M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Outre-mer |
2 709 945 291 |
2 444 994 969 |
Emploi outre-mer |
1 851 168 363 |
1 841 720 298 |
Dont titre 2 |
164 272 313 |
164 272 313 |
Conditions de vie outre-mer |
858 776 928 |
603 274 671 |
M. le président. L’amendement n° II-959 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère et Canevet, Mme Guidez et M. Longeot, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
75 421 101 |
|
75 421 101 |
Conditions de vie outre-mer |
75 421 101 |
|
75 421 101 |
|
TOTAL |
75 421 101 |
75 421 101 |
75 421 101 |
75 421 101 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Gérard Poadja.
Les mesures contraignantes de quarantaines visant à maintenir tout nouvel arrivant sur le sol calédonien pendant une durée de quinze jours dans des hôtels réquisitionnés à cette fin permettent à ce territoire d’être aujourd’hui « covid free », protégeant ainsi une population particulièrement vulnérable.
Le présent amendement vise à transférer 75,4 millions d’euros de l’action n° 01 vers l’action n° 04, afin de financer par la solidarité nationale les mesures de quarantaine imposées en Nouvelle-Calédonie, aujourd’hui supportées par le seul gouvernement calédonien.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cette proposition a déjà été discutée lors de l’examen de la mission « Plan de relance ». Le soutien de l’État à la politique menée par la Nouvelle-Calédonie repose d’ores et déjà sur un prêt garanti par l’État à hauteur de plus de 28 milliards de francs Pacifique, soit 230 millions d’euros.
Par ailleurs, comme pour les autres collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie est éligible au plan de relance. Je sais également que le Gouvernement travaille sur la question spécifique des finances de la Nouvelle-Calédonie, un sujet sur lequel je souhaite entendre M. le ministre.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. La situation de la Nouvelle-Calédonie est particulière sur le terrain sanitaire. Elle est différente de celle de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna, puisque, depuis le début, une quatorzaine sanitaire, à laquelle j’ai moi-même été soumis, est imposée sur ce territoire. Cela conduit à une forme de régulation des entrées aux frontières.
Ces dépenses sont importantes, puisque c’est au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de prendre en charge ces mesures de quatorzaine, à savoir la réquisition des hôtels, avec quelques exceptions, notamment pour les forces de sécurité intérieure, en particulier les escadrons de gendarmes mobiles, pour lesquels les dépenses engagées sont partagées avec l’État.
Ces efforts financiers importants de la Nouvelle-Calédonie permettent de maintenir le territoire dans une situation, en mauvais français, de « covid free ».
Pour ma part, je me suis engagé, dans un contexte plus global, à isoler les dépenses relatives au covid du territoire de la Nouvelle-Calédonie. J’ai demandé à l’équivalent de la DRFiP pour le territoire d’instruire un travail avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, pour documenter précisément ces dépenses. Mais nous ne savons pas combien de temps l’épidémie durera, ce qui renvoie à d’autres questions, notamment la politique de vaccination, que nous traiterons plus tard.
Par ailleurs, d’autres questions financières intéressent le territoire. Lors de mon déplacement, je me suis engagé, et je réitère ici mon engagement, à continuer de regarder la question des dépenses liées au covid, pour laquelle l’État fera un geste.
Toutefois, dans la mesure où je ne suis pas capable de donner aujourd’hui le montant de ce geste, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, contre l’engagement de travailler avec les sénateurs Gérard Poadja et Pierre Frogier, pour trouver la solution la plus opérationnelle possible. Celle-ci fera peut-être l’objet d’une mesure dans un PLFR ou bien sera adoptée par d’autres biais de gestion.
Nous pourrons évoquer de nouveau le soutien financier de l’État aux deux collectivités de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Quant au soutien des mesures liées au covid et à la relance, cela appelle d’autres outils d’accompagnement.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme Nassimah Dindar. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° II-959 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-958 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère, Canevet et Delahaye, Mmes Gatel et Guidez et M. Longeot, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
40 000 000 |
|
40 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
40 000 000 |
|
40 000 000 |
|
TOTAL |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. Je présente également cet amendement au nom de mon collègue Gérard Poadja. Il vise à transférer 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action n° 02, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, du programme 138, « Emploi outre-mer », à l’action n° 08, Fonds exceptionnel d’investissement, du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».
La survie des compagnies aériennes des collectivités du Pacifique, qui assurent presque seules la desserte et le désenclavement de ses archipels, est gravement menacée par la crise sanitaire. La compagnie Aircalin représente 80 % du trafic international vers la Nouvelle-Calédonie. Elle joue à ce titre un rôle primordial de continuité territoriale.
Pour faire face aux difficultés liées à la crise sanitaire, la compagnie a présenté un plan de sauvegarde et de relance, comprenant notamment une réduction de 20 % de sa masse salariale, et a obtenu un prêt garanti par l’État de 40 millions d’euros.
Pour autant, ces mesures sont insuffisantes, et seul un soutien financier spécifique de l’État, comme celui dont ont bénéficié Air France et certaines compagnies locales, permettra de sauver cette compagnie menacée de disparition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Sur le fond, la situation des compagnies aériennes du Pacifique est effectivement préoccupante. Je pense non seulement à Aircalin, mais également à Air Tahiti en Polynésie.
Toutefois, sur la forme, la mission « Outre-mer » n’est pas le vecteur adapté. Par ailleurs, le Gouvernement est en train de travailler sur ce sujet.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice Nassimah Dindar, la situation d’Aircalin est préoccupante, comme celle de bon nombre de compagnies aériennes desservant nos différents territoires d’outre- mer.
Un premier prêt garanti de 40 millions d’euros a été consenti pour accompagner la compagnie Aircalin. Lors de mon déplacement sur place, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec les différents représentants du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Je propose d’organiser rapidement un tour de table, afin d’examiner les outils spécifiques d’accompagnement des compagnies aériennes. À mes yeux, il s’agit d’un amendement d’appel, le ministère des outre-mer n’ayant pas vocation à venir secourir des compagnies aériennes !
En revanche, le CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle, est compétent en la matière. Je sais par les deux sénateurs de la Polynésie française que la question se pose également pour leur territoire. Je préfère donc discuter de ces sujets lors d’un tour de table spécifique, comme nous l’avons fait pour Corsair.
Peu d’intervenants ont évoqué ce sujet dans le cadre de la discussion générale, car beaucoup de choses ont été faites, en urgence pour Air France et, plus récemment, pour Corsair.
Lors de mon dernier déplacement, en urgence, à La Réunion, pour l’incendie du Maïdo, j’ai eu l’occasion d’échanger informellement avec un certain nombre d’acteurs du territoire.
Au regard de ce que nous avons accompli ces dernières semaines, nous continuerons d’accompagner les compagnies aériennes en difficulté. Mais, pour le moment, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. J’allais évidemment rebondir sur la nécessité d’accompagner Air Tahiti Nui pour la Polynésie.
Vous avez annoncé des PGE, des prêts garantis par l’État, pour répondre au cri du cœur de votre honorable sénatrice de Polynésie dans cet hémicycle. Au moins, aujourd’hui, les choses sont claires, car elles ont été dites. Je le dis en toute humilité et avec respect, nous avons été élus démocratiquement et nous sommes là pour dire les choses et dénoncer certaines situations.
Je me réjouis donc de votre réponse, et le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Outre-mer ». Toutefois, j’espère que la table ronde sur nos compagnies aériennes sera organisée dans les plus brefs délais.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour que la situation soit parfaitement claire, madame la sénatrice, l’État est largement aux côtés du territoire de la Polynésie française.
Moi aussi, j’ai été élu démocratiquement plusieurs fois. Je sais bien que ce n’est pas le cas de tout le monde, et certains de mes collègues peuvent parfois ne pas le comprendre – permettez-moi de m’exprimer sans langue de bois.
Si je veux bien me faire bousculer lorsque les actions ne sont pas au rendez-vous, je voudrais qu’on dise lorsqu’elles le sont ! Derrière toutes ces sommes, en effet, il y a quelque chose qui s’appelle la solidarité nationale. Tout le monde fait des efforts. On le sait très bien, beaucoup d’argent est dépensé actuellement et il faudra bien que quelqu’un, un jour, rembourse cet argent.
Par ailleurs, cela intéresse très directement tous les sénateurs ici présents qui ne sont pas sénateurs de collectivité à statut particulier – d’ailleurs, tous les territoires ne fonctionnent pas selon les mêmes critères –, si l’État n’intervient pas, c’est parfois parce qu’il n’est plus compétent.
En effet, les instruments de fiscalité nécessaires n’existent pas, en raison de certains choix anciens, qui remontent parfois à 1958. Certains territoires ont choisi – M. Victorin Lurel connaît ces questions par cœur – d’être DOM ou TOM, comme on disait à l’époque. Or, quand on est TOM, on a forcément plus de compétences, mais on a aussi la main sur la fiscalité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les cordes de rappel que nous mettons en place sont bien légitimes et relèvent de la solidarité nationale. Non seulement nous accompagnerons tout le monde, mais aussi et surtout, nous n’abandonnerons personne. Je crois l’avoir déjà dit au président Édouard Fritch, je crois l’avoir dit devant vous et je crois l’avoir dit devant toute la délégation qui avait été emmenée devant le Premier ministre et que j’ai reçue à mon ministère.
Je ne demande pas que l’on soutienne le Gouvernement pour le soutenir. Je dis simplement ce n’est pas tant l’effort du Gouvernement que celui de la Nation tout entière, de tous les contribuables et de tous ceux qui se retroussent les manches en ce moment pour faire face à cette crise sans précédent. Je tenais à le rappeler, bien que je l’aie déjà dit clairement.
Si vous aviez encore un doute, madame la sénatrice, je le répète ce matin devant vous : nous n’abandonnons pas la Polynésie française, et encore moins le président Édouard Fritch.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je ne me suis pas fait remarquer sur le premier amendement, qui a été retiré.
M. le rapporteur spécial, suivi par M. le ministre, qui se positionne sans doute de manière plus subtile, affirme que la commission ne peut émettre un avis favorable dans la mesure où ces mesures relèveraient du plan de relance. Non ! Lorsque nous demandons des dépenses conjoncturelles liées à la crise, notamment en Nouvelle-Calédonie, il ne s’agit pas de dépenses structurelles. Or le plan de relance vise à engager des dépenses structurelles.
Ainsi, quand on refuse à la Nouvelle-Calédonie une aide de 75 millions d’euros, au motif qu’elle figurera dans le plan de relance, je ne comprends pas.
Par ailleurs, le ministre a évoqué ce point, bien que les territoires soient autonomes, la solidarité nationale continue de jouer ! À un moment où nous discutons d’évolution du statut et de régime législatif, si vous dites aux outre-mer que l’autonomie, c’est l’absence d’argent et l’absence de solidarité nationale, toute évolution cessera, la peur devenant le seul motif de vote au moment des consultations référendaires. Je tenais à souligner ce point.
M. le ministre a pris des engagements à l’égard de la Nouvelle-Calédonie, qui doit être aidée pour gérer cette crise. Il a lui-même passé trois semaines là-bas, et il connaît donc parfaitement le problème.
Si l’inscription de crédits dans le cadre de cette mission n’est pas indiquée, il faut trouver comment aider Aircalin, afin de préserver la mobilité et le désenclavement. D’autres compagnies régionales ont été aidées ; les compagnies nationales ont été aidées ; il faut donc trouver un biais pour aider ces compagnies !
M. le président. Madame Dindar, l’amendement n° II-958 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nassimah Dindar. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-958 rectifié bis est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
L’amendement n° II-1018, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne et M. Antiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
40 000 000 |
|
40 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
|
|
|
|
Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe |
40 000 000 |
|
40 000 000 |
|
TOTAL |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Nous abordons la problématique de l’eau en Guadeloupe. Cet amendement vise à créer un fonds exceptionnel et à l’abonder à hauteur de 40 millions d’euros. En effet, nous l’avons déjà dit ce matin, il faut entre 700 et 800 millions d’euros pour réparer les réseaux d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe.
À l’époque où est née cette situation, l’État était responsable de l’affaire, avec les concessionnaires, dont Suez – c’est le nom, depuis quelque temps, de l’ancienne Lyonnaise des eaux. La responsabilité est donc pour le moins partagée.
La gestion des réseaux par les uns et par les autres, en particulier par les élus – reconnaissons-le –, a été calamiteuse. Mais que l’État aujourd’hui se défausse, qu’il dise que ce n’est pas de sa compétence, malgré la crise du covid-19, et que ce sont les communes qui l’ont déléguée aux EPCI qui doivent rester en charge de l’affaire, et cela nous prendra de dix à quinze ans pour réparer ces réseaux d’eau.
Nous avions une solution simple, au-delà de celle que le Gouvernement, par la voix de M. le ministre, a proposée : il faut dissoudre toutes les structures qui gèrent aujourd’hui l’eau et créer une structure unique. Mais cette structure existe : elle s’appelle le Siaeag, ou Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, et elle est criblée de dettes : près de 80 millions d’euros, dont 40 millions d’euros de dettes aux fournisseurs et de dettes bancaires, fiscales et sociales.
Aujourd’hui, compte tenu de ce qui s’est dit dans le pays, les gens ne paient plus l’eau ! On est donc dans une impasse.
Il s’agit de créer une structure unique, selon des voies à déterminer. Une proposition a été faite en ce sens par le Gouvernement. Deux parlementaires pourraient porter le sujet dans le cadre d’une proposition de loi. Reste le problème du financement.
Nous disons, nous, que si l’on veut faire ça sur cinq ou dix ans maximum, il faut 400 millions d’euros : 250 ou 200 millions d’euros, soit 40 millions d’euros par an pendant cinq ans, sous forme de subventions, et, par ailleurs, autant en prêts garantis. À long terme, il faudrait à peu près 400 millions d’euros en prêts garantis sur trente ans, puisqu’un tel investissement s’amortit sur trente ans.
Tel est l’objet de cet amendement : pour sortir de cette impasse, il faudrait un sursaut, autrement dit la création de ce fonds exceptionnel doté, au départ, de 40 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons.
Sur le fond, certes, nous souscrivons bien entendu aux préoccupations de Victorin Lurel sur le réseau d’eau guadeloupéen, dont la situation est dramatique.
Tout en rappelant que l’eau est une compétence décentralisée, il faut néanmoins noter que différents instruments existent d’ores et déjà, permettant d’assurer un soutien de l’État en la matière, comme le fonds exceptionnel d’investissement, qui finance des opérations dans ce domaine. Le plan de relance permettra également de financer des opérations de réfection des réseaux d’eau outre-mer.
Il ne paraît donc pas pertinent de créer un programme budgétaire spécifique aux réseaux d’eau en Guadeloupe au sein de la mission « Outre-mer », alors que des dispositifs existent déjà.
Par ailleurs, cet amendement est gagé sur une diminution de 40 millions d’euros des crédits du SMA, le service militaire adapté, alors que ce dernier connaît actuellement une consolidation de son mode de fonctionnement, visant notamment à assurer la transition numérique et à améliorer les taux d’encadrement.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous remercie, monsieur Lurel, de porter la question de l’eau dans cet hémicycle.
J’en fais un dossier prioritaire, et il se trouve que, sur ce sujet, le sénateur Théophile me surveille également depuis le début du mandat, et pour cause : de secrétaire d’État à l’écologie à ministre délégué en charge des collectivités territoriales et, désormais, ministre des outre-mer, je suis ce dossier, ou il me poursuit, depuis mon entrée au Gouvernement. Et je mets un point d’honneur à obtenir, en la matière, des résultats tangibles.
Le Sénat est la chambre des territoires : nombre d’élus locaux ou d’anciens élus locaux siègent parmi nous, c’est le moins que l’on puisse dire. Le principe selon lequel l’eau est une compétence décentralisée, et même le symbole d’une décentralisation ancienne, est pour le coup incontestable ; jamais l’eau n’a été une compétence de l’État en tant que telle : il s’agit bien d’une compétence locale. Si nombre de compétences ont fait l’objet de transferts, via les lois Defferre ou les lois Raffarin, l’eau et l’assainissement sont, de manière intangible depuis l’après-guerre, des compétences décentralisées.
Il n’est pas de bonne gestion, par ailleurs, sans respect d’un principe auquel le président de l’Association des maires de France, M. Baroin, est très attaché, et que l’on ne saurait méconnaître ici, au Sénat : c’est que « l’eau paie l’eau », deuxième grand principe auquel nous tenons tous beaucoup, en tant qu’élus locaux, ce qui n’exclut évidemment pas la solidarité entre les bassins et entre les différents territoires d’outre-mer.
La solidarité nationale doit-elle être sollicitée en cas de crise grave, comme en Guadeloupe ? Vous l’avez dit, monsieur Lurel : la réponse est oui. Les principes que je viens de rappeler n’écrasent pas l’exception, qui commande évidemment de faire appel à la solidarité nationale pour régler le problème.
Je ne reviens pas sur le plan Eau-DOM ; vous en connaissez déjà largement les contours. Il s’agit désormais d’accélérer.
Votre amendement est en partie satisfait : je le vois comme un amendement d’appel – nous avons déjà eu l’occasion de travailler, vous et moi, sur ces sujets, et votre implication est connue. Le plan de relance tel que nous l’avons imaginé permet déjà, en effet, de flécher 50 millions d’euros vers la réfection des réseaux d’eau claire, mais aussi, d’ailleurs, d’eau grise ou d’eau noire.
Quand on ouvre une tranchée pour y poser une canalisation, on le fait autant pour l’eau potable que pour l’assainissement, même si c’est sur l’eau potable et sur les fuites afférentes qu’il faut agir en priorité, sachant que, en outre, on produit beaucoup sans parvenir à acheminer convenablement – l’enjeu est donc sanitaire, vous l’avez rappelé, mais également écologique.
Ces 50 millions d’euros du plan de relance permettent déjà largement, selon moi, de couvrir un certain nombre de travaux pour l’année 2021. Je prends deux engagements devant vous.
Premièrement, si l’État doit continuer d’accroître les moyens financiers qu’il mobilise pour les années 2022, 2023 et suivantes, afin que les travaux soient réalisés convenablement en Guadeloupe, mais aussi, dans une autre mesure, à Mayotte, il sera évidemment au rendez-vous. Je m’engage à poursuivre cet accompagnement tant que j’exercerai les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui.
Deuxièmement, je m’engage à ce que nous avancions sur la gouvernance. Vous l’avez rappelé, monsieur Lurel – le Siaeag est connu des acteurs guadeloupéens, pas forcément de l’ensemble des sénateurs de la République…
En tout cas, la question reste posée de savoir comment on organise, dans un territoire archipélagique ou îlien, les réseaux d’adduction d’eau potable et la répartition entre syndicats et communautés d’agglomération de cette compétence, dont tout le monde ici connaît les modalités du transfert, puisqu’il s’agit de l’une des applications de la loi NOTRe.
Je prends donc cet engagement : le Gouvernement accompagnera les initiatives qui permettront d’aller dans le bon sens, celui d’une gouvernance plus claire et plus transparente de l’eau.
Je forme le vœu qu’un opérateur unique soit installé pour septembre 2021. Je sais que des initiatives législatives font actuellement l’objet de réflexions actives : je pense à la proposition de loi dite « Benin-Théophile », du nom de la députée et du sénateur qui tentent en ce moment même d’imaginer les contours d’un tel syndicat unique. Je ne veux pas préempter les débats parlementaires qui pourraient avoir lieu ; en tout cas, cette proposition est plus qu’intéressante : elle mérite d’être largement accompagnée, à titre de moyen, parmi d’autres, d’atteindre notre objectif.
J’ai par ailleurs indiqué dans la presse locale que, évidemment, si d’autres moyens que la loi pouvaient y pourvoir, et à condition que toutes les intercommunalités du territoire soient couvertes, il serait possible de procéder autrement et mieux que par la loi.
Au moment où nous parlons, la loi me semble malgré tout tenir largement la corde. J’accompagnerai en tout cas la proposition de la députée Benin et du sénateur Théophile, parce qu’elle promet une avancée majeure.
Ce sujet occupe largement la vie publique et politique guadeloupéenne ; je me suis donc permis, ici, au Sénat, d’être long, monsieur le président, afin d’être entendu aussi à l’extérieur.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre missions restent à examiner, après la mission « Outre-mer », d’ici à ce soir… Je vous invite donc à la concision.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je remercie M. le ministre des engagements qu’il prend aujourd’hui devant nous.
Je rappelle que le plan Eau-DOM, c’est 10 ou 12 millions d’euros pour l’État en Guadeloupe. La Guadeloupe bénéficiera par ailleurs de 133,9 millions d’euros – le préfet m’a dit 135 millions d’euros – sur le 1,5 milliard du plan de relance. Si l’on s’en tient à l’eau, sur les 50 millions d’euros consacrés à l’ensemble des outre-mer, la Guadeloupe touchera 10 millions…
Or on vient d’annoncer, en Guadeloupe, un plan de 170 millions d’euros, avec un effort considérable de la région et du département, qui, au même titre que l’État, ne sont pourtant pas compétents.
M. Victorin Lurel. Aujourd’hui, le montant des crédits mis à disposition n’est pas suffisant. Nous sommes en pleine crise du covid-19, les gens n’ont pas d’eau pour se laver, ni même pour respecter les gestes barrières. Je réclame un sursaut !
Ce que vous proposez, monsieur le ministre, je peux l’entendre. Et j’apprends ici que Dominique Théophile en serait le porteur. Je me demandais quel pourrait être le vecteur politique de cette affaire ; si Dominique Théophile s’en occupe, c’est très bien, même si la question d’un dessaisissement des parlementaires et des collectivités au profit de l’État reste posée.
Toutefois, qui paie les dettes ? On va prendre un temps fou, d’ici à septembre ou octobre de l’année prochaine, disiez-vous, pour créer cette structure unique et la rendre opérationnelle. Le problème des dettes bancaires sera peut-être réglé, mais quid du reste ? Qui paie les salaires ? Vous proposez que le département et la région s’en chargent.
Aujourd’hui, il faut peut-être que l’État envoie un signe fort en autorisations d’engagement et nous dise comment il compte exécuter ce budget et éviter les sous-consommations de crédits. Je demande, au-delà de ce que vous avez dit, donc au-delà du législatif, quelque chose de fort, c’est-à-dire un engagement financier. Il le faut !
Je retire donc cet amendement, monsieur le président, mais le problème reste posé.