M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. M. Léonhardt a raison : il faut sortir de la logique de réseau en étoile qui vise à faire passer tous les voyageurs par Paris. Vous parlez des Franciliens, mais on pourrait presque dire que cette problématique concerne les Français dans leur ensemble, puisque tel a longtemps été le cas.
Dans un rapport publié aujourd’hui, François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne, pointe le fait que les différents projets d’infrastructures de transport actuellement programmés desserviront principalement la première couronne. Je crois que nous pouvons nous en féliciter, parce que le besoin était évidemment criant.
Toutefois, celui-ci considère que cela n’est pas suffisant : il craint en effet que les inégalités ne s’accroissent entre habitants de la zone dense parisienne et de la deuxième couronne, alors même que ce sont ces derniers qui souffrent des conditions de transport les plus dégradées et les plus contraintes.
Je partage l’idée qu’il faut dépasser les clivages entre petite et grande couronne, zones denses et zones plus rurales. Tel est le sens des engagements de l’État, puisque, vous le savez, celui-ci s’est fortement engagé aux côtés de la région pour financer à hauteur de 1,4 milliard d’euros, dans le cadre du contrat de plan État-région, le CPER 2015-2020, le plan de mobilisation pour les transports.
L’auteur du rapport insiste également sur le potentiel que représente l’aménagement des routes franciliennes, avec des voies réservées pour les transports en commun.
À la suite des dispositions de la loi d’orientation des mobilités, la LOM, permettant l’expérimentation de voies réservées sur les routes, plusieurs expérimentations ont été lancées sur le réseau des routes nationales en Île-de-France et sont en cours.
L’engagement de l’État pour l’amélioration des mobilités dans l’ensemble de l’Île-de-France se traduit également par la réunion, vendredi prochain, sur l’initiative du préfet de l’Île-de-France, d’une conférence stratégique sur les mobilités routières.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Le fait métropolitain n’est pas nouveau. Il n’a pas non plus fallu attendre la création administrative d’une métropole pour qu’une métropole existe – on peut tous en convenir ici.
En revanche, depuis sa création institutionnelle, nous traînons la question du statut de la métropole du Grand Paris : c’est un sujet et un enjeu politique et démocratique majeur, mais il est confisqué, détourné et instrumentalisé.
Craignant le conflit de pensées sur l’avenir institutionnel de la MGP, nous avons encore reporté son schéma de financement lors de l’examen du dernier budget. Certains se plaisent à dire que l’on peut se contenter d’expliquer ce casse-tête repose par un manque de consensus entre l’ensemble des acteurs. C’est une formule consacrée, qui passe bien. D’ailleurs, vous l’avez quasiment utilisée, madame la ministre… (M. Jean-Raymond Hugonet rit.)
À nos yeux, la métropole est cependant un opérateur qui menace ses échelons départementaux et communaux. Or, eux se trouvent en première ligne et ont une grande proximité avec nos concitoyens.
Je pense en particulier aux communes, puisque ces dernières conservent la clause générale de compétence, ainsi qu’aux départements, qui, de par leurs prérogatives, constituent un pilier en matière de cohésion sociale et territoriale, autrement dit aux deux échelons de proximité qui sont pleinement engagés grâce à leurs services et leurs agents publics locaux.
M. Philippe Pemezec. Très bien !
M. Pascal Savoldelli. Nous voulons sortir de cet imbroglio, de cette sorte de séparatisme métropolitain « métropolisé », qui ne trouve pas sa place dans le schéma territorial historique, car il est déconnecté des besoins des Franciliens et en apesanteur.
Madame la ministre, je ne sais pas si vous êtes d’accord, mais le mythe de l’utilité des fusions qui réduiraient les coûts a vraiment vécu. Si la métropolisation est une réalité que le redécoupage des régions a favorisée et installée, le fossé créé entre cette institution et nos administrés renforce une crise démocratique déjà manifeste dans notre pays.
Aux projets élaborés d’en haut, nous préférons fédérer de manière ascendante, en faisant de la réponse aux besoins l’ambition partagée de chaque échelon institutionnel. Face à l’impossibilité de la gouvernance d’un espace regroupant 131 communes, ne pensez-vous pas qu’il faudrait repenser cet échelon sous la forme d’une coopération polycentrique, d’un espace de coordination légitime, puisque désiré, n’effaçant ni les départements ni le bloc communal ?
M. le président. Merci, mon cher collègue : votre temps de parole étant terminé, c’était votre conclusion ! (Sourires.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je me souviens bien de cette question, puisque je siégeais sur ces travées quand on l’a abordée, notamment lorsque l’on a débattu de la disparition des départements ; j’ai compris que, au-delà ce que vous évoquiez, vous aviez en tête cet épisode. Dans l’esprit de certains, cela était et cela reste d’ailleurs une solution à explorer.
Cela étant, ce que vous décrivez correspond au fond à la troisième famille de scénarios que je mentionnais tout à l’heure, c’est-à-dire celle qui fait entrer les institutions de la région capitale dans le droit commun, en prévoyant d’octroyer le statut d’EPCI à fiscalité propre aux EPT, et non plus à la MGP.
M. Philippe Dallier. C’est l’anti-métropole, en somme !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne sais pas si c’est exactement ce que vous vouliez dire lorsque vous avez affirmé que vous vouliez « fédérer de manière ascendante », mais cela y ressemble assez.
Au fond, la MGP serait alors réduite à un syndicat mixte de la zone dense réunissant autant que de besoin Paris, les EPT, les départements de la petite couronne et la région Île-de-France. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre dans votre proposition.
Ces scénarios ont évidemment des variantes, mais ils peuvent être une première étape permettant d’envisager plus sereinement une réforme institutionnelle plus ample.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Paul Delouvrier disposait d’un droit exorbitant du droit commun, de leviers puissants, de prérogatives de puissance publique et des outils qu’étaient les opérations d’intérêt national ou les projets d’intérêt général, ainsi évidemment que des moyens d’investir, notamment à l’époque dans les transports, ce qui permettait d’aboutir à un certain équilibre.
Par la suite, nous avons continué à produire des logements, à densifier, y compris en grande couronne, tandis que la logique d’investissement structurant à l’échelon de la région n’a pas suivi.
Aujourd’hui, ces instruments ne sont plus dans l’air du temps, et les élus des territoires sont les plus légitimes pour faire des propositions. Néanmoins, on voit bien que leur enthousiasme est assez modéré après cinq ans de réformes – je pense aux lois NOTRe et Maptam, qui nous ont tous bien occupés –, particulièrement dans l’unité urbaine de Paris.
Le consensus parmi les élus sur les solutions à apporter aux problèmes constatés de manière consensuelle est aussi assez relatif. On sent bien par ailleurs que l’intérêt de nos concitoyens pour cette réforme institutionnelle est également assez limité.
La campagne des régionales permettra-t-elle de faire avancer le sujet ? Je n’en suis pas certain : on voit bien que le projet n’est pas mûr.
Cela nous interdit-il pour autant d’envisager rapidement, faute de consensus sur la réforme institutionnelle, un outil assez souple qui nous permette de dégager quelques objectifs, un calendrier, des pistes de financement, et pourquoi pas un contrat régional d’intérêt national permettant de fédérer et de répondre aux attentes de nos concitoyens franciliens, et pas seulement en petite couronne, en matière d’investissements nécessaires à leur qualité de vie au quotidien ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Arnaud de Belenet, je suis d’accord avec vous. Ce qui est essentiel, bien sûr, c’est de répondre aux besoins de nos concitoyens. Il faut éviter de nous perdre dans des débats institutionnels, donc essayer d’avancer sur les projets ; c’est en gros ce que vous dites, si j’ai bien compris.
Je sais la sensibilité qui est la vôtre en tant que sénateur de la Seine-et-Marne. Je rappelle que votre département représente 50 % de la superficie totale de l’Île-de-France. Il est pleinement intégré dans son bassin de vie (M. Vincent Éblé fait un signe de dénégation.), avec des mouvements pendulaires très importants, mais aussi – je me permets de le dire sans faire de l’humour –, avec les inondations qui menacent le bassin parisien.
De plus, la Seine-et-Marne comprend des territoires absolument stratégiques pour la vie de la métropole : Val d’Europe, Eurodisney, sites universitaires, etc. On voit bien qu’elle fait partie de ce grand ensemble.
D’ailleurs, le département de la Seine-et-Marne, je tiens à le dire, siège au conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités ou au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, par exemple.
Les schémas régionaux comme le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement incluent naturellement la Seine-et-Marne. Les outils pour travailler sur les projets existent donc. La Seine-et-Marne est par exemple pleinement intégrée dans les projets de modernisation des infrastructures de transport, comme celui de l’électrification de la ligne ferroviaire 4.
L’État a également veillé à ce que le département soit pleinement partie prenante des échanges sur la programmation des chantiers de l’axe nord,…
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … dans le cadre des travaux de modernisation du RER B et de la construction de la ligne Charles-de-Gaulle Express.
En résumé, des choses existent déjà, mais il faut amplifier le mouvement !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour la réplique.
M. Arnaud de Belenet. Je profite des quelques secondes qu’il me reste pour affirmer ici que la création de richesses, de valeur, d’emplois en Île-de-France et pour la métropole du Grand Paris peut passer par la grande couronne, grâce à quelques investissements.
Il existe de nombreux potentiels de développement en grande couronne, qui sont singuliers et nécessaires à la métropole urbaine et dense. Je me tiens à la disposition de chacun pour en suggérer quelques-uns.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Je formulerai un constat, une remarque et deux questions.
Tout d’abord, je constate que, si nous sommes ici ce soir, c’est parce que le candidat Macron, qui se présentait comme un réformateur de l’architecture institutionnelle en Île-de-France, est finalement devenu un président assez conservateur, sinon silencieux.
M. Philippe Dallier. Il a beaucoup changé, en effet ! (Sourires.)
M. Rachid Temal. Je fais donc le constat d’une sorte d’immobilisme du Président de la République : ce quinquennat n’aura servi à rien pour notre région, si j’en crois vos déclarations de ce soir, madame la ministre.
En tant qu’élu de la grande couronne, je m’intéresse à la fois à la métropole et à la région. Aujourd’hui, je remarque qu’il faudrait dépasser le clivage entre le fait métropolitain et le fait régional.
Quand on vous entend nous présenter vos trois scénarios, quand on s’intéresse à vos différentes interventions, madame la ministre, on a le sentiment que vous oubliez que la moitié des 12 millions de Franciliens vivent dans les quatre départements de la grande couronne. Il ne faudrait pas que votre volonté de densifier et de créer de la valeur ajoutée au sein de la métropole se fasse au détriment de ces habitants.
D’où mes questions, madame la ministre : que proposez-vous dans vos scénarios pour la grande couronne ? Comment envisagez-vous de favoriser un rééquilibrage en matière d’investissements et de création de richesses, d’emploi et de logement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que les problèmes n’ont pas commencé avec Emmanuel Macron. (Exclamations.)
M. Philippe Pemezec. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. Nous sommes d’accord !
M. Rachid Temal. Et alors ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il n’est pas le seul responsable de l’évolution de la situation de la métropole.
M. Rachid Temal. Peut-être, mais vous n’avez rien fait en cinq ans !
M. Philippe Pemezec. Les responsables, ce sont plutôt vos amis, monsieur Temal !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Par ailleurs, j’ai participé de très près aux discussions qui ont eu lieu sur le sujet, que ce soit ici, au Sénat, ou au sein de ce gouvernement. Or il n’y a jamais eu de consensus parmi les élus.
M. Philippe Dallier. C’est impossible !
M. Vincent Éblé. Vous attendez donc le consensus ? Vous pouvez attendre longtemps !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons essayé, mais nous ne sommes pas parvenus à trouver un accord.
Bien entendu, nous pensons aussi aux citoyens de la grande couronne. D’ailleurs, parmi les propositions que j’ai formulées, certaines englobent la grande couronne.
M. Rachid Temal. Lesquelles ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Au demeurant, tout ce que j’ai dit ce soir n’est que le reflet des principales propositions mises en avant. Il ne s’agit pas du projet du Gouvernement, mais des suggestions dont nous entendons parler.
Enfin, il existe des syndicats, beaucoup de syndicats ! Vous parlez des déchets : je connais des syndicats dont le rayon d’action dépasse les frontières des intercommunalités de la petite couronne, intervenant parfois jusqu’en grande couronne. On observe aujourd’hui fréquemment une superposition des structures institutionnelles sur ce territoire. C’est pourquoi il importe de simplifier l’ensemble. Et pour ce faire, il faut que tout le monde s’y mette.
Pour finir, monsieur le sénateur, je me souviens d’un texte qui était reparti d’ici, au Sénat, sans aucune proposition à l’intérieur. Peut-être vous en souvenez-vous ? (M. Philippe Dallier acquiesce.)
Vous le voyez, tout n’est pas si simple. Cessons donc de nous accuser les uns les autres et essayons de construire !
M. Julien Bargeton. Bravo !
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Je suis très étonné de votre ton, madame la ministre, car la réalité que j’évoque est factuelle.
J’ai bien compris que, avec les partisans du macronisme, tout est toujours très simple : quand cela va bien, c’est grâce à eux. Quand cela ne va pas, c’est la faute des autres ! (Protestations sur les travées du groupe RDPI. – Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Je dis simplement que le Président de la République portait des projets ambitieux. Or, trois ou quatre ans plus tard, il n’en reste rien. Ce constat étant factuel, il est inutile de s’énerver. Chacun doit pouvoir défendre sa position.
Par ailleurs, vous nous dites que, puisqu’il n’existe aucun consensus, il faut patienter. Je ne sais pas ce que vous attendez, parce qu’il n’y en aura jamais de toute façon ! Il aurait peut-être été agréable ou souhaitable que vous formuliez une proposition au cours de ce débat.
M. Julien Bargeton. Dès que l’on propose quelque chose, on est immédiatement attaqué !
M. Rachid Temal. Le Parlement aurait alors pu jouer son rôle. Vous auriez ainsi obligé le Parlement à avancer. Sinon, c’est l’Arlésienne ! Comme personne ne veut bouger, nous serons encore à nous demander comment progresser lors de la prochaine élection présidentielle.
J’ajoute, madame la ministre, que je n’ai toujours pas entendu vos propositions concrètes pour les habitants de la grande couronne, notamment dans le Val d’Oise.
M. Julien Bargeton. Cela n’a rien à voir avec la métropole !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Pour compléter l’excellent exposé de ma collègue Lavarde, je dirai que, depuis que la Ve République existe, tous les Présidents de la République ont apporté leur contribution et une attention particulière à la région Île-de-France et à la capitale : le général de Gaulle, comme certains l’ont souligné ; Valéry Giscard d’Estaing, en donnant un maire à Paris ; François Mitterrand, en associant les villes de Paris, Lyon et Marseille ; Jacques Chirac, sous la forme d’une contribution locale ; Georges Pompidou, dans le domaine culturel.
Le président Macron avait bien commencé, en présentant une feuille de route et en prononçant un discours dans lequel il nous disait qu’il verrait chacune et chacun d’entre nous, qu’il travaillerait avec le Premier ministre, que l’organisation actuelle de notre région était trop complexe, néfaste, non institutionnelle et déstructurée, qu’une compétition internationale était prévue et qu’il était par conséquent important d’agir.
Ce discours date de quelques mois après son élection. J’aimerais savoir qui travaille avec le Président de la République aujourd’hui ! Il dit travailler avec le Premier ministre, mais nous avons changé de Premier ministre et nous n’avons toujours pas les réponses à nos questions.
Il a aussi déclaré qu’il rencontrerait des personnalités, mais lesquelles ? En trois ans, quand s’est-il exprimé sur la région capitale, sur le sort de Paris et sur tous les problèmes qui s’y posent ?
Vous nous proposez des solutions, madame la ministre. En réalité, je plains votre situation, parce que nous avons compris que nous ne parlons pas de l’avenir de la métropole du Grand Paris.
Vous évoquez trois solutions, autrement dit vous n’en avez aucune ! Après trois années de législature, vous auriez pourtant pu égrener un chapelet de propositions. Or on voit bien, au travers de ces trois scénarios, qu’aucun travail n’a vraiment été accompli et qu’aucune réflexion n’a été menée. Je dirais même que vous n’avez manifesté aucun intérêt pour la région francilienne.
Je reviens donc sur la question de Philippe Dallier : quel est votre agenda ? Et qui travaille sur ce sujet ?
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Dominati, j’ai déjà répondu au sujet du calendrier. Je n’y reviendrai donc pas.
Le Président de la République reçoit et consulte évidemment les grands élus. Je ne vous citerai que quelques noms – pas tous –, ne serait-ce que parce que je ne connais pas tous ceux qu’il rencontre.
Ainsi, il aborde régulièrement le sujet qui nous intéresse avec la présidente de la région, Valérie Pécresse, avec Patrick Ollier et avec les présidents des départements de la petite couronne, ainsi qu’avec ceux de la grande couronne. Il rencontre également certains maires.
Après que le préfet Cadot a rendu ses propositions, le Président de la République a pensé que la question institutionnelle n’était sûrement pas la bonne porte d’entrée pour parvenir à une solution équilibrée pour Paris. Il en est sûrement arrivé à l’idée que c’était par le biais des projets qu’il fallait construire la future métropole du Grand Paris.
J’ai tâché d’exposer le plus précisément possible la philosophie et les idées qu’essaie de diffuser le Président de la République aujourd’hui. Cela étant, je le reconnais, nous n’avons encore fixé aucun calendrier s’agissant des réponses législatives nécessaires à la métropole du Grand Paris.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour la réplique.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, vous avez malheureusement confirmé la tonalité du débat.
En réalité, le Président de la République ne s’intéresse pas tellement à la région capitale. On l’a d’ailleurs vu aux élections municipales à Paris avec les deux candidats de la majorité : aucun portage politique, pas de projection, pas de gouvernance pour incarner ce projet métropolitain.
Emmanuel Macron est le seul Président de la République, depuis 1958, à n’attacher aucune importance à ce qui représente un tiers de l’économie de notre pays ; on peut en effet s’intéresser à cette région pour d’autres raisons que le problème institutionnel.
Nous souhaiterions avoir des solutions ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Même si ce n’est pas la règle, madame la ministre, je vous donne la parole pour trente secondes supplémentaires.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Dominati, je voudrais tout de même vous dire que la métropole du Grand Paris existe bel et bien et qu’elle a des élus.
M. Philippe Dominati. Elle ne marche pas !
M. Rachid Temal. Nous sommes rassurés, alors ! (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais simplement qu’il y existait des élus métropolitains.
On ne peut pas toujours tout faire reposer sur les autres : à un moment, il faudrait que ceux qui siègent à la métropole du Grand Paris prennent position.
M. Philippe Dominati. C’est le rôle du Président de la République !
M. Julien Bargeton. Et vous, quelle est votre position ?
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé.
M. Vincent Éblé. Au début de ce quinquennat, le Président de la République annonçait vouloir réformer le Grand Paris en cent jours. Il s’agissait d’une priorité… À plusieurs reprises, un discours-programme nous a été annoncé et, à plusieurs reprises, il a été reporté. Puis, comme l’écrivait Louis XVI dans son journal à la date du 14 juillet 1789, rien !
M. Julien Bargeton. Mais que proposez-vous ?
M. Vincent Éblé. En un sens, ne rien faire quand on ne sait que faire n’est pas la plus mauvaise option.
En revanche, ne rien faire après avoir annoncé une réforme rapide et affirmer qu’un échelon du système territorial du Grand Paris devait disparaître, puis laisser entendre que cet échelon serait le département, et laisser penser que la région serait le bon échelon pour faire fonctionner la métropole du Grand Paris, tout en demandant à cette dernière de prendre davantage de responsabilités, notamment en matière de qualité de l’air, de lutte contre les inondations – c’est d’actualité ! – ou de relance économique constitue sans doute une très mauvaise option et traduit une pratique du pouvoir totalement délétère pour l’action publique.
Pour agir, les institutions ont besoin de temps et de stabilité. Or, par votre volontarisme sans dessein et votre ardeur réformatrice dépourvue de contenu, vous avez mis la métropole du Grand Paris en attente ; vous l’avez enfoncée dans l’instabilité. (M. Julien Bargeton proteste.)
Est-ce le bon jour ou le bon endroit pour réformer ? Peut-être le bon moment est-il passé ? Que faire en attendant ? « Allons-y », dit l’un et, finalement, il ne bouge pas. Comme l’a fait Beckett pour ces deux héros, nous pourrions ainsi résumer votre action pour la métropole du Grand Paris.
Ce théâtre d’ombres serait comique s’il n’était joué au mépris des besoins des habitants de la région et du pays, dont la métropole est le cœur battant politique et économique.
Les liens de la Seine-et-Marne et du Grand Paris et ceux de l’ensemble de la grande couronne sont trop forts et trop essentiels pour que nous ne nous alarmions pas, au-delà des frontières de la métropole du Grand Paris, de cette situation préjudiciable au développement de toute la région et du pays.
Alors que tous les acteurs s’accordent à dire qu’une réforme était nécessaire, vous n’avez pas su rassembler. Pouvez-vous, madame la ministre, nous expliquer les raisons de cet activisme immobile ?
M. Julien Bargeton. Et vous, quelle est votre position ? Êtes-vous pour plus ou moins de métropole ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur Éblé, j’entends très bien ce que vous dites, mais je voudrais tout de même vous rappeler que la métropole du Grand Paris est née ici.
Vous en avez voté le principe, avant de rendre une feuille blanche à l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi Maptam. Ensuite, les députés ont voté un schéma, qui ne faisait évidemment pas consensus. Puis, des débats à n’en plus finir ont eu lieu lors de l’examen de la loi NOTRe ; nous étions un certain nombre à être présents.
Je ne puis donc pas vous laisser dire qu’un choix extrêmement clair a été fait ou qu’une construction tout à fait limpide a été décidée par les précédents gouvernements : si nous en sommes là et si cela ne fonctionne pas, c’est que l’on n’est jamais parvenu à prendre des mesures claires depuis 2010 et la première loi votée à ce sujet. Et je n’accuse personne.
M. Rachid Temal. Mais non ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous ne sommes pas parvenus à élaborer un schéma assez clair, soit. Il faut désormais essayer de sortir par le haut de cette affaire.
M. Rachid Temal. Présentez une loi !
M. Rachid Temal. C’est vous qui êtes au Gouvernement ! (Mme Françoise Gatel proteste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Il était une fois un vieux pays, dont l’administration territoriale s’appuyait sur trois strates : la commune, le département et la région.
Pendant deux siècles, cela a plutôt bien fonctionné, jusqu’au jour où nos technocrates se sont emparés du problème et ont voulu le simplifier – doux euphémisme, puisqu’ils ont ajouté deux strates : l’intercommunalité et la métropolisation. Depuis lors, nous, les élus, déployons une énergie folle pour tenter de réduire ce millefeuille indigeste !
Rendez-vous compte, mes chers collègues, de ce que nous vivons en région Île-de-France : une ville-centre, Paris, ignorant les communes qui l’entourent ; une métropole qui prétend à des fonctions stratégiques, mais qui n’inclut pas le neuvième aéroport mondial, ni le plateau de Saclay, un des plus grands centres de recherche au monde ; à l’intérieur, des maires étouffant sous quatre couches d’administration et ayant perdu ce qui faisait le cœur de leur métier, à savoir répondre aux aspirations quotidiennes de leurs habitants.
Aussi, madame la ministre, ne cherchez plus ! Je vous amène, avec humilité, la solution ! Ce qu’il faut faire, c’est supprimer une couche – et même, rêvons un peu, deux couches –, pour redonner de l’air aux communes.
Pour cela, on fusionnerait la métropole et la région en une région métropolitaine, qui conserverait toutes les fonctions stratégiques d’une métropole mondiale, avec, évidemment, schéma de cohérence pour les transports et compétences en matière de développement économique. La disparition de l’actuelle métropole entraînerait de facto celle des établissements publics territoriaux de la petite couronne, qui ne servent pas à grand-chose.
Là où l’on entre dans le domaine du rêve, madame la ministre, c’est sur le point suivant : pourrait-on, pour une fois, faire confiance aux maires et laisser aux communes le libre choix de leur organisation ?
Certaines pourraient fusionner pour constituer des communes nouvelles ; d’autres pourraient poursuivre leur démarche de fusion – je pense à l’établissement Grand Paris Seine Ouest, le GPSO, autour de la ville de Boulogne-Billancourt ; d’autres pourraient retrouver leur liberté d’action, parce qu’elles ont la taille et la compétence nécessaires pour assumer toutes les fonctions essentielles, notamment l’aménagement urbain et l’urbanisme.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas que notre région capitale mérite d’accéder, enfin, au rang de grande métropole mondiale, en changeant de statut et de taille ?
Par ailleurs, ne serait-il pas temps d’offrir aux maires de la première couronne un véritable choix d’organisation et la possibilité de retrouver une vraie liberté, au service de leurs administrés ?