M. le président. Si je puis me permettre, monsieur Lurel, vous débattez comme s’il était question ici d’une loi sur l’outre-mer…
J’aimerais que chaque orateur ne parle que de ses amendements et de la mission budgétaire.
M. Victorin Lurel. C’est ce que je fais !
M. le président. Étant un excellent spécialiste du sujet, vous êtes naturellement porté à défendre vos convictions. Il serait plus simple d’en rester aux amendements.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. Je confirme que je ne m’étais pas trompé d’amendement : j’intervenais bien sur l’amendement n° II-1054 et sur l’article 33. Je persiste : la commission des finances propose bien l’ouverture d’une mission au Sénat ou la consultation de la Cour des comptes.
J’en viens à l’amendement n° II-1019. L’Ushom est un acteur majeur du logement social et très social outre-mer, ainsi qu’un partenaire du ministère des outre-mer. Dans le cadre du PLOM, elle bénéficie d’ores et déjà de financements publics. Contrairement à ce qu’indiquent ses auteurs, cet amendement de crédit ne pérenniserait pas sa dotation.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Peut-être n’ai-je pas été clair à l’Assemblée nationale ; je vais donc corriger mes propos. Je n’ai jamais prétendu que le problème que vous avez évoqué, monsieur le ministre Lurel, était une querelle de personnes !
J’ai simplement dit – je le répète pour la bonne information du Sénat – que le différend entre ces deux personnes morales était judiciarisé. Dès lors, il est compliqué pour les parlementaires, comme pour le Gouvernement, de s’immiscer dans un conflit qui sera tranché par le troisième pouvoir.
Par ailleurs, je le dis, nous avons besoin de l’Ushom, et je serai à vos côtés pour défendre cette institution.
Enfin, Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, va s’engager pleinement sur ce sujet en s’entretenant tant avec l’USH qu’avec l’Ushom. Elle réunira l’ensemble des parlementaires d’outre-mer pour vous informer, au fur et à mesure, des actions que nous mènerons en la matière.
Je vous assure – c’est un engagement que je prends devant vous – qu’il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de faire disparaître l’Ushom !
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’entends l’engagement qui vient d’être pris. Néanmoins, cette affaire qui a été judiciarisée a reçu un premier résultat : l’USH a été condamnée pour avoir expulsé manu militari l’Ushom du local qu’elle louait ; vous le savez tous. Une autre affaire est en cours au pénal, mais elle n’a rien à voir avec la question du logement.
Par ailleurs, je ne demande pas, monsieur le rapporteur spécial, une pérennisation de la dotation. On a supprimé la subvention de l’Ushom, et on s’est livré à un véritable chantage, dans les termes suivants : « Si vous ne respectez pas notre tutelle, on supprime votre dotation ! » Bien sûr, elle va vivre avec les cotisations… En guise d’équilibre et de compensation, nous demandons donc au Gouvernement de financer un organisme qui représente tous les bailleurs sociaux des outre-mer.
Je ne retirerai pas cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je soutiens l’interpellation de Victorin Lurel. Des choses inadmissibles se passent en ce moment entre l’USH et l’Ushom, et nous ne pouvons pas rester muets ! Nous avons tous été destinataires du courrier de notre collègue député Philippe Naillet, et nous allons tous le cosigner, parce qu’il s’agit là d’une véritable injustice. Voilà pour le fond.
Sur la forme, nous serons solidaires face à cette chasse à l’homme, ou plutôt à la femme, qui a été ouverte contre la déléguée générale de l’Ushom. Ce ne sont pas des manières de faire !
Il est inadmissible d’expulser des personnes d’un local, manu militari, et de tenir des propos contraires à l’esprit d’apaisement et à l’harmonie qui doivent s’imposer lorsque l’on traite d’un sujet aussi difficile et délicat que le logement !
J’apporte mon soutien de principe à l’amendement de mon collègue Lurel, pour que cesse ce harcèlement et pour que soit traitée cette difficulté, qui est encore pendante, entre l’USH et l’Ushom.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. M’associant à tout ce qui vient d’être dit, je tiens à souligner, monsieur le ministre, que la conséquence de tout cela, c’est le risque assurantiel.
En effet, nous représentons des territoires exposés à des risques naturels majeurs : si tout n’est pas fait pour améliorer les différents logements, particulièrement ceux qui se trouvent sous la tutelle de ces organisations, il y a bien un risque assurantiel.
Quand ces territoires ne sont pas pris en compte et que les rénovations attendues ne sont pas faites, les compagnies d’assurances refusent d’assurer les personnes résidant dans ces logements. De plus, le coût des assurances en cas de risques naturels est une catastrophe ; on a pu récemment le constater à Saint-Martin. Cela constitue un tout, et il faut absolument régler ce problème !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 55 sexies et les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 55 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Outre-mer
Article 55 sexies (nouveau)
Le deuxième alinéa de l’article L. 1803-4 du code des transports est ainsi rédigé :
« Lorsque le déplacement est justifié par une dernière visite à un parent au premier degré, au sens de l’article 743 du code civil, à un frère ou à une sœur ou au conjoint ou à la personne liée à ce parent par un pacte civil de solidarité, dont le décès intervient avant le trajet retour, ou par la présence aux obsèques de ce parent, l’aide à la continuité territoriale intervient en faveur des personnes mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 1803-2 du présent code et régulièrement établies sur le territoire ou résidant dans une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2 autre que celle où se déroulent les obsèques. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1161 est présenté par MM. Rohfritsch, Patient, Mohamed Soilihi et Hassani, Mme Duranton, M. Kulimoetoke, Mme Phinera-Horth, MM. Théophile, Dennemont, Patriat, Rambaud, Bargeton et Buis, Mme Evrard, M. Gattolin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Lévrier, Marchand et Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° II-1164 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le code des transports est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 1803-4 est supprimé ;
2° L’article L. 1803-4-1 devient l’article L. 1803-4-2 ;
3° Après l’article L. 1803-4, il est inséré un article L. 1803-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1803-4-1. – Lorsque le déplacement est justifié par la présence aux obsèques d’un parent au premier degré, au sens de l’article 743 du code civil, d’un frère ou d’une sœur, du conjoint ou de la personne liée au défunt par un pacte civil de solidarité, ou lorsque le déplacement est justifié par une dernière visite à un parent dont le décès survient avant le terme du délai, fixé par voie réglementaire, de dépôt de la demande, l’aide à la continuité territoriale définie à l’article L. 1803-4 du présent code intervient, sous conditions de ressources, en faveur des personnes mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 1803-2 du même code et régulièrement établies sur le territoire.
« Le déplacement peut avoir lieu entre deux points du territoire national, l’un situé dans l’une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2 et l’autre situé sur le territoire métropolitain. Le déplacement peut aussi avoir lieu entre deux collectivités mentionnées au même article L. 1803-2. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° II-1161.
M. Thani Mohamed Soilihi. La cohésion du territoire est le ferment de notre engagement. En ce sens, la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite « loi ÉROM », a posé un premier jalon en étendant à l’outre-mer, des dispositifs de continuité territoriale. Il convient, désormais, de les adapter, afin de répondre au mieux aux réalités sociales et familiales ultramarines.
Cet amendement, qui est l’aboutissement d’un travail parlementaire fructueux entre les deux chambres, vise donc à démocratiser et à renforcer le droit à la continuité territoriale funéraire pour les Ultramarins.
Le dispositif actuel permet de financer partiellement, et sous conditions de ressources, le billet d’avion pour assister aux obsèques d’un parent, d’un enfant ou d’un conjoint en outre-mer, lorsque le bénéficiaire réside en métropole. Cette mesure, bien qu’elle soit salutaire, demeure lacunaire, en ce qu’elle s’adapte peu aux réalités familiales et aux besoins de mobilité des Français d’outre-mer.
C’est pourquoi nous souhaitons, par le présent amendement, clarifier la possibilité de se rendre au chevet du proche en fin de vie, ouvrir le dispositif aux frères et sœurs et étendre l’éligibilité de ce dispositif tant aux déplacements entre les collectivités d’outre-mer qu’aux déplacements entre ces dernières et la métropole.
Selon les estimations du Gouvernement, cette mesure concernerait 317 déplacements par an, pour un montant de 100 000 euros, sur un budget total de 6 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° II-1164.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1161 et II-1164.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 55 sexies est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 55 sexies
M. le président. L’amendement n° II-796 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, M. H. Leroy, Mme Berthet, MM. Gremillet, B. Fournier, Meurant et Klinger, Mmes L. Darcos et Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet, est ainsi libellé :
Après l’article 55 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er septembre 2021, sur le coût pour les finances publiques des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière à Mayotte.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Aujourd’hui, quelque 400 000 à 500 000 étrangers seraient en situation irrégulière, pour seulement 23 000 mesures d’éloignement : 95 % d’entre eux restent ainsi sur le territoire français.
Mayotte est la première destination des migrants comoriens, mais pas seulement, certains venant désormais de bien plus loin !
Seule la moitié des 256 000 habitants de l’île y est née, le reste de la population venant surtout des Comores : comme le dit notre éminent collègue Mansour Kamardine, député de Mayotte, plus de 40 % de la population y est désormais clandestine. De telles circonstances pèsent lourdement sur la situation démographique, économique et sociale du département.
Le déséquilibre s’est encore accru entre 2012 et 2017 : ainsi, le déficit migratoire des natifs de Mayotte a presque doublé par rapport à la période 2007-2012, notamment du fait des départs de jeunes vers La Réunion ou la métropole, en raison de l’insuffisance de structures scolaires, universitaires ou sanitaires.
Mayotte est aujourd’hui confrontée à un double défi migratoire : le flux traditionnel en provenance des Comores et, depuis peu, un flux trouvant son origine dans la région des Grands Lacs – Burundi, Congo et Rwanda –, lequel est fortement dynamique et double pratiquement chaque année.
Ainsi, le nombre de demandeurs d’asile en provenance d’Afrique est passé de moins de 100, en 2014, à plus de 1000 cette année. Mayotte est en train de devenir une nouvelle voie d’accès vers l’Europe. Même si ce sujet relève plus précisément de la mission « Immigration, asile et intégration », nous devons nous interroger sur la part sociale en matière migratoire.
Je sais que le Sénat s’oppose systématiquement aux amendements demandant des rapports, mais je crois que nous devons ouvrir le débat : si nous demandons de tels documents, c’est justement parce que le Gouvernement, interrogé à plusieurs reprises, n’a jamais répondu précisément à ces questions, en dépit de toutes nos sollicitations.
Je demande, par cet amendement, d’améliorer l’information du Parlement sur le coût des soins dispensés aux étrangers se trouvant à Mayotte en situation irrégulière.
Même si l’aide médicale d’État n’est pas applicable à Mayotte, les étrangers en situation irrégulière peuvent s’y faire soigner dans le centre hospitalier ou en ville, pour un montant qui demeure aujourd’hui inconnu. Aussi, je propose de remédier à ce défaut d’information, en demandant au Gouvernement de remettre, sinon un rapport, du moins un tableau de bord, et de répondre enfin à nos interrogations sur ce sujet avant le 1er septembre 2021.
Mes chers collègues, j’ai déjà rendu plusieurs rapports sur ce sujet : j’ai posé des questions précises, mais je n’ai cependant rien obtenu. Est-il bien normal que la représentation nationale, qui interroge régulièrement le Gouvernement sur ces questions, n’ait jamais de réponse ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. J’émets un avis défavorable, par cohérence avec la position de principe de la commission des finances sur les rapports parlementaires.
Mme Valérie Boyer. Vous pourriez nous donner des réponses, tout de même !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis évidemment attaché à ce que le Gouvernement réponde aux sollicitations d’une ex-députée devenue sénatrice : si vos questions n’ont pas reçu de réponse jusqu’à présent, madame Boyer, je vous présente mes excuses.
Pour vous répondre très rapidement, car je vois le président Karoutchi me regarder avec beaucoup de sévérité, j’indique que 27 000 reconductions et éloignements ont été accomplis en 2019 ; l’épidémie de covid-19 affectera bien sûr ces données pour l’année 2020.
Le véritable enjeu consiste pour nous à poursuivre l’opération « Shikandra », qui, bien qu’elle ait été suspendue à cause du confinement, commence à produire des effets significatifs, notamment sur le plan de l’action de l’État en mer et dans la relation que nous entretenons avec les Comores.
J’ai bien compris que l’objet de votre amendement était, non pas la rédaction d’un rapport, mais la relation entre le Parlement et le Gouvernement sur ces sujets. Il conviendrait donc, si évidemment le président Artano en est d’accord, de prendre le temps nécessaire, dans le cadre de la délégation à l’outre-mer, pour débattre des politiques de lutte contre l’immigration illégale à Mayotte, en organisant une audition qui nous permette de travailler sur ce sujet.
Je suis extrêmement sensible à ces questions : Gérald Darmanin et moi-même nous rendrons à Mayotte avant Noël. Néanmoins – le sénateur Mohamed Soilihi en conviendra –, nous ne sommes pas là pour stigmatiser ce territoire…
Mme Valérie Boyer. Je ne le stigmatise pas !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous nous connaissons bien, madame la sénatrice, je n’ai jamais dit que vous la stigmatisiez. Cependant, je pense que nous devons faire les choses dans un certain cadre, car il s’agit bien d’un sujet sérieux, qui demande qu’on y passe du temps.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je remercie ma collègue de l’intérêt qu’elle manifeste pour ce département.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, notamment à Mme la présidente Éliane Assassi, les choses sont tellement complexes dans ce territoire que l’on ne peut se contenter de s’y intéresser en prenant un tel angle d’attaque. C’est pourquoi, si le président Artano en est d’accord, ces problématiques, liées à l’immigration, méritent, non pas un seul rapport concernant les dépenses de santé, mais bien une étude d’ensemble.
Cela fait maintenant des années que les élus de Mayotte demandent unanimement l’application de l’aide médicale d’État : tous les gouvernements nous l’ont refusée, compte tenu de l’appel d’air que cela provoquerait.
Il n’y a pas, sur ce sujet, de chiffres à découvrir, puisque nous les connaissons déjà, et vous en avez cités quelques-uns, ma chère collègue. C’est plutôt de solutions concrètes dont nous avons besoin aujourd’hui. Je crains qu’un rapport n’apporte aucune valeur ajoutée ; je pense, au contraire, qu’il contribuerait à mettre ces sujets sous le tapis.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en train d’examiner la mission budgétaire « Outre-mer », et que la mission « Immigration » sera peut-être discutée ce soir, sinon dimanche…
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. L’immigration à Mayotte est un vrai sujet : personne ne le nie ici.
J’ai eu l’occasion ce matin, lors de la réunion d’installation de la délégation à l’outre-mer, d’affirmer combien selon moi ce sujet devrait être prioritaire dans l’organisation de nos débats. Mais, dans ce cas, il faut faire en sorte de tout mettre sur la table ; il faudrait même, si j’ose dire, convoquer l’histoire ! (Mme Catherine Conconne applaudit.)
Déposer ce type d’amendements lors de l’examen d’une mission budgétaire n’est vraiment pas une bonne façon de faire. Au-delà des clivages politiques et de nos différences d’appréciation sur les politiques migratoires, nous devons débattre de ce sujet : c’est une évidence. (Mme Lana Tetuanui applaudit.)
Toutefois, n’utilisons pas ce genre de véhicule législatif, qui plus est dans une situation sanitaire, économique et sociale des plus complexes. Je pense que c’est envoyer un très mauvais message à des milliers, voire à des millions de personnes sur cette planète. En effet, déposer cet amendement, madame la sénatrice, c’est aussi, quelque part, manquer d’humanité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Sur la mission « Outre-mer », comme sur toutes les autres missions d’ailleurs, il est normal de déposer des amendements, surtout lorsque, malgré la réponse très aimable de M. le ministre, on ne dispose toujours pas de réponse à des questions pourtant formulées il y a fort longtemps. La représentation nationale a besoin d’être éclairée !
Ma chère collègue, nous n’avons pas de leçon d’humanité à recevoir.
Mme Éliane Assassi. Si !
Mme Valérie Boyer. Il n’y a rien d’inhumain à exiger des comptes et des chiffres, alors que la population de Mayotte est clandestine à 40 % et que tous les élus du territoire appellent à l’aide, tant la situation est préoccupante ! L’humanité, c’est justement de connaître et de savoir, pour pouvoir agir.
Mme Éliane Assassi. J’y suis allée, moi !
Mme Valérie Boyer. Notre devoir, en tant que responsables et parlementaires, c’est de demander des comptes et des chiffres, afin de prendre une décision éclairée. C’est ce que nous faisons au travers de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Mes chers collègues, vous dites sans cesse que l’outre-mer contribue à la grandeur de la France ; je crois donc que cela vaut bien votre patience, monsieur le président. Je vous remercie de nous la signifier, en tout cas !
Je salue à la fois le président Mohamed Soilihi et Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE. Il faudra, en effet, convoquer l’histoire, et pas seulement des statistiques ! En effet, vous parlez de l’immigration sur des terres que la colonisation a déchirées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Aucun rapport !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-796 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° II-1053, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 55 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la consommation et la ventilation des crédits consacrés aux « Études et autres interventions en ingénierie » inscrits à l’action n° 1 du programme 123 de la mission « Outre-mer ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, j’apprécie votre longanimité. Après tout, l’outre-mer le vaut bien…
S’agissant des crédits consacrés aux études et autres interventions en ingénierie d’un montant de 6,62 millions d’euros, nous aimerions savoir quelle a été leur ventilation et qui a pu en bénéficier. De plus, quel rapport a été remis et quelle plus-value en a été tirée ?
Cela étant, je vais retirer mon amendement, car la commission des finances peut demander que la Cour des comptes fasse une enquête pour vérifier l’exécution du budget et nous donner ainsi quelques éclaircissements sur cette ventilation.
M. le président. L’amendement n° II-1053 est retiré
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Défense
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du strict point de vue budgétaire, je constate que la loi de programmation militaire est respectée et que, en effet, les crédits augmentent bien de 1,7 milliard d’euros.
Mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées aborderont sans doute un certain nombre de sujets plus ponctuels.
Pour ma part, je souhaite, dans le cadre de la discussion du budget pour l’année 2021, faire un point rapide sur un projet qui vous tient à cœur : le plan famille. Je prends acte de la réforme de la rémunération qui a été engagée et qui semble porter ses fruits, puisque les recrutements, malgré un contexte sanitaire difficile, se sont plutôt bien effectués.
Je regrette simplement, madame la ministre, que l’amélioration de l’hébergement des militaires se fasse toujours attendre, même si les crédits sont bien au rendez-vous. Je crains que nous n’ayons un peu trop tendance à oublier qu’il s’agit d’un personnel particulier, qui doit être bien traité. Peut-être les normes en matière d’accessibilité et de mobilité pourraient-elles, pour un certain nombre d’entre elles, être appréciées de façon allégée – c’est un euphémisme.
Ce qui me préoccupe dans ce budget, madame la ministre, c’est non pas ce qui s’y trouve, mais ce qui ne s’y trouve pas.
Pour évoquer tout d’abord la fin de gestion de l’année 2020, je rappelle que le Sénat a voté le principe selon lequel le surcoût des opérations extérieures, les Opex, devait faire l’objet d’une solidarité interministérielle. L’an dernier, il n’en a pas été question, et cette année, cela recommence !
Vous me direz que, au fond, il ne s’agit que de 236 millions d’euros et que, après tout, avec le covid-19, l’effet de déport ne dépasse pas l’épaisseur du trait. Certes, mais la loi, c’est la loi ! Par conséquent, je ne vois pas comment le Gouvernement, d’une façon systématique, peut s’en affranchir.
Une autre de mes inquiétudes réside dans la vente des Rafale à la Grèce. Je me réjouis que ce pays ait fait le choix d’acheter du matériel français ; c’est une bonne nouvelle. Mais cette opération cache deux choses.
Premièrement, la loi de programmation repose, dans ses équilibres, sur une vente de Rafale qui tarde à se faire, ou qui ne se fait pas au niveau prévu. En sortant 12 avions opérationnels pour en acheter 12 neufs, on répond à un objectif non pas opérationnel, mais financier, à ceci près que le différentiel de coût – de 600 millions à un milliard d’euros – n’est pas assuré entre les avions d’occasion et les appareils neufs.
Deuxièmement, la loi de programmation affichait une capacité opérationnelle de 143 Rafale pour les armées, toutes armes confondues, à la fin de l’année 2023. De fait, dans l’attente de la livraison de nouveaux avions, elle se trouve revue à la baisse, avec toutes les conséquences qui en découlent, en matière non seulement d’interventions, mais aussi de préparation des forces et d’entraînement. Rappelons qu’il s’agit d’un prélèvement de près de 10 %, ce qui correspond à 12 Rafale sur les 102 que possède l’armée de l’air.
Le ministère fait valoir que l’impact serait atténué par une meilleure disponibilité des appareils, liée à une refonte du maintien en condition opérationnelle, le MCO. Pardonnez-moi, mais nous n’avions pas noté que l’amélioration de ce dernier et l’effort budgétaire qui l’accompagnait avaient pour objectif de compenser une perte de matériels ! L’objectif annoncé et voté était bien d’améliorer le contrat opérationnel, ainsi que la disponibilité.
Enfin, on nous annonce qu’il est possible d’acquérir, non plus 12 Rafale, mais moins, au motif que, appartenant à une nouvelle génération, ces appareils seraient plus performants. Ces questions devraient trouver une réponse à la faveur de l’actualisation de la loi de programmation, mais nous ne disposons toujours pas de calendrier la concernant.
S’agissant du choix de la propulsion du futur porte-avions, il y a urgence, si toutefois nous voulons être prêts en 2038, sans compter que, derrière ce choix, se trouve tout l’enjeu de nos savoir-faire nucléaires et, par voie de conséquence, de la dissuasion.
La décision est imminente, nous dit-on, mais elle tarde cependant à se manifester. Je ne puis croire qu’un enjeu aussi fondamental soit dépendant du calendrier de communication présidentiel ! Qu’en est-il ?
Enfin, je me suis toujours étonné, à titre personnel, que l’on se fixe un objectif militaire en pourcentage de produit intérieur brut, comme si c’était l’alpha et l’oméga, comme si la menace pouvait se calculer en PIB… Il s’agit simplement de mesurer un effort financier. Je m’inquiète que, avec une chute probable du PIB, nous n’atteignions malgré nous très vite les 2 %. Déjà, une petite musique se fait jour en ce sens à Bercy.
Vous l’avez compris, madame la ministre, nous ne demandons qu’à vous faire confiance. Les apparences sont sauves, mais derrière elles, nombre d’inquiétudes et de questions demeurent. Aussi, notre commission des finances a-t-elle souhaité conditionner son avis, qu’elle espère favorable, aux réponses et éclaircissements que vous voudrez bien apporter aux cinq questions suivantes.
Premièrement, y aura-t-il bien une actualisation de la loi de programmation en 2021, non pas confiée à je ne sais quel comité ou conseil de défense, mais soumise au Parlement ? Et dans quels délais ?
Deuxièmement, le produit de la vente des Rafale reviendra-t-il bien intégralement au ministère ?
Troisièmement, pouvez-vous vous engager sur le fait que la vente des Rafale ne se traduira pas par une révision à la baisse du contrat opérationnel ?
Quatrièmement, quand sera annoncé officiellement le choix de la propulsion du porte-avions ?
Cinquièmement, et enfin, la baisse probable du PIB est-elle de nature à remettre en cause l’enveloppe globale en valeur absolue de la loi de programmation ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
(M. Georges Patient remplace M. Roger Karoutchi au fauteuil de la présidence.)