Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.
articles 1er à 9
Mme la présidente. Sur les articles 1er à 9, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 10
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
La première phrase du premier alinéa de l’article 362 du code de procédure pénale est
par les mots :
Au début du premier alinéa de l’article 362 du code de procédure pénale, est ajoutée une phrase
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je serai bref, car il s’agit d’un amendement de précision légistique. Celui-ci est néanmoins de taille, puisque son adoption permettrait d’éviter la suppression de l’actuelle première phrase de l’article 362 du code de procédure pénale, selon laquelle la cour d’assises doit délibérer « sans désemparer » sur l’application de la peine. C’est tout de même bien la moindre des choses !
C’est pourquoi je souhaite, bien sûr, que cet amendement recueille un avis favorable. Sans cela, nous risquerions d’avoir des décisions de cour d’assises ne prononçant pas de peine, ce qui me paraît difficilement concevable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je tiens à vous rassurer, mes chers collègues : ce sujet est apparu après notre lecture au Sénat, car il prend en compte une décision rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité postérieure à nos débats. L’avis est évidemment favorable sur l’amendement gouvernemental.
Mme la présidente. Sur les articles 10 bis à 14, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
5
Loi de finances pour 2021
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (projet n° 236, rapport n° 247).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année, les délais d’examen du projet de loi de finances en nouvelle lecture sont extrêmement serrés, et je n’ignore pas la difficulté qu’il y a à examiner un texte aussi volumineux le lendemain seulement de son adoption par l’Assemblée nationale.
Quand je dis « le lendemain », c’est une tournure de langage, dans la mesure où le texte que vous examinez a en réalité été adopté ce matin, à cinq heures quarante.
Le projet de loi de finances pour 2021, dans sa construction même, est un budget de soutien face à la crise sanitaire et de relance de l’économie. Il a été examiné dans un contexte particulièrement incertain, lequel explique l’importance des modifications qui ont été apportées au cours du débat.
Afin d’éclairer la représentation nationale sur les conséquences de la crise sanitaire et dans le souci de sincérité qui anime le Gouvernement depuis le début de ce quinquennat pour chacun des documents budgétaires, je précise que nous avons été amenés à amender le contenu du projet de loi de finances chaque fois que nous disposions d’informations nouvelles conduisant à revoir ses grands équilibres. Nous avons ainsi actualisé l’article liminaire. Je remercie M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général de leur compréhension à l’occasion de cet exercice.
C’est ainsi que nous avons d’abord révisé, lors de la première lecture devant votre assemblée et en cohérence avec la loi de finances rectificative de fin d’année, le taux de croissance de –10 % à –11 %, le déficit public de 10,2 % à 11,3 % du PIB pour l’année 2020 et la croissance pour 2021 de +8 % à +6 %. Comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques, ces nouvelles prévisions demeurent prudentes et nous l’assumons. Le passé très récent nous a montré qu’en matière de prévisions la prudence était certainement bonne conseillère.
Afin de prévoir les nécessaires mesures de soutien en faveur des ménages et des entreprises en 2021 dans un contexte de prévalence épidémique, plusieurs dispositifs de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » ont été massivement ré-abondés en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. J’ai souhaité que, dès vendredi dernier, préalablement au dépôt de l’amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale et comme je l’avais annoncé, le rapporteur général et le président de votre commission des finances en soient informés. La nouvelle lecture du projet de loi de finances au Sénat aujourd’hui me permet de vous les présenter de nouveau en détail.
Tout d’abord, la dégradation anticipée de la situation économique en 2021 par rapport au texte initial du projet de loi de finances, de +8 % à +6 %, conduit à revoir à la baisse le niveau des prélèvements obligatoires pour un montant de 22 milliards d’euros.
Par ailleurs, le réarmement des dispositifs d’urgence porte ceux-ci à un niveau de 20 milliards d’euros l’an prochain, parmi lesquels 13,4 milliards d’euros n’étaient pas initialement budgétés.
Ces 20 milliards d’euros se répartissent de la façon suivante. Sont prévus, d’une part, un soutien des salariés, notamment des saisonniers, à hauteur de 11,4 milliards d’euros au total, comprenant 4,4 milliards d’euros de nouveaux crédits d’activité partielle en complément des 6,6 milliards d’euros déjà inscrits dans le texte d’origine, et une enveloppe spécifique de 400 millions d’euros destinée aux permittents, d’autre part, un soutien des entreprises à hauteur de 8,6 milliards d’euros, dont 7 milliards d’euros pour le fonds de solidarité, 600 millions d’euros pour des secteurs particulièrement touchés par la crise – le sport, la culture et les stations de montagne – et 1 milliard d’euros d’aide au paiement des cotisations sociales.
S’y ajoutent un ensemble d’autres mesures spécifiques, qui revêtent chacune une importante toute particulière.
Je pense au renforcement du plan Jeunes pour 202 millions d’euros, à l’accompagnement du groupe La Poste pour 66 millions d’euros : il s’agit d’assurer le même niveau de ressources au fonds postal national de péréquation territoriale, la réforme de la fiscalité locale que nous vous présentons diminuant mécaniquement cette ressource de 66 millions d’euros, que nous abondons par crédit budgétaire.
Je pense aussi aux avances aux aéroports régionaux pour 250 millions d’euros, à la recapitalisation de l’Agence française de développement pour 500 millions d’euros, à l’achat de matériel sanitaire pour 430 millions d’euros et à une avance de trésorerie pour la campagne de l’aide alimentaire pour 120 millions d’euros.
Nous avons, en outre, réévalué le montant du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne de 336 millions d’euros supplémentaires. Il s’agit là de la conséquence de l’adoption du cadre pluriannuel financier lors du Conseil européen de la semaine dernière. Ce Conseil a été marqué par cette réussite, qui permet la mise en œuvre d’un plan de relance à l’échelon communautaire.
Nous compensons les pertes de recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » à hauteur de 300 millions d’euros et nous revoyons à la hausse, de 130 millions d’euros, notre estimation de dépense de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).
Enfin, nous avons comptabilisé 1 milliard d’euros de crédits d’impôt pour les bailleurs, conformément à la proposition avancée dans cet hémicycle. Ainsi que vous le souhaitiez, mesdames, messieurs les sénateurs, les collectivités bénéficieront, comme le secteur privé, de cet accompagnement en matière de prise en charge des loyers abandonnés pour le mois de novembre dernier.
Les hypothèses macroéconomiques actualisées et les nouvelles mesures que je viens de vous détailler portent notre prévision de déficit public pour 2021 à 8,5 % du PIB, après un déficit de 11,3 % en 2020. Notre ratio d’endettement public s’établira à 122,4 % du PIB, contre 119,8 % en 2020. Il s’agit de niveaux jamais atteints, qui traduisent la violence de la crise que nous vivons.
Le Gouvernement – en l’occurrence, votre serviteur – n’a pas été en mesure de présenter ces chiffres lors de la première lecture du projet de loi de finances au Sénat, tout simplement parce qu’il ne disposait alors pas du recul nécessaire sur l’évolution de la situation épidémique et sur les restrictions aux secteurs économiques que celle-ci exigerait, y compris la prolongation de la fermeture de certains établissements recevant du public.
Cette année un peu particulière n’a pas empêché des débats riches et fructueux au Parlement. Au Sénat, près de 600 amendements ont été adoptés en première lecture. En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale en a conservé une trentaine.
Je pense notamment au doublement exceptionnel et temporaire du plafond de la réduction d’impôts de 75 %, dit dispositif Coluche, pour les associations venant en aide aux plus fragiles, sur l’initiative du rapporteur général et de plusieurs groupes de la majorité et de l’opposition sénatoriales. Je souhaite les remercier de leur attitude coopérative et des concessions consenties de part et d’autre. La lutte contre la pauvreté, ainsi que le soutien aux plus modestes, est une priorité et cette disposition participera à cette mobilisation.
Le Sénat s’est également prononcé en faveur d’un amendement portant à 0 % le taux de TVA pour les vaccins contre la covid-19. Cet amendement, retenu par les députés, est en totale cohérence avec notre stratégie de lutte contre la pandémie.
Je mentionne également, parmi les mesures d’origine sénatoriale conservées à l’Assemblée nationale, la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires atteints de la covid : chacune et chacun doit pouvoir bénéficier d’une protection et d’un accompagnement lors de la maladie. Je remercie particulièrement le rapporteur général sur ce sujet : l’amendement qu’il a présenté est le fruit d’un travail conjoint avec le Gouvernement, travail rendu nécessaire par la procédure et par l’obligation de réparer cette inégalité.
L’Assemblée nationale a également voté en nouvelle lecture un filet de sécurité des recettes fiscales des collectivités du bloc local – communes et intercommunalités – pour l’année 2021, comme vous l’appeliez de vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs, et ce même si la formule retenue n’est pas identique à celle que vous aviez adoptée. Chaque commune et chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) auront l’assurance d’avoir, en 2021, au moins les mêmes recettes fiscales que le niveau moyen connu atteint entre 2017 et 2019, soit avant la crise sanitaire.
De plus, la permission accordée aux administrations et aux établissements publics de donner leurs biens mobiliers aux fondations et aux collectivités territoriales a été confirmée en nouvelle lecture, tout comme l’harmonisation des conditions de dons aux associations, quelle que soit la nature du bien ou du bénéficiaire.
L’Assemblée nationale a validé la possibilité pour les entreprises en difficulté de bénéficier du crédit d’impôt relatif aux investissements, dont le fait générateur de l’aide fiscale est fixé entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, comme vous l’aviez souhaité.
Au-delà des désaccords qui ont été exprimés au moment de la commission mixte paritaire et qui ne manqueront pas d’être réitérés à l’occasion de cette discussion, ces exemples témoignent que ce budget illustre notre capacité à trouver la voie du compromis et à servir les intérêts des Françaises et des Français.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, ce projet de loi de finances se fixe plusieurs objectifs : mettre en œuvre les priorités du Gouvernement, répondre à l’urgence de la crise, préparer l’avenir au travers du plan de relance. Il se traduit, comme l’exercice 2020, par une dégradation des finances publiques à un niveau jamais atteint, qualifié d’historique.
Nous assumons cette dégradation des finances publiques, dans la mesure où elle nous paraît constituer la seule réponse possible à la crise et la seule façon de faire face à l’épidémie. Nous savons aussi que cette dégradation doit être temporaire. Avec la sortie de la crise et la reprise de l’activité économique, nous devrons retrouver une trajectoire de finances publiques plus soutenable, qui nous permette de maîtriser, puis de diminuer, la dette publique.
Il nous faudra travailler ensemble – ce sera l’objet du groupe de travail et des débats parlementaires – à la manière de retrouver un niveau de dépenses publiques qui soit, lui aussi, soutenable, en tout cas conforme à la situation d’un pays comme le nôtre, c’est-à-dire capable de faire face à ses engagements, de maîtriser son endettement et d’alléger le poids des prélèvements obligatoires sur la production de richesses nationales. Tel sera notre objectif dans les prochains mois, à la sortie de cette crise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de nouveau de la qualité de nos débats. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion de continuer à échanger sur des textes budgétaires, ou d’autres textes relevant du périmètre de mon ministère, dans les semaines et les mois qui viennent. J’en suis ravi par avance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé : nos collègues de l’Assemblée nationale ont fini d’examiner le projet de loi de finances cette nuit, à cinq heures quarante.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie mercredi 9 décembre dernier, n’a pu aboutir favorablement, compte tenu de divergences trop importantes sur les 285 articles restant en discussion.
En première lecture, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient déjà adopté dans les mêmes termes 125 articles et supprimé l’article 19. À l’issue de la nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a parfois suivi, même partiellement, le Sénat. J’en donnerai quelques exemples, avant d’indiquer les nombreux désaccords qui demeurent toutefois entre les deux assemblées.
Parmi les principaux apports du Sénat qui ont été conservés par l’Assemblée nationale figurent tout d’abord les aménagements apportés au nouveau crédit d’impôt dont bénéficieront les bailleurs consentant des abandons de loyers à des entreprises particulièrement touchées par la crise, d’une part, en prévoyant son application dès l’imposition 2021, d’autre part, en élargissant son périmètre notamment par la mise en place d’un mécanisme analogue de prise en charge partielle des abandons de loyers consentis par les collectivités territoriales.
Ensuite, et c’est là probablement l’apport le plus substantiel du Sénat au projet de loi de finances pour 2021, l’Assemblée nationale a conservé le dispositif de l’article 22 bis B, sous réserve de certains aménagements, c’est-à-dire la reconduction en 2021 du mécanisme de garantie des ressources fiscales des communes et des EPCI à fiscalité propre. Ce mécanisme avait été mis en place en 2020 dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
L’Assemblée nationale a également conservé en nouvelle lecture le prolongement pour un an du plafond à 1 000 euros de la réduction d’impôt, ce que l’on appelle le dispositif Coluche.
En outre, les députés ont maintenu la suspension, pendant l’état d’urgence sanitaire, de l’application du jour de carence pour les agents publics dont l’arrêt maladie est directement lié à l’épidémie de covid-19.
L’Assemblée nationale a également conservé, malgré un amendement de suppression de sa commission des finances et contre l’avis du Gouvernement, l’article 43 septies C, qui prévoit la prorogation jusqu’en 2024 du crédit d’impôt cinématographique international.
Par ailleurs, parmi les amendements de crédits, il convient en particulier de signaler qu’au sein de la mission « Économie » ont été conservés les 66 millions d’euros de crédits votés par le Sénat, sur l’initiative notamment de la commission des finances, en faveur du fonds postal national de péréquation territoriale, permettant ainsi de compenser les conséquences de la réforme des impôts de production sur ce fonds.
L’Assemblée nationale a aussi repris plusieurs mesures de portée plus technique, de clarification ou de simplification de différents régimes juridiques, d’amélioration rédactionnelle ou encore de mise en cohérence avec le droit européen.
Enfin, l’Assemblée nationale a suivi le Sénat sur la suppression de plusieurs rapports jugés inutiles.
Pour autant, malgré ces apports du Sénat, des divergences importantes subsistent entre les deux assemblées et nombre des amendements adoptés par le Sénat, même lorsqu’ils ont été votés à une très grande majorité, voire à la quasi-unanimité, ont finalement été supprimés. Le Sénat n’est pas toujours entendu comme il se doit…
Ainsi, d’un point de vue macroéconomique, il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas réalisé les efforts de maîtrise des dépenses publiques nécessaires pour redresser les comptes publics, alors que les indicateurs économiques du pays étaient encore « au vert » et afin que la France retrouve les marges de manœuvre budgétaires utiles pour répondre le plus efficacement possible à toute crise, comme l’épidémie actuelle.
Il ne faut pas perdre de vue l’impact qu’auront toutes nos décisions actuelles sur l’état de nos finances publiques à moyen terme. À ce titre, il aurait fallu privilégier des mesures temporaires, puissantes et bien ciblées, pour favoriser une sortie de crise rapide et dynamique.
Concrètement, je le rappelle, l’État se finance désormais autant par l’endettement que par l’impôt. Si les taux remontaient, l’effort à fournir pourrait devenir insurmontable.
Bien plus, le plan de relance du Gouvernement est trop tardif, mal calibré et tient insuffisamment compte de la réalité vécue dans nos territoires.
Ainsi, je regrette que l’Assemblée nationale soit revenue sur toutes les mesures adoptées par le Sénat pour que le plan de relance porte ses fruits à plus court terme. Il n’est qu’à citer le report en arrière des déficits dans la limite de 5 millions d’euros.
Si le Sénat n’est pas revenu sur la réforme des impôts de production prévue par le projet de loi de finances, considérant que les entreprises, en particulier dans le secteur industriel, devaient voir leur niveau d’imposition se réduire pour que soit favorisée leur compétitivité, il importe aussi d’assurer une juste et pérenne compensation aux collectivités territoriales. Il est, à ce titre, très positif que l’Assemblée nationale l’ait suivi en conservant l’article 22 bis B.
Toutefois, il est regrettable qu’elle n’ait pas conservé d’autres mesures retenues par le Sénat, telles que la compensation intégrale de la perte de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) subie en 2021 par les départements et le bloc communal. Cette mesure était pourtant identique à celle qui a été prévue pour les régions et validée par le Gouvernement.
L’Assemblée nationale a aussi supprimé les deux contributions exceptionnelles adoptées par le Sénat visant, d’une part, les assureurs et, d’autre part, les grandes plateformes de la vente à distance, au nom de la solidarité nationale.
D’ailleurs, la nouvelle couverture assurantielle que nous avons proposée n’a pas non plus été conservée, mais nous continuerons de mettre en avant ce sujet, en espérant que la proposition de loi adoptée à l’unanimité des suffrages exprimés au mois de juin dernier prospérera.
Il est également dommage que la majorité gouvernementale ait refusé les dispositifs proposés par le Sénat pour renforcer l’aide à ceux qui se trouvent le plus en difficulté face à la crise, par exemple un fonds de solidarité renforcé visant à mieux couvrir les charges fixes ou l’aide à l’embauche.
Du point de vue de la fiscalité écologique et énergétique, l’Assemblée nationale n’a pas suivi le Sénat qui préconisait un étalement sur cinq ans du malus automobile, accompagné d’un renforcement de la prime à la conversion. Cela aurait permis d’inciter davantage les automobilistes à faire le choix de solutions plus « vertes », sans tomber dans la fiscalité punitive.
Je note que l’Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture certaines mesures auxquelles le Sénat s’était fermement opposé, notamment l’article 54 sexies relatif aux contrats photovoltaïques ou thermodynamiques ou l’article 47, qui prévoit – excusez du peu ! – une ponction de 1 milliard d’euros sur la trésorerie d’Action Logement.
L’Assemblée nationale n’a pas non plus modifié les crédits des trois missions et des deux comptes d’affectation spéciale rejetés par le Sénat, de façon à faire évoluer la position de ce dernier.
Enfin, le Gouvernement a fait voter par l’Assemblée nationale cette nuit, en nouvelle lecture, des mesures nouvelles loin d’être anodines.
Certes, il est indispensable de soutenir les secteurs qui restent les plus durement affectés par la crise, comme les exploitants de remontées mécaniques des stations de ski ou certains acteurs de la culture.
Pour autant, l’on ne peut que déplorer que le Gouvernement ait fait le choix d’attendre la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale pour « recharger » le fonds de solidarité de 5,6 milliards d’euros, créer un nouveau programme « Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19 », doté de 430 millions d’euros, prévoir que le programme 356 couvre non seulement les dispositifs de chômage partiel, mais aussi la prise en charge de congés payés de certains salariés et une aide exceptionnelle aux actifs permittents, saisonniers ou extras.
En outre, plusieurs milliards d’euros de crédits ouverts en 2020 seront reportés sur l’année 2021, en particulier les 2,1 milliards d’euros ouverts sur le programme 356 par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020, promulguée il y a seulement deux semaines !
La majorité gouvernementale porte ainsi atteinte à l’autorisation parlementaire du volet dépenses du projet de loi de finances, ce que vous savez, monsieur le ministre.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, les sujets de désaccords entre nos deux assemblées restent nombreux. Même si le Sénat proposait des modifications en nouvelle lecture, il est peu probable qu’une nouvelle navette parlementaire permettrait de faire évoluer les choses et de faire changer d’avis l’Assemblée nationale. La commission des finances vous proposera donc d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment construire un budget fiable et tracer des perspectives dans un contexte aussi imprévisible, incertain et fluctuant ? La tâche est difficile et elle le serait pour tout gouvernement !
Je tiens à cette occasion à vous remercier personnellement, monsieur le ministre, de nos échanges toujours positifs et constructifs tout au long des débats et de vos réponses toujours précises à nos questions.
La commission mixte paritaire, réunie mercredi dernier, n’a pu aboutir favorablement : comme l’a rappelé M. le rapporteur général, un trop grand nombre d’articles restaient en discussion.
Cependant, plusieurs avancées adoptées par le Sénat ont vocation à être conservées dans le texte final : une TVA à 0 % sur les vaccins et sur les tests contre la covid-19, la suppression du jour de carence pour les agents publics dont l’arrêt maladie est directement lié à l’épidémie, le prolongement d’un an du plafond à 1 000 euros de la réduction d’impôt au titre des dons, dite dispositif Coluche, le crédit d’impôt pour la sortie du glyphosate, l’extension des exonérations fiscales et sociales en faveur des indépendants et de certaines professions libérales, l’extension temporaire du crédit d’impôt en faveur des investissements productifs ultramarins, la prolongation de l’annulation de la taxe sur les spectacles due au Centre national de la musique (CNM)…
Nous regrettons, en revanche, que d’autres dispositions votées par le Sénat n’aient pu être retenues.
C’est le cas de l’article 54 sexies relatif aux tarifs de rachat d’électricité produite par les centrales photovoltaïques. Son rétablissement pourrait avoir des conséquences lourdes pour un certain nombre d’exploitants agricoles liés à des opérateurs par le biais d’un bail à construction. Il faudra suivre ce sujet avec la plus grande attention.
Concernant plus particulièrement les collectivités locales, je salue plusieurs avancées importantes intégrées à ce projet de loi de finances.
Je pense au report de deux ans des dispositifs en faveur des territoires, adossés à des zonages – sept au total –, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les zones d’aide à finalité régionale (AFR), ou à l’augmentation de la péréquation en faveur des communes à hauteur de 180 millions d’euros partagés entre la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de solidarité urbaine (DSU).
Je pense aussi au maintien au niveau de 2020, soit 1,6 milliard d’euros, de la péréquation en faveur des départements au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), grâce à un abondement prélevé sur le budget de l’État, ou au maintien en 2021 de la garantie de recettes fiscales pour le bloc communal.
Je pense encore à l’abondement de 66 millions d’euros du fonds postal national de péréquation territoriale afin de neutraliser les effets de la baisse des impôts de production sur ce fonds, ce qui est très important pour maintenir la présence postale dans les territoires peu denses, notamment ruraux, à l’engagement du programme « Petites villes de demain » ou à la nouvelle génération de contrats avec les territoires.
Je salue par ailleurs l’engagement pris de travailler dès le début de 2021 à l’élargissement de la dotation aux communes pour la protection de la biodiversité. Nous soutenons cette juste reconnaissance des aménités de la montagne, plus généralement de la ruralité.
En revanche, nous regrettons que notre proposition visant à engager le processus d’harmonisation des trois régimes de versement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux communes n’ait pas été retenue. Permettre de gagner une année afin de soutenir l’investissement local avait toute sa place et toute sa cohérence dans le plan de relance.
De même manquent à l’appel la compensation de CVAE aux départements ou encore la compensation des pertes de recettes tarifaires des services publics locaux qui pénalisent les collectivités ayant fait le choix de la régie. Sur ce dernier point, monsieur le ministre, le groupe de travail dont vous avez pris l’initiative avec la ministre de la cohésion des territoires et à la réunion d’installation duquel j’ai eu le plaisir de participer ouvre une perspective d’évolution qui, nous l’espérons, aboutira.
Nous pensons également que d’autres avancées votées au Sénat pourraient être reprises à l’occasion du prochain projet de loi de finances rectificative. En tout cas, nous le souhaitons.
Enfin, j’aimerais dire un mot sur la contribution des assureurs dans le contexte de la crise épidémique, sujet sur lequel le groupe Union Centriste s’est positionné très tôt, dès le mois d’avril dernier à l’occasion de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement n’a certes pas souhaité conserver le texte voté au Sénat, ce que nous regrettons. Néanmoins, grâce à ce vote, l’exécutif a pu disposer d’un utile instrument de négociation, les assureurs ayant finalement annoncé le gel des cotisations en 2021 pour les secteurs les plus durement affectés par la crise de la covid-19. C’est un premier pas.
Pour conclure, compte tenu non seulement de l’échec de la commission mixte paritaire sur un grand nombre de sujets, mais surtout des impératifs du calendrier budgétaire qui rend quasiment impossible l’examen sérieux de ce texte en nouvelle lecture, le groupe Union Centriste, dans sa majorité, votera la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)