Mme la présidente. L’amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - À l’article 18 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « et pendant les quatre mois qui suivent la fin de cette période ».
II. - Les charges supplémentaires résultant, pour les départements, de l’obligation prévue au I du présent article font l’objet d’un accompagnement financier de la part de l’État selon des modalités fixées en loi de finances d’ici la fin de l’année 2021.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement important devrait faire écho, monsieur le rapporteur, à vos anciennes fonctions de ministre de la famille, tout comme à celles de Mme la présidente Laurence Rossignol.
Il s’agit de maintenir le dispositif de l’aide sociale à l’enfance pour les jeunes âgés de 18 à 21 ans, pris en charge, vous le savez tous, évidemment, par les départements.
Malgré la fin de l’état d’urgence sanitaire, il nous semble prématuré que des enfants et des jeunes, dont chacun sait qu’ils sont plus vulnérables que d’autres, sortent du dispositif d’accompagnement de l’aide sociale à l’enfance.
Nous proposons donc de proroger jusqu’à septembre 2021 le dispositif qui interdit la sortie des jeunes de l’aide sociale à l’enfance pour ne pas les priver de l’accompagnement dont ils bénéficient. Un certain nombre d’entre eux sont dans des parcours d’insertion professionnelle – je pense notamment à l’apprentissage – fortement perturbés en raison des conditions économiques et sanitaires actuelles.
En dépit de la fin de l’état d’urgence sanitaire, il nous semble prématuré que ces jeunes n’aient plus accès à l’accompagnement dont ils ont bénéficié jusqu’à présent.
En 2020, de mémoire lors du PLFR 3, une dotation de 50 millions d’euros avait été votée, ce qui est normal, pour compenser ce surcoût auprès des départements puisqu’il fallait maintenir ces jeunes dans le dispositif au-delà de leur majorité.
C’est le même mécanisme de compensation que le Gouvernement adoptera dans une loi de finances à venir pour compenser, une fois de plus, le coût d’une telle mesure.
C’est un dispositif qu’il me semble important de pouvoir prolonger jusqu’à septembre prochain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de faire vibrer la corde sensible… (M. le secrétaire d’État marque son exaspération.) Moi aussi, je vais faire appel à votre générosité, car il est facile de postuler pour autrui, il est facile d’être généreux sur le compte des départements !
Cet amendement, tel que vous le présentez, ne vous engage à rien en termes de prise en charge de la dépense. Il ne prévoit aucune compensation hormis un simple « accompagnement financier » : comme c’est aimable ! Est-ce bien ainsi que doivent être traitées les collectivités territoriales quand on ajoute des charges aux charges déjà très lourdes qu’elles assument en cette période ? (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
Monsieur le secrétaire d’État, l’avis de la commission est défavorable, car le Gouvernement ne peut pas introduire une mesure généreuse, c’est-à-dire une dépense de l’État – et non une dépense des collectivités – sans prévoir de compensation. Si je déposais un amendement de cette nature, la commission des finances m’opposerait, à juste titre, l’irrecevabilité financière.
Si vous souhaitez que le Sénat vote votre amendement, monsieur le secrétaire d’État, il vous suffit de remplacer l’« accompagnement financier » que vous prévoyez de mettre en place par une compensation financière intégrale des charges résultant de cette nouvelle obligation pour les départements. Nous saluerons alors la générosité du Gouvernement !
Je vous sais sensible à la situation des mineurs qui atteignent leur dix-huitième anniversaire : eh bien, prouvez-le ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. M. le rapporteur vient de résumer ce que nous avons dit en commission, et je suis heureuse de constater que je l’ai convaincu.
Monsieur le secrétaire d’État, l’amendement que vous proposez et dont vous êtes sans doute à l’origine tend à prévoir une très bonne mesure, si ce n’est que les conseils départementaux, sur lesquels pèsent déjà de très lourdes dépenses, n’ont pas les moyens de l’assumer.
Si vous acceptez de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le rapporteur et de prévoir soit une compensation intégrale ou à l’euro près – je vous laisse le choix de la formulation, car nous savons tous comment cela se termine à chaque fois pour les collectivités, à savoir que l’augmentation des charges n’est jamais exactement compensée, mais soyons positifs… –, nous voulons bien vous faire confiance a priori – car tout dépendra d’une discussion budgétaire ultérieure – et voter cet amendement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes évidemment dans le même état d’esprit que notre collègue. Il s’agit d’une très bonne mesure, car comme vous l’avez fort bien rappelé, monsieur le secrétaire d’État, ces jeunes connaissent souvent des difficultés très importantes. Nous devons les aider et leur permettre de bénéficier du contrat jeune majeur.
Cependant, êtes-vous prêt – c’est une simple question – à inscrire dans votre amendement que vous financerez les mesures engagées, à l’euro près, département par département ?
M. Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, connaît bien mon département du Pas-de-Calais, qui compte de nombreux jeunes majeurs en difficultés. Le département est très touché par les problèmes sociaux. Si vous ne financez pas cette mesure, à l’euro près, nous n’aurons pas les moyens de la mettre en œuvre, monsieur le secrétaire d’État.
Si donc vous rectifiez votre amendement, en précisant que vous compenserez le coût de la mesure pour les départements à l’euro près, alors nous le voterons.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous non plus, nous ne pouvons pas rester insensibles à ce sujet. On connaît la charge des départements, la difficulté que cela représente de porter ces jeunes tant qu’ils sont mineurs, de ne pas les abandonner ensuite. Les présidents de département et l’ensemble des conseillers départementaux ont tous la volonté de les accompagner jusqu’au bout, sans forcément pouvoir le faire, faute de moyens.
Monsieur le secrétaire d’État, je m’associe à la démarche de mes collègues. Puisque l’on est dans une stratégie du « quoi qu’il en coûte », je ne vois pas pourquoi on ne l’appliquerait pas à la mesure très particulière que vous proposez.
N’est-il pas dommage également de limiter la prolongation à quatre mois, alors que cela ne sera pas forcément suffisant ? Dans votre grande générosité, vous pourriez aussi modifier votre amendement pour la porter à six mois !
M. Philippe Bas, rapporteur. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez mon département, l’Aisne, qui figure parmi les cinq plus pauvres de France.
M. René-Paul Savary. Le « bas de l’Aisne » !
Mme Pascale Gruny. Malheureusement, il est vide… (Sourires.)
L’an dernier, les charges financières liées à la crise sanitaire ont coûté plus de 7 millions d’euros. Durant les deux ou trois premières années du dernier mandat du conseil départemental, nous sommes allés frapper à la porte de l’Élysée, tous les ans, pour réclamer un ou deux millions d’euros, parce qu’au mois de novembre de l’année en cours, nous ne pouvions plus payer les agents.
Le secteur social relève de la compétence du département. Aujourd’hui, vous nous demandez d’assumer une charge supplémentaire, alors que l’an dernier, nous avons déjà dû nous occuper de fournir des masques et du gel hydroalcoolique. Nous l’avons fait, mais sincèrement nous ne pouvons pas faire plus. Ce n’est pas possible. Merci, donc, monsieur le secrétaire d’État, de mettre la main à la poche !
Mme Frédérique Puissat. Sortez le carnet de chèques !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Tout d’abord, je ne joue pas sur la corde sensible, monsieur le rapporteur. Je suis un garçon pragmatique, et vous le savez. Nous avons eu, à plusieurs reprises, l’occasion de parler de l’aide sociale à l’enfance, sujet que vous connaissez bien, et pour cause.
Je joue d’autant moins sur la corde sensible que je sais que vous êtes nombreux à avoir été présidents de conseils départementaux, ou vice-présidents chargés de l’enfance.
M. Philippe Bas, rapporteur. Ou les deux !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ou les deux, pour les plus ambitieux d’entre vous ! Ce n’est donc pas sur ce terrain-là que je me place.
Vous savez tout comme moi combien la situation de ces jeunes qui atteignent l’âge de 18 ans est difficile, en ce moment plus qu’en temps normal. Aucun d’entre nous, je le sais, ne veut les voir à la rue.
Ensuite, monsieur Savary, vous avez raison ! Quatre mois, c’est probablement une prolongation insuffisante. Cependant, je ne crois pas que la question de l’autonomie se pose à 18 ans moins le quart. Je considère qu’elle se prépare bien avant, ce qui pose la question de la scolarité des enfants de l’aide sociale à l’enfance. L’accompagnement de ces gamins vers l’autonomie se travaille en amont.
Par conséquent, malgré l’opprobre que cela m’a valu, je suis contre les dispositifs qui ont été débattus à l’Assemblée nationale pour prolonger artificiellement, de mon point de vue, la majorité de 18 à 21 ans. À l’époque, cela aurait représenté un surcoût de 2 milliards d’euros pour les départements, ce à quoi je m’étais opposé.
Je considère néanmoins qu’il est important que l’aide sociale à l’enfance accompagne les jeunes de cette tranche d’âge. Pour cela, nous avons déjà voté 50 millions d’euros de crédits pour la période passée.
M. René-Paul Savary. Le compte n’y était pas !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Qu’en savez-vous, monsieur le sénateur ? Que savez-vous de la dépense qu’a représentée, pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, le maintien de l’aide sociale à l’enfance pour les jeunes âgés de 18 à 21 ans ? Et à quoi ont été utilisés concrètement ces 50 millions d’euros ? Je ne suis pas en train de dire que les départements n’en ont rien fait ; je dis simplement que vous ne savez pas si ces crédits ont été insuffisants, comme vous le prétendez.
Reconnaissez que le Gouvernement a fait en sorte que cette mesure soit adoptée et qu’elle soit financée à hauteur de 50 millions d’euros ! En outre, je me suis engagé devant vous à ce qu’elle soit compensée lors de discussions budgétaires à venir. Vous me demandez d’inscrire cet engagement dans le texte ; je peux vous proposer de rectifier mon amendement et de préciser que le coût de mesure sera compensé, à l’euro près, pour les départements.
Il faudra, cependant, monsieur le sénateur Savary, que nous puissions évaluer, au préalable, l’utilisation qui a été faite des 50 millions d’euros de crédits qui avaient été votés dans le projet de loi de finances rectificative. Ce contrôle de la bonne gestion des deniers publics nous permettra de nous projeter et de compenser au plus près le coût de la mesure que je vous propose de voter dans cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens qui vous a été suggéré ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la présidente, je demande une courte suspension de séance, afin que nous puissions nous mettre d’accord sur la rédaction précise de l’amendement rectifié. Les sommes dont nous parlons sont, en effet, importantes.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 98 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - À l’article 18 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « et pendant les quatre mois qui suivent la fin de cette période ».
II. - Les charges supplémentaires résultant, pour les départements, de l’obligation prévue au I du présent article font l’objet, en loi de finances, d’une compensation intégrale par l’État des dépenses effectivement engagées.
Quel est désormais l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir la compensation intégrale par l’État des dépenses qui seront effectivement engagées, ce qui est satisfaisant.
Cependant, il renvoie à la loi de finances. Le législateur ordinaire peut-il engager le législateur financier ? S’il le peut sans aucun doute sur le plan politique, cela n’est pas totalement vrai sur le plan juridique. Néanmoins, je ne crois pas qu’on puisse mettre dans cette loi davantage que ce que propose le Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est impossible !
M. Philippe Bas, rapporteur. Par conséquent, je considère que la garantie qui est apportée est la plus élevée possible, à ce stade de la discussion. Il appartiendra au Gouvernement comme au Parlement de veiller à ce que la loi de finances se conforme réellement à ce qui est écrit dans cet amendement.
Sous cette réserve, et avec la confirmation que M. le secrétaire d’État voudra bien nous donner qu’il s’agit là d’un engagement politique du Gouvernement, j’émettrai un avis favorable, au nom de la commission des lois, sur cet amendement rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je confirme l’engagement politique du Gouvernement, comme vient de le demander M. le rapporteur.
Je saisis cette occasion pour rappeler que, dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement avait déjà investi 40 millions d’euros de crédits au bénéfice des départements pour lutter contre les sorties dites « sèches » de l’aide sociale à l’enfance.
En outre, grâce à la contractualisation qui le lie aux départements pour la mise en œuvre de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, l’État a cumulé plus de 600 millions d’euros qu’il a réinvestis sur trois ans dans l’aide sociale à l’enfance. Les protections maternelle et infantile (PMI), notamment, avaient perdu près de 100 millions d’euros de crédits au cours des dix dernières années. Or, en trois ans, l’État, et non pas les départements, a réinvesti tout autant dans les PMI.
Je me réjouis que nous puissions trouver un accord sur cette mesure de prolongement, prévue pour une durée de quatre mois, dans un premier temps. J’espère que ce délai sera suffisant, monsieur le sénateur Savary. Les dépenses effectivement réalisées seront compensées, ce qui me semble être une bonne gestion des deniers publics.
Je me réjouis également que nous ayons pu évoquer l’aide sociale à l’enfance en séance. Nous aurons l’occasion d’en débattre de nouveau, assez prochainement, à l’occasion d’un texte qui y sera consacré.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Nous pourrons vérifier très rapidement la portée de cet engagement.
Monsieur le secrétaire d’État, vous savez que le décret d’avance ne prévoit pas un euro pour financer la mesure que vous nous présentez, huit jours après l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Vous pouviez très bien inscrire les crédits nécessaires à sa mise en œuvre « en même temps » – puisque c’est là votre spécialité –, mais vous ne l’avez pas fait, et je l’entends.
Cependant, le ministre Dussopt a annoncé qu’une loi de finances rectificative nous serait soumise au mois de juillet prochain. Nous espérons donc que ces ouvertures de crédits – car il ne s’agit pas d’une dépense obligatoire – y figureront, afin que nous puissions constater la réalisation immédiate de la très bonne initiative que vous venez de prendre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Sans aller jusqu’à m’émouvoir, la réflexion de M. le secrétaire d’État m’a perturbée, comme sans doute un grand nombre d’entre nous.
Je salue la vigilance de la commission des lois à l’égard des responsabilités qui incombent aux collectivités et que celles-ci assument avec beaucoup d’attention.
Monsieur le secrétaire d’État, je tenais à vous faire part de ma gratitude, parce que vous venez de mettre en œuvre ce soir l’une des cinquante propositions que le Sénat avait formulées en faveur des libertés locales : le principe selon lequel qui décide paie.
Sur le fond, nous ne pouvons qu’être sensibles à la mesure que vous proposez, parce qu’elle est juste dans l’esprit. Cependant, monsieur le secrétaire d’État, l’essentiel reste surtout que l’État, lorsqu’il prend une décision aussi importante que celle-ci, ne peut pas se contenter de faire le bien en laissant les collectivités payer l’addition.
Je voterai l’amendement tel que vous l’avez rectifié et tel qu’il a été commenté par le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, le Gouvernement ne se contente pas de faire le bien en laissant payer les autres.
J’ai toujours insisté sur le fait que l’État ne devait pas laisser les départements exercer seuls cette compétence, car celle-ci est en réalité partagée. Sans ouvrir le débat, car nous aurons l’occasion de le faire prochainement, je mentionnerai simplement la question de la santé des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, ou bien celle de leur scolarité au sein de l’éducation nationale. Tous ces domaines relèvent aussi de la compétence de l’État, qui doit assumer ses responsabilités.
Voilà pourquoi, depuis trois ans, l’État réinvestit le champ de l’aide sociale à l’enfance. Il ne s’agit pas de reprendre la main sur la compétence exercée, à juste titre, par les départements, mais il est temps que nous coopérions davantage pour éviter les ruptures de parcours insupportables que peuvent subir ces enfants. Celles-ci sont en grande partie liées au manque de coordination entre l’État et les départements, ou parfois entre les différents services de l’État sur le territoire. Tel est le sens de l’amendement du Gouvernement.
Indépendamment des aspects institutionnel et budgétaire que vous mentionnez et dont je ne nie pas l’importance, je me réjouis que, durant cette période, il soit encore possible qu’aucun gamin de l’aide sociale à l’enfance n’en sorte à la rue.
Permettez-moi de vous rappeler qu’il est aussi de votre responsabilité de parlementaires de vous assurer que tel est le cas ! Certes, les départements assurent leurs compétences en responsabilité. Cependant, pendant l’état d’urgence sanitaire, j’ai eu vent de certaines situations où des enfants avaient été remis à la rue. Il ne s’agissait pas de gamins qui souhaitaient sortir du dispositif et qui en faisaient la demande. Certains, en effet, n’en peuvent plus des institutions, et c’est un choix qu’il faut respecter. En l’occurrence, ce n’était pas le cas.
Ces situations ne sont pas normales. Elles contreviennent à la loi que vous aviez votée et aux dispositions que vous allez voter ce soir. Je compte donc sur votre vigilance dans les mois à venir pour qu’aucun gamin de l’aide sociale à l’enfance ne se retrouve à la rue.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.
Article 6 bis A
L’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire est ainsi modifié :
1° La première phrase du I est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « sanitaire », est insérée la référence : « , du 2° du I de l’article 1er de la loi n° … du … relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire » ;
b) À la fin, la référence : « du second alinéa du I de l’article L. 3131-17 du même code » est remplacée par les références : « des deux premiers alinéas du II de l’article 1er de la loi n° … du … précitée ou du second alinéa du I de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique » ;
1° bis (nouveau) Après le mot : « peut », la fin du deuxième alinéa du II est ainsi rédigée : « pratiquer de mesures conservatoires qu’avec l’autorisation du juge, par dérogation à l’article L. 511-2 du code des procédures civiles d’exécution. » ;
2° Le VIII est complété par les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ». – (Adopté.)
Article 6 bis
L’application du I de l’article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est suspendue en cas de congés de maladie directement en lien avec la covid-19 à compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 15 septembre 2021.
Le lien direct est établi par un examen de dépistage virologique concluant à une contamination par la covid-19 inscrit à la nomenclature des actes de biologie médicale. – (Adopté.)
Article 7
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, jusqu’au 15 septembre 2021, à prendre par ordonnances :
1° Toute mesure relevant du domaine de la loi permettant, afin de tenir compte de la situation sanitaire et de ses conséquences et d’accompagner la reprise d’activité, si nécessaire de manière territorialisée, l’adaptation et la prolongation des dispositions relatives :
a) À l’activité partielle ;
b) (Supprimé)
c) À la position d’activité partielle des salariés mentionnés à l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ;
2° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance prévue aux I et II.
IV. – Le II de l’article 5 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « 17 octobre 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire mentionné au premier alinéa du I » sont remplacés par les mots : « 1er avril 2021 et pour une période n’excédant pas le 15 septembre 2021 » ;
2° Au 1°, les mots : « en octobre 2020 » sont remplacés par les mots : « entre le 1er avril 2021 et le 15 septembre 2021 » ;
3° À la fin du 3°, les mots : « début de l’état d’urgence sanitaire mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « placement en activité partielle intervenant entre le 1er avril 2021 et une date ne pouvant être postérieure au 15 septembre 2021 ».
V (nouveau). – Au deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail, la date : « 31 août » est remplacée par la date : « 31 décembre ».
Mme la présidente. L’amendement n° 66, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Dans un rapport parlementaire sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire, remis le 14 décembre dernier à l’Assemblée nationale, les députés s’inquiétaient « de la multiplication des habilitations sollicitées par le Gouvernement pour légiférer par ordonnances ». Ils relevaient que pas moins de 77 ordonnances avaient été publiées depuis le début de la crise sanitaire. Au total, ce sont 95 ordonnances qui ont été prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. L’article 7 vise à en proroger une grande partie.
Si l’on ajoute les éventuels règlements locaux, les Français ont été confrontés depuis dix mois à un enchevêtrement de textes et à des situations dont il était parfois difficile de déterminer le régime juridique applicable. Celui-ci peut, en effet, dépendre du jour, de la période et de l’endroit où l’on se trouve, en métropole ou dans les outre-mer, dans les Alpes-Maritimes ou dans le Gard.
Ces deux effets cumulatifs, temporel et géographique, rendent difficilement intelligible le régime applicable, selon Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l’université Jean-Moulin Lyon 3 et spécialiste des états d’exception. Elle explique, en effet, qu’il y a « une compulsivité normative des pouvoirs publics, une tendance à administrer par la norme », et elle poursuit, « on a l’impression que comme ils n’arrivent pas à gérer la situation, ils compensent par le normatif. Mais de ce fait, on se retrouve avec une sorte de monstre normatif, et sans investissement dans l’implémentation, la mise en œuvre ».
Il résulte de cette accumulation de textes normatifs et d’ordonnances une instabilité et un manque de bon sens. C’est pourquoi nous ne pouvons accepter une énième prorogation de ces ordonnances qui, dans l’ensemble, même si quelques bonnes mesures ont été reconduites – je tiens à le redire –, restreignent les droits des Français.