compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
Mme Martine Filleul.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Financement de la sécurité sociale pour 2021
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2021 (projet n° 101, rapport n° 107, avis n° 106).
Dans la discussion des articles de la troisième partie, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 17.
TROISIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2021
TITRE IER (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre IV (suite)
Assurer la soutenabilité des dépenses de médicaments
Articles additionnels après l’article 17 (suite)
M. le président. L’amendement n° 262 rectifié ter, présenté par M. Milon, Mmes V. Boyer, Deromedi et Dumas, MM. Grand, Burgoa et Calvet, Mme Berthet, MM. Brisson, Charon, Dallier et de Legge, Mme Garriaud-Maylam, MM. D. Laurent, H. Leroy et Mandelli, Mme Richer, M. Sautarel, Mme L. Darcos, MM. J.B. Blanc et Bonne, Mmes Puissat et Malet, MM. Piednoir, Savary et Houpert, Mmes Di Folco et Delmont-Koropoulis et MM. Regnard et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 165-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La fixation des prix des produits inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1 tient compte de considérations de politique industrielle tels que les investissements réalisés par les entreprises pour le maintien, la modernisation et le développement de l’outil de production en France et dans l’Union européenne, les étapes de fabrication de ces produits dans des sites de production situés dans l’Union européenne, le ratio d’emplois liés à la fabrication de ces produits en France et dans l’Union Européenne. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous souhaite à tous bon courage pour cette longue journée de débats !
La crise de la covid-19 a mis en lumière de graves problèmes de dépendance de notre pays à l’égard de pays tiers en matière de médicament, mais aussi de dispositifs médicaux. Les conséquences en sont nombreuses sur l’emploi, l’attractivité de notre pays et la santé de nos concitoyens.
Composé à 92 % de PME qui investissent et innovent dans ce domaine hautement stratégique et compétitif, le secteur des dispositifs médicaux, marqué par une très forte hétérogénéité, est durement affecté par la crise sanitaire, en raison de la diminution nette des actes médicaux liée aux restrictions destinées à contrer la pandémie.
Si la baisse de prix de 150 millions d’euros sur les dispositifs médicaux prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) obéit à une perspective légitime et nécessaire de rééquilibrage des dépenses publiques, elle ne saurait ignorer des considérations de politique industrielle devenues fondamentales pour notre souveraineté, notre compétitivité et l’emploi en France et dans l’Union européenne, dans un secteur hautement stratégique pour notre pays et bouleversé par la crise sanitaire et ses répercussions industrielles.
Une politique tarifaire différenciée en fonction de la localisation des activités de production des entreprises concernées, à laquelle s’ajoute la clause de sauvegarde sur les dispositifs médicaux de la liste en sus, introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et dont nous avons débattu hier, permet de circonscrire l’incidence de cette mesure sur les comptes sociaux.
Le présent amendement a pour objet d’inciter par la voie législative le Comité économique des produits de santé (CEPS) à intégrer systématiquement ces considérations industrielles dans le cadre des négociations conventionnelles avec le secteur des dispositifs médicaux.
M. le président. Le sous-amendement n° 1071, présenté par Mme Imbert, est ainsi libellé :
Amendement n° 262, alinéa 4
1° Remplacer les mots :
en France et dans l’Union européenne
par les mots :
dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et en Suisse
2° Après les mots :
situés dans l’Union européenne
insérer les mots :
, au Royaume-Uni et en Suisse
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Déposé en accord avec Alain Milon, ce sous-amendement tend à élargir l’aire géographique visée par son amendement au Royaume-Uni et à la Suisse. L’esprit est le même que celui de l’amendement adopté hier soir après avoir été défendu par René-Paul Savary.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Double avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. L’amendement n° 262 rectifié ter vise à prendre en considération de nouveaux critères de fixation des prix des produits de santé, inspirés de considérations de politique industrielle. Le sous-amendement n° 1071 tend à intégrer le Royaume-Uni et la Suisse dans la liste des pays considérés pour apprécier les engagements industriels des laboratoires.
Modifié par ce sous-amendement, l’amendement deviendrait identique à l’amendement n° 351 rectifié ter, de M. Savary, adopté hier soir contre l’avis du Gouvernement. Que la liste des pays considérés soit bornée à l’Union européenne ou étendue à la Suisse et au Royaume-Uni, nous restons défavorables, sur le fond, au dispositif proposé.
En effet, la tarification des produits de santé repose sur leur valeur thérapeutique et leur apport clinique pour les patients. Le schéma de tarification envisagé risquerait de conduire à des surcoûts indus pour l’assurance maladie, dans la mesure où il reposerait sur des déclarations non contre-expertisables des entreprises : les laboratoires seraient incités à déclarer des investissements de plus en plus élevés pour le seul maintien de leur implantation. Or il ne faudrait pas payer cher un médicament inutile, au seul motif que le laboratoire qui le produit a investi dans l’Union européenne, en Suisse ou au Royaume-Uni.
Oui, la localisation de produits en France peut aider à la sécurisation des approvisionnements ; nous mesurons pleinement l’importance de cet enjeu, mis en évidence par la crise actuelle. Néanmoins, il n’est pas souhaitable d’établir un lien direct entre fixation du prix et implantation des entreprises en France.
Bien sûr, nous travaillons pour qu’il y ait des industries de santé en France – c’est un engagement du Gouvernement. Mais cela doit passer par une approche globale et des leviers appropriés, et non pas nécessairement par la loi. Bien au-delà des prix, les leviers sont divers : financement de projets de recherche ambitieux, soutien des essais cliniques, crédit d’impôt recherche, enjeux de main-d’œuvre et de taxes applicables aux entreprises, notamment.
L’enjeu des implantations nationales du point de vue de la sécurisation des approvisionnements sera traité dans l’accord-cadre en cours de négociation avec l’industrie.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable sur le sous-amendement et l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 262 rectifié ter, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.
L’amendement n° 272 rectifié bis, présenté par M. Milon, Mmes V. Boyer, Deromedi et Dumas, MM. Grand, Burgoa et Calvet, Mme Berthet, MM. Brisson, Charon, Dallier et de Legge, Mme Garriaud-Maylam, MM. D. Laurent, H. Leroy et Mandelli, Mme Richer, M. Sautarel, Mme Malet, MM. Sol, Piednoir et Savary, Mme Delmont-Koropoulis et MM. Gremillet et Regnard, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de l’article L. 245-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° A un abattement d’un montant égal à 30 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer au titre des médicaments biologiques similaires définis à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique. » ;
2° Au dernier alinéa, les références : « 2° et 3° », sont remplacés par les références : « 2°, 3° et 4° ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Alors que les biosimilaires contribuent à dégager des marges de manœuvre financières pour le système de santé, leur pénétration, notamment en ville, est en deçà des objectifs comme des niveaux atteints dans les autres pays européens.
La promotion des biosimilaires réalisée par les industriels qui les produisent relève d’un accompagnement à la recherche d’économies. Le potentiel d’économies supplémentaires liées à l’amélioration de la pénétration des biosimilaires est considérable : pour 2019, les économies totales induites par ces produits sont estimées à 696 millions d’euros !
Il est donc proposé d’instaurer pour les biosimilaires le même abattement que pour les spécialités dites génériques – les secondes, monsieur le rapporteur général, n’ayant rien à voir avec les premiers…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Quoique sensible à l’intention dont procède cet amendement, la commission le trouve un peu contestable.
Il est écrit dans son objet : « Si l’on ne peut assimiler scientifiquement les biosimilaires aux génériques, leur vocation est la même : créer des économies pour le système de santé. » Les économies, très bien ; mais cet objectif reste subsidiaire par rapport à l’impératif de protection de la santé des patients. Or si la santé des patients n’est pas menacée par l’identité thérapeutique d’un princeps et d’un générique, cette identité, comme les auteurs de l’amendement le soulignent eux-mêmes, n’est pas réalisée en ce qui concerne les bioprinceps et les biosimilaires.
Les mesures d’économie financière sur les produits de santé ne me paraissent souhaitables qu’en cas de parfaite substituabilité entre les produits qu’elles concernent. Telle est la raison de l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur général, pour la même raison. Le Gouvernement se mobilise pour travailler sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. J’entends bien l’argument du rapporteur général, mais je répète que d’autres pays européens réalisent beaucoup plus d’économies que nous grâce aux génériques et aux biosimilaires.
Certes, on ne peut pas exactement les comparer : les génériques relèvent de la chimie pure, et en chimie on peut reproduire des molécules à l’identique. Il n’en demeure pas moins que les biosimilaires ont, de toute évidence, une activité thérapeutique aussi bonne que le princeps. Il faut donc les considérer comme tels.
J’insiste : ces produits sont sources d’économies à intérêt thérapeutique égal !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. J’entends moi aussi ce que dit le rapporteur général, mais je partage l’avis d’Alain Milon. Madame la ministre, voilà trois ans que, à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement nous répond qu’il travaille sur les biosimilaires… Ces produits et les entreprises qui les fabriquent méritent d’être pris en considération !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Au sein de la commission des affaires sociales, plusieurs auditions ont été organisées sur ce thème. Nous voyons bien qu’il y a un sujet important à creuser.
Madame la ministre, on ne peut pas, d’un côté, prétendre faire des économies, toujours sur les mêmes, et, de l’autre, ne pas être sensible aux solutions proposées !
Si nous voulons développer les biosimilaires et susciter une prise de conscience chez les patients susceptibles d’en bénéficier, il faut que nous soyons unanimes pour soutenir ces traitements. Je voterai l’amendement.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. On parle abondamment et régulièrement de ruptures de médicament. Voilà quelques mois, nous avons subi la rupture d’une insuline, pour laquelle un biosimilaire existe. Que pensez-vous qu’il s’est produit ? Dans l’intérêt des patients, nous avons délivré le biosimilaire – en accord avec le médecin, bien sûr, puisque ces médicaments ne sont pas substituables. À méditer ! Je voterai l’amendement.
M. le président. Méditons… mais votons !
Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.
L’amendement n° 302 rectifié bis, présenté par M. Henno, Mme Létard, M. P. Martin, Mme Dindar, MM. Kern, Janssens, Delcros et Moga, Mme Guidez, M. Levi, Mme Vermeillet, MM. Laugier, S. Demilly, Delahaye, Détraigne, Maurey, Hingray, Lafon, Le Nay et Cazabonne et Mmes Morin-Desailly et de La Provôté, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 3° du III de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 3° Tous les médicaments dérivés du sang. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, les médicaments dérivés du sang font partie des spécialités exclues de l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires versée par les entreprises pharmaceutiques au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie, tout comme certains médicaments génériques et orphelins.
Pour la plupart sans alternative thérapeutique, ces médicaments sont destinés au traitement de maladies rares et graves. Le législateur a souhaité les exonérer pour que l’approvisionnement du marché français ne soit pas perturbé, dans l’intérêt des malades.
Or seuls certains médicaments dérivés du sang disponibles sur le marché sont aujourd’hui exclus de l’assiette de la contribution. Une grande partie ne bénéficie pas de cette exonération, notamment les médicaments qui ont obtenu une autorisation de mise sur le marché centralisée européenne.
Ces médicaments sont pourtant tout aussi essentiels à la couverture des besoins des patients que les médicaments actuellement exonérés. Afin de mettre un terme à cette discrimination et de stabiliser l’approvisionnement, le présent amendement vise à exonérer de la contribution l’ensemble des médicaments dérivés du sang.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’entends bien l’argumentation d’Olivier Henno, mais nous considérons qu’il ne serait pas souhaitable de retirer à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) la détermination des médicaments dérivés du sang susceptibles d’être exonérés de la contribution sur le chiffre d’affaires dont les industriels sont redevables.
De fait, comme le rappelle régulièrement l’ANSM dans ses décisions sur la sécurité transfusionnelle, tous les médicaments dérivés du sang ne présentent pas un intérêt thérapeutique majeur propre à les rendre éligibles à cette exonération.
La commission penche donc plutôt vers un avis défavorable. Pour ma part, j’attends pour me prononcer les éclaircissements du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il est vrai que la croissance de la demande nationale et mondiale provoque une forte tension sur ce marché.
Néanmoins, toute mesure visant à modifier les dispositions législatives actuelles en ce qui concerne les médicaments dérivés du sang ne peut s’entendre que dans le cadre d’une réflexion stratégique et concertée, plus globale, avec l’ensemble des acteurs de la filière sang-plasma. En effet, le modèle éthique français du don du sang est en jeu. Comme vous le savez, il revêt un caractère très sensible pour les associations de donneurs, fournisseurs de la matière première, comme pour les associations de malades.
Dès lors, en toute prudence, je ne puis être que défavorable à cet amendement. Toute mesure qui serait insuffisamment préparée dans ce domaine ferait courir le risque d’un effondrement du don, comme le soulignent les associations, et menacerait donc l’autosuffisance globale de la France en produits sanguins.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Dans le cadre d’un groupe interne à notre commission, Corinne Imbert, René-Paul Savary et moi-même, ainsi que d’autres collègues issus des professions de santé, entendons régulièrement soulever le problème que vient d’exposer Olivier Henno. J’entends l’argument de Mme la ministre sur la dimension éthique, mais, une fois de plus, on nous répond : on va voir… Comme pour les biosimilaires, c’est la même chose depuis plusieurs années !
M. le président. Monsieur le rapporteur général, quel est donc l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable, mais qui me paraît fondé sur l’avis de l’ANSM, laquelle aurait l’impression de se voir retirer une prérogative. Pour ma part, j’estime que l’Agence européenne des médicaments (EMA) est extrêmement compétente, tout autant que l’ANSM. À la vérité, il y a dans cette affaire un conflit d’intérêts entre le niveau national et le niveau européen. Avis de sagesse.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.
L’amendement n° 804 rectifié bis, présenté par M. Jomier, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Antiste et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Bouad, Durain et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal et Tissot, Mmes Préville, Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 5121-29 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après les mots : « Espace économique européen », la fin de la première phrase est supprimée ;
2° Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4, ce stock correspond à quatre mois de couverture des besoins en médicament, calculés sur la base du volume des ventes de la spécialité au cours des douze derniers mois glissants. Pour les autres médicaments, ce stock doit être constitué dans une limite fixée dans des conditions définies par décret en Conseil d’État et qui ne peut excéder quatre mois de couverture des besoins en médicament, calculés sur la même base. »
II. – L’article L. 138-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le cas échéant, le stock légal de sécurité prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 5121-29 du code de la santé publique donne lieu à une diminution de l’assiette de la contribution pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Le montant de cette diminution est fixé à 20 % de la valeur totale des médicaments stockés, dans la limite des quatre mois obligatoires de couverture des besoins, calculée en fonction des prix de vente hors taxes aux officines. »
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. L’article 34 que nous avions voté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’an dernier était présenté comme mettant en place des stocks de sécurité de médicaments de quatre mois, afin de lutter contre l’augmentation très forte des pénuries. Or le projet de décret d’application envisage, au mieux, deux mois de stocks pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et seulement un mois pour les autres.
Quatre mois, au vu des données relatives aux durées de pénurie, c’était déjà un compromis… Deux mois, c’est nettement insuffisant. D’autant que les indicateurs dont nous disposons en matière de pénurie de médicaments sont au rouge !
Dès 2018, nos collègues Decool et Daudigny avaient tiré la sonnette d’alarme dans un rapport d’information. Cette semaine encore, l’UFC-Que Choisir en appelle à l’État, annonçant une multiplication par trois du nombre de pénuries de médicament d’intérêt thérapeutique majeur par rapport à 2016. Si l’on remonte plus loin dans le temps, l’augmentation est encore plus spectaculaire : de 44 en 2008, les médicaments touchés par une pénurie sont passés à plus de 1 200 en 2018 ; ils seront, à n’en pas douter, plus nombreux encore l’année prochaine.
Devant la gravité de la situation, il y a lieu d’agir utilement pour répondre à ce problème réel par des moyens appropriés, c’est-à-dire en constituant des stocks de sécurité. C’est pourquoi nous proposons de fixer une durée légale de stockage obligatoire de quatre mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Dans une démarche constructive envers les entreprises de vente de médicaments, nous proposons, en nous inspirant de la Finlande, de compenser une partie de la charge résultant de ces stocks.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La question posée par M. Jomier est d’une actualité brûlante. Je suis évidemment favorable à ce qu’elle fasse l’objet d’un examen approfondi, sur la base des travaux de nos collègues Jean-Pierre Decool et Yves Daudigny. Pour autant, je pense que la formule proposée se heurte à plusieurs problèmes.
Il y a, d’abord, un problème de faisabilité : contraindre chaque entreprise pharmaceutique, quelle que soit sa taille, à constituer un stock de quatre mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et d’une durée déterminée par décret pour les autres spécialités induirait d’importants coûts logistiques, que toutes ces entreprises ne pourront pas absorber.
Ensuite, de manière bien paradoxale, inscrire dans le droit commun l’impératif de stockage présente le risque non négligeable d’organiser la pénurie : en immobilisant la production par site industriel, nous enverrions des signaux délétères à nos différents partenaires commerciaux et prendrions le risque de gripper, en les rigidifiant, les canaux de distribution, dont les situations de crise nous ont montré qu’ils devaient rester souples.
Pour toutes ces raisons, et tout en comprenant leur intention, nous demandons aux auteurs de l’amendement de le retirer. Il faut trouver d’autres solutions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. En complément des explications du rapporteur général, je vous ai apporté le projet de décret pris en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, transmis au Conseil d’État et notifié à la Commission européenne.
Le caractère proportionné de ce décret est fondamental, car la Commission européenne demande à la France de prouver qu’elle ne lèse pas les autres États membres par une mesure disproportionnée de stockage de médicaments destinés au seul marché national. C’est pourquoi il a été retenu une durée de stocks de deux mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et d’un mois pour les autres médicaments, avec des modulations possibles jusqu’à quatre mois.
Il est déjà prévu que 20 % des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur feront l’objet d’un stock de quatre mois par décision du directeur général de l’ANSM. Cette liste de médicaments sera régulièrement réévaluée par l’ANSM.
Par ailleurs, le décret sera examiné un an après sa publication pour vérifier qu’il est proportionné et équilibré, et le faire évoluer si nécessaire.
Pour ces raisons, j’appelle au rejet de l’amendement.