Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 675.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Gouvernement a également déposé un amendement tendant à la suppression de cet article 24 septies, introduit en commission.
En effet, les dispositions de l’article L. 811-1 du code de l’éducation permettent déjà aux responsables des établissements publics d’enseignement supérieur de concilier la liberté d’information et d’expression des étudiants avec le respect de l’ordre public et du bon fonctionnement du service public.
La portée des dispositions a, par ailleurs, déjà été précisée par le Conseil d’État, notamment dans une décision du 26 juillet 1996 que se borne à reprendre l’article 24 septies.
Le risque est grand que les acteurs de l’enseignement supérieur ne voient dans ces nouvelles dispositions un infléchissement du droit en vigueur, alors qu’elles se bornent à le confirmer. Pour éviter toute confusion sur ce point, cet amendement tend à supprimer l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 110 rectifié, 319, 518 rectifié et 675.
La liberté d’information et d’expression des usagers du service public de l’enseignement supérieur, notamment des étudiants, fait effectivement partie des libertés fondamentales des universités : personne ne le conteste.
La décision du Conseil d’État, en 1996, qui a servi de base à la rédaction de cet article, autorisait, en l’espèce, les jeunes filles à aller en cours en portant un voile. On peut d’ailleurs noter que la rédaction de l’article 24 septies ne reprend pas la notion de « comportement ostentatoire », car elle est connotée, dans la mesure où elle établit un lien quasiment explicite avec la loi de 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Il me semble que la situation a profondément changé, dans les universités, depuis 1996. Certains enseignements font l’objet de contestations, comme on nous l’a notifié lors des auditions, pour des motifs religieux. Des débats et des conférences autorisés par le chef d’établissement n’ont pas pu se tenir, et tout le monde a en tête l’exemple de la conférence de Mme Agacinski.
Certes, l’université est un lieu d’enseignement, de recherche et de débat, mais il faut permettre qu’elle le reste. Je ne comprends donc pas la réticence à inscrire dans la loi des interdictions.
Monsieur le ministre, vous venez de dire que la mesure est d’ordre réglementaire, et qu’un règlement intérieur peut suffire à poser ce genre d’interdits.
Ma précédente expérience, la seule autre en tant que rapporteur, a porté sur la proposition de loi relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire. Lors de l’examen du texte, en 2018, vous vous en souvenez sûrement, beaucoup d’entre nous ont dit que cet encadrement pouvait simplement faire l’objet d’un règlement intérieur. Vous avez souhaité l’inscrire dans la loi, ce qui est une bonne chose, car cela donne du poids aux règlements intérieurs qui découlent de cette loi et qui la traduisent. Il en va de même pour cet article, sans incohérence.
M. Salmon disait que toute propagande serait interdite. Ce n’est pas le cas. Seule la propagande qui perturbe et qui nuit aux activités de recherche et d’enseignement sera interdite, puisqu’elle sera caractérisée et identifiée dans la loi.
Quant aux « troubles à l’ordre public », ils feront l’objet de l’amendement suivant, que je vous présenterai pour corriger cet oubli dans la rédaction de l’article.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, le débat que nous tenons est très symptomatique des impasses auxquelles conduit votre volonté absolue. Vous dites qu’il faut lutter contre le djihadisme violent et ses ravages, et vous avez raison. Cependant, vous pensez que, pour atteindre ce but, nous devons entrer dans des quantités de considérations, de règles en tout genre, qui n’auront pas d’effet sur l’objet visé. Je préférerais qu’on fasse un débat sur le radicalisme et qu’on voie comment on peut y porter remède, tout en mettant fin aux faux remèdes auxquels on a eu recours ces dernières années.
La rédaction de cet article est complètement absurde, et je vais vous dire pourquoi. J’ai enseigné dans une université, comme beaucoup d’autres. Qu’est-ce donc que la vie universitaire, sinon le débat permanent et la controverse ? Quand Étienne Dolet défendait Cicéron contre Érasme, les discussions étaient très tendues, dressant des foules les unes contre les autres. La vie universitaire a toujours été débat intellectuel.
Je suis d’accord avec M. le rapporteur pour avis : empêcher quelqu’un de parler dans une université, c’est scandaleux, c’est horrible, et on ne doit pas l’accepter. Cependant, qui doit agir ?
Sur ce point, je rends hommage à Pierre Ouzoulias, parce que, depuis le début de ce débat, il nous dit que la question centrale ce sont les franchises universitaires. Il est vrai qu’elles appartiennent à une tradition multiséculaire de notre pays et qu’elles sont consubstantielles à l’université. On ne peut pas rompre avec elles sans le dire, car cette rupture aurait beaucoup de conséquences.
Aujourd’hui, en cas de trouble à l’ordre public, le président d’université peut évidemment solliciter la force publique, police ou gendarmerie. C’est à lui seul d’en décider, conformément aux franchises universitaires qui s’appliquent.
Croire que ce genre de texte empêchera le débat dans l’université est absurde, car l’université est structurellement un lieu où l’on débat. L’espèce de formulation complètement ambiguë qui caractérise la rédaction de l’article ne servira à rien !
Mme la présidente. Monsieur le questeur, il faut conclure.
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense que vouloir supprimer le débat de l’université, aussi vif soit-il, c’est absurde !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, je vous pose la question à toutes et à tous : est-ce que nous voulons transformer nos universités sur le modèle des universités hongroises où la liberté d’expression et le débat sont interdits ?
Vous savez bien que c’est dans les universités que sont nées les grandes théories et les grandes réflexions, à la suite de non moins grands débats. Les universités sont le lieu où se conçoit la vie intellectuelle, dès ses débuts, et c’est dans un débordement de pensées que se fabriquent les idées.
En effet, elles ne se fabriquent pas dans l’ordre, le terme étant entendu au sens large, car je ne crois pas que faire des assemblées générales à l’université ce soit porter atteinte à l’ordre public.
Laissons nos universités respirer, laissons-les penser et réfléchir ! Nous n’avons pas constaté que les djihadistes étaient nombreux à s’inscrire à l’université pour y faire une licence, une maîtrise ou un master. Non, les djihadistes ne sont pas à l’université !
Laissez donc les étudiants tranquilles, car ils ne sont pas djihadistes, quand bien même certaines jeunes femmes porteraient le voile ! Celles-ci sont majeures et elles ont le droit de choisir ou pas de porter le voile. L’université n’est pas l’école et la loi de 2004 ne s’y applique pas.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Ce n’est pas le sujet !
Mme Esther Benbassa. Nous voulons la liberté, laissez-la nous ! Nous ne sommes pas en Hongrie ni dans un pays musulman ; nous sommes en Occident, nous sommes en France, et nous voulons des universités libres et des universitaires qui pensent librement pour pouvoir devenir les intellectuels de demain !
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas le sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. J’ai relu dix fois cet article pour vérifier qu’il était aussi attentatoire aux libertés et aux franchises que ce que j’entends dire par mes collègues qui siègent sur les travées de la gauche. Franchement, je ne crois pas qu’il le soit !
Le débat, c’est la source même de l’université, tout comme l’échange et la controverse. La controverse peut toutefois se pratiquer de manière respectueuse, sans tomber dans l’entrave, la pression, ou les menaces.
J’aurais souhaité, moi aussi, que, dans les universités françaises, au cours de ces dernières années, il n’y ait pas eu de menaces, d’empêchements de conférences, de personnalités extérieures interdites d’entrée, et même un ancien Président de la République, me semble-t-il, empêché de tenir conférence. Si tout était aussi parfait que certains le disent, si tout n’était qu’échanges dans le respect mutuel et dans l’enrichissement des points de vue, ce serait merveilleux !
Malheureusement, à regarder la réalité en face, on constate aujourd’hui que des groupes de pression veulent faire régner la terreur intellectuelle. C’est à cela que nous voulons nous opposer, et à rien d’autre ! Pour que le débat puisse continuer de se développer, comme l’espère Mme Benbassa, encore faut-il qu’il puisse avoir lieu. Or si une idéologie domine et écrase les universités, il n’y aura plus de débat, et nous nous serons totalement éloignés des franchises universitaires et de l’esprit de l’université. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. – Exclamations à gauche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, chers collègues, je crois qu’il faut rappeler un peu d’histoire. À l’époque où je faisais mes études, à Nanterre, dans les années 1980, quand vous franchissiez le couloir, vous aviez, à gauche Mao, et, à droite, Che Guevara, et cela sur deux cents mètres.
J’ai par la suite enseigné dans cette même université, dans les années 2000. J’y ai alors constaté une absence totale de formations politiques. Il n’y avait plus d’esprit politique, et c’est bien là le problème.
En effet, quand les communistes et les gauchistes se cognaient, je peux vous assurer qu’il n’y avait pas de problème de laïcité. Il y avait une ligne et chacun la défendait.
Vous le dites fort justement : à force de faire de l’université anglo-saxonne, américaine en particulier, un modèle absolu, messieurs les libéraux, vous avez importé chez nous une forme d’esprit politique qui aboutit à ce que, en effet, la laïcité ne soit plus un principe à défendre.
M. Jean-Marc Boyer. Non, c’est de votre faute !
M. Pierre Ouzoulias. Je ne pense pas du tout qu’une loi vous permettra de restaurer cet esprit politique qui nous manque tant, et c’est bien là le problème !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Notre collègue Max Brisson nous explique que la période que nous traversons présente une spécificité incroyable et témoigne d’une idéologie tout aussi singulière. Encore une fois, à force de caricaturer, on oublie l’essentiel : nous sommes tous contre l’islam radical dans sa manifestation totalitaire – c’est une évidence.
Je ne suis pas historien ; je suis politiste. Cela étant, depuis l’époque des franchises universitaires, pensez-vous réellement que l’université n’a pas traversé des moments aussi difficiles, voire plus difficiles que la période actuelle ?
Pensez-vous vraiment que la lutte entre les protestants et les catholiques n’a eu aucune conséquence pour la population française, qu’elle n’a fait aucun mort, entraîné aucun décès ? Ne pensez-vous pas qu’au moment de la Révolution les oppositions s’exprimaient sur un mode simplet et simpliste ? Pensez-vous vraiment qu’à la fin du XIXe siècle, avec la IIIe République et l’affirmation de la République contre la royauté, avec la naissance de la laïcité, la période était moins compliquée que celle que l’on traverse ? Je ne le pense pas.
Les franchises universitaires ont survécu, et elles doivent continuer à survivre : c’est aussi simple que cela.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente – voire un peu plus tard, cela dépendra de l’avancement de nos travaux… (Murmures amusés sur de nombreuses travées) –, afin de pousser plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Au fond, ce dont nous débattons ici, c’est deux conceptions différentes de l’université.
Revenons un peu à ce qui nous réunit ce soir, puisque nous sommes en train de faire la loi. Aujourd’hui, il faut concilier à la fois la liberté d’information et d’expression des étudiants et le respect de l’ordre public. C’est ce que, d’une manière assez maladroite, je dois le dire, vise à faire cet article.
Sauf que les présidents d’université, lorsqu’ils sont consultés via la Conférence des présidents d’université, nous indiquent qu’ils disposent déjà aujourd’hui de tous les moyens nécessaires pour faire face à cette situation. Alors, ne montons pas en épingle les manifestations de quelques étudiants, qui ont effectivement empêché certaines célébrités de venir s’exprimer dans un amphithéâtre ! Ce n’est pas cela, l’université.
Si nous nous concentrons sur notre travail de législateur, l’article 24 septies n’est pas nécessaire. S’il était adopté, il imposerait une conception de l’université qui, à l’évidence, nous partage dans cet hémicycle et qui, surtout, est totalement contraire à la tradition française.
C’est pourquoi, pour notre part, nous allons voter la suppression de cet article. En fonction du résultat du scrutin, nous saurons ce que chacun sur ces travées pense de l’avenir universitaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 110 rectifié, 319, 518 rectifié et 675.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 626, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ils exercent en outre cette liberté dans des conditions qui ne troublent pas l’ordre public.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. L’amendement, que je présente à titre personnel, vise à repréciser la notion de trouble à l’ordre public à l’université.
Il est en effet important de permettre aux présidents d’université et aux chefs d’établissement, responsables de la police de leurs locaux, de continuer à s’appuyer sur une notion, qui est actuellement prévue par l’article L. 811-1 du code de l’éducation. En effet, celle-ci a été malencontreusement supprimée lorsqu’a été introduit l’article 24 septies.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. La commission émet un avis favorable sur l’amendement, car il a pour objet de rétablir la notion d’ordre public à l’article L. 811-1 du code de l’éducation.
Je précise, sans vouloir bien sûr relancer le débat, que la liberté des étudiants, y compris depuis la création des franchises, n’a jamais été totale. La preuve en est que l’article du code de l’éducation que je viens de citer fixait déjà des limites.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 24 septies, modifié.
(L’article 24 septies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 24 septies
Mme la présidente. L’amendement n° 532 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 24 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre II du livre IV du code de la recherche est complété par un article L. 422-… ainsi rédigé :
« Art. L. 422-…. – Les chercheurs relevant du présent chapitre bénéficient de l’ensemble des droits, garanties et responsabilités mentionnés à l’article L. 952-2 du code de l’éducation. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je suis désolé, car le sujet que je vais aborder est très technique. Je vais essayer de vous l’expliquer.
En matière de défense des libertés académiques, il existe aujourd’hui plusieurs régimes. Il existe d’abord un régime pour les professeurs, dont la liberté académique est protégée par la Constitution ; en dessous de ce régime, il y a celui des enseignants-chercheurs et des chercheurs de l’université, qui est défini par le code de l’éducation ; à côté de ces régimes, les chercheurs des établissements publics de recherche bénéficient de garanties prévues par un article du code de la recherche, qui n’offre pas tout à fait le même niveau de protection.
Cette situation est absurde dans le sens où ces professionnels travaillent les uns et les autres dans les mêmes unités mixtes de recherche. Il est anormal qu’ils ne disposent pas des mêmes garanties. C’est pourquoi je vous propose d’unifier et d’homogénéiser ces régimes de protection en étendant aux chercheurs du CNRS, par exemple, les droits des enseignants-chercheurs de l’université.
J’ai débattu ici même d’un amendement similaire avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche lors de l’examen de la dernière loi de programmation de la recherche (LPR). La ministre m’avait répondu que celui-ci était satisfait par le droit en vigueur, mais il semblerait que nous ne nous soyons pas très bien compris. En effet, je visais non pas les chercheurs de l’université, mais les chercheurs des établissements publics de recherche.
Voilà en quelques mots l’objet de mon amendement. Je suis bien sûr prêt à aller un peu plus loin dans mes explications si c’est nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Cette question a en effet été évoquée lors de l’examen de la LPR. La ministre Vidal avait alors répondu à Pierre Ouzoulias, qui avait probablement posé la question dans les mêmes termes, que tous les chercheurs relevaient déjà du champ de l’article L. 952-2 du code de l’éducation, quel que soit leur organisme de rattachement.
C’est pourquoi la commission a initialement estimé qu’il fallait demander à Pierre Ouzoulias de retirer son amendement, faute de quoi elle y serait défavorable.
Toutefois, je vais aller dans le sens de notre collègue et demander des précisions au Gouvernement, car de nombreux chercheurs expriment leur inquiétude à ce sujet. Pourriez-vous nous apporter des éléments qui seraient de nature à les rassurer, monsieur le ministre, et notamment confirmer que l’article L. 411-3 du code de la recherche offre les mêmes garanties aux chercheurs que l’article L. 952-2 du code de l’éducation ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
Pour répondre à la question que vient de poser M. le rapporteur pour avis, chacun sait que l’indépendance des enseignants-chercheurs est un principe à valeur constitutionnelle. Il ne faut pas mettre en opposition les dispositions entre elles, car cette protection est garantie.
Sur ces sujets, certains jouent un peu à se faire peur. D’ailleurs, je note parfois une certaine confusion entre, d’une part, les enjeux liés au débat scientifique dont le bon déroulement est garanti par l’indépendance des enseignants-chercheurs, et, d’autre part, ce que l’on pourrait appeler la vie étudiante au sens large, qui diffère de l’activité scientifique et qui, parfois, peut donner lieu à des problèmes – disons – d’ordre public, alors qu’il s’agit en réalité d’un autre sujet.
Pour ce qui concerne l’indépendance des chercheurs, je le répète, elle est garantie par la Constitution : c’est tout à fait clair et sans ambiguïté.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je suis désolé, mais je n’ai pas bien compris l’explication du ministre.
Les professeurs d’université bénéficient effectivement de garanties, qui dérivent d’une décision du Conseil constitutionnel datant – je le dis de mémoire – de 1983, dont le bénéfice a ensuite été étendu aux maîtres de conférences.
Cependant, monsieur le ministre, la question qui vous est posée concerne les différences de statut entre chercheurs. Vous n’avez pas apporté de réponse à ce sujet – en tout cas, je ne l’ai pas entendue. L’indépendance des chercheurs est-elle garantie de la même manière, quel que soit leur statut, qu’ils travaillent à l’université ou dans des grands instituts de recherche comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Comme vous le savez, bien que cette question puisse faire l’objet de multiples commentaires, les évolutions dans ce domaine sont toujours allées dans le sens de l’assimilation des chercheurs au statut des enseignants-chercheurs.
L’article L. 952-2 du code de l’éducation prévoit : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité. » Cet article le précise de manière extrêmement claire et s’inscrit dans la suite logique de ce que je disais précédemment.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Le malentendu collectif vient sûrement de là : les chercheurs dont vous parlez, monsieur le ministre, sont ceux de l’université, ceux des établissements publics d’enseignement supérieur, et non les chercheurs des établissements publics de recherche, et bénéficient, eux, d’une autre forme de protection. C’est sur ce point que nous ne nous sommes pas non plus bien compris avec Mme Vidal.
M. Kerrouche est d’accord avec moi : ces deux catégories de chercheurs ne relèvent ni des mêmes « types » ni des mêmes « cotes ». Or, comme ils travaillent ensemble, c’est aberrant.
Je suis désolé, mais je défends ma paroisse : je suis chercheur au CNRS, et je connais assez bien le statut auquel je suis soumis pour l’avoir étudié de près. Ainsi, les chercheurs du CNRS, par exemple, ne disposent pas des mêmes droits que les autres.
À un moment donné, il faudra harmoniser les textes : ce serait beaucoup plus simple et cela n’engage à rien, dans la mesure où il s’agit d’un point vraiment très technique.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 532 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 235 rectifié, présenté par MM. Brisson, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier, Lefèvre et H. Leroy, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat et Pemezec, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Puissat, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, M. Vogel, Mme Bourrat, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 24 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 811-3 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne peuvent participer aux élections d’associations représentatives d’étudiants les listes dont un ou plusieurs candidats ont tenu dans des lieux publics, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse. »
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Depuis plusieurs années, on assiste au développement de revendications communautaristes, le plus souvent à caractère religieux, au sein de certaines listes électorales candidates aux élections des représentants des étudiants. Cette montée du communautarisme religieux relève d’un prosélytisme qui doit être rejeté sans ambiguïté, car il va à l’encontre de la tradition laïque de l’université française.
Aussi le présent amendement vise-t-il à empêcher la présence de listes communautaristes lors des élections organisées au sein des établissements universitaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Je partage l’avis et la démarche de Max Brisson pour lutter contre la montée du communautarisme. On constate dans certaines universités la présence effective de listes candidates aux élections pour la représentation des étudiants, qui défendent explicitement des revendications communautaires.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’ai interrogé la Conférence des présidents d’université : les listes que vous appelez « communautaires » sont absolument interdites par les règlements définissant les modalités d’organisation de ces élections. Elles ne sont tout simplement pas possibles !