M. Jean-Yves Leconte. Comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, nous refusons à ce stade la pérennisation de ces mesures. Nous proposons que les dispositions actuelles restent en vigueur durant encore une année, avec un contrôle parlementaire renforcé, ce qui permettrait, le cas échéant, de débattre de nouveau de ces mesures.
Ces mesures ne sont pas bonnes : elles sont attentatoires aux libertés. Cependant, nous considérons que, compte tenu du contexte, elles peuvent avoir un sens, mais seulement si leur application est contrôlée par le Parlement.
Nous préférons une prorogation d’un an à une pérennisation. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À la fin du II de l’article 5 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la date : « 31 décembre 2020 » est remplacée par la date : « 31 juillet 2021 ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Cet amendement vise à proroger jusqu’au 31 juillet 2021 les mesures de la loi SILT, et non pas à les pérenniser en l’état. Ce délai, certes court, résulte d’un compromis et doit nous permettre d’engager un réel débat de fond sur la pérennisation et l’intégration définitive dans le droit commun de dispositions indispensables compte tenu de l’intensité et de l’ampleur de la menace terroriste actuelle et sur le renforcement de certaines d’entre elles. Un report de sept mois nous paraît suffisant pour permettre un débat éclairé au cours du premier semestre de 2021.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, qui ne diffèrent que par la date retenue.
Mme la ministre vient de le dire, le Gouvernement souhaite proroger ces dispositions jusqu’au 31 juillet 2021, conformément au vote de l’Assemblée nationale. Or, vous le savez, nous risquons de connaître un embouteillage législatif l’année prochaine ; nous aurons à examiner des textes en tous genres, certains requérant d’ailleurs la présence au banc du ministre de l’intérieur…
M. Leconte, quant à lui, veut proroger ces dispositions jusqu’au 31 décembre.
Comme je l’ai déjà dit dans mon propos liminaire, nous voulons pour notre part pérenniser ces mesures. Nous ne comprenons donc pas ces manœuvres dilatoires alors que tous les acteurs sont d’accord pour le faire.
Je redis à M. Leconte que nous n’avons pas travaillé dans la précipitation : nous avons évalué ces dispositions et rédigé deux rapports successifs. Je comprends qu’il souhaite un contrôle renforcé du Parlement, mais, par définition, une expérimentation suppose un contrôle renforcé. Ensuite, une fois inscrites dans le droit commun, ces dispositions appelleront un contrôle parlementaire normal. Une fois la loi votée, chaque rapporteur peut se saisir du sujet. Il peut et doit contrôler que la loi est bien mise en œuvre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 2 ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 6.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis tout de même un peu étonné de l’incohérence du Gouvernement. Alors que nous n’avons finalement fait que reprendre son projet initial, il émet un avis défavorable ! Comme en première lecture, on a franchement l’impression que c’est un comportement d’opportunité. Or nous traitons de sujets sérieux !
Il est tout de même assez particulier d’aborder les choses de cette manière. Comme notre rapporteur, je doute fort qu’on parvienne à faire les choses sérieusement au cours du premier semestre de l’année prochaine.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Leconte, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I. – L’article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« Art. L. 22-10-1. – Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport détaillé sur l’application des mesures prises ou mises en œuvre par les autorités administratives en application des chapitres VI à IX du présent titre. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je fais une ultime tentative…
Le contrôle parlementaire relève de la majorité parlementaire et donc, ici, de la majorité sénatoriale. Or nous n’en faisons pas partie.
Nous considérons que ces mesures ne peuvent pas être pérennisées sans un minimum de contrôle parlementaire, car, nous l’avons dit, ce ne sont pas de bonnes mesures. Elles sont au mieux un mal nécessaire. Tout est dans l’exécution et, donc, dans le contrôle. C’est la raison pour laquelle il nous semble indispensable de prévoir dans la loi un contrôle parlementaire renforcé, différent de celui qui est aujourd’hui inscrit dans la loi SILT, laquelle prévoyait des dispositions provisoires. Nous proposons, au cas où ces dispositions seraient pérennisées, un contrôle permettant à ceux qui ne font pas partie de la majorité sénatoriale d’être assurés d’avoir tout de même un minimum d’informations.
Finalement, monsieur le rapporteur, il serait assez malicieux que cet amendement soit adopté et que le texte retourne à l’Assemblée nationale modifié par notre groupe, afin de conforter le contrôle parlementaire. Il ne serait pas inutile, je crois, que nous montrions que nous sommes tous réunis non seulement sur les questions de sécurité, mais aussi de défense des libertés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, pour les raisons que j’ai précédemment évoquées.
En réponse à M. Leconte, j’indique que, si les mesures étaient pérennisées, le contrôle parlementaire aurait lieu sur l’initiative du rapporteur, sous le contrôle du président de la commission des lois, en lien étroit, évidemment, avec tous les groupes du Sénat, y compris les groupes d’opposition, comme cela s’est toujours fait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous sommes défavorables à cet amendement, qui vise à supprimer les transmissions hebdomadaires dans le cadre du contrôle parlementaire. Comme nous l’avons déjà indiqué, il ne nous apparaît pas opportun de procéder à ces modifications ponctuelles avant un réexamen plus global de l’équilibre des dispositions adoptées en 2017.
Le Gouvernement souhaite, d’une part, que le Parlement ait le temps de débattre de manière approfondie du principe de la pérennisation des mesures introduites pour une durée limitée en 2017 et, d’autre part, qu’il puisse modifier ou compléter les dispositions en cause pour mieux les adapter à certaines situations ou combler certaines lacunes constatées à l’usage.
Ce débat aura donc lieu, nous nous y sommes engagés à plusieurs reprises, mais il ne saurait, à notre sens, se tenir dans une seule assemblée. Nous avons précédemment expliqué les raisons qui nous conduisent à proposer de proroger ces dispositions jusqu’au 31 juillet 2021.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer les mots :
prises sur le fondement du cinquième alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
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Article 3
I. – Le II de l’article 1er et l’article 2 de la présente loi sont applicables en Polynésie Française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
II. – Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « l’ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019 » est remplacée par la référence : « loi n° … du … relative à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 4 est présenté par M. Leconte, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 5 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Les dispositions de la présente loi sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Jean-Yves Leconte. Amendement de coordination.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable, par coordination. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 5.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Telles qu’elles résultent de leur examen en séance, les mesures restant en discussion du texte ne prévoient pas un contrôle parlementaire renforcé. Dès lors, nous ne pouvons y être favorables.
Nous voterons donc contre ce texte tout en étant particulièrement sceptiques sur la possibilité de disposer au premier semestre du temps nécessaire pour débattre de manière sereine et approfondie de ces dispositions. Je le répète, l’essentiel, c’est la manière dont elles seront appliquées et dont l’administration en fera usage. Dans la mesure où elles sont attentatoires aux libertés, il est indispensable qu’elles puissent à tout instant faire l’objet d’un contrôle par le Parlement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Répartition des sièges de conseiller à l’assemblée de Guyane entre les sections électorales
Adoption définitive en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la répartition des sièges de conseiller à l’assemblée de Guyane entre les sections électorales (proposition n° 178, texte de la commission n° 207, rapport n° 206).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez déjà le contenu de la présente proposition de loi, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale. Il s’agit d’adapter la répartition des conseillers territoriaux de la collectivité territoriale de Guyane (CTG) entre les huit sections électorales. Il y avait, je le rappelle, trois enjeux autour de ce texte.
Le premier était d’avoir une véritable coconstruction entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous ne sommes pas en avance si nous voulons que la réforme puisse produire ses effets dans le calendrier imparti, celui des échéances électorales à venir. La coconstruction entre les deux rapporteurs des commissions des lois des deux chambres a permis qu’aucun amendement ne soit déposé lors de l’examen du texte en séance, ce qui garantit un vote conforme.
La concertation ne s’arrête pas là. L’ensemble des forces politiques et des élus de Guyane ont été consultés. Par exemple, Mme la sénatrice Phinera-Horth, ici présente, l’avait été quand elle exerçait les fonctions de maire de Cayenne. Nous nous sommes évidemment assurés que l’ensemble des forces politiques siégeant au sein de la CTG soient associées comme il se devait à la rédaction du texte. Il y a eu une initiative parlementaire à l’Assemblée nationale.
Le deuxième enjeu était un enjeu démocratique. Je le rappelle, la Guyane est le seul territoire de la République où les élections municipales n’ont pas pu se tenir suivant le calendrier en vigueur partout ailleurs. Dans le cadre des textes d’urgence soumis au Parlement par le Gouvernement, le législateur a permis un décalage. Les résultats du premier tour ont été annulés dans un certain nombre de communes de Guyane. Les opérations électorales ont repris à l’automne. La Guyane a dû s’adapter avec beaucoup de résilience à la circulation du virus. Et le collège électoral sénatorial n’avait été que partiellement renouvelé lors du scrutin à la Haute Assemblée du mois de septembre dernier, les élections municipales lui étant postérieures dans un certain nombre de communes…
Le troisième enjeu, et non des moindres – je pense même que c’est le point essentiel –, est évidemment l’enjeu démographique. Il faut examiner le texte au regard de la natalité en Guyane, où la démographie est positive. Les instruments de mesure, par exemple ceux qui sont retenus par l’Insee, soulèvent des interrogations ; je suppose que Mme Phinera-Horth reviendra sur le sujet tout à l’heure.
Derrière l’adaptation du droit électoral à la démographie guyanaise se pose aussi la question de l’accompagnement de ces dynamiques en termes d’infrastructures, de réseaux ou de carénage des services publics. Toutes ces problématiques s’imposent à nous. Nous avons commencé à y apporter des réponses voilà quelques jours dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.
Je demande à la Haute Assemblée de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Mme Marie Mercier applaudit.)
Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est, vous le savez, un texte d’ajustement. Il l’est tout d’abord par son objectif : adapter le mode de scrutin de l’assemblée de Guyane à la réalité démographique que connaît le pays. Il l’est ensuite par sa portée, limitée : le texte que nous examinons se contente pour l’essentiel de formaliser et de pérenniser les règles ayant présidé à la répartition actuelle des sièges entre sections.
Permettez-moi d’évoquer le contexte démographique, qui fait, entre autres éléments, la spécificité du territoire guyanais. Après Mayotte, la Guyane est le territoire français qui connaît la plus forte croissance démographique. Alors que sa population comptait 259 965 habitants en 2015, elle atteignait 290 691 habitants au 1er janvier 2020. Cette évolution du nombre des habitants sur le territoire se double d’une modification de leur répartition. En effet, l’augmentation démographique n’est pas uniforme ; elle est différenciée selon les territoires, donc selon les sections électorales. La dynamique démographique est ainsi concentrée sur l’ouest guyanais, sur Saint-Laurent-du-Maroni et, dans une moindre mesure, sur l’agglomération de Cayenne.
Il est du rôle du législateur de tirer les conséquences de cette double évolution démographique. Lorsqu’il a déterminé le mode de scrutin pour les sièges de conseiller à l’assemblée de Guyane, le législateur a en effet prévu une clause de réévaluation de leur nombre lorsque la population guyanaise atteignait deux paliers, fixés à 250 000 et 300 000 habitants. Alors que le premier de ces deux paliers a été franchi et que le second devrait l’être très prochainement, la proposition de loi entend prévoir une solution pérenne et souple pour la répartition des sièges de conseiller à l’assemblée de Guyane.
En l’état actuel du droit, la répartition des sièges entre sections est déterminée directement par la loi, qui prévoit une attribution minimale de trois sièges par section. Le mode de scrutin prévoit également une prime majoritaire de onze sièges à la liste arrivée en tête des suffrages, elle-même répartie entre les différentes sections par le législateur, qui a prévu l’octroi d’au moins un siège par section.
La présente proposition de loi n’a pas pour objet une nouvelle répartition temporaire des sièges, vouée à l’obsolescence après quelques années en raison des évolutions démographiques rapides que connaît la Guyane ; elle vise à instituer un mode pérenne de répartition des sièges. Il s’agit donc non pas de modifier le nombre de sièges par section, mais d’inscrire de manière pérenne dans la loi les règles de répartition des sièges entre les sections, en renvoyant la mise en œuvre de celles-ci à un arrêté du préfet de Guyane avant chaque scrutin.
Dans le détail, la répartition s’effectuerait proportionnellement à la population de chaque section selon la règle de la plus forte moyenne. Chaque section se verrait attribuer, comme aujourd’hui, au moins trois sièges, afin d’assurer la représentation équitable et pluraliste des territoires. La prime majoritaire actuelle serait maintenue et répartie proportionnellement à la population de chaque section, selon la règle de la plus forte moyenne, avec un minimum d’un siège par section, conformément à la pratique actuelle. Elle serait au surplus fixée à 20 % du total des sièges. Cela correspond, pour une assemblée de cinquante et un ou cinquante-cinq membres, au total actuel de onze sièges.
Mes chers collègues, vous en conviendrez avec moi à la lumière de cette rapide présentation, le choix réalisé dans la proposition de loi est celui de la continuité. Il s’agit moins d’une réforme profonde du mode de répartition des sièges que de la formalisation et de la pérennisation de la répartition actuelle, tout en renvoyant à un acte réglementaire la mise en œuvre effective de ces règles. La proposition de loi, qui s’inscrit dans la continuité du dispositif existant et introduit une souplesse procédurale bienvenue, ne semble poser aucune difficulté de fond.
Mes travaux ont donc consisté à m’assurer, d’une part, de l’accord politique sur le texte de l’ensemble des élus concernés et, d’autre part, de sa solidité juridique.
J’ai ainsi consulté autant que faire se peut dans le calendrier contraint qui m’était imposé les élus concernés par la présente proposition de loi. Après avoir entendu Rodolphe Alexandre, président de la collectivité territoriale de Guyane, Lénaïck Adam, député de Guyane et auteur de la proposition de loi, ainsi que mes collègues Georges Patient et Marie-Laure Phinera-Horth, j’ai acquis la certitude que le travail de concertation mené sur cette proposition de loi avait permis de faire émerger un consensus sur sa rédaction.
Cela n’exclut aucunement les débats dont peut faire l’objet le mode de scrutin retenu par le législateur. Je pense en particulier à la question de la prime majoritaire, qui a été évoquée en commission. Néanmoins, pour légitimes qu’ils soient, de tels débats excèdent par leur portée le champ de la présente proposition de loi. Je note surtout qu’aucun des élus de terrain auditionnés lors de mes travaux préparatoires n’a évoqué de difficulté de fond sur le dispositif de la proposition de loi, préférant au contraire – j’y reviendrai – mettre l’accent sur la nécessité de son adoption rapide pour garantir la bonne tenue des élections.
Mes travaux m’ont aussi permis de m’assurer de la solidité juridique du texte. Constatant que certaines harmonisations rédactionnelles devaient lui être apportées, j’ai ainsi proposé à mon homologue à l’Assemblée nationale, Lénaïck Adam, certains amendements, dont l’adoption par les députés a permis d’apporter des clarifications bienvenues dans la rédaction de la proposition de loi.
Je saisis ainsi l’occasion qui m’est offerte pour remercier chaleureusement Lénaïck Adam de sa disponibilité, de la richesse de nos échanges et de la qualité de nos travaux communs. Ceux-ci se sont néanmoins inscrits dans un contexte particulièrement contraint. Comme vous le savez certainement, conformément au rapport de Jean-Louis Debré relatif à l’organisation des élections départementales et régionales, les élections pour l’assemblée de Guyane pourraient être maintenues au mois de mars 2021 si des différences objectives dans la situation épidémiologique le justifiaient. Dans ces conditions, et alors que le dispositif de la proposition de loi prévoit que le préfet de Guyane arrête la répartition des sièges avant le 15 janvier, le Parlement se voit contraint d’adopter la proposition de loi avant le 31 décembre. Cela implique, comme vous le savez, l’adoption du texte par un vote conforme du Sénat.
Bien que je regrette ce calendrier contraint, j’en ai pris acte et j’ai engagé mes travaux en amont de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. En collaboration étroite avec M. Adam, nous avons mené un travail de fond permettant d’identifier et de corriger dès son examen à l’Assemblée nationale les quelques difficultés rédactionnelles que posait le texte, créant les conditions d’une adoption sans modification de la proposition de loi.
Tel qu’issu des délibérations de l’Assemblée nationale, le texte me semble donc équilibré politiquement et solide juridiquement. Dans ces conditions, chers collègues, je vous propose de l’adopter sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de mars prochain, les Guyanaises et les Guyanais devront se rendre aux urnes aux fins de renouveler leur assemblée. Mais, comme cela a déjà été indiqué dans les propos liminaires de notre rapporteure, dont je salue le travail, il nous faut réviser au préalable différentes dispositions en vigueur dans notre code électoral pour le bon déroulement de ce scrutin, et ce pour plusieurs raisons.
Primo, parce que les circonstances l’imposent. En effet, l’accroissement de la démographie locale rend inapplicable la conciliation des articles L. 558-2 et L. 558-3 du code électoral.
Si le nombre de conseillers augmente mécaniquement, il nous appartient de revoir leur répartition au sein des différentes sections électorales de la circonscription. Au demeurant, nous voulons nous féliciter du consensus qui a pu s’exprimer dans la préparation de ce texte, tant au Parlement qu’avec les autorités guyanaises et les élus locaux. Si les ajustements des conditions de scrutin sont parfois observés d’un regard suspicieux, par crainte qu’ils consistent en une manœuvre pour orienter le résultat final, ce texte est au contraire salué comme une avancée.
Deuxio, car la rédaction actuelle ne permet que dans une faible mesure de s’adapter au changement de circonstances de fait, comme, par exemple, le dynamisme démographique que connaît justement la population de Guyane.
En l’état actuel du droit, il est nécessaire de légiférer à chaque évolution. Or, comme l’a indiqué l’Insee en 2019, le nombre d’habitants sur le territoire guyanais a dépassé les 280 000, de sorte qu’en dix ans la population s’est accrue de près de 30 %. Ainsi, la grande vitalité démographique du territoire guyanais, si elle persiste, nous obligerait à légiférer de nouveau très rapidement. Aussi, il apparaît judicieux de repenser le système actuel, afin de limiter autant que faire se peut tout foisonnement législatif excessif.
Je salue ainsi le dispositif proposé, qui consiste en une répartition des sièges entre les sections proportionnellement à leur population. C’est un mode de calcul qui n’appelle pas de contestation. De ce point de vue, il apparaît plus sensé que cette répartition soit arrêtée par le représentant de l’État en Guyane, suivant un mode de calcul fixé par la loi, plutôt qu’elle soit directement inscrite dans la loi avec l’inconvénient majeur de devoir légiférer de nouveau, comme je l’indiquais précédemment.
Enfin, sans qu’il faille modifier en profondeur le mode de scrutin, il est important, pour permettre la constitution d’une majorité stable, que soit respectée la prime majoritaire existante dans le dispositif en vigueur.
La proposition dispose que la liste arrivée en tête se voit attribuer un nombre de sièges égal à 20 % du nombre total de sièges à pourvoir, quand les onze sièges du droit en vigueur représentaient environ 21 % du nombre total de sièges. Le nouveau dispositif sera donc insensible du point de vue des institutions, tout en permettant une simplification du droit et un allégement de la production législative à venir. Il y a donc lieu de s’en féliciter.
Au-delà des seules considérations de mécanique juridique, nous devons garder à l’esprit que les changements démographiques en Guyane vont avoir des conséquences puissantes dans les années à venir. S’il y a bien sûr la question du poids de l’immigration illégale, il faut dire un mot, à quelques jours de l’anniversaire de la loi du 9 décembre 1905 et de la présentation de la loi confortant les principes républicains, de certaines difficultés auxquelles la démocratie locale guyanaise est confrontée, avec une montée en puissance de dérives religieuses et communautaristes. Si la Guyane connaît un régime spécifique en matière de laïcité, cette singularité ne doit pas nous conduire à demeurer passifs, quelles que soient les dérogations qui ont pu être accordées au fil de l’histoire. À cette occasion, je voudrais saluer l’initiative du groupe CRCE, qui a déposé une proposition de loi en ce sens le 6 novembre dernier ; je me permets d’encourager nos collègues à l’inscrire prochainement à l’ordre du jour de nos travaux.
Le groupe du RDSE votera de manière unanime la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.