M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 692.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 109 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l’adoption | 243 |
Contre | 36 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 691 rectifié, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 110 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 271 |
Pour l’adoption | 243 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 55.
Intitulé du projet de loi
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 510, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi apportant des éléments de réponse face à la conquête des idéologies islamistes
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement vise à modifier le titre de ce texte, dont le contenu reste bien en deçà de ce qu’il était urgent et pertinent d’inscrire dans la loi.
Je rappelle que les sénateurs, majoritairement de droite, ont refusé de voter la définition juridique claire de l’islamisme dans notre droit, l’interdiction du voile dans l’espace public, l’interdiction du voile à l’université, la création d’un délit d’islamo-clientélisme et la pénalisation des entraves sur les réseaux sociaux.
De plus, la commission des lois, dont le président, les rapporteurs et la majorité sont de droite, a déclaré irrecevables mes amendements visant à interdire les produits issus de l’abattage rituel dans les services de restauration publique, à supprimer le droit du sol systématique pour un enfant né sur le sol français de parents étrangers ou à permettre d’expulser les étrangers inscrits au FSPRT (fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste).
On est perdu dans une double impasse, soit avec de nouvelles mesures contraignantes pour l’ensemble des citoyens, sans la stigmatisation spéciale et pourtant nécessaire des islamistes, soit avec des mesures trop périphériques.
En refusant de tarir la cause du problème – l’immigration –, en refusant le triptyque « cibler, nommer, éradiquer », nous créons une loi dont les effets se retourneront contre nous. Les islamistes se servent et se serviront des principes généraux, et généreux jusqu’à la naïveté, de la République pour nous anéantir, et nous n’aurons plus la République française, mais une République islamique de France.
Le spécialiste des questions de sécurité, d’islamisme et de terrorisme, maître Thibault de Montbrial appelle cela « le judo des valeurs » : l’adversaire se sert du poids de l’autre pour le mettre au sol. C’est notre attachement viscéral à la liberté et aux libertés qui permet aux islamistes, séparatistes d’abord, conquérants ensuite, d’abattre ces mêmes libertés. L’islamisme se sert des principes de notre droit pour nous mettre à terre ; notre force devient dès lors une faiblesse.
Le cadre feutré de nos débats et votre peur chronique de ne pas bousculer les dispositions de notre droit nous ont empêchés de faire de la politique lors de l’examen de ce texte. Il faut pourtant une juridiction et des magistrats spécialisés pour éradiquer la gangrène, en bref créer un État de droit antiterroriste et anti-islamiste sans aucune faille.
Monsieur le ministre, vous créez de la loi, vous créez des articles autant que vous écrivez des tweets, mais des likes n’ont jamais protégé les Français. Sans volonté politique, sans courage politique, la loi reste lettre morte.
Chers collègues, pour pallier un manque évident de détermination et de cohérence, je vous propose de modifier l’intitulé de ce projet de loi en adoptant cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 285 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer, Brisson, Burgoa, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, M. Gueret, Mme Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier et Lopez, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Paul, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Compléter cet intitulé par les mots :
et de lutte contre le séparatisme
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à inscrire explicitement dans le titre l’objectif de lutte contre le séparatisme islamiste, vers lequel doit tendre ce projet de loi.
Par cet amendement, le groupe Les Républicains veut préciser l’intitulé du présent texte.
Oui, ce projet de loi rappelle les principes de la République ; ces derniers jours, tous ici nous avons tenté de les définir autour de nos piliers : la liberté, l’égalité et la fraternité. Pour autant, nous devons identifier le mal ; nous devons clairement nommer notre ennemi et dire qu’en face de notre République s’est dressé un radicalisme qui, comme l’avait théorisé François Fillon, est un totalitarisme pur.
Notre ennemi, c’est le totalitarisme, mais c’est plus largement le séparatisme. La disparition de ce mot du titre du projet de loi avait d’entrée de jeu annoncé la modestie de ses ambitions. Par contraste, l’intention de « conforter le respect des principes de la République » pourrait caractériser pratiquement n’importe quelle loi votée par le Parlement, indépendamment de son objet. Préciser l’intitulé va donc aussi dans l’intérêt de la clarté et de l’intelligibilité de la loi.
Notre idéal républicain, qui fait abstraction des origines, de la religion, des opinions et de l’orientation sexuelle des citoyens, est fragilisé par ce séparatisme, qui a différentes formes. Il se manifeste à travers le voile, qui distingue les pudiques des impudiques, qui sépare les hommes des femmes et constitue une forme de violence pour les mineurs ; à travers la polygamie, qui donne aux hommes tous les droits et aux femmes tous les devoirs ; à travers des revendications religieuses que certains voudraient faire passer avant les valeurs de la République dans nos écoles, dans nos universités et dans notre espace public ; à travers des associations qui racialisent les réunions ; à travers l’entrisme de pays comme la Turquie – nous venons d’en débattre –, qui tentent d’imposer leur vision d’un islam radical.
Il est important de le rappeler ici : lorsque nous reculons devant des revendications communautaires, nous sommes infidèles à nos valeurs, infidèles à la citoyenneté, infidèles à l’égalité, infidèles à la fraternité. Aussi, cet amendement vise à inscrire explicitement dans le titre l’objet de lutte contre le séparatisme vers lequel doit tendre ce texte. Le terme de séparatisme, par ailleurs employé par le chef de l’État dans son discours des Mureaux le 2 octobre dernier, a le mérite d’identifier la question principale à laquelle ce projet de loi entend répondre.
Mes chers collègues, comme le disait Charles Péguy, « chaque monde sera jugé sur ce qu’il a considéré comme négociable ou non négociable ». Aujourd’hui, un projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme devrait tous nous rassembler.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Ravier : il s’agissait presque d’une explication de vote. Évidemment, nous estimons que le mot « conquête » ne correspond pas à la réalité de ce que nous vivons dans notre pays. Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 510.
En revanche, en complétant le titre par la mention de la « lutte contre le séparatisme », comme le proposent Mme Boyer et ses collègues du groupe Les Républicains, on nommera plus clairement les enjeux de ce texte. En conséquence, nous émettons un avis favorable sur l’amendement n° 285 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je voudrais dire quelques mots, non pas sur l’amendement de M. Ravier – chacun a bien compris le sens de son intervention, et nous savons comment cela se finira –, mais sur l’amendement de Mme Boyer.
Ma chère collègue, soyons courageux, allons jusqu’au bout ! Vous voulez compléter le titre de ce projet de loi en y ajoutant la mention de la lutte contre le séparatisme, mais pourquoi ne pas ajouter aussi le terme « islamiste », qui figure d’ailleurs dans l’objet de votre amendement ? Écrivez : « séparatisme islamiste », dites-le clairement !
M. Stéphane Ravier. Absolument !
M. Patrick Kanner. Vous l’avez fait à de nombreuses reprises. Certes, vos propositions étaient parfois à géométrie variable – je pense notamment à l’autorisation de l’instruction à domicile –, mais, pour le voile ou les drapeaux, avec ce que nous avons appelé les amendements textiles, vous êtes allée jusqu’au bout.
Dans le discours des Mureaux, que vous citez, le mot de séparatisme était au pluriel : sauf erreur de ma part, le Président de la République visait non un séparatisme en particulier, mais les séparatismes.
Libération a consacré, ce week-end, un excellent reportage à des mouvements porteurs de séparatisme. On y trouve une interview de M. Dussopt, que je vous invite à lire : M. Dussopt s’inquiète de divers financements faisant l’objet d’exonérations fiscales pour dons.
Prenez les prises de position de la Fraternité Saint-Pie-X et les débats qu’elle provoque : je ne suis pas certain que nous ne soyons pas en face d’une forme de séparatisme, méritant elle aussi d’être dénoncée.
J’y insiste, vous avez une vision à géométrie variable et, naturellement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. J’ai bien écouté les arguments de M. Ravier et de Mme Boyer, et j’ai du mal à voir la différence entre leurs deux amendements : sauf erreur de ma part, ce sont exactement les mêmes !
Tout au long de cette discussion, M. Ravier a déposé des amendements : Mme Boyer ne les votait pas, mais, aussitôt, elle présentait des amendements à peu près identiques.
En réalité, ces amendements ne font qu’un, et nous les rejetterons tous les deux.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Notre pays connaît un climat absolument détestable, et le problème ne vient pas d’un séparatisme, mais des séparatismes. Je pense notamment au séparatisme social, qui s’exprime parfois et même souvent dans cet hémicycle. À ce sujet, j’ai souvenir d’un propos assez incroyable : un orateur soutenait que c’était normal d’avoir 150 000 euros sur une assurance vie, qu’il s’agissait d’un capital de base. Mais, pour l’extrême majorité des Françaises et des Français, une telle somme est absolument inatteignable.
Ce problème d’égalité existe donc, et le fait que nous n’en ayons pas touché mot, que ne soit jamais apparue, dans ce projet de loi, annoncé lors du discours des Mureaux, la question du séparatisme social – le volet social de lutte contre les discriminations, ce fameux « deuxième pied » –, nous montre toute la difficulté à laquelle notre société est confrontée.
Ma chère collègue, votre proposition consistant à intituler ce projet de loi « projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme », sans aller tout à fait jusqu’au bout de la démarche, comme le disait fort bien Patrick Kanner, mais tout en le faisant dans la description de l’objet de votre amendement, où vous mentionnez le « séparatisme islamiste », focalise le débat public d’aujourd’hui sur un sujet, certes, important – le fanatisme de certains –, en passant sous silence les sujets absolument essentiels pour la vie quotidienne des Français. Cela instaure un climat abominable, fait de stigmatisations.
En effet, dans nombre d’interventions et de débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle, on a stigmatisé des gens qui avaient une certaine religion – la religion musulmane – ou dont on supposait qu’ils l’avaient. Or les actes qui ont eu lieu le week-end dernier dans notre pays sont extrêmement graves : un projet d’attaque, déjoué, contre une mosquée, un incendie criminel à la mosquée de Nantes et la dégradation, au travers de tags, du centre Avicenne de Rennes. C’est ce genre de débats et de stigmatisations qui provoque cela.
M. le président. Madame Taillé-Polian, votre temps de parole est épuisé !
Mme Sophie Taillé-Polian. Il faut donc que cela s’arrête !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je veux défendre l’amendement de Valérie Boyer.
Notre pays n’attend de nous ni naïveté, ni angélisme, ni excès. La ligne de conduite du groupe Les Républicains consiste à rester sur cette ligne de crête, en n’étant pas dans la naïveté ou l’angélisme, mais sans verser non plus dans les excès que l’on a pu entendre.
La majorité sénatoriale a travaillé en ce sens et, au travers de l’amendement de Valérie Boyer, elle cherche tout simplement à adopter un titre qui corresponde à notre travail, à celui des rapporteurs, que nous avons approfondi dans l’hémicycle.
Aux Mureaux, le Président de la République nous avait dit que nous devions attaquer le séparatisme islamique ; nous sommes donc, avec cet amendement, en concordance avec ce discours.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 285 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l’adoption | 203 |
Contre | 115 |
Le Sénat a adopté.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. L’émergence d’un séparatisme, conséquence de la radicalisation islamiste, est diagnostiquée depuis longtemps, y compris au Sénat, comme en témoigne la commission d’enquête sur ce sujet, créée en novembre 2019, dont le rapporteur était déjà notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio. Il était donc plus que temps d’agir.
Pour autant, le texte parvenu au Sénat n’était pas à la hauteur du défi, de la menace, que constitue le séparatisme. Certes, il contenait un certain nombre d’outils bienvenus, qui permettront aux autorités de mieux défendre la laïcité dans le service public ou de veiller à ce que certaines associations ne soient pas les « faux nez » de mouvances séparatistes ; mais nos travaux, en commission et dans l’hémicycle, auront permis d’améliorer ces dispositifs. Cela a été le cas pour le contrôle des fonds de dotation, les certificats de virginité, l’endoctrinement dans les milieux sportifs ou encore les dispositifs de régulation des plateformes de lutte contre la haine en ligne.
Il a également été nécessaire de limiter les dommages collatéraux engendrés par ce texte, risque évoqué par Bruno Retailleau lors de la discussion générale. Saluons en particulier le travail de notre commission des lois et des rapporteurs de celle-ci, qui ont été en mesure de réduire les effets de bord susceptibles de frapper les organisations cultuelles de bonne foi et bien intégrées, depuis longtemps, au sein de notre République.
De même, le Sénat a préservé la liberté de choix des parents, tout en améliorant la lutte contre ceux qui voudraient détourner l’enseignement à domicile de ses objectifs, au profit d’une idéologie séparatiste.
Enfin et surtout, notre assemblée s’est efforcée, lorsqu’elle le pouvait, de combler les multiples angles morts du projet de loi. En effet, si le chef de l’État a bien déclaré, le 2 octobre dernier aux Mureaux, que ce « à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste », comment s’attaquer à celui-ci sans évoquer la question de ce qui sépare, enferme, écarte : les tenues islamiques dans les services publics, les prières à l’université ou la constitution de listes électorales communautaires ?
Pour cette raison, le groupe Les Républicains se félicite de l’adoption, par le Sénat, de plusieurs amendements qu’il a soutenus. Ce texte ne suffira pas à régler la problématique du séparatisme, mais, après les travaux du Sénat, il est tout de même plus robuste, et nous nous en réjouissons.
Nous voterons ce texte, et nous espérons que, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nos collègues députés saisiront l’occasion de défendre vigoureusement les principes de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En entrant dans cet hémicycle au début de l’examen de ce projet de loi, nous avions indiqué d’emblée ce qui nous semblait dysfonctionner dans ce texte.
On affichait, au travers de ce projet de loi, des objectifs très ambitieux, que nous partagions ; mais, finalement, ce texte est un texte de contrainte, de défiance et de suspicion à l’égard des croyants, des associations, de l’école, du sport et des services publics, et il y manque – certains l’ont déjà évoqué – des sujets essentiels : la mixité sociale et scolaire, bref la promesse républicaine formulée par le Président de la République aux Mureaux, que nous n’avons jamais vu se réaliser.
Nous étions inquiets à propos d’un certain nombre de points. Nous avons donc proposé des amendements, mais ils n’ont pas été adoptés : nous souhaitions conforter l’Observatoire de la laïcité et remplacer le contrat d’engagement républicain par la charte des engagements réciproques. En outre, nous nous sommes inquiétés des dispositions visant les journalistes et la presse, et nous souhaitions revenir au régime prévu initialement dans le projet de loi concernant l’instruction en famille, en étendant le régime d’autorisation aux écoles hors contrat ; nous venons encore d’en débattre.
Ainsi, la droite du Sénat a décidé de transformer ce texte, que certains ici avaient qualifié, un peu cruellement, de « tigre de papier », en un tract électoral, puisque les vieilles marottes de la droite y ont été intégrées. Ainsi, ont été visés les accompagnatrices de sorties scolaires, les participants aux compétitions sportives, les drapeaux dans les cérémonies de mariage, le comportement à l’université et, surtout – disposition tout à fait symbolique de l’alliance entre le Gouvernement et la droite –, les allocations familiales, suspendues en cas d’absence d’un élève. Bref, mes chers collègues, vous étiez plus soucieux de comportements vestimentaires que d’une véritable lutte contre le séparatisme…
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne se retrouve pas dans ce texte. Il considère qu’exclure certaines parties de la population en se félicitant d’agir en accord avec la laïcité n’est pas le combat de la gauche. C’est pourquoi il a décidé de voter contre ce texte.
Je veux dire en conclusion à mes collègues du groupe Les Républicains qu’ils ont rendu un grand service au Gouvernement, puisqu’ils ont permis à ce dernier de passer pour plus raisonnable sur la question des libertés publiques, alors même qu’un très grand nombre de dispositions de ce texte sont véritablement attentatoires à la liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. En 1905, c’est une loi de compromis et de liberté qui a été adoptée. La laïcité qui triomphait alors ne relevait pas d’un autre culte, elle n’était pas l’ennemie de la foi ni de la spiritualité ; elle imposait le respect des croyants. Elle ne saurait donc justifier aujourd’hui la stigmatisation de tant de musulmans qui n’ont rien à voir avec l’islamisme radical. Quelle pourrait être la réponse, ou au moins la tentation, de certains de nos concitoyens musulmans face à tant de restrictions qui les visent, si ce n’est le repli ?
En reconnaissant les discriminations et les humiliations que vivent trop d’entre eux et en tentant d’y porter remède, vous auriez ouvert une perspective. Vous vous y êtes refusés, sans rien apporter de concret et de neuf à la lutte contre le terrorisme, et, en mettant sous tutelle l’islam, vous y avez également mis les autres cultes.
Tout le monde paie sa part, y compris nous, vos opposants, que vous cherchez à tétaniser avec vos polémiques électoralistes, vos accusations d’islamo-gauchisme et votre référence à la « gangrène ». Et ça marche ! L’approbation quasi unanime de l’amendement sur les réunions non mixtes l’illustre bien ! Qui, avant de voter, ne s’est demandé : « M’accusera-t-on de trahir la République ? »
Avec ce texte, vous étendez toujours plus le champ du contrôle et vous mettez à mal une vie associative si chère aux citoyens et citoyennes de ce pays et déjà en proie à tant de difficultés. Avec ce texte, vous brisez l’équilibre fragile et précieux créé par la loi de 1905 et vous transformez notre laïcité en catéchisme.
Il y a lieu de s’en alarmer, d’autant plus que vous avez ouvert, monsieur le ministre, une brèche dans laquelle la majorité sénatoriale, qui ne rêve que de musulmans invisibles, s’est empressée de s’engouffrer, pour aller plus loin, toujours plus loin. Mais toujours plus loin dans quoi ?
M. le président. Il faut conclure, madame Benbassa !
Mme Esther Benbassa. Dans l’affaiblissement des principes de cette République, que vous prétendiez défendre.
M. le président. Vous devez conclure !
Mme Esther Benbassa. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je le répète, au terme de ce débat d’un peu plus de deux semaines, selon le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, conforter les principes de la République exige une mobilisation permettant à cette république de s’incarner quotidiennement. Les valeurs de la République sont notre bien commun, parce qu’elles déclinent ce qui devrait assurer que personne n’est oublié par celle-ci.
Monsieur le ministre, votre projet de loi a été aggravé par la droite sénatoriale et par d’autres groupes. Ce texte – c’était le cas dès l’origine – déborde de la simple question religieuse ; en l’état, il divise, il fragilise, il stigmatise, à tel point qu’il sépare nos concitoyens.
Tout y est passé pour arriver à vos fins, mes chers collègues : la suppression des allocations familiales, l’interdiction faite aux mamans d’accompagner les enfants lors de sorties scolaires, l’interdiction des drapeaux étrangers lors des mariages, le phantasme des burkinis présents partout sur les plages et à la piscine, celui des prières dans les couloirs des universités, la tutelle de l’ensemble des associations, la possibilité de dissoudre certaines d’entre elles, et j’en passe…
Pour notre part, comme d’autres, ici et dans le reste de notre pays, nous combattons les intégrismes, le terrorisme et les terroristes. J’ose le dire sans prétention, ces combats sont dans l’ADN des communistes, comme tous ceux que nous menons contre le racisme, contre l’antisémitisme, contre le patriarcat.
À nos yeux, laïcité rime avec progrès social. Comme l’ont voulu les pères fondateurs de cette notion, c’est par la promotion de la laïcité que la République se retrouvera, une République au service de tous, y compris de ceux qui sont souvent confrontés à de grandes difficultés sociales.
En votant résolument contre ce texte, les sénatrices et les sénateurs de mon groupe réaffirment que le redressement républicain se fera par l’émancipation et par le progrès humain, en aucun cas en s’enfermant dans des politiques excluantes et discriminantes, qui sont omniprésentes dans ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.