M. Jean-Pierre Grand. J’ai rendu hommage aux communistes !

Mme Éliane Assassi. La citoyenne que je suis veut que ses droits soient respectés.

Et, en effet, nous n’acceptons pas l’utilisation de drones, quand il s’agit de surveiller nos libertés et y porter atteinte, même si ces outils sont par ailleurs très utiles pour réaliser des films ou de jolis documentaires vus du ciel…

Comme le soulignait à l’instant Pascal Savoldelli, il y a des gens qui manifestent pacifiquement et qui n’ont pas envie d’être surveillés.

Le dispositif proposé est totalement contre-productif. Vous allez créer les conditions pour qu’à terme plus personne ne puisse manifester dans notre pays. Faisons bien attention : les temps peuvent changer. Et croyez bien que nous essayons d’œuvrer pour qu’ils ne changent pas dans le sens de l’avènement d’un régime que ni vous ni nous ne souhaitons.

M. Jean-Pierre Grand. Vous allez faire élire Mme Le Pen !

Mme Éliane Assassi. Je viens de dire exactement le contraire, monsieur Grand ; essayez de réfléchir un peu !

Faisons attention : il est des mesures que l’on croit justes, mais qui se révèlent à terme dangereuses !

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Je souscris aux propos de Mme Assassi. Comme elle, il m’arrive de participer en tant que simple citoyenne à des manifestations, ce fut le cas pour celle du 1er mai 2019 à Paris.

Or, lors de cette manifestation, qui était pacifique, bon enfant – nous avons défilé pendant quelques heures avec des personnes âgées et des poussettes –, nous avons à un moment vu au loin des gaz lacrymogènes. La foule a reflué et tout le monde a voulu quitter le cortège. Ce n’était pas possible ; nous étions nassés. J’ai voulu sortir avec ma fille et une amie ; à chaque rue adjacente, il y avait des CRS casqués. J’ai dû montrer ma carte de sénatrice, car j’avais peur et je voulais partir. Et c’est ainsi que l’on m’a laissé sortir avec quelques personnes.

Est-ce normal ? Quid des autres, qui voulaient faire comme nous et avaient peur d’être bousculés ? Car la foule refluait : tout le monde avait peur et souhaitait partir. On a tout de même le droit de manifester dans ce pays !

En tant que citoyenne, je n’ai pas du tout envie d’être filmée ! Pour moi, si un drone passe au-dessus des manifestants pour leur dire avec un haut-parleur qu’ils sont filmés, c’est que nous sommes passés dans un autre monde !

J’ajoute une dernière chose : les Black Blocs sont très peu nombreux. On peut sûrement les identifier et trouver un moyen de régler le problème, sans empêcher la grande majorité des manifestants d’exercer leur droit, comme ils le font depuis longtemps dans notre pays.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83, 111 et 296 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 348, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Caméras aéroportées

II. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote

III. – Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

IV. – Alinéa 9

1° Première phrase

Remplacer le mot :

et

par le mot :

à

et le mot :

auxdites

par les mots :

à ces

2° Seconde phrase

Remplacer le mot :

personnelles

par les mots :

à caractère personnel

V. – Alinéas 13 à 23

Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 242-5. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique et de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images aux fins d’assurer :

« 1° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants ;

« 2° Lorsque les circonstances font craindre des troubles à l’ordre public, la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public ;

« 3° La prévention d’actes de terrorisme ;

« 4° Le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;

« 5° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ;

« 6° La régulation des flux de transport ;

« 7° La surveillance des littoraux et des zones frontalières ;

« 8° Le secours aux personnes.

VI. – Alinéa 24

Supprimer la mention :

III. –

et les mots :

circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote

VII. – Alinéa 25

Supprimer les mots :

circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’article 22 – je pense que nous aurons des divergences avec la commission – afin de rétablir celle qui résultait des travaux de l’Assemblée nationale.

Nous voulons notamment supprimer le régime d’autorisation administrative préalable, qui complexifierait grandement, selon nous, l’utilisation des drones.

Il a été beaucoup question d’ordre public, mais les drones ont bien d’autres usages. Ils sont par exemple précieux dans la lutte contre le trafic de stupéfiants ou l’insécurité galopante, lorsque les caméras sont dégradées ou détruites – Jérôme Bascher y a fait référence –, voire lorsque l’on ne peut tout simplement pas en installer du fait de l’impossibilité de faire passer la fibre ou de problèmes de hauteur.

Vous comprenez bien que cela va singulièrement compliquer le travail de nos forces de l’ordre, s’il faut une autorisation préalable à chaque utilisation de drones par la police ou la gendarmerie.

Notre désaccord avec la commission porte donc non pas sur le fond, mais sur la forme. Il n’en est pas moins important, car la mesure envisagée alourdit sensiblement les tâches administratives et judiciaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. M. le ministre vient de souligner la différence d’approche entre le Gouvernement et nous.

Depuis le vote du texte à l’Assemblée nationale, il s’est passé des choses. Je pense en particulier à la saisine pour avis que le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, a adressée à la CNIL avec l’accord du président du Sénat. La CNIL a donc délibéré, et sa présidente, Marie-Laure Denis, est venue nous présenter ses conclusions lors d’une audition, à laquelle nombre de sénateurs commissaires aux lois ont assisté. C’est un avantage considérable du bicamérisme à la française. Je me réjouis à cet égard de la disposition législative adoptée en 2018 qui permet désormais à un président de commission permanente d’une des deux assemblées de saisir pour avis une autorité administrative indépendante comme la CNIL sur un texte en discussion – c’est une évolution très importante.

L’adoption de cet amendement, auquel je suis évidemment défavorable, conduirait le Sénat à tirer un trait sur l’ensemble des nouvelles garanties que nous proposons. Celles-ci sont très variées.

Nous avons recentré le nouveau régime juridique sur les seuls drones, c’est-à-dire des appareils n’ayant pas de pilote, pour bien faire la distinction avec d’autres régimes plus souples dont nous discuterons plus tard, comme celui qui s’applique aux caméras embarquées dans les hélicoptères.

Nous voulons mieux encadrer les finalités justifiant l’usage de drones, en le réservant à certaines circonstances où ces appareils sont particulièrement adaptés : les infractions graves ou les lieux difficiles d’accès ou exposant les agents à des dangers particuliers.

Nous souhaitons aussi prévoir un régime souple d’autorisation par le préfet ou le procureur, selon les cas, lorsque les drones sont utilisés dans le cadre d’opérations de police administrative ou judiciaire.

Pour avoir moi-même installé trente et une caméras dans la commune de Haute-Savoie dont j’ai été maire, je puis en témoigner : l’encadrement de la CNIL est extrêmement dur – M. Richard l’a évoqué – et le regard du représentant de l’État dans le département l’est tout autant, qu’il s’agisse de l’accompagnement en amont des maîtres d’ouvrage, avec le conseil de la police ou de la gendarmerie, ou de l’arrêté préfectoral, qui est circonstancié.

Nous avons également introduit des interdictions expresses sur la reconnaissance faciale, les interconnexions automatisées de données et la captation de sons. Un vote du Parlement serait évidemment nécessaire pour revenir sur ces interdictions.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Je souhaite obtenir une précision.

Si j’entends les arguments de M. le rapporteur sur le contrôle, j’entends également ceux de M. le ministre sur la simplification. Toute la difficulté est de trouver un juste équilibre entre la nécessité de pouvoir justifier des actions et celle d’être opérationnel. Dans cette perspective, je ne souhaite pas que les procédures soient excessivement lourdes.

Comment pouvons-nous garantir une réactivité et une capacité d’action, tout en répondant aux différentes questions que le dispositif soulève ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Il est absolument nécessaire d’apporter des garanties chaque fois qu’il y a un risque d’atteinte à une liberté publique. C’est le sens de la position de la commission des lois – François-Noël Buffet l’a dit.

Personnellement, je considère que le préfet, en matière de police administrative, et le procureur, en matière de police judiciaire, ont intérêt à avoir connaissance des matériels, dont les forces disposent pour mener des opérations.

Mais j’entends les arguments des uns et des autres. Ils permettront de nourrir le débat avec nos collègues députés en commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. En pratique, certaines interventions seront empêchées à cause des démarches administratives à mener, quand d’autres seront autorisées. Le problème se pose déjà en matière judiciaire : certains procureurs autorisent des actions dans des caves ou des halls d’immeubles, tandis que d’autres, plus sourcilleux, les refusent.

Nous risquons donc d’être confrontés à des distorsions dans les interventions judiciaires et administratives, même si le ministère de l’intérieur peut donner des consignes générales.

Monsieur le rapporteur, je ne fais pas la même lecture que vous de l’avis de la CNIL. Il ne m’a pas semblé que l’autorisation administrative préalable de l’usage du drone devait être érigée en obligation générale.

Et, de toute façon, même s’il ne m’appartient pas de dire au Parlement comment il doit faire la loi – lorsque j’étais député, j’étais très sourcilleux sur le respect du pouvoir parlementaire –, je ne considère pas que l’avis d’une autorité administrative doive nécessairement engager le législateur. Si c’était le cas, nous risquerions de nous retrouver dans une situation où des contraintes formulées par les autorités administratives finiraient par entraver l’action.

Certes, les avis de la CNIL sont éclairés et utiles, ils nous aident à avancer, mais il est aussi des circonstances où on peut peut-être provoquer le destin.

Je crois que les drones seront très efficaces, comme c’est le cas chez nos voisins européens. Que ce soit en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni ou en Belgique, leur utilisation est généralisée de longue date.

Aujourd’hui, le ministère de l’intérieur ne fait plus voler de drones, parce que la CNIL a réclamé un encadrement législatif ; nous sommes en train de le mettre en place. En attendant, il n’est plus possible d’en faire voler, sauf en cas d’attaque terroriste – et encore, nous ne sommes pas tout à fait certains que la législation le permette.

Pendant ce temps, partout autour de nous, nos voisins font voler des drones pour lutter contre le trafic de stupéfiants ou les violences urbaines.

L’amendement du Gouvernement vise également à permettre la captation et l’enregistrement d’images par les hélicoptères et les ballons captifs, comme cela existe déjà. La commission des lois du Sénat s’y oppose ; nous nous en étonnons, car nous estimons que la prise d’images par les hélicoptères ou les ballons captifs facilite les interventions.

Ainsi, hier soir, à Blois, l’utilisation d’hélicoptères a permis de rétablir l’ordre public dans un quartier – certes, il a tout de même fallu envoyer quelques centaines de gendarmes sur le terrain –, car nous n’avions pas forcément « les yeux » pour voir ce qui se passait. Il eût sans doute été plus économe en effectifs et plus efficace en termes de maintien de l’ordre public de pouvoir disposer d’une retransmission d’images.

D’ailleurs, face aux feux de forêt, nous utilisons des drones et des hélicoptères pour faciliter l’intervention des pompiers. Il n’y a aucune raison qu’en France tout le monde puisse utiliser de tels appareils, sauf la police ou alors dans des conditions extrêmement compliquées.

Je maintiens évidemment l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Nous sommes sur une ligne de crête. Nous savons tous qu’il faut améliorer l’efficacité de la police et de la gendarmerie dans le maintien de l’ordre.

Mais notre Haute Assemblée a une spécificité, monsieur le ministre. Depuis plusieurs années, le Gouvernement restreint – hélas ! – les libertés publiques, par exemple face à la crise du covid. Or, au Sénat, nous sommes particulièrement chatouilleux sur ces questions ; nous souhaitons que le Gouvernement revienne régulièrement devant nous pour savoir s’il peut confiner le pays.

Vous comprendrez que, face à cette offensive qui tend à restreindre les libertés publiques, nous ayons quelques réticences.

Pour autant, il est également vrai – mon collègue et ami sénateur de l’Hérault l’a très bien souligné – que certaines forces sont à l’œuvre pour détruire la démocratie. Il est important d’avoir cela en tête.

Nous devons donc trouver un juste équilibre. Ce sera le rôle de la commission mixte paritaire.

La France est passée à côté des drones militaires, par méfiance envers les appareils sans pilote. Nous avons été en retard d’une bataille, comme en 1940. Ne passons pas à côté des drones civils pour la protection de nos concitoyens !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 348.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 116 amendements au cours de la journée ; il en reste 126.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 22 (début)
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Discussion générale

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 18 mars 2021 :

À dix heures trente, quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale (texte de la commission n° 410, 2020-2021).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 18 mars 2021, à zéro heure quarante-cinq.)

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics deau potable et dassainissement en Guadeloupe a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mme Françoise Dumont, MM. Mathieu Darnaud, Loïc Hervé, Hussein Bourgi, Patrice Joly et Thani Mohamed Soilihi ;

Suppléants : Mmes Muriel Jourda, Catherine Belrhiti, Catherine Di Folco, MM. Hervé Marseille, Jérôme Durain, Stéphane Artano et Mme Éliane Assassi.

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER