compte rendu intégral
Présidence de Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
Mme Victoire Jasmin.
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Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2021
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport n° 138, avis nos 139 à 144).
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2021 ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Travail et emploi
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».
Mes chers collègues, nous pouvons essayer de terminer la discussion de cette mission ce matin, quitte à prolonger nos travaux au-delà de treize heures ; je formule cette proposition en accord avec la commission des finances, ainsi qu’avec Mme la ministre. (Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion le confirme.)
Si chacun veut bien tenir compte de cette donnée dans ses interventions, nous y parviendrons tout en respectant la qualité des débats et le droit des parlementaires à s’exprimer autant que de besoin.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme à l’accoutumée, ma collègue Sophie Taillé-Polian et moi-même allons présenter, à deux voix, les crédits demandés par le Gouvernement pour la mission « Travail et emploi ». Malgré des divergences, nous pouvons, dans certains cas, dresser des constats communs.
En premier lieu, nous ne pouvons que nous féliciter de la hausse substantielle des crédits de la mission, qui s’élèveraient l’année prochaine à 14,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 13,4 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette hausse, de 3 % environ, rompt avec la tendance observée les années précédentes, de baisse importante puis de stabilité.
Cette augmentation est d’autant plus nécessaire que la situation sur le marché du travail s’est brutalement dégradée. Pour ne donner qu’un chiffre, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a déjà progressé de près de 10 %. De l’augmentation des plans de sauvegarde à celle des personnes en sous-emploi, tous les indicateurs sont au rouge !
La situation est toutefois trop instable pour que je vous livre, à ce stade, des estimations précises des conséquences de la crise sur l’emploi. Les prévisions, déjà pessimistes, que nous présentons dans notre rapport ont elles-mêmes été établies avant la décision du second confinement…
Une certitude, cependant : les ajustements à ces chocs sur le marché du travail touchent en premier lieu les jeunes et les salariés les plus précaires. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) relève ainsi que, dans l’intérim, où ces publics sont surreprésentés, seulement 76 % de l’emploi détruit à la fin du mois d’avril avait été recréé à la fin du mois d’août.
Pour faire face à la crise, la mission « Plan de relance » alloue près de 10 milliards d’euros supplémentaires à la politique de l’emploi. Ces crédits renforceront des dispositifs existants et d’ores et déjà financés par la présente mission, comme les parcours emploi compétences et la garantie jeunes. Ce choix est certainement le bon, car l’heure n’était pas à l’improvisation de mesures nouvelles dans la précipitation : le principal enjeu est d’être en mesure de déployer les actions le plus rapidement et le plus puissamment possible.
J’observe toutefois que, sur le strict plan de la lisibilité budgétaire, la situation n’est pas vraiment optimale.
Prenons l’exemple de l’activité partielle : alors que le dispositif de droit commun relevait de la mission « Travail et emploi », les 21 milliards d’euros débloqués au titre des lois de finances rectificatives pour 2020 ont été retracés sur un programme ad hoc de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » ; pour 2021, aucun euro n’est inscrit sur ce programme, puisque le dispositif sera financé sur une troisième mission – « Plan de relance »…
Cette architecture ne permet pas aux parlementaires de connaître aisément et avec précision l’effort budgétaire que le Gouvernement entend consacrer à la politique de l’emploi, politique cruciale s’il en est pour l’année qui vient.
En gestion, les modalités précises du pilotage du plan de relance, qui fait intervenir la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la direction du budget, ne sont pas encore parfaitement clarifiées.
Sur le fond des politiques menées, la stratégie, sensiblement la même qu’au cours des années précédentes, me paraît aller dans le bon sens : concentrer les moyens sur les publics les plus fragiles grâce à des dispositifs ciblés et, dans le même temps, réaliser des efforts structurels, notamment en matière d’effectifs.
Ainsi constate-t-on, pour la deuxième année consécutive, que les crédits alloués au secteur de l’insertion par l’activité économique, qui emploie des personnes rencontrant des difficultés particulièrement fortes d’accès au marché du travail, dépassent le milliard d’euros. Les crédits mobilisés en faveur des travailleurs en situation de handicap au titre des aides au poste dans les entreprises adaptées progressent également. On relève aussi une augmentation des moyens alloués au dispositif des emplois francs, destiné à favoriser l’emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) – même si la complète évaluation de ce dispositif et de ses effets d’aubaine potentiels reste à mener.
En tout état de cause, les publics concernés par ces dispositifs sont frappés de plein fouet par la crise. Plus préoccupant encore, l’expérience des crises passées suggère que ces catégories ne bénéficieront pas spontanément des effets de la reprise, lorsqu’elle aura lieu : il faudra les accompagner dans la durée – comme rapporteurs spéciaux, nous y veillerons.
Madame la ministre, le budget que vous nous présentez, renforcé par les crédits du plan de relance, est, dans l’ensemble, un budget sérieux et nécessaire. C’est pourquoi la commission des finances recommande au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon analyse du budget qui nous est proposé pour la mission « Travail et emploi » diffère de celle que mon collègue vient de présenter.
Si l’augmentation de 3 % des crédits demandés pour 2021 va naturellement dans le bon sens, il ne faut pas en exagérer la portée : elle est simplement conforme à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques votée en 2018, qui inscrit le ministère du travail et le nombre de ses fonctionnaires dans une trajectoire de diminution – c’est bien là ce qui pose problème.
Je partage les observations de mon collègue en ce qui concerne le manque de lisibilité budgétaire. Néanmoins, la présentation des crédits en deux missions a une vertu : elle met en évidence, derrière le renfort ponctuel de crédits issus du plan de relance, la relative stabilité des moyens que le Gouvernement entend structurellement consacrer aux politiques de l’emploi et du travail. Force est de constater que ces moyens sont insuffisants – ils restent nettement inférieurs à leur niveau de 2017, près de 17 milliards d’euros.
Le financement global des politiques de l’emploi devrait être assuré par une mission « Travail et emploi » durablement en hausse, afin de répondre à la crise sociale majeure que nous traversons et qui, malheureusement, semble devoir perdurer.
Pôle emploi illustre bien la situation : l’État lui donne d’une main, via le plan de relance, des crédits supplémentaires qu’il lui reprend partiellement de l’autre, en abaissant sa subvention pour charges de service public, financée par la mission examinée ce matin…
On peut déplorer aussi que la contribution de l’Unédic au financement de Pôle emploi reste fixée à 11 %, dans la continuité de la hausse observée en 2020. On ne soulignera jamais assez que cette mesure revient, in fine, à faire supporter par les chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l’emploi. Ainsi, la nécessité d’améliorer les comptes de l’assurance chômage, déjà lourdement affectés par la crise et la prise en charge du chômage partiel, risque, demain, de justifier une nouvelle restriction de leurs droits. Au demeurant, Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer sur ses souhaits en ce qui concerne la réforme de l’assurance chômage.
C’est toutefois la poursuite obstinée de l’effort de réduction des effectifs du ministère du travail qui m’a le plus étonnée. Pour l’exercice 2021, le schéma d’emplois proposé est de nouveau fortement négatif, en baisse de 221 équivalents temps plein (ETP). À périmètre constant, le plafond d’emplois serait ainsi inférieur de plus de 1 100 ETP à son niveau de 2017 !
Certes, il nous a été expliqué que, pour faire face aux besoins urgents liés à la crise sanitaire, le ministère pourrait, l’année prochaine comme cette année, recourir au recrutement d’agents vacataires pour colmater les brèches, notamment dans les services déconcentrés et pour lutter contre la fraude au chômage partiel. Ces renforts sont bienvenus, mais la méthode retenue envoie un signal paradoxal : le ministère chargé de l’amélioration de la qualité de l’emploi est créateur de précarité pour ses propres agents…
La forte dégradation attendue de la situation sur le marché du travail et ses conséquences sociales de long terme appelleraient, à l’inverse, une augmentation pérenne et structurelle des effectifs.
De même, on peut s’interroger sur l’urgence qu’il y a à poursuivre, un peu à marche forcée, la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE), qui concerne tout particulièrement les ministères sociaux. Pour ma part, je crains que cette réforme n’entraîne une certaine désorganisation, à l’heure où les services devraient être totalement tournés vers la gestion des conséquences de la crise.
Il y a, certes, des aspects positifs dans ce budget, comme les moyens conséquents prévus en faveur de l’inclusion dans l’emploi des publics les plus fragiles, notamment dans le secteur de l’insertion par l’activité économique.
Mais certaines questions se posent, s’agissant, par exemple, de l’absence de la nouvelle augmentation du nombre de garanties jeunes : si la mesure figurera certainement dans le projet de loi de finances rectificative, cette situation interroge sur la capacité des missions locales à gérer ces 50 000 nouveaux contrats.
De même, en ce qui concerne l’insertion par l’activité économique, la question se pose de la capacité des entreprises du secteur à trouver des solutions de long terme pour leurs bénéficiaires et à créer l’activité pour les accueillir, surtout dans les petites structures, fragilisées par la crise.
Nous nous félicitons en revanche, sur toutes les travées, de la montée en puissance de l’expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », que nous défendons de longue date ; sa prolongation, son élargissement à cinquante nouveaux territoires et l’augmentation corrélative du financement sont autant d’éléments positifs.
Au total, en dépit de certaines avancées, la trajectoire de baisse des effectifs du ministère montre que l’esprit de rétractation des politiques de l’emploi est toujours à l’œuvre. Cette logique, en quelque sorte austéritaire, semble encore dominer, alors même que la situation sociale de notre pays et l’aggravation du chômage, notamment des jeunes et des plus âgés, seront de plus en plus préoccupantes dans les mois et les années à venir.
Pour ces raisons, j’ai appelé la commission des finances à rejeter les crédits de cette mission. Mon collègue a su la convaincre d’émettre un avis favorable, mais nous aurons des débats intéressants, notamment sur la manière de conforter les acteurs de cette politique.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en trois minutes, je serai obligée d’être encore plus concise que les rapporteurs spéciaux…
Le budget de la mission « Travail et emploi » pour 2021 s’inscrit dans la continuité des années précédentes, tout en étant complété par le plan de relance.
Pour ne pas laisser place à un suspense insoutenable et surtout parce que cette mission concentre des financements à destination des publics les plus fragiles sur une logique d’insertion par l’activité, je vous indique que la commission des affaires sociales a émis sur les crédits un avis favorable.
Pour autant, je ne cache pas avoir ressenti un certain étonnement en découvrant ce budget. En effet, si les crédits demandés augmentent légèrement par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, ils restent inférieurs aux crédits consommés cette année, compte tenu des quatre lois de finances rectificatives intervenues jusqu’à présent.
Surtout, la mission que nous examinons ce matin ne comporte aucune mesure nouvelle et s’inscrit dans la droite ligne des budgets des années précédentes – s’agissant de ce que nous avons approuvé, mais aussi de ce que nous avons critiqué. On pourrait presque croire que la situation de l’emploi dans notre pays n’a guère changé en un an, et que la dynamique de baisse du chômage que nous observions à la fin de 2019 s’est poursuivie… Or, chacun le sait, la crise sanitaire a entraîné une remontée spectaculaire du taux de chômage, qui ne devrait pas retrouver son niveau du premier trimestre 2020 avant plusieurs années.
Certes, il faut ajouter aux 13 milliards d’euros de la mission « Travail et emploi » les près de 10 milliards d’euros relevant du plan de relance. Comme les rapporteurs spéciaux, je regrette, madame la ministre, cette fragmentation des crédits, qui nuit à la bonne information du Parlement. Elle ne paraît pas toujours justifiée et tend à donner une image quelque peu inexacte de la politique menée. Ainsi, le plan de relance finance en partie l’extension de dispositifs financés à titre principal par la mission « Travail et emploi ».
Dans le même ordre d’idées, il est difficile de concevoir en quoi l’accompagnement de 100 000 jeunes par la garantie jeunes relèverait de la politique normale de l’emploi, mais que 50 000 jeunes supplémentaires seraient, par ailleurs, accompagnés dans le cadre du plan de relance…
Le projet de loi de finances prévoit la poursuite du plan d’investissement dans les compétences (PIC), correspondant en fait au financement de dispositifs déjà pérennisés, comme la garantie jeunes, ainsi qu’à une enveloppe attribuée au Gouvernement sans que le Parlement et les partenaires sociaux en connaissent l’utilisation exacte. La Cour des comptes a critiqué ce manque de clarté, alors que les crédits que nous votons à ce titre sont chaque année sous-consommés.
Comme les années précédentes, l’État bénéficierait d’un fonds de concours de France compétences. La Cour des comptes a eu l’occasion d’émettre des doutes sur la régularité de ce fonds de concours dont l’État fixe lui-même le montant. Ce prélèvement de 1,6 milliard d’euros sur les ressources de France compétences s’accompagne, en sens inverse, d’une subvention exceptionnelle de 750 millions d’euros. Ainsi, le Gouvernement parvient à gonfler à la fois le PIC et le plan de relance, au détriment de la lisibilité pour le Parlement.
Je remarque en outre que le Gouvernement tire les conséquences du déséquilibre créé par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Tous, dans cet hémicycle, nous craignions qu’il ne conduise à faire du financement de l’apprentissage une variable d’ajustement du budget de France compétences. Une étude d’impact plus solide aurait sans doute été utile à l’époque…
Enfin, je n’ai trouvé aucune traduction budgétaire des dernières annonces du Gouvernement sur la garantie jeunes et l’aide aux travailleurs permittents ; peut-être Mme la ministre nous éclairera-t-elle à cet égard.
Pour conclure, je tiens à saluer les acteurs de l’insertion, qui tous méritent notre attention. Dans certaines circonstances, notamment en période de crise et en période budgétaire, un merci n’a pas de prix ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
Mme la présidente. Bravo pour cette conclusion, madame Puissat !
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le taux de chômage baissait de manière continue depuis 2018, la crise sanitaire l’a fait brutalement remonter de près de deux points.
Dans cette période difficile, le ministère du travail joue un rôle fondamental. Je salue l’engagement des agents du ministère et de ses opérateurs, très mobilisés sur le terrain.
Pour répondre à cette crise, il fallait un budget ambitieux et protecteur. Tel est bien le cas.
Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail se répartissent en deux volets.
D’une part, les crédits de la mission « Travail et emploi » constituent le budget socle du ministère, en augmentation de 400 millions d’euros conformément aux trajectoires prévues avant la crise.
D’autre part, les crédits exceptionnels de la mission « Plan de relance » s’ajoutent à cet effort : sur les 22 milliards d’euros de France Relance, 10 milliards d’euros sont fléchés vers le ministère du travail pour renforcer son budget socle et l’efficacité de son action en faveur de la formation et de l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi.
Au travers de ces crédits, on peut distinguer quatre priorités.
Premièrement, protéger l’emploi. À cette fin, 7,6 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros financés par l’Unédic, permettent de créer un bouclier anti-licenciements, articulé autour de deux objectifs principaux : prendre en charge l’activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé et réarmer les entreprises pour qu’elles sortent de la crise plus compétitives, grâce à des salariés plus compétents.
Dans ce cadre, 500 millions d’euros seront attribués au dispositif Transitions collectives, qui favorise les transitions professionnelles interbranches. Un appel à manifestation d’intérêt sera d’ailleurs lancé prochainement pour déployer ce dispositif auprès de bassins d’emplois pilotes.
Deuxièmement, donner aux jeunes des solutions d’insertion. Pour ce faire, le ministère du travail pilote la plus grande partie des 6,7 milliards d’euros du plan « 1 jeune 1 solution » : 5,7 milliards d’euros, dont 3,6 milliards d’euros l’année prochaine. Ce plan comporte deux axes : le soutien à l’embauche, grâce aux primes exceptionnelles pour encourager les embauches de jeunes et les signatures de contrat en alternance ; le renforcement des dispositifs d’accompagnement et d’inclusion des jeunes.
Au total, près de 300 000 places supplémentaires en accompagnement et inclusion sont prévues à destination des jeunes en garantie jeunes, en parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) – en plus des places déjà prévues dans le budget socle – et en accompagnement intensif jeunes par Pôle emploi.
Parce que les jeunes doivent être le cœur de notre attention durant cette crise, nous saluons l’importance des 100 millions d’euros supplémentaires qui renforceront le budget des missions locales. Mais il nous a paru important de déposer à cet égard deux amendements.
L’adoption du premier permettrait aux opérateurs de compétences (OPCO) de disposer plus librement des contributions obligatoires et supplémentaires des entreprises. Ils pourraient ainsi financer toutes les actions de formation professionnelle, sans distinction. Cette mesure serait favorable à l’alternance, certaines branches voulant s’investir dans cette dynamique.
Le second vise à étendre, sur arrêté ministériel, le bénéfice de la protection sociale et de la rémunération attachées au statut de stagiaire de la formation professionnelle aux jeunes bénéficiaires des dispositifs d’accompagnement, d’insertion professionnelle, de stage d’initiation et de formation, notamment. Le tout dans le cadre d’un programme national destiné à répondre à un besoin additionnel de qualification au profit de personnes en recherche d’emploi.
Troisièmement, développer les dispositifs d’insertion sur mesure, destinés aux publics les plus fragiles et les plus éloignés de l’emploi. Parmi ces dispositifs figurent en particulier les emplois francs, dotés de 93 millions d’euros supplémentaires pour 2021, et la stratégie pauvreté, qui renforce le dispositif en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des zones de revitalisation rurale en créant 12 000 places supplémentaires.
Alors que 20 000 parcours emploi compétences supplémentaires étaient prévus dans le budget socle, il a été décidé d’en ajouter 60 000 à destination des jeunes.
Par ailleurs, 204 millions d’euros sont alloués aux dispositifs d’insertion par l’activité économique, dont 62 millions d’euros issus du plan de relance.
Le budget alloué aux entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap augmente de 23 millions d’euros et favorise les passerelles vers les entreprises de droit commun.
L’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » bénéficie, quant à elle, de 11 millions d’euros supplémentaires pour le financement de sa deuxième phase.
Le service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) devrait être déployé à titre expérimental dans trente territoires l’année prochaine, puis dans trente-cinq autres en 2022. L’expérimentation du SPIE sera mise en œuvre en pleine association avec les conseils départementaux.
Tous ces leviers sont actionnés pour prévenir les risques de basculement de nos concitoyens dans la pauvreté. Mais ils ne peuvent s’envisager qu’avec le déploiement d’un effort substantiel de formation, tout au long de la vie professionnelle. Telle est la quatrième priorité de la politique de l’emploi.
À cet égard, le plan d’investissement dans les compétences bénéficie d’un nouvel engagement de 3,3 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent, dans le cadre du plan de relance, près de 1,7 milliard d’euros destinés au financement des formations aux métiers d’avenir ou en tension.
Comme de nombreux services, l’offre de formation continue se digitalise. Aussi l’État engage-t-il 500 millions d’euros pour aider à sa numérisation.
Mes chers collègues, l’État est pleinement mobilisé ! Bien que très attentif à la maîtrise des dépenses publiques, il donne, au travers de ces budgets, de solides garanties et des moyens sans précédent pour que chacun puisse accéder à l’emploi ou s’y maintenir et que chaque entreprise ait les compétences nécessaires aux métiers de demain.
C’est donc bien naturellement que le groupe RDPI votera les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire, donc sociale et économique, que nous traversons est inédite et, à bien des égards, historique. Alors que plus de 400 000 emplois ont été créés en 2019, cette dynamique a été stoppée net par la covid-19.
Les chiffres sont sans appel : avec 5,7 millions de personnes en recherche d’emploi en France métropolitaine, le taux de chômage s’est envolé à 9 % au troisième trimestre ; il pourrait atteindre 10 % à la fin de l’année, sous l’effet des dernières restrictions sanitaires décidées pour contenir la propagation du virus.
Le deuxième confinement aura, je le crains, une répercussion plus importante que le premier sur la dégradation du marché du travail, les entreprises étant déjà fragilisées. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle engendre des destructions durables d’emploi.
Dans ce contexte particulièrement difficile, je salue l’augmentation des crédits de la mission « Travail et emploi », qui s’élèveront l’année prochaine à 13,4 milliards d’euros – abondés, par ailleurs, par la mission « Plan de relance », qui alloue 10 milliards d’euros supplémentaires à la politique de l’emploi.
Pour autant, je partage le constat de nos rapporteurs, dont je tiens à souligner la qualité et la pertinence des avis, sur le manque de lisibilité budgétaire. La fragmentation des crédits nous prive d’une vision d’ensemble des moyens déployés au service de la politique de l’emploi. Comme notre rapporteur pour avis l’a fait observer, cette situation est d’autant plus regrettable qu’une partie du plan de relance servira à compléter des dispositifs pérennes, habituellement financés au titre de la mission « Travail et emploi ».
Si la pandémie frappe toutes les catégories d’âge, les jeunes paient un tribut particulièrement lourd : le taux de chômage des 15-24 ans atteint 21,8 % ! Malheureusement, les jeunes ont parfois servi de variable d’ajustement pour permettre aux entreprises de réduire leur masse salariale. Sur ce marché du travail sinistré, 750 000 jeunes diplômés sont récemment arrivés…
Je note donc avec satisfaction les efforts accomplis en faveur des jeunes : primes exceptionnelles pour encourager les signatures de contrat en alternance ; financement de 80 000 places supplémentaires en Pacea et de 50 000 places supplémentaires en garantie jeunes ; création du dispositif Emplois francs plus.
Jeudi dernier, madame la ministre, vous avez annoncé le renforcement de ce plan, avec l’élargissement de l’allocation Pacea à des jeunes qui n’en bénéficiaient pas jusqu’à présent, comme les jeunes engagés dans les dispositifs d’accompagnement intensif de Pôle emploi et de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), ou comme les jeunes diplômés ex-boursiers en recherche d’emploi. Vous prévoyez également de doubler le nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes, ce qui porterait leur nombre à 200 000 en 2021.
Dans ce climat singulièrement délétère pour l’emploi, il est impératif de prêter une attention toute particulière aux jeunes, mais également aux plus fragiles et aux plus précaires.
Aussi accueillons-nous très favorablement le renforcement du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée ». Doté initialement de 22,61 millions d’euros, il bénéficiera finalement d’une enveloppe supplémentaire de 6 millions d’euros votée par l’Assemblée nationale. Cet effort permettra d’accompagner la montée en charge de l’expérimentation, étendue à cinquante nouveaux territoires au moins, dont Bordeaux et Castillon-la-Bataille, en Gironde.
Je terminerai en évoquant les maisons de l’emploi, véritables tremplins locaux d’accès à l’emploi. Vous connaissez en effet mon attachement à l’Alliance Villes Emploi, un réseau regroupant plus de 14 000 communes. Dans le projet de loi de finances initial, l’État prévoyait, pour la troisième année consécutive, de se désengager totalement du budget de fonctionnement de ces maisons, qui pourtant garantissent un socle de services universels de proximité et remédient aux angles morts des politiques publiques.
Simples et souples, ces structures peuvent être mobilisées rapidement et efficacement pour lutter contre les freins à l’emploi. Elles interviennent d’ailleurs dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l’emploi. L’État peut s’appuyer sur elles pour déployer des politiques prioritaires, comme la clause d’insertion sociale, qui présente un taux d’insertion que peu de structures peuvent aujourd’hui revendiquer.
Au surplus, les actions des maisons de l’emploi rencontrent pleinement les priorités du plan de relance, s’agissant notamment de l’accompagnement des personnes les plus en difficulté et des entreprises dans leur transition écologique et numérique.
La pertinence des maisons de l’emploi n’est plus à démontrer. Au reste, le dernier rapport parlementaire sur le sujet, établi par nos collègues Sophie Taillé-Polian et Emmanuel Capus, est un appel en leur faveur. Je me réjouis donc que l’Assemblée nationale ait accordé à ces structures une enveloppe de 5 millions d’euros et j’espère que le Sénat la confirmera.
Le groupe RDSE votera les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)