M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur. L’amendement n° 12 de Mme Lubin ouvre le bénéfice du dispositif à des CDD de toute durée, en excluant les CDI.
Si le dispositif de cette proposition de loi cible les personnes engagées dans le cadre d’un CDD d’un an ou d’un CDI, c’est à dessein : il ne s’adresse pas aux travailleurs saisonniers. Il s’agit, par le biais de cette expérimentation, d’encourager une inscription dans l’emploi durable avec le soutien des entreprises, et non de donner une prime aux contrats courts.
Il s’agirait, si le sous-amendement n° 15 est voté, d’autoriser le cumul du RSA et de revenus professionnels pendant neuf mois. Une telle proposition en faveur de l’emploi durable est inédite.
L’amendement n° 6 rectifié bis de Pascale Gruny vise quant à lui à limiter à six mois la durée de ce cumul et de la suspension corrélative de la prime d’activité.
Je rappelle que le droit actuel permet un cumul pendant trois mois des revenus professionnels avec le RSA. L’adoption de cet amendement reviendrait à ne prolonger que de trois mois cette possibilité de cumul.
Dans un esprit de compromis, Claude Malhuret a proposé neuf mois. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 6 rectifié bis sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 15.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Différentes durées sont proposées : la proposition de loi prévoit un an ; une proposition de réduction à six mois est versée au débat ; M. Malhuret essaie de trouver le juste milieu en suggérant neuf mois.
Sur le principe du cumul, de toute façon, nous ne sommes pas d’accord. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements et ce sous-amendement.
Le dispositif envisagé dans cette proposition de loi ne garantit en rien que les allocataires du RSA qui en relèveraient auraient plus de chances de s’insérer définitivement à la sortie du dispositif.
Je crains également que ce que vous proposez ne soulève un autre sujet, celui de l’effet de seuil à la sortie du dispositif, avec de possibles pertes de revenus, y compris une fois la prime d’activité réactivée.
En outre, des inégalités seraient créées entre salariés d’une entreprise travaillant pourtant sur un même poste.
Le risque est enfin, à mon avis, d’inscrire durablement les personnes bénéficiaires du RSA dans des contrats limités dans le temps.
Voilà nos inquiétudes. La prime d’activité répond largement à l’exigence d’incitation financière ; elle n’est d’ailleurs pas réservée aux bénéficiaires du RSA. Et pour avoir longtemps discuté avec des allocataires, je peux vous dire que la solution qu’ils plébiscitent consiste à sortir du RSA…
Mme Laurence Cohen. Eh oui !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. L’activité, pour eux, c’est la dignité. Ils préfèrent largement ne pas dépendre du RSA. Je pense que nous pouvons trouver un autre système d’insertion sociale avec la prime d’activité, dont le montant a de surcroît été revalorisé : c’est à mon avis le meilleur vecteur de suivi social.
C’est davantage dans cette direction qu’il faut agir, celle que vous proposiez, madame la sénatrice, avec des contrats d’engagement beaucoup plus larges. Voilà pourquoi je suis défavorable à ce type d’amendements.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je suis évidemment d’accord avec le magnifique plaidoyer que vient de faire Mme Gruny à propos des gens qui travaillent sans gagner suffisamment, ceux qui sont payés au SMIC notamment. J’entends votre plaidoyer, et j’espère que nous serons au coude-à-coude pour relever les salaires. Oui, aujourd’hui, il faut relever les salaires de tous ceux qui, gagnant le SMIC, ont du mal à joindre les deux bouts ! J’étais vraiment heureuse de vous entendre tenir ces propos, ma chère collègue, et je n’ai désormais aucun doute quant à votre présence à nos côtés lorsque, demain, des propositions de loi allant dans ce sens seront discutées.
Je rappelle que le RSA, c’est 564 euros par mois ! Peut-on vivre avec 564 euros par mois ? Je ne le pense pas. Ce ne sont pas ces malheureux, ces pauvres – il faut le dire –, qui sont au RSA, qui ont trop ; ce sont bien plutôt ceux qui gagnent le SMIC, qui sont aussi, pour certains, des travailleurs pauvres, qui n’ont pas assez.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. Jean-François Longeot. C’est vrai, ça !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. À mon tour, avant la mise aux voix de l’amendement n° 12 présenté au nom de notre groupe par Monique Lubin, de défendre l’idée que cette expérimentation, si elle peut être soutenue, ne doit pas être restreinte aux contrats d’une durée minimale d’un an. Cette limitation passerait résolument à côté de l’objectif visé, qui est de favoriser le retour à l’emploi.
Il peut en effet être utile de permettre un coup de pouce, via le cumul du RSA et des revenus de l’emploi, pour des durées d’emploi bien plus réduites. J’en veux pour preuve les initiatives lancées par le conseil départemental de Loire-Atlantique, qui permet déjà ce cumul pour des activités saisonnières bien connues dans ce département : maraîchage, agriculture, logistique, alimentation. La carotte nantaise, la mâche, bientôt le muguet… : tous les emplois afférents représentent 5 % de l’offre totale, soit 5 000 annonces dans mon département.
On connaît ces offres, qui sont parfois recensées comme des emplois ne trouvant pas preneur : il y a là un vivier d’offres d’emploi qu’il convient d’accompagner sans restriction. Si l’on empêche les allocataires du RSA, dans l’expérimentation que vous présentez, de cumuler l’emploi avec des revenus saisonniers perçus sur une durée de moins d’un an, on échouera à répondre aux besoins en emplois et à produire l’effet « coup de pouce à l’insertion » recherché.
Certains parcours, on le sait – cela a été dit –, sont ainsi faits qu’ils ne sont pas linéaires : de courtes durées d’emploi se succèdent dans l’attente d’un emploi plus pérenne.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. La première chose à faire, c’est combattre les idées fausses et ne pas les alimenter. Dire que lorsqu’on reprend un emploi on perd de l’argent, qu’en la matière il existe une incitation négative, voilà une idée fausse. La Drees et tous ceux qui analysent cette question disent que ce n’est pas vrai ; ça l’est encore moins depuis que la prime d’activité a été revalorisée à la suite – je le rappelle – du mouvement des « gilets jaunes ».
Il faut donc commencer par mener la bataille idéologique en disant que lorsqu’une personne au RSA reprend un emploi elle ne perd pas d’argent, toutes prestations sociales – aides au logement, etc. – comprises. Parfois des aides départementales s’ajoutent au tableau, mais rien n’empêche un département de les maintenir.
Deuxième idée fausse : la personne au RSA ferait un calcul purement économique. On retrouve l’acteur économique de l’analyse libérale, qui se dit que cela ne vaut pas le coup de reprendre un emploi, qu’il vaut mieux rester bénéficiaire de cette allocation, que celle-ci permet de vivre suffisamment bien, comme cela a été dit. Voilà une nouvelle idée fausse, pour ce qui concerne en tout cas l’immense majorité des allocataires du RSA.
Combattre ces deux idées – on perd de l’argent en reprenant le travail ; les allocataires du RSA s’y installent par confort –, c’est une vraie bataille idéologique. Il faut se garder de bâtir des expérimentations à partir d’idées fausses, sinon tout est biaisé.
Par ailleurs, ne fermons pas la porte aux CDI ! Cette proposition me paraît incroyable : en plus d’ouvrir le dispositif aux allocataires depuis moins d’un an, voilà qu’on le fermerait à ceux qui obtiendraient un CDI ? Autant revenir aux contrats courts, qui prospèrent aujourd’hui : 10 % des bénéficiaires de la prime d’activité sont au RSA – je l’ai dit. Ils finissent par être cantonnés à des allers-retours entre contrats courts et arrêt de l’activité ; pendant la crise, comme je l’ai dit, ils ont été bloqués dans le dispositif.
Je ne suis donc pas pour supprimer l’éligibilité des CDI au dispositif ;…
M. René-Paul Savary. Ce n’est pas le sujet…
Mme Raymonde Poncet Monge. … je suis pour que l’expérimentation se fasse dans le cadre de contrats les plus longs possible.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié bis, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. Philippe Mouiller. Très bien !
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition de loi est inscrite dans le cadre de l’espace réservé au groupe Les Indépendants – République et Territoires, limité à une durée de quatre heures. Je me verrai dans l’obligation de suspendre la séance à seize heures dix ; je vous invite donc à la concision pour la discussion des sept amendements restants.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
La prime d’activité versée par l’État vient en déduction du montant du revenu de solidarité active versé par le département.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement tend à proposer une autre solution que celle des compensations de l’État, à savoir le maintien de la prime d’activité déduite du montant du RSA.
Compte tenu de ce que vient de dire M. le président, je vais volontiers le retirer. Néanmoins, madame la ministre, vos propos ne laissent pas de m’inquiéter : la position défavorable que vous avez exprimée sur cette proposition de loi préjuge mal de la compensation versée aux départements, pour laquelle aucune perspective d’amélioration n’est à espérer.
Quant à l’idée – elle devrait être en discussion dans le projet de loi 4D, s’il nous arrive un jour – de recentraliser le dispositif avec l’argent des départements, elle ne me paraît pas non plus une avancée significative : un coût sera toujours imputé aux départements. Là encore, la copie est à revoir.
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. René-Paul Savary. Néanmoins, monsieur le président, comme je l’ai annoncé, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, MM. Lefèvre et Savin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Rapin, Mmes Deseyne et M. Mercier, MM. Bascher et Bonne, Mmes Dumont et Lassarade, MM. D. Laurent, Burgoa et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, M. Cuypers, Mmes Chauvin, Micouleau et Demas, MM. Bouloux, Husson, Cardoux, Panunzi, Bacci et Sautarel, Mme Drexler, MM. Laménie et Babary, Mme Muller-Bronn et MM. Bonhomme et B. Fournier.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.
Mme Pascale Gruny. Il s’agit de supprimer la dérogation prévoyant une durée de travail hebdomadaire minimale de quinze heures. Pour l’employeur comme pour le salarié, une durée de quinze heures n’est pas suffisante pour juger de leur capacité à travailler ensemble.
Il s’agit de surcroît d’une durée dérogatoire par rapport à la durée minimale légale de travail du salarié à temps partiel.
Cette dérogation ne me semble donc pas justifiée.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 13
Mme Monique Lubin. Nous sommes par essence complètement opposés à toute dérogation au droit du travail.
Le législateur a adopté le principe d’une durée de travail hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures. Nous ne souhaitons pas qu’un quelconque dispositif prévoie un seuil inférieur. D’abord, parce qu’une telle mesure pourrait créer des effets d’aubaine pour certains employeurs. Ensuite, parce que nous ne voulons pas de sous-contrats pour des sous-salariés.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
pendant neuf mois au plus
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Je partage une partie des propos de Monique Lubin ainsi que certaines propositions de Pascale Gruny. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement intermédiaire.
La dérogation de quinze heures doit être limitée dans le temps pour éviter de fabriquer des travailleurs pauvres. Initialement, j’avais proposé une durée de six mois, mais il m’a été demandé de la rectifier. J’ai donc prévu neuf mois, ce qui permet de répondre aux besoins de certains bénéficiaires. Notre amendement reflète une position assez consensuelle au sein de la commission des affaires sociales.
Mettre ces personnes au travail quinze heures par semaine représente une première étape. Cependant, il ne faut pas qu’elle dure trop longtemps. La deuxième étape est de passer à vingt-quatre heures. Nous espérons tous que cela débouchera sur un emploi définitif à temps complet, avec un CDI, mais il faut y aller progressivement. C’est l’intérêt de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque l’employeur est une entreprise de plus de cinquante salariés, il désigne pour chaque bénéficiaire un tuteur parmi les salariés qualifiés de l’entreprise.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Il s’agit de proposer un tutorat dans les entreprises de plus de cinquante salariés. En effet, il sera peut-être plus difficile de désigner un tuteur dans les petites entreprises, même si celles-ci devront bien nommer un responsable, qui sera, à défaut, le chef d’entreprise.
Ce tutorat a pour but d’accompagner le bénéficiaire du RSA dans la mise en valeur de ses capacités professionnelles. Chacun a des capacités qu’il s’agit de découvrir. Un tuteur pourra peut-être permettre à un certain nombre des bénéficiaires de révéler plus rapidement leurs compétences. C’est en tout cas ce que nous espérons tous profondément.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 8 rectifié bis et 13. En revanche, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 4 rectifié bis de M. Savary, qui vise à limiter à neuf mois la durée de quinze heures, et sur l’amendement n° 5 rectifié bis du même auteur sur le tutorat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Par principe, nous sommes plutôt défavorables à toute dérogation concernant les CDD, en vertu de la loi que nous avons votée relative à la sécurisation des parcours professionnels. Prévoir une possibilité de déroger à la norme n’est pas une mesure protectrice pour les salariés. Cela risquerait d’accroître la précarité des travailleurs, ce qui n’est pas le but recherché par la proposition de loi. Néanmoins, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
S’agissant du tutorat, je suis tout à fait favorable à tout ce qui peut relever de l’accompagnement dans les démarches d’insertion, tant pour les jeunes que pour les bénéficiaires du RSA ou d’autres publics. Pour autant, la mesure proposée ferait peser une charge sur l’entreprise, que celle-ci compte d’ailleurs moins ou plus de cinquante salariés. En effet, le tutorat n’est pas un dispositif neutre. En outre, il doit reposer sur le volontariat. Je ne suis pas sûre qu’il puisse, à ce stade, être imposé par la loi.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je retire mon amendement n° 8 rectifié bis au profit de l’amendement n° 4 rectifié bis de M. Savary.
La disposition prévue par l’amendement n° 5 rectifié bis, que j’ai cosigné, aura effectivement un coût pour l’entreprise, mais désigner un tuteur est indispensable si l’on veut que ces personnes très éloignées de l’emploi réussissent. Elles ont vraiment besoin d’être coachées, prises par la main, pour parvenir à conserver leur emploi.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous soutenons tout à fait ce que vient de dire Mme la ministre sur ces mesures dérogatoires, qui, pour le dire vite, ne vont pas dans le bon sens.
Je voudrais rappeler un certain nombre de données chiffrées relatives aux femmes.
En France, si les femmes représentent aujourd’hui environ 48 % de la population active, elles sont toujours aussi nombreuses à occuper des emplois précaires : 82 % des salariés à temps partiel et deux tiers des travailleurs pauvres sont des femmes. En dépit de quarante ans de lois sur l’égalité professionnelle, celle-ci n’est toujours pas réalisée. Ce constat appellerait des mesures fortes afin que l’égalité professionnelle ne reste pas un vœu pieux. Pourtant, les dernières réformes du code du travail n’ont fait que fragiliser l’édifice législatif en faveur de l’égalité professionnelle.
Le recours de plus en plus massif au temps partiel par les entreprises pénalise en premier lieu les femmes, qui restent les principales variables d’ajustement de l’organisation du temps de travail. Ainsi, 78 % des salariés en temps partiel sont des femmes et 31 % des femmes salariées sont à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes. Quant au temps partiel subi, il concerne 32 % des femmes travaillant à temps partiel.
Plutôt que de favoriser les mini-boulots de quinze heures par semaine, comme nous y encourage cette proposition de loi, il faudrait davantage encadrer le temps partiel imposé, qui demeure une cause importante de persistance des inégalités salariales entre les femmes et les hommes et une source de précarité professionnelle pour les femmes salariées.
L’amendement n° 13, qui vise à supprimer la limite minimale de quinze heures, va dans le bon sens, mais il est largement insuffisant puisqu’il ne tend pas à renforcer l’encadrement des dérogations à la durée minimale de vingt-quatre heures. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cet amendement, d’autant que, comme l’a dit ma collègue Cathy Apourceau-Poly, nous sommes fondamentalement opposés à la proposition de loi.
Il faudrait que nous soyons tous d’accord pour remédier aux inégalités croissantes entre les femmes et les hommes, que je tenais à évoquer une fois encore ici.
Mme Michelle Meunier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je serai brève, parce que je veux que l’examen de la proposition de loi puisse aller à son terme dans le cadre de cette niche.
Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont été évoqués concernant cette dérogation aux vingt-quatre heures hebdomadaires. Seulement, si la durée est de quinze heures pendant neuf mois, je ne vois pas très bien comment gravir la marche suivante, à savoir passer à vingt-quatre heures pour trois mois au maximum si le contrat est de douze mois. Si ce n’est pas possible, il y aura une perte de revenu. Il ne faudrait pas, comme l’a dit Mme la ministre, que le dispositif soit contre-productif.
Si une personne ne peut travailler que quinze heures, le dispositif d’insertion par l’activité économique permettrait d’ajuster la quotité de temps de travail aux possibilités de travail que peut accomplir cette personne à un moment donné, compte tenu des facteurs qui la freinent et qui ne relèvent pas uniquement de sa seule bonne volonté. Je suis donc opposée à cette dérogation.
En revanche, je suis tout à fait favorable au tutorat, mais, comme cela a été dit, 80 % des entreprises qui recruteront des salariés sont des PME-PMI. Elles ne seront donc pas concernées. C’est dommage, car cette mesure doit relever d’un l’engagement propre, spécifique, de l’entreprise, qui doit être mis en parallèle avec les engagements demandés au salarié.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, M. Savary, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Lefèvre et Savin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Rapin, Mme M. Mercier, MM. Bascher et Bonne, Mmes Dumont et Lassarade, MM. D. Laurent, Burgoa et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, M. Cuypers, Mmes Chauvin, Micouleau et Demas, MM. Bouloux, Belin, Panunzi, Cardoux, Bacci, C. Vial, Sautarel et Pointereau, Mme Drexler, M. Laménie, Mme Muller-Bronn et MM. Bonhomme et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En cas de rupture du contrat de travail à l’initiative du bénéficiaire de ladite expérimentation, celui-ci voit son revenu de solidarité active suspendu, sauf motif valable, sur décision du président du conseil départemental.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 10 rectifié bis.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, MM. Milon et Savary, Mme Deseyne, MM. Cuypers, Lefèvre et Savin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Rapin, Mme M. Mercier, MM. Bascher et Bonne, Mmes Dumont et Lassarade, MM. D. Laurent, Burgoa et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam, Thomas, Chauvin, Micouleau et Demas, MM. Belin, Bacci et Pointereau, Mme Drexler, M. Laménie, Mme Muller-Bronn et M. Bonhomme, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les bénéficiaires de ladite expérimentation s’engagent à rester dans l’entreprise dans laquelle ils sont embauchés en contrat à durée indéterminée pendant une durée minimale de deux ans.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Pascale Gruny. L’amendement n° 9 rectifié bis vise à responsabiliser le bénéficiaire du RSA en l’incitant à rester en activité professionnelle. Si celui-ci prend l’initiative de rompre son contrat de travail, il verra son revenu de solidarité active suspendu pendant le temps où il a bénéficié de son salaire et du RSA. C’est une situation que l’on rencontre souvent.
L’amendement n° 10 rectifié bis tend à appliquer une clause de dédit-formation. On le sait, les entreprises s’investissent largement dans les dispositifs d’alternance et d’apprentissage. Or il arrive parfois qu’à la fin de son contrat le salarié parte travailler dans une autre entreprise ; l’entreprise d’origine perd alors tout le bénéfice de l’investissement qu’elle a mis dans la formation.
J’ai souhaité présenter mes amendements, mais je les retire tous les deux, car je sais que la commission y sera défavorable. Comme je ne reprendrai pas la parole, j’annonce d’ores et déjà que je voterai la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. Les amendements nos 9 rectifié bis et 10 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – La charge résultant pour l’État de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – La charge résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi est compensée, à due concurrence, par l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous observons toujours avec attention les propositions qui permettent d’améliorer l’insertion des bénéficiaires de minima sociaux. Dans tous les départements dans lesquels nous sommes aux responsabilités – je tiens à le dire –, nous pilotons des initiatives en ce sens.
Nous ne pouvons pas accepter le discours que nous entendons depuis la création du RSA, qui n’a pas beaucoup varié depuis lors et qui consiste à stigmatiser ses bénéficiaires. Puisque les pauvres – il faut bien appeler un chat un chat ! – vivent de ce qu’on veut bien leur donner, il faut qu’ils le méritent en faisant, comme je l’ai entendu ce matin, des travaux d’intérêt général. Je rappelle tout de même que les travaux d’intérêt général sont pour les délinquants !