M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, sur l’article.
M. Jean-Pierre Moga. Pour compléter les propos de mon collègue Stéphane Demilly, et rappeler la ligne de crête, bien identifiée, de notre groupe Union Centriste, nous refusons une continuité écologique qui conduise à la destruction systématique des retenues et des moulins.
Nous défendons une continuité écologique apaisée, permettant de valoriser les moulins et de garantir une production hydroélectrique renouvelable, en associant l’ensemble des parties prenantes dans un dialogue le plus constructif possible.
À rebours d’une mise en œuvre trop rigide ayant conduit à la destruction de 3 000 à 5 000 retenues d’eau, en particulier des moulins, dans le cadre des programmes d’aide des agences de l’eau, une politique plus apaisée est possible : elle a été défendue dans un excellent rapport de notre collègue Guillaume Chevrollier (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), ainsi que lors de l’examen de la proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique grâce à la rapporteure Laurence Muller-Bronn. (Mêmes mouvements.)
Aussi le présent article, introduit à l’Assemblée nationale par l’adoption de vingt-neuf amendements identiques, exclut-il la destruction des ouvrages hydrauliques, mettant fin à la continuité écologique destructive précédemment mentionnée.
Après avoir largement consulté l’ensemble des parties prenantes, le rapporteur Pascal Martin, que je salue, a proposé d’amender le dispositif pour parvenir à une solution d’équilibre.
La destruction des ouvrages ne doit pas être un principe, mais elle doit rester possible lorsque les propriétaires en expriment le souhait. Par ailleurs, en cas de désaccord, une conciliation permettra de réunir les acteurs.
Mes chers collègues, je vous invite à débattre de manière apaisée, de sorte que le bon sens et le pragmatisme l’emportent. (M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre. Ce débat illustre les difficultés que l’on peut rencontrer lorsque l’on s’efforce de concilier des priorités absolues : en l’occurrence, la préservation de la qualité de notre eau et des écosystèmes aquatiques, qui suppose la continuité des cours d’eau, et celle d’un magnifique patrimoine dont nous sommes tous fiers et que nous avons envie de voir perdurer.
Pour tenir cette ligne de crête, il nous faut trouver un difficile équilibre.
Les problèmes qui ont été rencontrés dans un certain nombre de territoires ont été portés à notre attention. Le présent article, qui a été voté en première lecture par l’Assemblée nationale, a été proposé afin de remédier à ces difficultés, mais il s’avère que la rédaction ainsi introduite, par un effet de retour de balancier, interdit d’effectuer des travaux de rétablissement de la continuité écologique au nom de la préservation de notre patrimoine, même lorsque ces travaux sont reconnus comme nécessaires par l’ensemble des acteurs, y compris par les propriétaires des ouvrages eux-mêmes. En tombant dans l’excès inverse, une telle disposition ne permettait pas de répondre aux besoins que nous ressentons collectivement.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat s’est emparée de ce sujet. Elle a proposé une rédaction qui me paraît beaucoup plus équilibrée, car elle autorise la préservation d’ouvrages constitutifs de notre patrimoine, en particulier de moulins, tout en permettant que des travaux nécessaires soient réalisés quand l’ensemble des acteurs en sont d’accord, à commencer par les propriétaires, ou même, en l’absence de propriétaire.
Ce point d’équilibre me paraît de bon sens. J’estime qu’il fait honneur au débat parlementaire, qui a permis d’apporter une solution à ce problème.
Certains réglages pourront sans doute encore être apportés. En particulier, il me paraît opportun de prévoir une procédure de médiation afin de calmer le jeu dans certains territoires qui connaissent des tensions.
Quoi qu’il en soit, il me semble que si nous suivons cette ligne de crête en nous efforçant de concilier nos deux priorités, nous parviendrons à élaborer une rédaction susceptible de satisfaire tout le monde.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, sur l’article.
M. Jean-Pierre Corbisez. J’évoquerai pour ma part le droit à produire de l’hydroélectricité dans nos moulins. Dans le cadre du groupe d’études Énergie, Daniel Gremillet et moi-même avions d’ailleurs reçu le syndicat France Hydroélectricité.
Madame la ministre, le bon sens que vous invoquez ne pourra être appliqué dans nos départements par les ingénieurs des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) tant que perdurera, au sein de votre ministère, la querelle entre le développement durable et la défense de la faune et de la flore.
Je peux en témoigner personnellement, car, résidant entre un moulin et une écluse, j’ai souhaité me doter d’une petite installation hydroélectrique.
Après avoir validé mon projet, l’ingénieur travaux m’a renvoyé vers sa collègue chargée de la faune et de la flore.
Première question : les poissons remontent-ils le moulin ? Je lui ai répondu qu’à moins de s’appeler Sergueï Bubka et d’être capable de faire un bond de trois mètres cinquante, un gardon aurait plus de chances de passer par l’écluse. (Sourires.)
Deuxième question : est-ce une zone de frayère ? Le cours d’eau étant de faible profondeur – de quatre-vingts centimètres à un mètre – on peut voir qu’il n’y a pas d’herbe au fond. Dans ces conditions, je ne vois pas comment une frayère pourrait s’y trouver.
Quoi qu’il en soit, on m’indique qu’il faut réaliser une étude faune-flore « quatre saisons », sur une année. Mais combien cela coûte-t-il ?
Madame la ministre, dès lors que les techniciens de l’État déploient tous les moyens pour empêcher ce type de projet d’aboutir, il n’est pas étonnant que certains propriétaires de moulins doivent attendre plus de cinq ans une dernière réponse pour monter un dossier d’installation l’hydroélectrique.
Il y a pourtant une solution simple : le préfet est le patron des services de la DDTM ; qu’il signe donc les permis qu’il souhaite autoriser !
Madame la ministre, le bon sens doit d’abord être appliqué dans votre ministère avant de diffuser au sein des DDTM. Alors seulement, nous n’aurons plus de problèmes dans nos départements ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une décision commune.
L’amendement n° 329 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 510 rectifié bis, présenté par MM. Chevrollier, Favreau et Piednoir, Mme Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ et Mmes Deroche et Doineau, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La seconde phrase est complétée par les mots : « , sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « S’agissant plus particulièrement des moulins à eau, l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. »
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. À l’occasion de la présentation de cet amendement, qu’il me soit permis de saluer tout d’abord l’action des élus et de l’ensemble des acteurs de terrain qui agissent pour l’eau, ce bien commun.
Ces acteurs ont un objectif commun : la restauration de la continuité écologique, qui consiste à assurer la préservation de la biodiversité et du bon état des masses d’eau. Cependant, l’application de ce principe est source de complexité et de tensions. De fait, les incompréhensions sur le terrain sont nombreuses entre les services de l’État et les propriétaires d’ouvrages hydrauliques.
La destruction des ouvrages, plutôt que leur aménagement, serait privilégiée. Or il n’existe pas une, mais des solutions. Il apparaît donc nécessaire de mettre en œuvre une politique de gestion apaisée de la continuité écologique, mais il s’agit d’un débat complexe, dans lequel s’opposent des positions contradictoires.
Le présent amendement vise à revenir à la rédaction de l’article 19 bis C résultant des travaux de l’Assemblée nationale, rédaction qui consacrait un principe de non-destruction des moulins à eau. Elle est soutenue par des acteurs de terrain, parmi lesquels des propriétaires de moulins ou d’étangs, des agriculteurs et des défenseurs du patrimoine.
Si la rédaction issue des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable apportait des réponses pertinentes s’agissant de l’obtention des aides des agences de l’eau pour la suppression volontaire des seuils à des fins de restauration de la continuité écologique, et proposait des solutions autour de la médiation, il semble plus approprié de retenir la rédaction de l’Assemblée nationale, qui offre un degré de protection supérieur pour les propriétaires de ces ouvrages.
Un vote conforme permettrait d’engager une politique de la continuité écologique plus apaisée, et de réorienter l’action des pouvoirs publics en faveur de la valorisation des ouvrages, dans une perspective de développement durable et conformément au projet de loi initial, qui dispose que la préservation des milieux repose sur le triptyque de la gestion, de l’entretien et des équipements.
M. le président. L’amendement n° 1418, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où les solutions de mise en conformité des ouvrages, dont l’arasement, ont pour incidence de porter une atteinte grave à l’intérêt patrimonial de ces derniers ou à supprimer des capacités de production hydroélectrique que souhaiterait préserver le propriétaire, ou ne seraient pas acceptées par les propriétaires, un argumentaire devra être présenté par l’administration instructrice. En cas de conflit persistant entre le propriétaire et les services instructeurs, une procédure de conciliation est engagée, pilotée par un référent territorial nommé par le représentant de l’État dans le département au sein des services de l’État. En cas d’échec de la procédure de médiation territoriale, le comité national de l’eau sera mandaté pour proposer des solutions consensuelles. Un décret précisera le contenu de l’argumentaire, les modalités de recours à la procédure de conciliation territoriale et nationale, les missions du référent, les missions et la composition de la commission d’expertise qui sera constituée pour accompagner le comité national de l’eau. »
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Ce sujet aura décidément donné beaucoup de grain à moudre à notre assemblée ! (Sourires.)
Permettez-moi tout d’abord de préciser notre cadre : les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont très attachés à la préservation de la continuité écologique des cours d’eau et ne souhaitent pas sa remise en cause.
Pour mémoire, la directive Eau de 2000 nous fixait l’objectif d’atteindre un bon état écologique pour les deux tiers de nos masses d’eau en 2015. Or, comme cela a été rappelé lors des assises de l’eau en 2019, seulement 44 % des masses d’eau ont atteint cet objectif européen, du fait de la trop forte artificialisation de nos rivières, des pollutions agricoles et de prélèvements trop importants.
Pour apaiser ce débat, il faut replacer les choses dans leur contexte et à leur juste mesure. Pour cela, il est important de préciser que tous les cours d’eau ne sont pas concernés par cette protection, tant s’en faut. De fait, tous les moulins et installations de petite hydroélectricité ne sont potentiellement pas menacés de destruction.
Nous sommes favorables à la recherche d’une conciliation entre cet engagement environnemental et le développement de la petite hydroélectricité en France, qui répond à la nécessité d’encourager le développement de nos énergies renouvelables.
Par cet amendement, nous proposons un compromis axé sur le renforcement des procédures de conciliation, ainsi qu’une méthodologie et un chemin très précis.
Par souci de transparence, je précise que cet amendement a été élaboré avec l’Association nationale des élus de bassin. Il vise à renforcer les procédures de dialogue et de conciliation en cas de conflit, ainsi qu’à garantir la plus grande transparence lorsque des décisions sont prises. Ainsi toute solution de mise en conformité conduisant à la suppression des capacités de production hydroélectriques ou portant atteinte à l’intérêt patrimonial – ce point tient particulièrement à cœur à mes collègues Sylvie Robert et Jean-Pierre Sueur – devra-t-elle être accompagnée d’un argumentaire de l’administration visant à justifier ce choix.
En cas de persistance du conflit, une procédure de conciliation sera engagée. Celle-ci sera pilotée par un référent territorial nommé par le préfet du département. En cas d’échec de cette procédure de conciliation, le Comité national de l’eau sera alors mandaté pour présenter des solutions consensuelles afin de trouver une sortie satisfaisante pour l’ensemble des parties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. L’amendement n° 510 rectifié bis, présenté il y a quelques minutes par M. Chevrollier, vise à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Le maintien et la restauration de la continuité écologique est un sujet qui a beaucoup occupé notre commission ces derniers mois. Je salue, à ce propos, le travail accompli par Guillaume Chevrollier dans son rapport d’information qui contient des pistes intéressantes pour la mise en œuvre d’une continuité écologique apaisée. Je salue également celui de Laurence Muller-Bronn, dont le rapport pour avis sur la proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique de Daniel Gremillet a déjà été cité.
Ce sujet, c’est le moins que l’on puisse dire, a fait l’objet de débats passionnés à l’Assemblée nationale. Je sais que, parmi nous, nombreux sont ceux qui s’intéressent aux moulins à eau, car ces ouvrages sont souvent présents sur les cours d’eau.
Cependant, la rédaction retenue par nos collègues députés me paraît juridiquement plus fragile que celle dont j’ai proposé l’adoption à la commission, de sorte qu’elle peut être source de difficultés d’interprétation.
J’ai néanmoins également entendu les inquiétudes que bon nombre d’entre vous sont venus exprimer, au sujet de la possible disparition de cet article à l’issue de la commission mixte paritaire.
Compte tenu de ces éléments, j’ai décidé de m’en remettre à la sagesse du Sénat sur l’opportunité d’en revenir à la rédaction de nos collègues députés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Pascal Martin, rapporteur. Quant à l’amendement n° 1418 de Martine Filleul, il a pour objet la mise en œuvre d’une procédure de conciliation en cas de désaccord entre un propriétaire de moulin et l’administration, concernant l’obligation de restauration de la continuité écologique.
Les travaux de notre commission ont montré à quel point des tensions pouvaient exister dans certains territoires au sujet des prescriptions administratives en matière d’aménagement et d’équipement des ouvrages hydrauliques.
Le législateur doit se saisir de ces questions, afin d’assurer une continuité écologique apaisée qui préserve non seulement l’environnement et la biodiversité, mais également les moulins à eau à forte valeur patrimoniale. Une conciliation paraît de nature à lever les malentendus.
Cependant, cet amendement est satisfait par la rédaction issue des travaux de la commission. J’en demande donc le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous avons eu effectivement, en commission, un débat très riche. Il était nécessaire et je vous en remercie.
Le ministère a été amené à constater et à étudier certains cas particuliers, liés à des situations locales que vous avez bien voulu d’ores et déjà nous faire remonter. À partir du moment où le sujet a été porté à l’Assemblée nationale, de manière certes un peu brutale, nous y avons travaillé.
Je remercie la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de ses efforts pour trouver une rédaction de compromis. Elle a compris qu’il était nécessaire de changer de regard dans le traitement des dossiers qui concernent ces ouvrages, et a inscrit dans le texte la nécessité de développer une véritable médiation, ce dont chacun convient aujourd’hui.
Sur la forme, adopter l’amendement de M. Chevrollier reviendrait à nous priver d’un certain nombre de possibles.
La nécessité d’une médiation a été largement entendue. C’était là tout l’objet du travail parlementaire et des positions qui ont été défendues avec force aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Maintenant que le message est passé, ne nous privons pas des outils grâce auxquels nous éviterions de nous enfermer dans des situations figées !
En effet, je suis sûre que vous conviendrez qu’il serait d’autant plus regrettable que des propriétaires qui n’ont pas de perspectives en matière d’hydroélectricité et souhaitent intervenir sur leur ouvrage, pour s’épargner quelques frais d’entretien, ne puissent plus le faire.
Ne nous privons pas non plus de la possibilité d’intervenir sur des ouvrages sans propriétaire ! Je crois qu’il nous faut préserver cette médiation, parce que le sujet des moulins n’est que l’incarnation ou la cristallisation de l’équilibre que nous avons besoin de construire, en responsabilité, en veillant à préserver les continuités écologiques et le patrimoine, et en veillant aussi à sauvegarder la production d’hydroélectricité, quand bien même celle-ci serait très individuelle.
Or, s’il était adopté, monsieur Chevrollier, votre amendement qui rétablit la rédaction du texte issu de l’Assemblée nationale nous couperait de ces possibles, contrairement aux améliorations que la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, dans sa grande sagesse, a bien voulu introduire dans le texte.
Comme vous le savez, je me suis engagée à organiser une concertation, à l’issue de la consultation publique sur les schémas directeurs d’aménagement et de la gestion des eaux (Sdage), à l’automne, et nous l’accueillerons bien volontiers au ministère, ainsi que tous les parlementaires qui souhaiteront y être associés.
Le Gouvernement présentera également un amendement qui vise à organiser cette médiation à un double niveau, local et national. Tous ces outils ont reçu un accueil largement favorable.
Je vous demande donc, monsieur Chevrollier, de retirer votre amendement, puisque le message porté à l’Assemblée nationale a été très largement entendu, afin de rendre possibles la définition de projets locaux et l’ouverture d’un chemin pour une médiation.
En ce qui concerne l’amendement n° 1418, la réponse est dans la médiation prévue dans l’amendement n° 2144 du Gouvernement. Au-delà des questions territoriales, les autres partenaires, dont le Comité national de l’eau dont vous prévoyez la saisine, madame Filleul, sont évidemment, de fait, acteurs de cette réflexion. Ils sont aussi, localement, les premiers médiateurs de ces sujets.
Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement au profit de l’amendement n° 2144 du Gouvernement, qui privilégie la médiation.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je me sens légèrement déstabilisé. En effet, j’avais cru comprendre, en écoutant l’intervention de Mme la ministre, que le Sénat avait fait œuvre utile et que le Gouvernement avait entendu ceux qui s’étaient mobilisés sur ce sujet, parfois avec force, ce qui a pu nous surprendre.
Nous étions donc arrivés à une rédaction de compromis qui, pour reprendre en substance les mots de Mme la secrétaire d’État, dit les possibles et fixe le cadre de la concertation. À mon avis, si l’on a trouvé ce compromis, il ne faut pas le remettre en cause ! Un vote conforme risquerait de nous faire perdre davantage que le cadre fixé.
Je souhaite donc en rester à ce compromis et je retire l’amendement de suppression partielle que j’avais déposé. C’est une manière pour moi de reconnaître le travail collectif qui a été effectué, même s’il ne correspond pas totalement à ma position personnelle ni à celle de mon groupe. Je souhaite vraiment que nous en restions à ce travail collectif.
Sur le fond, néanmoins, je crois qu’il faut être clair : la restauration des continuités écologiques est une priorité européenne. Il est important de le rappeler, car 11 % des cours d’eau en France sont morcelés. Même si ce morcellement ne concerne pas la totalité des cours d’eau, nous ne pouvons pas négliger la nécessité de préserver la continuité écologique.
Un autre problème, assez important, qu’il nous faut prendre en compte concerne le développement des cyanobactéries. J’y ai été confronté dans mon département. Des cyanobactéries comme Planktothrix ou Anabaena, – je les connais par cœur ! – remettent en cause beaucoup d’usages lorsqu’elles arrivent sur un plan d’eau. Pour lutter contre leur développement, il faut non seulement limiter les intrants, notamment le phosphore, mais il faut aussi que l’eau circule.
Dans tous les cas, nous ne pouvons pas accepter que les cours d’eau finissent par devenir une suite de retenues avec de l’eau qui ne coule plus. Ce serait désastreux tant pour la qualité que pour l’usage de l’eau, car l’on favoriserait ainsi le développement des cyanobactéries, avec tous les problèmes qui en découlent.
Par respect pour le travail collectif accompli, je retire l’amendement n° 1872, et je ne voterai pas non plus ceux qui vont à l’encontre de cette position.
M. le président. L’amendement n° 1872 est retiré.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je veux dire trois choses. La première, c’est que, au Sénat, nous avons tous une histoire de vie dans nos territoires. Nous pourrions tous prendre des exemples de ce que nous vivons, de ce que nous avons connu, de ce qui a existé, ou de ce qui a été fait dans nos territoires.
Pour ma part, je viens d’un petit village, où coule un ruisseau qui prend sa source à peine à un kilomètre de chez moi. Sur ce ruisseau, il y avait deux féculeries, un tissage, un moulin, et une turbine. Je suis pêcheur dans tous les sens du terme. J’ai toujours attrapé des truites, en haut, en bas. J’ai toujours vu des écrevisses en haut et en bas. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Je suis très sérieux, quand je dis cela !
La vie d’un cours d’eau est complexe. Il y a eu ce qu’ont fait nos anciens et qui constitue notre histoire, car nous ne venons pas de nulle part. Cela a permis, effectivement, la préservation de richesse aquatique.
Le ruisseau devant chez moi s’appelle la Bouillante. Vous avez tous l’équivalent dans vos territoires, vous avez tous un vécu et une histoire. Je tiens à remercier notre collègue Guillaume Chevrollier pour son amendement, ainsi que M. le rapporteur pour son avis de sagesse.
Nous ne pouvons pas renier notre histoire et, grâce à cette force, pour une fois, nous allons inscrire « dans le dur », si nous votons conforme le texte adopté par l’Assemblée nationale, un point qui fait polémique et débat depuis tant de temps !
Tout ce temps perdu a empêché les investissements. Je reprends là le propos de notre collègue que je partage à 200 %. L’innovation n’est possible que si l’on investit. Il faut permettre ce renouvellement, car, grâce aux technologies, nous pourrons faire des choses qui seront différentes que ce qui a été fait dans le passé.
Je suis rapporteur pour avis sur ce texte et je suis très fier du travail que nous avons fait ensemble. Cependant, pour une fois, je serai très content que l’amendement que je dois présenter au nom de la commission des affaires économiques tombe, si celui de M. Guillaume Chevrollier est adopté.
En effet, notre amendement a trait à la conciliation. Or qui dit conciliation dit aussi conflit. Si nous pouvons éviter le conflit, comme nous avons l’occasion de le faire, nous aurons fait un excellent travail. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je souhaite aussi soutenir l’amendement de notre collègue Chevrollier. En effet, quelques années de pratique dans cet hémicycle nous montrent, madame la ministre, qu’il vaut mieux tenir que courir.
Nous avons aussi, dans l’Orne, une histoire avec les moulins. Certaines associations sont très actives, notamment l’association Les Amis des moulins, qui assure la protection et la sauvegarde des moulins, ainsi que l’assistance aux propriétaires d’ouvrages hydrauliques, et qui existe d’ailleurs aussi en Bretagne. Ces associations sont très mobilisées, nous en avons déjà beaucoup parlé.
En leur nom, nous souhaitons donc défendre une solution qui soit équitable et conforme à leurs attentes. Comme notre collègue Gremillet l’a déjà très bien dit, là où il y a une médiation, il y a aussi un risque.
On connaît aussi les divergences de position des administrations, d’un territoire à l’autre. Celles-ci peuvent varier au cours de l’eau, si j’ose dire, et être différentes à un endroit et à un autre du cours d’eau, simplement parce que celui-ci coule sur des territoires où les jurisprudences ne sont pas les mêmes.
Je soutiens donc avec force cet amendement, au nom de toutes les associations qui ont travaillé sur ces sujets, et qui sont extrêmement inquiètes. (M. Stéphane Demilly applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Cela fait des années que l’on attend cette disposition pour les moulins ! Nul doute que la rédaction issue des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est de meilleure qualité, puisqu’elle donne une place centrale à la médiation ! Je suis d’accord.
Cependant, cela fait tellement longtemps que l’on attend cet article que je vais soutenir l’amendement de notre collègue Guillaume Chevrollier. Ainsi, nous pourrons au moins avoir l’assurance que nous disposerons d’une base juridique et que l’article sera validé et « fermé » à l’Assemblée nationale.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, nous avons confiance en vous. Sur ce point, laissez-moi cependant vous faire une suggestion : inscrivez la proposition de loi de Daniel Gremillet à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, de sorte que les deux assemblées puissent en débattre et avancer !
En attendant, je soutiens l’amendement de Guillaume Chevrollier, car il nous donne précisément l’assurance d’avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)