Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 302, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
demander à ce
par le mot :
obtenir
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les communes volontaires, dès lors qu’elles satisfont aux conditions énumérées au premier alinéa, sont retenues pour cette expérimentation. Un arrêté conjoint des ministres de l’intérieur et de la justice entérine la liste des communes volontaires pour mettre en œuvre l’expérimentation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Le choix des mots, qui fait la sémantique d’un texte de loi, fixe les limites et donc l’action de ceux qui devront l’appliquer. Par conséquent, ce choix est déterminant.
Je vous propose, mes chers collègues, une modification de termes dont les conséquences ne sont pas sans importance. Face à l’augmentation plus qu’alarmante du phénomène d’insécurité, l’évolution des prérogatives de nos polices municipales doit pouvoir être garantie si le maire juge que la situation dans sa commune l’exige.
L’efficacité passant d’abord par la réactivité, c’est au maire, élu de terrain par excellence, de décider si les agents de police municipale ou gardes champêtres doivent exercer des compétences de police judiciaire dans le cadre de la nouvelle expérimentation prévue par cet article. Les maires qui souhaitent participer à cette expérimentation doivent pouvoir « obtenir » que leurs agents de police municipale et gardes champêtres exercent les compétences de police judiciaire, et non pas simplement le « demander », ce qui ne leur garantit rien.
Ce n’est pas au ministère de l’intérieur ou au ministère de la justice de décider qui a le droit de participer à cette expérimentation, mais c’est aux municipalités de le faire dans le respect de leurs libertés et du principe de subsidiarité auquel je suis, comme vous, mes chers collègues, très attaché, car ils sont le garant d’une démocratie incarnée, d’une action de sécurité de proximité et d’une politique publique cohérente avec la réalité des situations locales.
Cet amendement vise à réaffirmer les pouvoirs de police générale du maire et à réinstaurer l’autorité à l’échelon le plus proche des situations de conflit. Si nous voulons que la peur change de camp, il faut montrer que nos collectivités ont une force de frappe puissante, élargie et déterminée. Pour porter de nouvelles ambitions en matière de sécurité adaptées à notre présent et afin de ne pas nous laisser déborder par un futur plus violent encore, il faut leur donner une incarnation territoriale.
Le maire est le premier concerné par la sécurité sur son territoire, car il est celui qui est sollicité en permanence. Il doit, dès lors, pouvoir obtenir ces nouvelles compétences de police judiciaire pour ses agents. Il n’y a pas de sécurité globale sans sécurité locale.
En soutien effectif et efficace à nos communes, à leurs habitants et à nos maires désireux de participer pleinement au rétablissement de la sécurité, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 320 rectifié, présenté par MM. Richard, Mohamed Soilihi, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
président de l’établissement public,
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
après avoir recueilli l’accord des maires et des conseils municipaux de l’ensemble des communes auprès desquelles les agents sont mis à disposition dans le cadre de l’article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure.
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. L’expérimentation pourra être engagée par les communes qui disposent de quinze agents et par les EPCI qui ont mis en place une police municipale de même effectif.
Quand il s’agit d’une commune, la décision du maire de participer à cette expérimentation doit être approuvée par délibération du conseil municipal.
Dans le cas d’un EPCI, il nous semble préférable de rechercher un consensus et de prévoir que l’ensemble des conseils municipaux de toutes les communes mettant des policiers à la disposition de l’EPCI se prononcent positivement pour pouvoir participer à l’expérimentation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur Ravier, il existe deux conditions fondamentales pour participer à l’expérimentation : une condition de seuil et une condition d’encadrement. Vous souhaitez supprimer le verrou de l’arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre de la justice dans la définition des communes participant à l’expérimentation.
Nous avons prévu un certain nombre d’obligations dans le texte, notamment l’existence de conventions de coordination entre les mairies et la police nationale, afin de bien définir les moyens mis en œuvre et de délimiter les compétences respectives des uns et des autres. En plus du seuil et de la condition d’encadrement, il faut bien sûr apprécier si les conditions sont réunies sur le terrain pour que cette coordination se fasse.
Dans un certain nombre de départements, y compris dans le mien, il existe des endroits où cela ne fonctionne pas du tout entre la police municipale et la police nationale et où les règles élémentaires ne sont pas toujours respectées. En revanche, dans d’autres endroits, cette coopération est très fluide. Ce critère doit donc évidemment entrer en ligne de compte et doit pouvoir être pris en considération par le ministre de l’intérieur et par le ministre de la justice. La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement.
L’amendement n° 320 rectifié vise à prévoir que la candidature d’un EPCI porte sur l’ensemble de son territoire, après accord unanime des communes membres.
Plusieurs de nos collègues ont considéré qu’il était dommage de ne pas pouvoir mettre en place une mutualisation, notamment en zone rurale. Sur l’initiative de plusieurs d’entre eux, qui siègent sur diverses travées du Sénat, nous pourrons le faire à partir d’un syndicat intercommunal, qu’il s’agisse d’un Sivom ou d’un SIVU.
M. Richard souhaite prévoir une condition d’unanimité. Or j’ai vu beaucoup de cas, notamment en zone rurale, dans lesquels, au sein d’un Sivom, une partie des communes étaient d’accord pour mutualiser quand d’autres ne le souhaitaient pas. On ne va pas imposer à ces dernières une mutualisation contre leur gré ; à défaut, l’expérimentation partirait sur de très mauvaises bases.
Considérant qu’il faut laisser la possibilité aux maires de communes faisant partie d’un établissement public de coopération intercommunale de mettre en place ou non la mutualisation et respecter leur avis, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 320 rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’avis est défavorable sur l’amendement n° 302 de M. Ravier, pour les raisons invoquées par M. le rapporteur, et favorable sur l’amendement n° 320 rectifié de M. Richard.
Mme le président. L’amendement n° 150 rectifié, présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mme de Marco et MM. Fernique, Salmon et Parigi, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
exercent les compétences
par les mots :
exercent tout ou partie des compétences
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Nous étions contre l’article 1er. Le fait d’acter, même par voie d’expérimentation, un transfert de compétences de la police nationale comporte un risque important de dévoyer la police municipale.
Plutôt que de transférer de manière indivisible l’ensemble du bloc de compétences prévues à l’article 1er, nous proposons d’aller au bout de la logique de cette expérimentation, en prévoyant a minima que les communes et EPCI puissent choisir les compétences dont ils veulent se saisir.
Notre amendement vise à répondre de manière plus fine aux besoins des territoires face au risque de désengagement de l’État. Il présente par ailleurs un autre avantage : il permet d’avoir un retour d’expérience. Une fois l’expérimentation lancée, l’État saura quelles ont été les compétences choisies par les collectivités, quelles sont celles qui répondent à des problèmes rencontrés sur les territoires et celles que les responsables locaux de la sécurité souhaitent voir relever de l’échelon national.
Cet amendement vise à transformer une expérimentation verticale en un réel outil de coconstruction avec les territoires.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je comprends la préoccupation des auteurs de l’amendement, mais celui-ci est partiellement satisfait.
Dans le dispositif que nous avons imaginé, le bloc de compétences n’est pas monolithique et les policiers municipaux vont désormais pouvoir s’y intégrer, alors que tel n’était pas le cas dans le cadre de l’expérimentation. Ce bloc est défini précisément par les conventions de coordination entre la police municipale et la police nationale.
Si le maire ne souhaite pas que ses policiers municipaux exercent tel type de compétences, il le prévoit dans la convention de coordination. C’est beaucoup plus simple que d’écrire un article de loi : la police nationale et la police municipale, via le maire et le représentant du ministre, se mettent d’accord pour choisir des compétences dans le bloc global qui sera défini par la loi.
Ce dispositif me semble plus cohérent. Je souhaite donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Dossus, l’amendement n° 150 rectifié est-il maintenu ?
M. Thomas Dossus. Oui, je le maintiens.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 117 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Chatillon et Bascher, Mme Bellurot, MM. Bonne et Bouchet, Mme Bourrat, MM. Brisson, Burgoa, Charon, Chasseing et Decool, Mmes Deroche, Deromedi et Dumont, M. Favreau, Mme Garriaud-Maylam, M. Grand, Mmes Gruny et Joseph, MM. Laménie, D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy, Menonville, Meurant, Milon, Pellevat, Pemezec et Regnard, Mme Saint-Pé et M. Savary, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 2
Remplacer la référence :
VI
par la référence :
V
II. – Alinéas 25 et 26
Rédiger ainsi ces alinéas :
VI. – Le premier alinéa de l’article 78-6 du code de procédure pénale est complété par les mots : « , ainsi que des délits que la loi les autorise à constater, aux fins d’en dresser procès-verbal ».
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement soulève la question de la mise en œuvre du relevé d’identité pour toute infraction constatée par les policiers municipaux, qu’il s’agisse de contraventions, de délits ou de crimes.
Le VI de l’article 1er de la proposition de loi prévoit d’ores et déjà une dérogation. Il ne s’agit cependant, en vertu du I de l’article 1er, que d’une disposition expérimentale pour cinq ans, accessible aux seuls EPCI à fiscalité propre et aux communes employant au moins quinze agents de police municipale.
La rédaction proposée supprime le caractère expérimental de la possibilité d’établir des relevés d’identité pour les délits que les policiers municipaux sont autorisés à constater.
Mme le président. L’amendement n° 260 rectifié, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 13, 15, 18, 22 à 26
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement « voiture-balai » permet de réviser les épisodes précédents.
Nous proposons de supprimer un certain nombre d’alinéas qui visent à étendre les compétences transférées aux polices municipales dans le cadre de l’expérimentation. Nous voyons dans ces dispositions non pas le moyen d’assurer un continuum de sécurité, comme on nous l’annonce, mais plutôt une source de confusion, dans la mesure où il y a substitution de compétences. En effet, ce que feront les polices municipales relève, à notre sens, des compétences de l’État. Il s’agit également d’une source de confusion pour nos concitoyens, du fait de l’insécurité juridique que ces dispositions induisent. Certains de nos collègues ont d’ailleurs précédemment demandé pourquoi on n’abaissait pas le seuil, par exemple.
Dans la cartographie nationale de la sécurité publique, il y aura donc « à boire et à manger » : tout le monde fera de tout partout, mais pas avec les mêmes moyens, et on n’en est même pas certain… On passe d’une compétence régalienne assurée par un État qui prend ses responsabilités à une espèce de maillage en peau de léopard auquel personne ne comprendra rien. Ce n’est satisfaisant ni pour les citoyens ni pour les policiers municipaux.
On a parlé de la question de la double hiérarchie : à un moment, c’est le maire qui est l’autorité hiérarchique, à un autre, c’est le procureur. Le président de notre groupe, Patrick Kanner, a évoqué les risques d’une politique du chiffre qui pourrait être organisée localement. Les travers que l’on rencontre au plan national peuvent aussi exister au plan local. C’est le même problème pour les instances de contrôle. Comment les policiers locaux seront-ils inspectés ? Encore une fois, sous l’apparence d’un continuum, c’est plutôt une confusion qui s’installe. Je vous fais grâce des arguments budgétaires, mais, tout cela, il faudra le payer !
La question de l’ivresse publique et manifeste finira aussi par se poser, comme bien d’autres. À un moment, on nous dira qu’il est compliqué de garder les cellules de dégrisement dans les commissariats et qu’il faut les installer dans nos hôtels de ville.
In fine, rien de tout cela ne va dans le bon sens.
Enfin, en vertu du contrat de sécurité intégrée, on nous demandera, si nous voulons bénéficier des services de la police nationale, de mettre la main au portefeuille. Par conséquent, nous ne sommes pas des fanatiques de cette expérimentation, pas plus que des dispositions relatives aux compétences transférées.
Mme le président. L’amendement n° 96 rectifié ter, présenté par MM. Tabarot, Savary, Longeot, Anglars, Bacci et Bascher, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Burgoa, Mme Canayer, MM. Chaize, Charon et Chasseing, Mme L. Darcos, M. de Nicolaÿ, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deromedi, Drexler, Dumont et Joseph, MM. B. Fournier, Genet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guerriau, Hingray, Lefèvre, Le Rudulier, Levi, Longuet, Mandelli, Maurey, Milon, Moga, Piednoir et Ravier, Mme Raimond-Pavero, MM. Regnard et Sautarel, Mme Schalck, MM. Somon, Verzelen, C. Vial, Vogel, Gueret et Laménie, Mme Deroche, MM. Rojouan et Cuypers et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dès lors qu’ils sont confrontés dans le cadre de leurs interventions à une personne suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction ne relevant pas de leurs prérogatives, les agents de police judiciaire adjoints mentionnés au présent alinéa sont habilités à relever son identité sous l’ordre et la responsabilité de l’officier de police judiciaire territorialement compétent.
La parole est à M. Philippe Tabarot.
M. Philippe Tabarot. Cet amendement issu du terrain, de la réalité des opérations quotidiennes des polices municipales, a été cosigné par 58 de nos collègues.
Dans l’exercice de leurs missions de sécurité du quotidien, les polices municipales sont amenées à constater des infractions ne relevant pas de leur champ de compétence. Elles peuvent ainsi être confrontées, sans le savoir, à des individus dangereux figurant sur des fichiers dédiés aux individus recherchés, violents ou terroristes, par exemple.
La rédaction actuelle de l’article 78-6 du code pénal limite à un petit nombre de situations la possibilité pour les policiers municipaux de relever l’identité des personnes. Il est proposé de mettre fin à cette incohérence, qui met en danger, à la fois, les agents de police judiciaire adjoints, mais également les officiers de police judiciaire lorsque leur est présenté un individu dont le caractère dangereux n’est pas encore révélé.
Cet amendement vise à permettre aux agents de police municipale de relever l’identité, sous l’ordre et la responsabilité de l’OPJ territorialement compétent, dès lors qu’ils sont confrontés dans le cadre de leurs interventions à une personne suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction ne relevant pas de leurs prérogatives. Ce relevé d’identité ne s’inscrit pas dans le cadre d’une enquête, mais a pour seule finalité l’amélioration de la prise en charge, en toute connaissance de cause, et la protection de l’intégrité des agents.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’amendement n° 117 rectifié présenté par Mme Micouleau vise à inscrire de manière durable dans la loi que les policiers municipaux peuvent relever l’identité des auteurs des délits que la loi les autorise à constater.
Cet amendement est partiellement satisfait dans le cadre de l’expérimentation. Si nous mettons en place une expérimentation, c’est justement parce que les policiers municipaux ne peuvent pas actuellement constater de délits. Nous avons donc prévu qu’ils pourraient relever l’identité des auteurs de délits dans ce cadre. Une fois l’expérimentation achevée, nous verrons s’il faut une traduction législative de cette mesure.
Pour des raisons de cohérence juridique, et tant que l’expérimentation n’est pas terminée, il me semble plus pertinent de conserver l’ensemble des dispositions qui répondent à ce que souhaite Mme Micouleau. L’avis est donc défavorable sur cet amendement, même si je considère que notre collègue a raison sur le fond.
L’amendement n° 260 rectifié présenté par M. Durain va dans un sens tout à fait contraire. J’en ai bien compris l’objet : nos collègues socialistes veulent réduire drastiquement la liste des infractions que les agents de police seraient autorisés à constater dans le cadre de l’expérimentation. Les policiers municipaux ne pourraient même pas relever l’identité des auteurs des infractions qu’ils pourraient constater ! On se demande à quoi servira l’expérimentation s’il ne leur est pas possible de faire cela… L’avis est donc défavorable.
Sur l’amendement n° 96 rectifié ter présenté par M. Tabarot, je suis davantage gêné. L’inspiration est bonne, me semble-t-il. Il est vrai que, dans l’exercice de leurs missions de sécurité du quotidien, les policiers municipaux sont confrontés de temps en temps, et malheureusement de plus en plus souvent, à des individus dangereux. Ils ont certes, dans le cadre de l’expérimentation, la possibilité de constater plusieurs délits, mais doivent continuer à faire appel à un OPJ pour un certain nombre d’autres délits. Ils ne peuvent donc pas relever systématiquement l’identité.
Je vous invite à la prudence, mes chers collègues. J’ai en effet été maire, tout comme M. le ministre et nombre d’entre vous. Attention à ce qui peut se passer lorsque des policiers municipaux, placés sous l’autorité hiérarchique du maire, sont conduits à relever l’identité d’individus dangereux ou pouvant poser problème ! Il me semble plus simple de garantir une procédure en faisant appel à l’OPJ, sachant que l’expérimentation étendra justement le champ des délits autorisant de relever l’identité. Je préférerais que l’on attende la fin de l’expérimentation pour aller plus loin, le cas échéant.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ferai deux réponses, l’une adressée à M. Tabarot, l’autre à M. Durain.
Monsieur Durain, j’ai du mal à vous comprendre. Vous répétez depuis le début de notre séance que des communes n’auront pas les moyens suffisants… Mais la sécurité relève d’un choix politique, comme la culture. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Jérôme Durain. Ah bon ? Les ressources locales, c’est un choix ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout à fait ! Vous faites politiquement un choix budgétaire. Nous avons été nombreux ici à gérer des budgets communaux : on peut réduire la dette, baisser les impôts, les augmenter, mettre davantage d’argent ici ou là.
Certaines compétences relèvent des mairies. Ainsi, la vidéoprotection, je le répète, est une compétence municipale, dont je constate qu’elle est plus ou moins utilisée selon la volonté politique des élus, ce qui est bien normal ; sinon, tout serait contraint, et il n’y aurait pas de différences entre les programmes électoraux, puis les villes seraient toutes gérées de la même façon, qu’elles le soient par la gauche, les écologistes, la droite ou les communistes.
Il est évident qu’il peut y avoir des choix. J’ai, pour ma part, été maire de l’une des communes les plus pauvres de France. Or nous avons réussi, à la fois, à diminuer les impôts, à réduire la dette et à installer davantage de caméras de vidéoprotection. Mon prédécesseur, qui était pourtant socialiste, avait d’ailleurs armé la police municipale.
C’est donc une question de choix. Il faut accepter qu’il y ait des différences politiques, ce qui n’est pas grave. Il faut simplement éviter de qualifier d’empêchement ce qui relève de choix, parfois idéologiques. Ayons cela bien en tête : des compétences sont laissées aux élus pour créer ou non une police municipale, ou pour généraliser ou non la vidéoprotection.
Monsieur Tabarot, vous avez évoqué la question des contrôles d’identité. Je suis quelque peu gêné, car je comprends, en lisant votre amendement, qu’il s’agit de vérification d’identité. Or vous avez dit vous-même, comme M. le rapporteur, qu’il fallait distinguer vérification et contrôle d’identité.
Le relevé d’identité est déjà une compétence de la police municipale. La vérification d’identité, c’est autre chose, et l’on n’a pas besoin d’une carte d’identité pour y procéder.
Mme la ministre déléguée a évoqué au cours de la journée la nouvelle carte d’identité. Je rappelle, à cet égard, que la carte d’identité n’est pas obligatoire en France. Chacun sait que, pour vérifier l’identité d’un individu, il suffit que plusieurs personnes, en premier lieu des policiers municipaux, le reconnaissent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça ne marche pas comme ça dans la vraie vie !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour vérifier l’identité de Marc-Philippe Daubresse, il n’est pas nécessaire de lui demander sa pièce d’identité ou de faire des recherches relevant de l’autorité judiciaire, car nous sommes plusieurs ici à pouvoir constater qu’il s’agit bien de lui.
Je suis en revanche opposé à ce que les policiers municipaux procèdent à des contrôles d’identité, et ce doublement. En effet, cela reviendrait à donner aux policiers municipaux davantage de pouvoirs qu’aux gendarmes et aux policiers nationaux.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument : article 78-2 !
M. Gérald Darmanin, ministre. En outre, c’est bien mal connaître les contrôles d’identité que de penser que les policiers y procèdent de leur propre initiative. Ce n’est jamais le cas ! Ils y procèdent pour deux raisons.
Première raison : ils ont constaté qu’un crime ou un délit avait été commis à proximité. Par exemple, un crime est commis à la gare du Nord ; les policiers, à bon droit, ont le droit de contrôler l’identité des personnes dans cette gare et aux alentours dans les moments qui suivent ce crime, et ils doivent le justifier.
Deuxième raison : le procureur de la République autorise par réquisition le contrôle d’identité. Lors de mes échanges, par médias interposés, avec la Défenseure des droits, je me suis d’ailleurs beaucoup interrogé sur ses propos. En effet, par définition, c’est toujours l’autorité judiciaire qui autorise le contrôle d’identité.
L’argument selon lequel vous allez donner plus de pouvoirs aux polices municipales qu’aux policiers nationaux et aux gendarmes, vous avouerez qu’il est assez fort.
J’en viens à la façon de procéder au contrôle d’identité.
Lorsqu’une personne n’a pas de pièce d’identité et que l’on n’est pas en mesure de vérifier son identité, il faut alors faire un acte relevant de la police d’enquête, de la police judiciaire : recours au TAJ, qui est un fichier de police judiciaire, ou réalisation de recherches pour vérifier l’identité de la personne.
Ces recherches sont parfois très compliquées. La personne concernée peut, par exemple, être un étranger en situation irrégulière qui n’a plus aucun papier et dont l’administration française essaie de savoir depuis de nombreuses années qui il est, où il est né, de quel pays il vient, dans quelles conditions il est venu en France. Il peut aussi d’agir d’un Français ayant, pour diverses raisons, usurpé une identité. Il y a 850 000 usurpations d’identité par an dans notre pays ! C’est d’ailleurs pourquoi nous allons proposer, à la demande du Président de la République, une nouvelle carte d’identité.
Votre amendement, monsieur Tabarot – M. le rapporteur Daubresse l’a très bien dit –, est pavé de bonnes intentions. Je peux comprendre votre interrogation, et je la comprenais d’autant plus lorsque j’étais maire. Mais, d’une part – j’y insiste –, il reviendrait à donner plus de moyens aux polices municipales qu’aux policiers nationaux et aux gendarmes, sauf à considérer que votre police est sous l’autorité du procureur de la République ; dans ce cas, vous embaucherez des personnes qui ne vous obéiront pas, c’est grosso modo le cas du ministère de l’intérieur. D’autre part, ce serait donner des pouvoirs d’enquête judiciaire ou de contrainte – je ne crois pas que ce soit le souhait du Sénat, en tout cas pas de sa commission des lois – à l’encontre de personnes contrôlées qui n’auraient pas donné spontanément leur carte d’identité.
S’il s’agit de présenter sa carte d’identité comme on le fait lorsque la caissière de supermarché vous le demande, alors il n’y a pas de problème, cela se passe spontanément, et 95 % des polices municipales fonctionnent ainsi. Le problème concerne les 5 % de personnes qui refusent de donner leur identité. Il faut alors recourir à des pouvoirs d’enquête et de contrainte que nous ne souhaitons pas donner à la police municipale.
L’avis est donc défavorable.