Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a déjà modifié cet article qui ne contient plus qu’une seule habilitation en matière d’activité partielle et qui permet un accompagnement progressif de la sortie de crise. Le reste des dispositions d’habilitation a été inscrit, comme on dit, « en dur » dans la loi. C’est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) À l’activité partielle et à l’activité réduite pour le maintien en emploi mentionnée à l’article 53 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ;
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, en première lecture. Il s’agit d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin d’adapter le dispositif d’activité partielle de longue durée. L’objectif est notamment de pouvoir individualiser le recours au dispositif, sur le modèle de ce que permet déjà le droit commun.
De nombreuses entreprises, dans différents secteurs d’activité, ont en effet saisi les services du ministère du travail au sujet de cas très concrets. La branche des bureaux d’études, par exemple, a indiqué que les consultants d’une même équipe pouvaient avoir des spécialités différentes. Il est donc nécessaire de pouvoir adapter le taux d’activité de ces consultants aux besoins de l’entreprise, lors de la reprise d’activité.
Cette habilitation à agir par ordonnances est essentielle si l’on veut donner aux entreprises les outils nécessaires et adaptés pour faire face à la crise.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai également l’amendement n° 88.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Afin de tenir compte de l’état de la situation sanitaire et d’accompagner la reprise d’activité, le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, à prendre par voie d’ordonnance, jusqu’au 31 août 2021, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant :
1° La prorogation des dispositions relatives aux durées d’indemnisation prévues au deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail, avec les adaptations nécessaires ;
2° L’adaptation, en fonction de l’âge des allocataires, des modalités de calcul de l’allocation des demandeurs d’emploi mentionnés au deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-324 précitée.
II. – Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir l’habilitation permettant au Gouvernement de prolonger par ordonnance l’année blanche des intermittents du spectacle.
En effet, dans son rapport sur les suites de l’année blanche en faveur des intermittents du spectacle et de l’audiovisuel, la mission Gauron précise que l’absence de prolongation de cette période conduirait à une baisse du niveau d’allocation pour une partie des intermittents et à la réduction de la période d’indemnisation pour ceux dont le contrat de travail ne finirait pas à une date proche du mois d’août 2021.
Cette prolongation est actuellement prévue jusqu’au 31 décembre 2021, mais pourrait être réévaluée si de nouvelles restrictions devaient être imposées au secteur culturel.
L’habilitation à légiférer par ordonnances est donc essentielle, car elle nous permettra d’adapter la durée de la prolongation, si la situation des intermittents se révèle très difficile à la fin de l’été prochain, du fait de nouvelles restrictions.
Nous souhaitons également que cette habilitation permette d’adapter les modalités de calcul de l’allocation des jeunes intermittents, ce qui facilitera la mise en œuvre de certaines préconisations du rapport Gauron pour prendre en compte la situation de ces jeunes encore plus durement touchés par la crise que les autres intermittents.
Par conséquent, cette habilitation contribuera à accompagner la reprise de l’activité dans le secteur culturel, en prorogeant les mesures spécifiques en matière d’indemnisation des intermittents du spectacle. Dans cette perspective, la prolongation de l’année blanche est essentielle, tout comme l’adaptation des critères d’accès au régime d’assurance chômage des intermittents, prévue pour les jeunes qui sont arrivés sur le marché du travail pendant la crise sanitaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission des lois a bien sûr pris soin d’en référer à Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, puisque ces matières relèvent de la compétence de ladite commission.
Concernant l’amendement n° 87, en supprimant, sur l’initiative de Mme Deroche, l’habilitation donnée au Gouvernement en matière d’activité réduite pour le maintien en emploi, nous avions émis le souhait que le Gouvernement précise sa demande d’habilitation, s’il y tenait ; en effet, nous n’avons pas le pouvoir de modifier une habilitation à légiférer par ordonnance. Or le Gouvernement ne précise pas sa demande d’habilitation ; il demande simplement, par cet amendement, que l’habilitation soit rétablie. Le dialogue ne s’est donc pas noué sur ce point. Par conséquent, nous ne pouvons qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 88, qui vise à prolonger l’année blanche des intermittents du spectacle, là aussi, notre avis ne pourra être que défavorable. Nous avons souhaité éviter d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce point, en faisant figurer les dispositions favorables aux intermittents du spectacle dans la loi elle-même. Si le Gouvernement n’est pas satisfait de la manière dont nous avons rédigé les choses, je crois qu’il aurait dû, plutôt que de nous soumettre à nouveau cette demande d’habilitation, nous proposer une modification des dispositions législatives que la commission des lois a adoptées.
Il me faut donc exprimer au nom de la commission un avis défavorable sur ces deux amendements, monsieur le secrétaire d’État, avec le regret que notre dialogue n’ait pas été plus fécond.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Pour compléter ce que vient de dire M. le rapporteur, je veux rappeler que nous avions eu en séance le 26 mai 2020, il y a presque un an, une discussion assez mouvementée sur l’habilitation donnée au Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l’activité partielle de longue durée. Mme Pénicaud, alors ministre du travail, s’était engagée à cette occasion à faire inscrire dans la loi ce qui concernait cette activité partielle. Or nous nous sommes entretenus le 7 mai dernier, conjointement avec la commission des affaires économiques, avec Mme Borne, à la demande de celle-ci ; on a bien vu à cette occasion que la modification apportée au dispositif d’activité partielle de longue durée ne serait que ponctuelle et concernerait seulement la possibilité d’individualiser le dispositif.
Nous avons donc décidé de supprimer cette habilitation : il s’agissait en fait d’inviter le Gouvernement à présenter un amendement tendant à modifier directement les dispositions législatives en question, ou du moins à demander une habilitation circonscrite au strict nécessaire. Or vous n’avez fait ni l’un ni l’autre, monsieur le secrétaire d’État : vous demandez à revenir à ce qui figurait dans le texte initial. De fait, cela dément quelque peu ce à quoi s’était engagée Mme Pénicaud il y a un an. C’est pourquoi nous entendons maintenir le texte issu de nos travaux.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 46, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, MM. Kanner, Marie et Kerrouche, Mme Artigalas, MM. Durain, Sueur, Bourgi et Redon-Sarrazy, Mmes Conconne et Jasmin, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Pour l’année 2021, la période mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et au premier alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution est prolongée jusqu’au 31 mars 2022.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. En application de l’ordonnance n° 2021-141 du 2 février 2021, la période de trêve hivernale, pendant laquelle l’expulsion de locataires est impossible, prendra fin le 1er juin 2021, concomitamment à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Afin de protéger les locataires dans le contexte de crise économique et sociale actuel, le présent amendement vise à prolonger de manière exceptionnelle cette période jusqu’au 31 mars 2022.
En effet, toutes les études montrent que la précarité et la pauvreté augmentent en ce moment, particulièrement parmi les ménages déjà les plus sensibles et les familles les plus fragiles. Le Sénat a d’ailleurs créé une mission d’information sur cette question. On voit bien que, si l’on ajoute encore à cette précarité qui s’aggrave des problèmes de logement, si ces ménages doivent encore se préoccuper de conserver ou retrouver un logement, alors le problème devient crucial.
Je crois donc qu’il est important que cette trêve hivernale puisse se prolonger jusqu’au 31 mars 2022, le temps de passer cette crise, et je regrette que la commission des lois ait rejeté la reconduction de cette période.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 est présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 75 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Pour l’année 2021, la période mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et au premier alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution est prolongée jusqu’au 31 octobre 2021.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 18.
Mme Esther Benbassa. Depuis le début de la crise sanitaire du covid-19, à l’origine de la crise sociale et économique que le pays connaît actuellement, crise qui a fortement accentué les difficultés que rencontrent les populations les plus fragilisées, les risques d’impayés se sont renforcés ; ils concernent aussi bien les loyers que les factures d’électricité, de gaz et de chauffage.
C’est pourquoi, à rebours de la démarche de la commission des lois, nous avons déposé le présent amendement, qui vise à protéger les ménages jusqu’à la fin de la prochaine trêve, le 31 mars 2022.
Nous estimons en effet que, dans un contexte sanitaire et social toujours très difficile, il est primordial de sécuriser les situations des familles les plus exposées, alors que le Gouvernement prévoit de lever progressivement les mécanismes de soutien économique.
À cette fin, cet amendement tend à prolonger la trêve hivernale des loyers et à interdire les coupures d’électricité, de gaz et de chauffage durant la période qui sépare la promulgation du présent texte et le début de la prochaine période de trêve hivernale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 75.
Mme Michelle Gréaume. À l’instar de nombreuses associations, et comme nous l’avions récemment demandé lors de questions d’actualité au Gouvernement, nous souhaitons que l’année 2021 soit une année « zéro expulsion locative ».
Nous ne voulons pas qu’à la précarité accrue que subissent de trop nombreux salariés du fait des différents confinements et de la baisse d’activité s’ajoute l’angoisse d’une expulsion et d’une mise à la rue aux conséquences trop lourdes pour les familles.
Une expulsion est un traumatisme inouï, contraire non seulement au droit au logement reconnu constitutionnellement, mais également à la dignité humaine.
Nous demandons donc par cet amendement la prolongation de la trêve hivernale jusqu’au 31 octobre prochain, afin de répondre à l’urgence sociale.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 45 est présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, M. Leconte, Mme S. Robert, MM. Kanner, Marie et Kerrouche, Mme Artigalas, MM. Durain, Sueur, Bourgi et Redon-Sarrazy, Mmes Conconne et Jasmin, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 97 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, il ne peut être procédé dans une résidence principale, à aucune interruption, y compris par résiliation de contrat ou pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles par les fournisseurs d’électricité, de chaleur ou de gaz à compter de la publication de la présente loi et jusqu’au 31 mars 2022.
La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 45.
Mme Viviane Artigalas. Le présent amendement, comme ceux qui viennent d’être présentés, vise à prolonger jusqu’au 31 mars 2022 la période de trêve durant laquelle les coupures d’électricité, de gaz et de chauffage sont interdites.
En effet, au regard de la situation sociale qui découle de la crise sanitaire et économique actuelle, et considérant que la trêve légale est en vigueur du 1er novembre au 31 mars, nous proposons de sécuriser les ménages durant la période qui sépare la promulgation du présent texte et la fin de la prochaine période de trêve.
Dans un contexte sanitaire qui demeure difficile, et alors que les mécanismes de soutien économique qui devraient en compenser les effets vont commencer à être progressivement levés, il s’agit d’apporter un élément de sécurité et de visibilité aux familles les plus en difficulté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 97.
Mme Michelle Gréaume. Afin de protéger les populations fragilisées par la crise économique et sociale, et alors que le cap des 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a été franchi, nous proposons d’interdire les coupures de gaz et d’électricité pour l’ensemble de l’année 2021 et les trois premiers mois de l’année 2022, en inscrivant directement ce principe dans l’article 7 de ce projet de loi. Il s’agit ainsi de le rendre immédiatement applicable.
Nous souhaitons que nos concitoyens les plus précarisés soient mis sous protection publique et que leur accès aux produits de première nécessité que sont l’eau et l’énergie soit garanti.
Il conviendrait également de réfléchir à abonder plus largement les fonds de solidarité pour le logement (FSL), afin de permettre une prise en charge renforcée des impayés de factures d’eau ou d’énergie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, considérant que le retour à la normale doit s’accompagner de l’application du droit commun en matière de trêve hivernale : celle-ci, comme son nom l’indique, est faite pour éviter de mettre des gens à la rue l’hiver et non l’été.
La question de principe qui nous est posée est la suivante : qui doit prendre en charge financièrement les difficultés sociales de nos compatriotes affectés par la crise économique ? On espère bien sûr que celle-ci sera rapidement surmontée, mais on ne peut pas actuellement en apporter la garantie. Il serait difficile, de notre point de vue, d’admettre que les propriétaires de logements et les fournisseurs de fluides soient les variables d’ajustement en la matière.
Je voudrais quand même rappeler que de nombreux propriétaires de logements mis à la disposition de foyers modestes ont eux-mêmes des revenus très faibles, qui dépendent de ces loyers. Je pense par exemple aux retraités de l’agriculture, de l’artisanat ou du petit commerce qui n’ont pas cotisé pendant leur vie active pour toucher des retraites importantes ; ils se retrouvent avec une petite pension et ne vivront réellement au niveau du SMIC que grâce au petit loyer qu’ils encaisseront. Eh bien, il ne faut pas prendre l’habitude de traiter les problèmes de la pauvreté aux dépens d’autres pauvres !
Je crois donc que les dispositions proposées sont aveugles : il vaut bien mieux s’en remettre à des dispositifs de solidarité que d’imputer la charge de cette solidarité à des personnes qui mériteraient elles-mêmes d’en être bénéficiaires.
C’est pourquoi notre commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Concernant les amendements nos 46, 18 et 75, qui ont trait à la trêve hivernale, les données à la disposition de la ministre déléguée chargée du logement, au nom de laquelle je m’exprime ce soir, données étayées par celles de l’observatoire national des impayés de loyers, n’indiquent à ce jour aucune augmentation du nombre de défauts de paiement de loyers d’habitation depuis le début du contexte de crise sanitaire. Pour autant, l’hypothèse d’une hausse à venir ne peut pas être totalement écartée à ce jour. Nous restons donc évidemment vigilants face à cette perspective.
C’est pourquoi la rédaction du présent alinéa 7 est prudente : elle vise à permettre d’ores et déjà la prise de mesures rapides et protectrices en faveur des ménages qui seraient financièrement précarisés en cas de matérialisation d’une telle éventualité dans la période qui sépare la fin de l’état d’urgence du 31 octobre 2021, date du début de la prochaine trêve hivernale. Par conséquent, nous sommes défavorables à ces trois amendements.
Pour les mêmes raisons, nous sommes également défavorables aux amendements nos 45 et 97. Là aussi, la rédaction prudente de cet alinéa permet de prendre en temps utile les mesures adéquates en cas de dégradation de la situation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voulais rappeler à M. Bas que, en cas d’occupation d’un logement par une personne qui n’en paye pas le loyer, un jugement est rendu par le tribunal. En cas de non-application de ce jugement, c’est la puissance publique qui paye ; ce n’est donc pas le propriétaire qui est lésé. L’argumentaire selon lequel la prolongation de la trêve hivernale ferait peser cette charge sur le propriétaire bailleur n’est pas exact : elle ferait peser la charge sur la collectivité publique.
S’agissant de personnes éprouvant des difficultés sociales, une telle mesure n’est pas totalement illégitime, même si je reste persuadée que la meilleure solution serait de créer dans notre pays une garantie universelle des loyers. Rappelons à ce propos que le Sénat avait travaillé sur le principe d’une telle garantie, qui serait une forme de mutualisation en cas de difficultés. Cette garantie protégerait mieux tant le propriétaire bailleur que le locataire ; évidemment, elle ne s’appliquerait pas lorsque le locataire est de mauvaise foi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je crois que nous ne vivons pas dans le même monde, mais ce n’est pas grave ! La crise que notre pays subit depuis plus d’un an n’est pas simplement une crise sanitaire. Travailler à la sortie de la crise sanitaire, c’est bien évidemment aussi décider de mesures d’accompagnement social, parce que la crise sanitaire a plongé notre pays, inévitablement, dans une crise économique et sociale très forte.
Énormément d’aides ont été offertes mois après mois, c’est bien normal. Mais quelle aide y a-t-il eu pour ces femmes et ces hommes, ces salariés qui se sont vus placés en chômage partiel du jour au lendemain ? Certes, un revenu leur était garanti, mais ce n’était pas l’équivalent de leur salaire.
Cela ne me fait pas rire, monsieur le secrétaire d’État ! Il est question du quotidien de femmes et d’hommes qui, aujourd’hui, dans nos départements, ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois. Cela ne me fait pas rire que notre pays, la sixième puissance du monde, voie la pauvreté s’accroître mois après mois !
Cette question n’est pas anecdotique ; il ne s’agit pas simplement de groupes de gauche qui voudraient faire de la surenchère. Cette question est celle d’un pays entier : puisque l’on décide aujourd’hui collectivement que la situation sanitaire nous permet de sortir de cet état d’urgence, notre république doit s’interroger sur les manières de le faire sans imposer au pays des difficultés sociales accrues, avec tout ce que cela peut engendrer.
Demain, autour des terrasses, la joie ne sera pas pour tout le monde ! Nous rencontrons quotidiennement ces femmes et ces hommes qui ont subi des pertes de revenu considérables, quand ce n’est pas leur emploi qu’ils ont perdu ces derniers mois, quand ce n’est pas le financement des études de leurs enfants qui est mis en difficulté, quand ce n’est pas, finalement, toute la vie d’un ménage qui est aujourd’hui en jeu.
Il ne s’agit donc pas de savoir si la trêve hivernale doit s’arrêter au 21 mars de chaque année ou continuer en plein été, mais bien de prendre en compte, aujourd’hui, des droits indispensables, des droits qui garantissent la possibilité de vivre en être humain, les droits au logement.
C’est pourquoi nous avons déposé ces amendements et que, bien évidemment, nous les voterons : nous pensons à toutes ces femmes et ces hommes de notre pays.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 75.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 et 97.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Article additionnel après l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – 1° Il est institué une procédure de traitement de sortie de crise ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 du code de commerce qui, étant en cessation des paiements, dispose cependant des fonds disponibles pour payer ses créances salariales et justifie être en mesure, dans les délais prévus par le présent article, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise.
La procédure ne peut être ouverte qu’à l’égard d’un débiteur dont le nombre de salariés et le total de bilan sont inférieurs à des seuils fixés par décret, et dont les comptes apparaissent réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise.
L’ouverture de la procédure est examinée en présence du ministère public.
2° Le tribunal désigne un mandataire inscrit sur la liste prévue à l’article L. 811-2 du code de commerce ou sur celle prévue à l’article L. 812-2 du même code. Par décision spécialement motivée, il peut désigner une autre personne dans les conditions prévues à ces mêmes articles. Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 621-4 et l’article L. 621-4-1 dudit code ne sont pas applicables.
Le mandataire ainsi désigné exerce les fonctions prévues par les articles L. 622-1, à l’exception de toute mission d’assistance, et L. 622-20 du même code.
3° Les contrôleurs sont désignés conformément aux dispositions de l’article L. 621-10 du même code, à l’exception de celles de son deuxième alinéa.
4° Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée de trois mois. Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes.
5° Le ministère public saisit le tribunal à l’effet de mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise s’il apparaît que le débiteur ne sera pas en mesure de proposer un plan, avec l’assistance du mandataire désigné, dans le délai mentionné au 4° du I du présent article. Le tribunal peut également être saisi aux mêmes fins par le mandataire désigné ou le débiteur. Il est alors fait application, le cas échéant, des dispositions du 2° du IV du présent article.
II. – 1° L’inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent est établi conformément aux dispositions de l’article L. 622-6-1 du code de commerce. Le tribunal peut également dispenser le débiteur, à sa demande, de procéder à l’inventaire.
2° Le débiteur établit la liste des créances de chaque créancier identifié dans ses documents comptables ou avec lequel il est lié par un engagement dont il peut justifier l’existence. Cette liste comporte les indications prévues aux deux premiers alinéas de l’article L. 622-25 du code de commerce. Elle fait l’objet d’un contrôle dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.
3° La liste est déposée au greffe du tribunal par le débiteur. Le mandataire désigné transmet à chaque créancier figurant sur la liste l’extrait de cette liste déposée concernant sa créance. Dans des délais fixés par décret en Conseil d’État, les créanciers peuvent faire connaître au mandataire leur demande d’actualisation des créances mentionnées ou toute contestation sur le montant et l’existence de ces créances.
4° Les engagements pour le règlement du passif, mentionnés à l’article L. 626-10 du code de commerce, peuvent être établis sur la base de cette liste, actualisée le cas échéant, dès lors que ces créances ne sont pas contestées.
III. – 1° La procédure de traitement de sortie de crise est soumise aux règles du titre III du livre VI du code de commerce sous réserve des dispositions du présent article. N’y sont pas applicables les dispositions du III et du IV de l’article L. 622-13 du même code, celles des sections 1, 3 et 4 du chapitre IV et celles du chapitre V du titre II du même livre.
2° En cas de contestation par un créancier de l’existence ou du montant de sa créance portée sur la liste établie par le débiteur, le juge-commissaire, saisi par le mandataire désigné, le débiteur ou le créancier, statue sur la créance dans les conditions de l’article L. 624-2 du code de commerce. La décision du juge-commissaire n’a d’autorité qu’à l’égard des parties entendues ou convoquées. Les conditions et formes du recours ouvert à l’encontre de sa décision sont fixées par décret en Conseil d’État.
IV. – 1° Le tribunal arrête le plan dans les conditions du chapitre VI du titre II du code de commerce sous réserve des dispositions du présent article. Toutefois, le plan ne peut comporter de dispositions relatives à l’emploi que le débiteur ne pourrait financer immédiatement. Le mandataire désigné exerce les fonctions confiées au mandataire judiciaire par ces dispositions.
2° Le plan ne peut affecter que les créances, mentionnées sur la liste prévue au 2° du II du présent article, nées antérieurement à l’ouverture de la procédure. Il ne peut affecter les créances nées d’un contrat de travail, les créances alimentaires, les créances d’origine délictuelle, ni celles d’un montant inférieur à une somme fixée par décret en Conseil d’État.
3° Le montant des annuités prévues par le plan à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8 % du passif mentionné par le débiteur.
4° A défaut de plan arrêté dans le délai prévu au 4° du I du présent article, le tribunal, à la demande du débiteur, du mandataire désigné, ou du ministère public, ouvre une procédure de redressement judiciaire, si les conditions de l’article L. 631-1 du code de commerce sont réunies, ou prononce la liquidation judiciaire, si les conditions de l’article L. 640-1 du même code sont réunies. Cette décision met fin à la procédure. La durée de la période d’observation de la procédure de traitement de sortie de crise s’ajoute à celle de la période définie à l’article L. 631-8 du même code.
V. – Les dispositions du titre VI du livre VI du code de commerce sont applicables en ce qu’elles concernent la présente procédure.
VI. – Le présent article est applicable à Wallis et Futuna.
VII. – Le présent article s’applique aux procédures ouvertes à compter du premier jour suivant la publication de la présente loi et aux demandes formées avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de cette même date.
La parole est à M. le ministre délégué.