Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. En tant que sénateur, et même en tant que rapporteur pour avis, je ne suis pas en mesure d’allouer des moyens supplémentaires à la médecine scolaire… Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous apporter une réponse sur ce point, dont je ne doute pas qu’il fera l’objet de débats ultérieurs.
Dans son rapport de 2004 intitulé Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires, Jean-Pierre Obin signalait déjà ceci : « L’EPS fait partie des disciplines pour lesquelles les professeurs se plaignent souvent de manifestations ou d’interventions de nature religieuse perturbant leur enseignement. » Ce constat a été conforté par la mission de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche sur le rejet des valeurs républicaines à l’école ; il est encore corroboré par un récent sondage de l’IFOP, selon lequel l’EPS est la discipline où les contestations religieuses ont connu la plus forte augmentation ces derniers temps.
C’est la raison pour laquelle la commission de la culture a fait adopter cet article additionnel précisant que nul ne peut se soustraire à l’enseignement physique et sportif pour des motifs autres que médicaux. Les conditions de sollicitation du médecin scolaire ont également été précisées.
Je ne méconnais pas, ma chère collègue, les éléments que vous avez rappelés, relatifs notamment au rapport au corps, éléments qui ont aussi été évoqués lors de l’audition de Jean-Pierre Obin. Néanmoins, il existe des attestations qui peuvent certifier de tels éléments et justifier des dispenses d’EPS : cela entre dans le cadre des certificats médicaux.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Kanner. Rappel au règlement !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Nous venons d’examiner plusieurs amendements, tout de même importants – je pense notamment à l’amendement n° 480 rectifié relatif à la formation des professeurs, qui a malheureusement été rejeté et qui aurait peut-être mérité un débat plus long –, sans entendre M. le ministre expliquer l’avis du Gouvernement.
Monsieur le ministre, je m’étonne de votre silence, dans la mesure où votre parole est forte et respectée dans cet hémicycle. Je crois que, sur des sujets aussi importants, nous sommes en droit d’obtenir des explications du Gouvernement. Je vous remercie par avance de bien vouloir nous les donner.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je mets aux voix l’article 24 nonies.
(L’article 24 nonies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 24 nonies
Mme la présidente. L’amendement n° 577 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 24 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-2 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-2-…. L’inspecteur d’académie veille à ce que soient associés les enfants d’une même classe d’âge des établissements privés hors contrat ou sous contrat avec l’État aux activités sportives et culturelles périscolaires organisées dans sa circonscription de compétence. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Les activités culturelles et sportives sont des moments privilégiés qui contribuent à l’apprentissage de la vie sociale et à l’épanouissement des enfants. Le sport véhicule les valeurs de fraternité et d’égalité indispensables au vivre ensemble, tandis que la culture est l’un des vecteurs d’une bonne intégration sociale.
Nos écoles, soutenues par les collectivités locales, s’emploient à faire accéder les enfants au sport et à la culture en marge du programme obligatoire. Afin de rassembler tous les enfants et pour contribuer à les brasser de manière à favoriser la mixité sociale, nous proposons, par cet amendement, d’encourager les inspecteurs d’académie à veiller à ce que soient associés les enfants d’une même classe d’âge des établissements privés hors contrat ou sous contrat avec l’État aux activités sportives et culturelles périscolaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. L’examen de cet amendement nous force à nous interroger sur la prise en charge du coût des temps périscolaires, ainsi que des transferts des enfants d’un établissement à un autre. Dans la mesure où cet amendement a pu passer le crible de l’article 40 de la Constitution, une seule solution pourrait s’appliquer pour le financement de cette proposition : faire payer les parents. Je ne suis pas sûr que cela corresponde aux objectifs de ses auteurs. Le temps périscolaire a un coût ! Ajoutons que cela ne relève pas de la compétence de l’inspecteur d’académie, mais de celle des collectivités locales.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Je me sens obligé de prendre la parole après le rappel au règlement de M. Kanner, mais, en l’occurrence, je partage toutes les explications que M. le rapporteur pour avis vient de donner. (Sourires.) C’est pourquoi le Gouvernement émet sur cet amendement le même avis défavorable.
Je me suis exprimé assez longuement sur plusieurs des amendements qui l’ont précédé. C’est par courtoisie pour tout le monde que j’essaie de ne pas abuser du temps de parole qui m’est offert. Je reviendrai dans la suite de la discussion sur certains points qui ont été abordés dans les interventions de différents orateurs.
M. Henri Cabanel. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 577 rectifié est retiré.
L’amendement n° 576 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 24 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 411-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 411-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 411-1-.… Le directeur, qui préside le conseil d’école en application de l’article L. 411-1, communique dans le cadre de cette instance, sur les cas d’atteinte au principe d’égalité entre les hommes et les femmes constatés dans son établissement. »
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Le respect de l’égalité entre les hommes et les femmes est au cœur du pacte républicain. Ce projet de loi vise à détecter, au sein même de l’école, les signes éventuels du séparatisme ; les comportements portant atteinte à la mixité entre filles et garçons en font partie.
Dans certaines écoles, des enseignants ont pu observer des filles et des garçons se tenir volontairement à distance dès leur plus jeune âge. Comme le rappelle souvent le Gouvernement dans le cadre de sa politique éducative, l’égalité entre les filles et les garçons est un principe fondamental inscrit dans le code de l’éducation. Son respect encourage un cadre scolaire serein et protecteur et l’apprentissage de l’interdiction des violences sexistes. Au-delà, il s’agit de favoriser l’égalité en matière d’orientation.
Aussi, cet amendement vise à ce que ce principe soit respecté dès l’école, en impliquant pour ce faire le conseil d’école. Celui-ci rassemble la communauté éducative de l’établissement, les collectivités locales et les représentants des parents d’élèves ; il doit être un outil de transmission des informations sur les éventuels manquements à l’égalité entre les hommes et les femmes. Il est ainsi proposé que le directeur d’école communique, dans le cadre du conseil d’école, sur les cas d’atteinte à l’égalité entre les hommes et les femmes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Relayer les atteintes au principe d’égalité entre les hommes et les femmes est absolument fondamental ; nous partageons tous cet objectif. Néanmoins, le conseil d’école n’est pas le lieu pertinent pour évoquer ces incidents. Si les atteintes émanent d’un membre du personnel, cela relève des instances disciplinaires dont le personnel dépend ; ce n’est surtout pas le rôle du conseil d’école. Si elles sont le fait d’un élève, c’est plutôt le conseil des maîtres qui pourra être sollicité pour mettre en place une action à l’encontre de cet élève ; le conseil d’école, me semble-t-il, n’a pas cette fonction.
J’invite donc Mme Pantel à retirer son amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme Guylène Pantel. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 576 rectifié est retiré.
Article 24 decies (nouveau)
Après l’article L. 312-2 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 312-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-2-2. – Les médecins de santé scolaire sont destinataires des certificats médicaux lorsqu’une inaptitude d’une durée supérieure à un mois est constatée. »
Mme la présidente. L’amendement n° 80 rectifié bis, présenté par MM. Grosperrin, Babary et Bascher, Mme Belrhiti, MM. Bonne et Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, M. Charon, Mmes Chauvin, de Cidrac, Deroche, Drexler, Dumont et F. Gerbaud, MM. Grand et Gremillet, Mme Goy-Chavent, M. Husson, Mme Imbert, MM. Laménie, Paccaud, Panunzi et Perrin, Mme Raimond-Pavero et MM. Rapin, Rietmann, Saury, Savin et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En l’absence de médecin de santé scolaire, ces certificats ont pour destinataire le directeur d’école ou le chef d’établissement.
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Ma défense de cet amendement s’inscrit en complémentarité de ce qui a été dit sur la santé scolaire, parent pauvre de l’éducation nationale.
Le présent amendement vise à étendre la destination des certificats médicaux au directeur d’école ou au chef d’établissement. En effet, on sait que le certificat médical est donné directement au professeur d’éducation physique et sportive, voire au CPE. Je souhaiterais que les dispenses d’une durée supérieure à un mois donnent lieu à un petit moment solennel où l’élève présenterait le certificat au chef d’établissement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. J’aurai à l’encontre de cet amendement une objection rédactionnelle : il pourrait laisser croire que, lorsqu’un médecin scolaire est disponible, il n’y aurait aucune obligation de prévenir le chef d’établissement ou le directeur d’école. C’est pourquoi, mon cher collègue, je vous invite à retirer cet amendement ; faute de quoi, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Grosperrin. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 80 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 24 decies.
(L’article 24 decies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 24 decies
Mme la présidente. L’amendement n° 486 rectifié, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 24 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de l’éducation est complété par un article L. 131-… ainsi rédigé :
« Art. L. 131-…. – Au sein des restaurants des établissements scolaires publics, les repas confessionnels sont interdits. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Mon amendement vise à interdire les repas confessionnels et communautaires dans les restaurants scolaires.
La cantine est un passage important dans la vie d’un écolier : il y prend ses premières marques par rapport aux règles de tenue en société et y découvre les prémices de la tradition culinaire française. Pourtant, ce modèle est en péril, car l’alimentation est devenue l’une des cibles privilégiées des séparatistes et des islamistes. En outre, de plus en plus d’écoles font face à des demandes religieuses, telles que des menus sans porc, ou sont sommées d’abandonner toute viande qui ne soit pas halal.
Les revendications de ce type posent plusieurs problèmes. Avant tout, elles créent des divisions chez les enfants, au risque de mettre à part ceux qui mangeraient du porc, quand ils deviennent minoritaires. Peu à peu, l’exception devient la généralité, au point que, dans de nombreux quartiers, le terme de « séparatisme » ne convient pas pour définir la réalité : il s’agit plutôt d’un remplacement qui se développe dès le plus jeune âge.
Ces revendications posent aussi un problème de coût, d’organisation et de principe pour les communes. Les maires sont souvent désemparés face à ce problème : la loi ne les soutient pas assez. Ils sont alors exposés à des pressions, voire à des accusations.
D’autres élus, au contraire, en profitent pour agir par idéologie ou électoralisme, parfois même sous couvert d’écologie. La décision récente de la mairie de Lyon de mettre en place des repas sans viande toute l’année illustre parfaitement ce renoncement progressif à proposer du porc ou toute viande qui ne soit pas homologuée par les islamistes. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Cette décision est contraire à tout intérêt culinaire, nutritionnel, ou écologique : c’est l’idéologie communautariste soutenue par les talibans verdoyants et servie dès le plus jeune âge dans les assiettes ! (Mêmes mouvements.)
Les revendications communautaires se multiplient : pétitions, plaintes des parents et pressions diverses. Face à cela, la loi doit soutenir les maires et rappeler qu’elle défend l’égalité à l’école et non la distinction.
Les cas de renoncement sont multiples, ils ne sont pas seulement l’apanage de la gauche : en 2012, Édouard Philippe, alors élu au Havre, avait fait jeter 8 500 portions de mousse au chocolat destinées aux cantines scolaires, parce qu’elles contenaient de la gélatine de porc ! Les menus sans porc ou sans nourriture halal, ainsi que toute autre pratique visant à appliquer à l’école publique française des principes religieux, doivent être prohibés dans notre pays. Avez-vous déjà entendu des polémiques demandant du poisson le vendredi ? Certainement pas ! Ce sont toujours les mêmes qui sont derrière les provocations : les islamistes ! Il faut les nommer, faute de quoi on ne pourra pas avancer.
Cet amendement a donc pour objet de répondre à une vraie demande des parents d’élèves, des directeurs d’école et des maires, au nom de l’intérêt supérieur de l’élève, afin d’éradiquer les germes de l’islamisme dans l’école publique. (Murmures désapprobateurs sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Je veux indiquer à M. Ravier que la cantine scolaire est un service public. À ce titre, elle est déjà soumise aux principes de laïcité, de neutralité et de non-discrimination et ne doit pas être entraînée dans les dérives que vous évoquez. Par ailleurs, je m’interroge sur la qualification de « repas confessionnel » : qui va déterminer s’il s’agit ou non d’un repas confessionnel ?
Pour ces différentes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Notre position ne vous étonnera pas, mes chers collègues, mais nous sommes quand même obligés de répondre.
Par cet amendement, il nous est proposé d’interdire les menus confessionnels à la cantine, alors même que les menus confessionnels n’existent pas. On n’interdit pas un fantasme ; ce n’est pas par un amendement qu’on guérit une obsession !
Si on entend par « menu confessionnel » des menus halal ou casher, il faut savoir qu’ils n’ont jamais été imposés dans les écoles publiques françaises, alors que le sujet est régulièrement agité dans le débat politique. En 2012, il y a presque dix ans, pendant la campagne présidentielle, Marine Le Pen annonçait vouloir interdire le halal dans les cantines françaises, faisant accroire que de tels menus étaient servis ; c’était déjà faux. Dix ans de mensonges, donc !
Régulièrement, à toutes les élections, le débat revient sur la table, si je puis dire. Ce que proposent de nombreuses cantines, ce ne sont pas des menus confessionnels, mais un choix : la possibilité d’un repas sans viande, dit « de substitution ». Un enfant sur deux le choisit, en moyenne, quand ce choix est offert, et ce pour des raisons diverses. Quand des communes ont décidé de mettre fin à ce choix par la suppression du menu de substitution sans viande, suppression justifiée d’après elle par le principe de laïcité, ici instrumentalisé, la jurisprudence leur a toujours donné tort : c’est heureux !
Quant à la polémique sur Lyon, je n’en parlerai pas plus. Je regrette seulement que son instrumentalisation ait permis ce genre de références.
Mme la présidente. L’amendement n° 533 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 24 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre unique du titre IV du livre Ier de la première partie du code de l’éducation est complété par un article L. 141-… ainsi rédigé :
« Art. L. 141-…. – L’enseignement religieux est facultatif dans les écoles, collèges et lycées publics des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’article L. 141-3 du code de l’éducation dispose que l’enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées. Par cet amendement, nous proposons d’étendre cette liberté à l’ensemble des établissements publics des départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.
Comme il est souligné dans l’objet de notre amendement, aujourd’hui, moins de 50 % des élèves du primaire, moins de 20 % des élèves des collèges et moins de 10 % des élèves des lycées participent en Alsace aux cours d’enseignement religieux. En Moselle, cette proportion est identique en primaire, mais inférieure à 10 % au collège ; seuls deux lycées de ce département délivrent encore des cours d’enseignement religieux pour un total de neuf élèves.
On voit bien que, dans ces trois départements, l’enseignement religieux est déjà facultatif dans les faits. Toutefois, cela ne repose pas sur une véritable option, mais sur un régime dérogatoire. C’est une différence majeure dans l’esprit de la disposition en question, qui fait de la règle nationale une exception locale. C’est d’ailleurs en ce sens que l’Observatoire de la laïcité, en mai 2015, proposait une réforme respectueuse du droit local. Il s’agissait d’inverser la logique, comme nous le proposons dans cet amendement : que les enfants d’Alsace-Moselle souhaitant suivre un enseignement religieux puissent le faire en s’inscrivant dans un cours optionnel.
Inscrire dans la loi cette faculté pour tous les établissements serait une mesure de simplification en direction des familles et des équipes pédagogiques. En parallèle, elle s’inscrirait pleinement dans les décisions du Conseil constitutionnel d’avril 2001 et août 2011.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Je constaterai simplement que les modalités de l’enseignement religieux dans les trois départements d’Alsace-Moselle que vous avez cités relèvent du domaine réglementaire ; elles sont régies par l’article D. 481-2 du code de l’éducation. À ce titre, il ne nous a pas semblé utile de remettre à plat dans le cadre du présent projet de loi l’enseignement religieux dans ces départements. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Naturellement, en ma qualité de sénateur alsacien, je ne peux pas être d’accord avec cette proposition, et ce pour différentes raisons.
La première est que la présentation qui en est faite me paraît à tout le moins erronée. L’objet de cet amendement laisse en effet entendre que le régime actuel découlerait d’un texte de 1871, édicté sous l’empire allemand. En fait, c’est une petite partie de l’explication. Comme vous le savez peut-être, le droit local est constitué de plusieurs strates successives : de textes français qui remontent à Napoléon, puis de textes allemands postérieurs à 1870, puis de textes français après 1918, lorsque l’Alsace est redevenue française, puis de textes allemands de nouveau.
Bref, nous sommes face à l’un des éléments du droit local auquel les Alsaciens sont attachés. Le droit local est un tout : s’attaquer à un petit point de-ci de-là dénature naturellement ce tout. Les Alsaciens ne sont pas favorables du tout à cela.
Vous l’aurez certainement noté, dans la presse d’hier, un sondage réalisé sur l’initiative du Grand Orient de France semble accréditer la thèse selon laquelle les Alsaciens ne seraient plus attachés au Concordat. Une petite majorité, dit-on – 52 % des Alsaciens –, en souhaiterait l’abrogation. Encore faut-il voir la question qui leur a été posée ! On leur a demandé s’ils étaient prêts à continuer de payer pour financer le salaire des ministres du culte. Mes chers collègues, si vous demandez à quelqu’un s’il est prêt à payer, par définition, il pensera toujours qu’il paye de trop, et il répondra non !
J’aime beaucoup la presse, mais j’aimerais bien qu’elle rende compte de la situation telle qu’elle est véritablement, de façon exhaustive. Lorsque, dans une autre question, on demande à ces mêmes Alsaciens s’ils pensent qu’il convient de continuer à financer de façon globale le Concordat et le droit local, ils sont majoritairement favorables à la continuation du Concordat.
Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, mon cher collègue !
M. André Reichardt. Pour ces raisons, je voterai contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, je vous propose de suivre notre rapporteur pour avis, non pour la raison qu’il a évoquée, à savoir la nature réglementaire de ce dispositif, mais parce que le droit local mériterait une réflexion d’ensemble, comme l’a excellemment rappelé mon collègue alsacien André Reichardt – je ne suis que Lorrain non concordataire ! (Sourires.)
Cela dit, je voudrais rendre hommage à Mme Assassi et à son groupe, parce que nous avons enfin une explication assez cohérente de l’histoire des strates législatives de ces trois départements d’Alsace et de Moselle. Il y a une solidarité dans le droit local qui interdit de le détricoter par petits bouts ; ce n’est d’ailleurs pas demandé localement.
Nous pourrions en revanche – la loi française le permet, notamment par ses dispositifs d’expérimentation – avoir une réflexion d’ensemble sur ce que pourrait être un nouveau droit local. Il appartiendrait évidemment à ces trois départements d’y réfléchir et de faire leurs propres propositions en la matière.
Dans l’instant, je vous propose de repousser cet amendement et de consolider le droit local, globalement et en particulier dans son volet concordataire.
Ajoutons qu’apprendre l’histoire de la religion n’est pas en soi inutile ; je pense profondément que ces trois départements sont exemplaires et pratiquent ce que je souhaiterais pour l’ensemble du pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je me suis un peu plongé dans le droit local alsacien-mosellan, qui est très complexe. Je peux vous dire que l’enseignement religieux y est régi par la loi du 12 février 1873, qui a reçu son ordonnance d’application le 10 juillet 1873, ainsi que par un règlement du 20 juin 1883.
L’ordonnance du 10 juillet 1873 dispose, en son article 10 A : « Dans toutes les écoles, l’enseignement et l’éducation doivent tendre à développer la religion » – c’est au singulier. Aucune religion n’est donc exclue de l’enseignement. Malheureusement, M. Masson n’est pas présent parmi nous ; je lui ferais volontiers savoir que la religion coranique peut également faire partie des enseignements dispensés dans ces territoires : rien ne s’y oppose dans le droit local.
Ce que nous vous proposons n’est pas de changer le droit local ; nous vous disons simplement que, si l’enseignement religieux est aujourd’hui obligatoire, les dispenses sont majoritaires. Tout le monde est dispensé !
Soyons logiques, prenons en compte la pratique et considérons qu’il s’agit, certes, d’un enseignement obligatoire, ce que nous ne comptons pas modifier, mais qu’il faut changer le système : abandonnons la dispense, les élèves voulant participer à l’enseignement obligatoire s’inscriront. Cela changerait complètement le rapport : plutôt que d’inscrire 90 % d’élèves, il y en aura 10 %, ce qui emportera une grosse économie de bureaucratie et de paperasse.
C’est un aménagement de bon sens qui, encore une fois, ne touche pas du tout au droit local, mais seulement à la façon dont les dispenses sont aujourd’hui gérées.
Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par Mme Guidez, M. Laugier, Mme Sollogoub, MM. Canevet, Joyandet et Bouchet, Mme Jacquemet, MM. Lefèvre et Détraigne, Mmes Doineau et N. Delattre, M. Levi, Mme F. Gerbaud, MM. Houpert, Moga et Genet, Mme Paoli-Gagin, MM. Longeot, P. Martin, Vanlerenberghe et Klinger et Mme Gosselin, est ainsi libellé :
Après l’article 24 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le mot : « est », il est inséré le mot : « systématiquement » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et ses parents ou représentants légaux ».
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.