, et c’est l’objet des mesures présentées dans ce projet de loi, nos objectifs de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Pourquoi ? Tout simplement parce que la PPE fixe des objectifs par type d’énergie, mais ne définit pas du tout les moyens pour les mettre en place sur les territoires. Le problème est simple : comme le disait mon père, ce n’est pas en lançant en l’air l’alphabet que va retomber une Bible ! Il faut donc bien, à un moment, fixer une méthode pour que nous puissions respecter nos propres engagements.
Cela permettra également à chaque région de prendre sa part à l’effort collectif. C’est une programmation qui concerne notre pays tout entier, il n’y a pas de raison que certaines régions fassent une grosse part de l’effort et d’autres moins. Il est normal qu’il y ait une répartition.
Une fois que nous disposerons de cette cartographie et que nous connaîtrons les objectifs région par région, il sera plus facile de déterminer, en concertation avec les uns et les autres, les zones d’implantation d’éoliennes. Nous disposerons ainsi également d’une visibilité dans le temps. Certains de nos concitoyens n’auront alors plus ce sentiment, qu’ils peuvent ressentir, de voir pousser partout des éoliennes, sans trop comprendre pourquoi ni comment, et en se demandant jusqu’où cela va aller. Le processus sera plus clair.
Il est important, à mon sens, de donner de la visibilité, de se concerter et d’avancer. Il ne faut pas non plus oublier les aides fiscales autorisées.
Dernier point, je suis très attentive à ce que l’on puisse aussi accroître la participation citoyenne au développement des énergies renouvelables. Dans les endroits où cette participation a lieu en France, les choses fonctionnent très bien. Nos concitoyens investissent dans l’éolienne située près de chez eux et perçoivent des revenus quand celle-ci fonctionne. C’est plus intéressant que le livret A !
C’est tout cela qu’il faut développer. À ceux d’entre vous qui veulent prévoir un droit de veto des communes je dis : attention ! Aujourd’hui, seulement 20 % du territoire peut recevoir des éoliennes. C’est un problème : j’essaie d’agrandir ce périmètre car, avec un tel taux, il semble normal que certaines zones se sentent encerclées ! Il importe de trouver la bonne mesure.
Or accorder un droit de veto n’encourage pas à la concertation ni à la recherche collective de solutions. Dans certains endroits, les choses vont bien se passer, mais dans d’autres cela peut entraîner un phénomène de « Nimby » (not in my backyard) : certains seront favorables à l’électricité verte, mais pas chez eux !
Le problème que nous avons aujourd’hui avec les éoliennes se rencontrera ensuite avec les panneaux photovoltaïques et la méthanisation. Si plus personne ne veut d’éoliennes, qui voudra des centrales nucléaires qu’il faudra reconstruire pour faire face à nos besoins d’ici à trente ans ? Là aussi, il y aura des difficultés d’acceptabilité.
Il importe donc que nous nous montrions tous raisonnables et que nous essayions d’avancer. D’une manière ou d’une autre, il est toujours dangereux d’accorder un droit de veto, car cela nuit à la concertation.
Voilà pourquoi je suis défavorable aux amendements qui visent à mettre en place des droits de veto, quelle que soit leur forme. Je préfère la concertation.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Vous avez sans doute raison, madame la ministre, nous devons travailler dans la concertation sur cette problématique de l’éolien, mais on ne peut pas nier qu’il existe une saturation dans certains territoires où nous sommes confrontés à l’opposition des populations. Ce n’est pas pour cela qu’il ne faut rien faire, mais le travail doit être fait avec beaucoup de précaution.
Je ne suis pas certaine qu’il faille aller aussi loin que vous le proposez en matière de planification et de cartographie. Nous devons agir en concertation avec les territoires et les associations. (Mme la ministre renchérit.)
Il s’agit d’une question très problématique. Certes, cela ne doit pas nous empêcher d’aller vers des énergies renouvelables, mais, j’y insiste, il est essentiel de tenir compte aussi de l’acceptabilité sociale de ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. En commission, on nous avait opposé l’article 45 de la Constitution, mais ici nous allons pouvoir consacrer plus de temps à l’examen de cette question…
Le Sénat, longtemps considéré comme quelque peu jacobin, porteur d’une vision pompidolienne de la France et de la planification, est tout d’un coup saisi d’une frénésie de municipalisme libertaire ! C’est assez nouveau, mais c’est une évolution idéologique de notre assemblée qu’il importe de relever…
Mme la ministre l’a rappelé avant moi, cette logique risque de vous entraîner très loin, mes chers collègues. Si à chaque projet d’installation d’éoliennes soumis à enquête publique, on a soit un référendum, soit un droit de veto de la commune, vous n’allez plus rien faire !
Je ne voudrais pas être maire d’une commune française : plus de méthanisation, plus de routes à deux fois deux voies si la commune est uniquement traversée, plus de centrale nucléaire – mais là, ce n’est pas très grave car on est tous d’accord : c’est beaucoup trop cher pour que nous investissions dans ce type de projet ! (Sourires sur les travées du groupe GEST.)
Quoi qu’il en soit, êtes-vous sérieux ? Croyez-vous vraiment en une telle proposition ?
Oui, il y a un problème d’acceptabilité de l’éolien dans un certain nombre d’endroits, mais j’en connais d’autres dans mon département – j’ai inauguré un site il y a quelques mois – où aucun recours n’est déposé. Je connais aussi des endroits où la population est favorable au projet et où le recours est déposé par des personnes qui ne vivent pas sur place.
Mme Sophie Primas. Comme les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ?
M. Ronan Dantec. Aucun pays ne fonctionne avec des mesures de ce genre, vous le savez comme moi !
Ce type d’amendements met à terre toute la stratégie énergétique française, ce n’est pas raisonnable. Ces amendements répondent à l’air du temps : au lieu de traiter sérieusement les questions qui se posent à nous, vous déposez des amendements qui ne survivront à aucune commission mixte paritaire – nous le savons tous – pour faire plaisir à certains électeurs.
J’en reparlerai plus loin, Réseau de transport d’électricité (RTE) vient de déposer ses dossiers pour 2050 : sans l’éolien, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour explication de vote.
M. Stéphane Demilly. Au risque de déplaire à M. Dantec, je voterai l’amendement de Mme Taillé-Polian et celui qui est identique au sien. Je ne crois pas que nous parviendrons à développer une transition écologique contre les élus du territoire. On ne pourra pas non plus développer l’acceptabilité sociale des projets contre les habitants. Il faut savoir écouter les populations, c’est le rôle essentiel d’un conseil municipal.
Savez-vous que l’on peut défigurer un village avec des mâts éoliens de 60 à 140 mètres de hauteur contre l’avis d’un conseil municipal ? À côté de cela, les services de l’État font démonter une fenêtre en PVC dans une zone classée ABF, qui nécessite l’intervention d’un architecte des bâtiments de France !
Il importe de redonner un peu de pouvoir aux conseils municipaux. Je le redis, je voterai ces amendements : s’ils sont retirés, je voterai tout à l’heure celui de M. Courtial.
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour explication de vote.
M. Alain Cazabonne. J’irai dans le même sens. Il faut choisir entre la légitimité des élus et celle de quelques personnes. On ne va pas ici rejouer l’histoire des 150 citoyens qui ont une légitimité exceptionnelle parce qu’ils ont été tirés au sort !
Un maire ne va pas contre ses habitants. J’ai été maire pendant vingt-quatre ans, je n’ai jamais mené une seule opération qui allait contre le souhait de la population : en cas de différend, nous en discutions et nous dégagions une position. Mais dire aux habitants qu’ils peuvent s’opposer à ce que le maire veut décider, je trouve cela anormal… Il existe une légitimité, elle est républicaine !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je vais attaquer la question sous un autre angle. Il me semble que nous avons une programmation pluriannuelle de l’énergie et des objectifs qu’il faut essayer d’atteindre.
L’énergie éolienne, comme toute énergie, n’a pas tous les atouts. Il n’existe pas d’énergie propre, sans aucun impact. Nous sommes face à un principe de responsabilité : quelle est l’énergie qui nous apportera des bénéfices à court terme sans impact pour les générations futures ?
Une éolienne rachète son énergie grise en huit mois, aucune autre source d’énergie, aucune autre technologie, n’en fait autant, il faut le rappeler !
Tout à coup, nous assistons à une campagne de dénigrement assez incroyable contre les éoliennes. On se pose tout un tas de questions qu’on ne s’est jamais posées pour aucune autre installation ou infrastructure. On entend parler du béton. Mais nous en coulons pas mal de mètres cubes tous les ans ! Les éoliennes ne représentent que 0,5 % du béton utilisé aujourd’hui en France. C’est beaucoup de bruit pour presque rien !
Quant à leur impact magnétique ou paysager, nous sommes-nous posé toutes ces questions pour les lignes de 400 000 volts qui partent de Flamanville et qui courent sur des centaines de kilomètres ?
M. Philippe Pemezec. C’est du baratin !
M. Daniel Salmon. On est exactement ici dans une logique du « pas dans mon jardin », du « oui, mais chez les autres », et du « nous verrons plus tard ». Tout cela n’est pas sérieux !
Certains évoquent aussi la protection des oiseaux. Vous posez-vous autant de questions sur les millions d’oiseaux tués tous les jours par les voitures ? Quid des chats également ? Ils en mangent pourtant 20 millions par an ! À titre de comparaison, les éoliennes ne tuent au maximum qu’une dizaine d’oiseaux par an : un peu de raison !
On est complètement dans l’irrationnel, on surfe sur une espèce de populisme. Il faut le dire, c’est assez pitoyable !
Effectivement, on a loupé quelque chose. Pour qu’il y ait de l’acceptabilité, il faut que ce soient les citoyens, l’État ou les collectivités territoriales qui s’engagent. Ce travail n’a pas fait. Aujourd’hui, les fonds de pension arrivent. Or quand on est confronté aux fonds de pension, quand l’argent ne reste pas dans le pays, cela pose problème !
En mettant tous nos œufs dans un même panier, nous avons complètement raté l’objectif de l’éolien en France. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. Si nous avons ce débat ce soir et si ces amendements sont présentés, c’est sans doute que nous avons eu un effet de balancier beaucoup trop important, avec un développement anarchique des éoliennes, sans aucune concertation et sans que les élus locaux puissent dire leur mot sur les implantations potentielles.
Je rappelle simplement à mes collègues du groupe GEST que nous avons voté ce matin un amendement – et je suis intervenu pour qu’il soit adopté – visant à intégrer la qualité de l’eau dans les textes essentiels, au motif qu’il s’agissait d’un patrimoine commun.
Eh bien je suis désolé, mais le paysage est aussi un patrimoine commun naturel que chacun d’entre nous doit pouvoir apprécier. (M. Philippe Pemezec approuve.) Dans le Puy-de-Dôme, les éoliennes, qui sont implantées en limite du parc naturel – à l’intérieur, ce n’était heureusement pas possible –, sont visibles de partout : c’est un problème, car le paysage appartient à tous !
Nous sommes tous favorables au développement des énergies renouvelables. Il en existe qui sont beaucoup moins visibles que les éoliennes. Je ne traite pas des aspects techniques ou financiers, mais simplement de l’impact visuel. Le parc éolien mite nos paysages en raison de son développement anarchique. (M. Stéphane Demilly opine.) Il existait des zones de développement de l’éolien. Aujourd’hui, il s’agit de donner aux préfets la capacité de décider seuls. Ce n’est pas satisfaisant selon moi, comme en témoignent les débats que nous avons ce soir.