M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la revitalisation des centres-villes est un sujet majeur, dont le Sénat, défenseur des territoires, s’est déjà emparé tant de fois. Hélas, le constat dressé hier est toujours d’actualité.
Dans presque tous nos territoires, les centres-villes ont été progressivement désertés au profit de zones périurbaines, qui offrent davantage de commodités : parkings spacieux et gratuits, proximité des grandes surfaces, logements neufs, loyers moins élevés, prix de l’immobilier plus abordables. Bref, aujourd’hui encore, beaucoup de nos concitoyens continuent à opter pour des périphéries, car ils y trouvent davantage de facilités.
Pour autant, nos territoires ont tous une capacité de réaction, sinon d’adaptation, remarquable.
Ainsi, la ville de Thionville, en Moselle, a entrepris un chantier d’ampleur de revitalisation de son cœur, rassemblant élus, représentants de la société civile, professionnels et institutionnels, au premier rang desquels l’État. Ensemble, ils ont mené une réflexion et défini un plan d’action.
Cependant, la mise en œuvre du projet se heurte à une complexité technique réelle s’agissant de la lisibilité des modalités financières. Ainsi, pour chacune des quelque 80 opérations retenues, il est nécessaire de remobiliser l’ingénierie technique et financière afin d’obtenir les financements des différents partenaires, ce qui, convenez-en, est chronophage et coûteux.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, envisagez-vous d’apporter au dispositif existant, trop lourd, trop technique et trop complexe, des éléments de simplification ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Mizzon, nous partageons tous ce constat, rappelé par le sénateur Pointereau, et que j’ai moi-même évoqué dans mon propos liminaire.
Franchement, depuis le début du quinquennat, nous n’avons eu de cesse de nous atteler à ce problème. Nos réflexions sont nourries, d’ailleurs, par des contributions d’élus, souvent inquiets, que ce soit au Sénat ou dans les associations d’élus.
Dès 2018, le lancement du programme Action cœur de ville, adossé à l’opération de revitalisation de territoire, a permis de donner corps à la transversalité, que tous les acteurs appellent de leurs vœux. En effet, comme nous le savons tous, on ne peut pas appréhender, par exemple, la vacance commerciale sans prendre en compte l’habitat, les mobilités ou encore la vie culturelle. Le dynamisme des centralités, par essence, pose un problème multifactoriel, et la réponse ne peut être que collective et ambitieuse. Sur les 5 milliards d’euros du programme, je le répète, près de 50 % des crédits ont déjà été engagés. C’est le signe que, malgré la crise sanitaire, les programmes de revitalisation se sont poursuivis, comme à Thionville, exemple que vous avez évoqué.
Vous soulignez la complexité du montage de ces projets. Je suis d’accord avec vous, mais, en centre-ville, il y a souvent des bâtiments classés, évidemment proches les uns des autres, ce qui entraîne des difficultés.
C’est pour soutenir les plus petites centralités que l’ANCT a déployé une offre d’ingénierie, qui est justement adaptée. Le soutien de l’ex-Épareca, qui est maintenant intégré dans l’ANCT, est désormais ouvert aux territoires en ORT, alors qu’il était jusqu’à présent réservé aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.
En outre, à la faveur du plan de relance, et pour faciliter la lutte contre la vacance commerciale, le Gouvernement a mobilisé 60 millions d’euros pour financer les déficits des opérations de réhabilitation de 6 000 commerces. Ce fonds de restructuration des locaux d’activité (RLA), opéré par l’ANCT, s’intègre au programme des 100 foncières de la Banque des territoires.
Monsieur le sénateur, vous le constatez, nous sommes pleinement mobilisés, en lien avec la Banque des territoires, pour que ces opérations de centre-ville, menées notamment par des managers de centre-ville, puissent être efficaces sur les territoires que vous citez.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. On voit bien que la simplification reste un exercice complexe, mais votre gouvernement a de l’ambition à cet égard, puisqu’il a même inscrit ce mot dans le titre d’un projet de loi que nous allons prochainement examiner.
Seulement, la simplification ne doit pas être mise à l’honneur que le temps d’un débat. Elle doit être une préoccupation de tous les instants. Il s’agit, certes, de procédures concernant de nombreux acteurs, mais celles-ci doivent être nettement simplifiées sous l’impulsion de l’État.
Puisqu’il me reste un peu de temps, et pour prolonger les propos du président de séance, qui faisait référence à la longueur des fiches qui vous sont parfois remises, je dirai que, si les journalistes écrivaient comme certains hauts fonctionnaires, croyez-moi, il ne se vendrait plus du tout de journaux, tellement c’est inintelligible !
M. le président. Ne nous engageons pas dans ce débat ! (Sourires.)
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Monsieur le secrétaire d’État, trop nombreuses sont, dans notre pays, les petites villes rurales en perte de « substance », c’est-à-dire d’attractivité, comme on dit aujourd’hui pour résumer une situation qui s’est sédimentée au fil des années et des fermetures des administrations, services publics et commerces.
Malheureusement, il est à craindre que la pandémie n’aggrave cet état de fait, vu l’irruption puissante du commerce et de la restauration virtuels, induisant des habitudes de consommations fatales à ce qui est l’essence même de la ville, sa pulsion de vie.
Les villes seront des communautés vivantes ou ne seront plus ! La ville, c’est du collectif, c’est l’échange, le partage, des liens, des rencontres. Elle doit être conçue pour tous, dans le respect de tous, et ainsi donner envie d’y venir ou d’y rester.
Or les attentes de nos concitoyens ont bien changé, parce que le monde a changé très vite. Il faut inventer des solutions alternatives : au « tout-voiture », car nous devons diminuer les émissions de gaz à effet de serre ; au « tout-béton », car nous devons réduire les îlots de chaleur et favoriser la biodiversité ; et, maintenant, au « tout-numérique », pour garder tout son sens à la ville.
Comme le disait le philosophe Robert Maggiori, ce week-end dans Libération : « Une ville, si elle est vidée de ces fonctions, n’est plus qu’un squelette mécanique absurde. »
La ville ne doit-elle pas être pensée dans sa globalité et sa complexité ? Le modèle des métropoles a vécu. Anticiper l’avenir, c’est prévoir les possibles dans les petites villes rurales. Or nous sommes pour l’instant bien loin du compte, car, quand il n’y a plus ni école, ni médecin, ni poste, ni perception, ni même magasin de vêtements, quand le dernier petit filet de vie est en train de se tarir, comment redonner vie à ces coquilles quasiment vides, alors que l’avenir se jouera probablement là ?
Les défis auxquels doivent répondre les élus sont colossaux, et les solutions ne sont ni simples ni évidentes. Il faut certainement aborder les problèmes au cas par cas.
Comment, monsieur le secrétaire d’État, envisagez-vous de tenir compte par anticipation de ces nouvelles réalités pour accompagner et aider les maires face à cet enjeu vital pour leur commune ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Préville, votre question est très large et appelle des références philosophiques. Elle me permet en tout cas de parler d’un certain nombre de sujets.
Tout d’abord, je le pense fondamentalement, parmi les objets juridiques les plus importants figure la possibilité pour les petites intercommunalités de se saisir des dispositions de la loi d’orientation des mobilités pour faire en sorte que les problématiques de transport qu’elles rencontrent puissent être résolues au plus près, ce qui n’était pas forcément le cas à partir d’un espace régional. L’application de ces textes autorisera un certain nombre d’avancées.
Par ailleurs, je pense qu’il y a le bon côté et le mauvais côté de la numérisation. S’agissant des commerces, la pandémie a accéléré un phénomène qui était en cours, mais dans des proportions inédites et avec très peu de visibilité collective. C’est une transformation qui a justifié une action forte dans le plan de relance, parmi beaucoup de mesures qui ont été mises en place pour soutenir les commerces en difficulté et agir immédiatement sous forme de subventions ou d’exonérations. L’outil numérique s’est révélé incontournable, dès lors que se développe également le changement de paradigme dans la ruralité. Il s’agit d’abandonner des recettes importantes provenant des opérateurs pour faire en sorte que les pylônes du « New Deal mobile » irriguent au maximum nos campagnes.
Comme le disait un de vos collègues, le numérique peut être quelque chose d’abominable, parce que de grands groupes essayent de capter toute la richesse sur un territoire, mais cela peut être aussi une solution de proximité, au niveau local. C’est ce que nous essayons de favoriser. La ministre Jacqueline Gourault parle très souvent de « cousu main », et c’est vraiment le terme qui convient. Nous avons eu des retours d’expérience sur des mises en réseau qui ont été extrêmement profitables, les relations entre ville et campagne s’en trouvant améliorées, notamment en matière de production de biens, alimentaires en particulier. Je crois que c’est dans ces politiques-là que la ruralité gagnera.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Monsieur le secrétaire d’État, j’y insiste, la grande nouveauté, c’est l’irruption du virtuel dans nos vies d’une façon très accentuée, ce qui nécessiterait sans doute des actions volontaristes très fortes et un train de dispositifs. On ne peut tout de même pas faire comme si rien n’allait changer, alors que nos villes, nos petites villes sont déjà touchées, avec l’hémorragie, déjà décrite vingt fois dans cet hémicycle, de leur centre vers leur périphérie. Les enjeux sont vitaux pour nos communes. Où est l’âme des villes ? On doit se préoccuper de cela.
M. le président. La parole est à M. Yves Bouloux.
M. Yves Bouloux. Monsieur le secrétaire d’État, le constat du manque d’attractivité des centres-villes n’est pas nouveau, et il n’existe pas de recette universelle pour leur revitalisation. Chaque ville, chaque territoire a sa spécificité.
S’adapter aux besoins et aux réalités des territoires, telles est l’ambition des plans Action cœur de ville et Petites Villes de demain.
Le premier a été lancé en 2017, quelque 222 villes étant retenues pour un budget de 5 milliards d’euros sur cinq ans. Le second date de 2020 : il concerne 1 600 communes, pour un budget de 3 milliards d’euros sur six ans.
Dans mon département de la Vienne, deux communes, Poitiers et Châtellerault, font partie du plan Action cœur de ville et 14 communes de l’opération Petites Villes de demain.
Tous les élus du territoire avec lesquels je me suis entretenu s’accordent pour saluer l’accompagnement de l’État en matière de financement des besoins d’ingénierie. Concernant la réalisation du plan Action cœur de ville, les élus doutent en revanche de la faisabilité de l’ensemble des projets d’ici à 2022. Il sera important de tenir compte des conséquences économiques de la crise sanitaire. Le plan sera-t-il reconduit ?
S’agissant du plan Petites Villes de demain, les élus s’inquiètent de la lenteur de mise en œuvre du processus de contractualisation, mais aussi de son financement. Disposeront-ils des moyens financiers permettant la réalisation de l’ensemble des projets retenus avant 2026 ?
Monsieur le secrétaire d’État, il faut surtout souligner la nécessité d’envisager cette revitalisation dans une stratégie globale de maintien des services publics et des mobilités. En effet, à quoi sert de revitaliser un centre-ville s’il n’y a plus de bureau de poste, de médecin, de centre des impôts ou encore d’accès ferroviaire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bouloux, vous avez salué les programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain, qui permettent déjà de mener à bien un projet global, de manière transversale : l’habitat, le commerce, le développement économique, la mobilité, le digital, l’espace public, le patrimoine, le paysage, les services et la culture.
Vous m’interrogez pour savoir si ces programmes auront un lendemain, mais il y aura plus qu’un lendemain, puisque ce sont des programmes d’ingénierie qui ont été mis en place pour plusieurs années. Quand Jacqueline Gourault et moi-même avons lancé Petites Villes de demain, le 1er octobre 2020 à Barentin, nous avons bien précisé qu’il s’agissait d’ingénierie, à hauteur de 3 milliards d’euros au total, en additionnant ce qui relève de l’État, de l’ANCT et de nos partenaires, comme la Banques des territoires. C’est considérable ! Nous avons surtout précisé qu’il s’agissait de s’inscrire dans la durée, sans quoi tout cela n’aurait pas vraiment de sens.
J’ai déjà indiqué le niveau des sommes déjà engagées dans ce programme, et souligné que l’accélération se poursuivait : malgré la pandémie, malgré la crise, les collectivités ont répondu très positivement.
Il y a peut-être des retards de-ci de-là, parce qu’un chef de projet n’a pas pu être recruté. Il faut dire que cela n’est pas toujours facile. C’est la raison pour laquelle nous avons essayé de faire le maximum de publicité à un certain nombre de dispositifs, y compris, d’ailleurs, au volontariat territorial en administration, de sorte que l’offre et la demande puissent se rencontrer de manière pertinente, sur des postes parfois très complexes.
En tout cas, soyez assuré d’une chose, monsieur le sénateur : l’ensemble des programmes que nous avons engagés dans ce cadre seront pérennes. Les financements seront là sur la durée, tels qu’ils ont été prévus dès le départ. Ils seront de surcroît analysés pour trouver la meilleure façon de bâtir la ruralité de demain.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le secrétaire d’État, en 2015, Auch et le Grand Auch entraient dans la politique de la ville. Pour la première fois en France, la ruralité intégrait cette politique nationale de solidarité.
Dans ce cadre, je proposais alors une politique de peuplement pensée à l’échelle de l’unité urbaine et intégrant le centre historique de la ville d’Auch. Cependant, ce n’est qu’au bout de six ans, après avoir signé la convention, que nous sommes entrés dans la phase « travaux », enfin tangible pour les habitants du quartier.
Plus de six ans ! Trouvez-vous cela normal ? Moi non !
Je peux vous dire qu’aujourd’hui, du point de vue des collectivités, le passage de l’Épareca à l’ANCT ne nous apparaît pas comme un facteur de souplesse accrue dans la gestion, par exemple, du déplacement du centre commercial du quartier du Garros.
L’opération Action cœur de ville a, en revanche, été bienvenue dans la stratégie urbaine globale que j’évoquais en début de propos. Elle nous a permis de faciliter la réhabilitation de logements inoccupés depuis longtemps et je voulais ici souligner ce point très positif.
Toutefois, à Auch comme dans le cœur historique de nombreuses villes anciennes, les contraintes de réhabilitation sont souvent insurmontables pour les propriétaires et la collectivité à cause des règles de protection du patrimoine.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les pistes de progrès de l’ANCT pour accroître sa réactivité et mieux coordonner ses interventions sur les projets complexes, qui nécessitent de s’appuyer sur les collectivités, en prise, elles, avec la réalité ?
Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour que la réhabilitation en masse des logements anciens soit plus facile ?
À l’heure du « zéro artificialisation nette », la densification passe par la simplification des règles actuellement en vigueur dans les zones protégées des centres anciens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Montaugé, l’amélioration du cadre de vie en général, dans nos centres-villes et nos centres-bourgs, est un enjeu de la revitalisation des territoires. Vous avez raison, ces centres ont souvent un caractère patrimonial fortement marqué, et il faut le préserver. C’est aussi un facteur clé d’attractivité. Lorsque l’on est dans un centre ancien qui fait l’objet de mesures de classement, on doit fait appel à un certain nombre d’expertises complémentaires, ce qui peut apparaître très long.
Ces projets sont complexes, parce qu’il faut veiller à conserver la qualité paysagère, la qualité architecturale, et cela peut être vécu comme une contrainte. Pour autant, les moyens de l’Épareca, dont je parlais tout à l’heure, qui sont localisés à Lille, Lyon, Paris et Marseille, ont été conservés au sein de l’ANCT et ils sont de nature à répondre aux demandes d’expertise et de facilitation dans les centres anciens.
Les règles d’intervention, qui étaient déjà assouplies dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), l’ont été également hors QPV, notamment dans les ORT.
Je crois très sincèrement que, aujourd’hui, nous avons intérêt à déminer les problèmes en amont, pour éviter que des projets ne soient bloqués en aval, au moment d’obtenir des permis de construire. C’est justement la mission de l’ensemble des partenaires de l’ANCT, et de l’ANCT elle-même, avec les diagnostics de territoire.
Vous le savez, pour obtenir un permis de construire, il vaut mieux aller voir l’architecte des bâtiments de France avant le dépôt de la demande, pour que le projet s’intègre bien, plutôt que de discuter après. C’est dans cet esprit qu’il faut travailler.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Pour le premier point, nous sommes prêts à échanger avec l’ANCT pour que la gestion des projets, si ce n’est leur gouvernance, s’améliore. Je crois qu’il y a matière à travailler. Il faut laisser du temps au temps pour progresser collectivement, mais pas trop de temps quand même, dès lors que l’action est engagée.
Pour le second point, je vais être très concret. Sauf exception, il faut nous laisser garder les façades des immeubles anciens et reconstruire en totalité derrière des appartements aux normes et standards d’aujourd’hui.
Merci de faire en sorte de le permettre ! Le projet de loi 3DS pourrait être un vecteur, au titre de la simplification, pour plus d’efficacité au service de l’intérêt général et de nos concitoyens. C’est sur ce terrain que je voulais vous amener, monsieur le secrétaire d’État, mais vous n’y êtes pas venu…
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le secrétaire d’État, les centres-villes, 5 milliards d’euros sur cinq ans ; les petites villes moyennes de demain, 3 milliards d’euros sur six ans ; il manque les charmants villages d’autrefois, avec 1,5 milliard d’euros sur douze ans…
Plus sérieusement, nous le savons très bien, et vous l’avez dit, à l’instar de mes collègues Yves Bouloux et Franck Montaugé, ces projets prennent du temps, plus de temps qu’il n’en faut pour les annoncer. Cela relève un peu du marketing, et on ne peut le reprocher à personne. J’y insiste, comme vous, il est important de s’inscrire dans la durée sur ces projets. Mais qui va prendre en compte tous les freins à surmonter pour sortir ces opérations ? Il y a urgence dans beaucoup de quartiers et de centres-villes qui dépérissent, donc le temps que l’on gagnera ici et là à lever des entraves sera bénéfique.
Je veux vous poser une deuxième question, qui me vient parce que personne n’en parle alors qu’il s’agit d’un sujet clé : les parkings. Quand vous êtes dans une petite ville, personne ne parle jamais des parkings, parce que ce n’est pas rentable d’en faire ! Or il existe un énorme déficit en la matière : lorsque vous voulez avoir une zone de chalandise suffisante, pour les petits commerces de bouche, par exemple, il est nécessaire d’avoir des parkings, parce que vous ne ferez pas ce type de courses à trottinette, notamment à Briançon !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Pour ce qui est de Briançon, monsieur le sénateur, on y rencontre peut-être des problèmes de parking, mais il faut dire que la pente importante et les gargouilles où l’eau coule au milieu des rues ne permettent pas forcément de faire stationner, voire circuler, des véhicules dans un tel centre ancien !
Plus largement, les parkings peuvent connaître des déficits marqués, notamment pendant l’épidémie de covid-19. Quand il s’agit de services publics industriels et commerciaux (SPIC), l’État va compenser ces déficits ; de ce point de vue, je dirai que les prospectives dont j’ai connaissance sur un certain nombre d’affaires de ce type sont assez intéressantes.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : les programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain sont faits pour vivre et évoluer tout en étant rapides. Ce n’est donc pas un hasard si l’on trouve beaucoup d’avenants à ces programmes : on se rend parfois compte qu’ils contenaient de fausses bonnes idées, ou des idées qui s’avèrent impossibles à réaliser, par exemple pour des raisons foncières. Le fait que ces programmes s’inscrivent dans la durée lève déjà, en soi, un certain nombre d’obstacles. Quant au fait que toutes ces actions soient liées à des opérations de revitalisation du territoire, il est de nature à nous permettre d’être particulièrement performants dans un certain nombre de domaines.
Sur ces questions de parkings, monsieur le sénateur, je suis bien d’accord avec vous ! Ainsi, je me promenais récemment dans l’une des « petites villes de demain », en Savoie, en attendant mon train. Eh bien, j’ai été étonné de constater une absence totale de parking face à la gare de Moûtiers, la ville en question. Je me suis dit que, lorsque je signerais la convention Petite Ville de demain, ce serait la première chose dont je parlerais avec le maire de cette commune !
Vous n’ignorez pas qu’on peut tout à fait mobiliser la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) sur des projets comme ceux-là ; c’est justement ce qui les rend intéressants. Seulement, il faut tout de même faire attention au problème de l’imperméabilisation des sols, qui peut représenter un frein à ces projets. (M. Jérôme Bascher opine.) Il nous faut trouver des solutions en amont pour que tout cela soit intégré dans des projets plus globaux. En tout cas, vous avez raison : le parking en centre-ville peut être un problème si l’on veut revitaliser le commerce.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le secrétaire d’État, la dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs apparaît désormais comme une préoccupation de premier ordre, ce dont témoigne la constante et inquiétante progression de la vacance commerciale.
Cette fragilisation des centres-villes et des centres-bourgs est le produit de plusieurs facteurs bien connus et identifiés aujourd’hui. Citons au passage la dégradation du bâti intérieur et extérieur, les difficultés d’accès et de stationnement que Jérôme Bascher vient d’évoquer, la baisse de la population du centre et sa paupérisation, la fuite des équipements attractifs et des services du quotidien, ou encore la concurrence des grandes surfaces en périphérie.
Monsieur le secrétaire d’État, pour limiter précisément l’implantation de grands centres commerciaux en périphérie de nos villes, ce qui apporterait une aide utile à la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, ne pensez-vous pas qu’il serait bon, comme le suggérait Rémy Pointereau, de réintégrer les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat au sein des CDAC en tant que membres à part entière et non pas seulement en tant que personnes qualifiées, comme c’est le cas actuellement ?
M. Rémy Pointereau. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Hugonet, vous m’offrez l’occasion de répondre à la fois à votre question et à celle que me posait auparavant M. le sénateur Pointereau.
Les ouvertures de commerces sont soumises au dispositif des autorisations d’exploitation commerciale dès lors que la surface prévue dépasse 1 000 mètres carrés. Ce dispositif vise à permettre un aménagement du territoire intelligent, avec des projets de territoire qui soient cohérents entre les communes et les intercommunalités concernées, notamment en matière de surfaces commerciales.
Vous m’interrogez plus particulièrement sur la problématique des CDAC. Jusqu’à présent, les chambres de commerce et d’industrie ainsi que les chambres de métiers et de l’artisanat étaient représentées dans ces commissions. Le problème qui s’est posé est que cette représentation n’est pas conforme au droit européen. Nous avons été mis en demeure de modifier cet état de fait, car les acteurs économiques seraient juge et partie dans cette affaire, ce qui pourrait s’avérer défavorable à la concurrence et au principe de libre installation. Je n’exprime pas là mon sentiment personnel, mais la réalité du droit européen.
Pour autant, depuis quatre ans, le Gouvernement s’est mobilisé pour lutter contre l’implantation en périphérie de commerces qui nuiraient à la vitalité du centre-ville. C’est vraiment l’enjeu des ORT et, notamment, des dispositions adoptées au sein de la loi ÉLAN du 23 novembre 2018, qui permettent de faciliter l’implantation de commerces dans les centres-villes en les exonérant d’autorisation d’exploitation commerciale. On a aussi conféré au préfet le pouvoir de suspendre, pendant trois ans, les autorisations d’exploitation commerciale en périphérie à la demande du maire.
Au 26 avril dernier, 252 ORT avaient été signées ; 436 communes ont fait l’objet de telles opérations. Comme je le précisais tout à l’heure à M. Pointereau, 5 projets ont fait l’objet d’une suspension d’autorisation d’exploitation commerciale à ce titre. Cela dit, il faut aussi que des volontés politiques municipales marquées se manifestent – il faut dire les choses telles qu’elles sont ! – pour que cela se produise.
Enfin, depuis septembre 2020, un véritable moratoire se met en place, en cohérence avec les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Vous allez en outre découvrir à l’article 52 du projet de loi Climat et résilience les éléments complémentaires que j’ai évoqués en ouverture de mon exposé.