M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, il y a tout de même un problème. Lorsqu’une entreprise éphémère continue d’embaucher alors qu’un certain nombre de signaux faibles se cumulent, elle augmente sa capacité de non-paiement des cotisations et de l’ensemble des prélèvements obligatoires.
Je vous renvoie aux travaux de Tracfin ou au rapport de la Cour des comptes sur la fraude aux cotisations. Il y a un véritable sujet. J’espère que nous pourrons travailler sur un mécanisme permettant aux tribunaux de commerce d’obtenir un peu plus d’informations.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié est retiré.
L’amendement n° 779 rectifié, présenté par M. Jomier, Mmes Féret et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Bouad, Durain et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal et Tissot, Mmes Préville, Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 9, 10 et 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Il est nécessaire de ne pas entraîner l’automaticité de la majoration d’une telle pénalité. J’entends bien les garanties présentées par M. le secrétaire d’État. Mais si nous gravons un tel principe dans la loi, il sera très compliqué de produire une doctrine contraire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission demande le retrait de l’amendement, qui me semble satisfait par l’article.
Le Gouvernement pourra peut-être confirmer que le dispositif a reçu la concertation des entreprises du secteur maritime, y compris dans son aspect dématérialisé. L’alinéa 5 précise que si les entreprises ne peuvent pas procéder aux formalités prévues au présent article, elles peuvent le faire autrement. Nous maintenons la dématérialisation, mais nous pouvons aussi donner la possibilité de le faire par voie postale ou par télécopie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement ou, à défaut, émet un avis défavorable.
Nous proposons la création de ce dispositif spécifiquement pour les marins non-salariés dans un objectif de simplification.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 quater.
(L’article 15 quater est adopté.)
Article 15 quinquies (nouveau)
I. – La section 5 du chapitre III bis du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° L’article L. 133-9 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « procèdent », sont insérés les mots : « par voie dématérialisée » et, après le mot : « État », sont insérés les mots : « aux déclarations prévues à l’article L. 7122-23 du même code et » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, peuvent procéder aux formalités prévues au présent article par voie postale ou télécopie les personnes qui, en application de l’article 1649 quater B quinquies du code général des impôts, ne sont pas tenues d’effectuer par voie dématérialisée la déclaration prévue à l’article 170 du même code. » ;
2° Après le premier alinéa du 2° de l’article L. 133-9-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La méconnaissance de l’obligation de déclaration ou de versement par voie dématérialisée définie à l’article L. 133-9 du présent code entraîne l’application de la majoration prévue, dans l’un ou l’autre cas, au II de l’article L. 133-5-5. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2021.
M. le président. L’amendement n° 780 rectifié, présenté par M. Jomier, Mmes Féret et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Bouad, Durain et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal et Tissot, Mmes Préville, Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission demande le retrait de cet amendement, qui concerne le spectacle vivant. Comme je l’ai déjà indiqué, le texte apporte déjà des réponses. M. le secrétaire d’État l’a d’ailleurs confirmé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 15 quinquies.
(L’article 15 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 15 quinquies
M. le président. L’amendement n° 837 rectifié, présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 15 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 133-4-11 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « sociales, les » sont remplacés par les mots : « sociales, le paiement est prioritairement imputé sur la créance due au principal, puis le cas échéant sur les majorations de retard et pénalités restant dues et sur les frais de justice. Pour l’affectation du paiement partiel aux sommes dues à titre principal. Les » ;
2° La seconde phrase est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « affecté », sont insérés les mots : « au prorata du montant de chaque créance » ;
b) Les mots : « selon un ordre fixé par décret » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigés : « salariales, puis patronales et enfin aux autres contributions patronales. Toutefois, pour ces dernières, l’imputation est prioritairement effectuée sur les dettes les plus anciennes. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Poursuivre la démarche d’harmonisation des procédures de recouvrement est essentiel, afin d’en rapprocher les modalités pour les sphères fiscales et sociales. La règle la plus favorable aux redevables est toujours d’imputer d’abord les versements sur les dettes dues à titre principal pouvant faire courir des intérêts et des pénalités de retard. Elle doit être sécurisée dans la loi et devenir identique en matière sociale et en matière fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avis favorable.
Le dispositif proposé permet de clarifier l’ordre d’imputation des cotisations et contributions sociales en cas de recouvrement partiel, afin de préserver la garantie des assurés : d’abord, les cotisations salariales ; ensuite, les cotisations patronales ; enfin, les autres contributions patronales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Avis favorable, pour les mêmes raisons de lisibilité et de cohérence.
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-vous de lever le gage ?
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 837 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 quinquies.
L’amendement n° 787 rectifié, présenté par MM. Temal et Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Bouad, Durain et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme S. Robert, MM. Sueur et Tissot, Mmes Préville, Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – 1° L’examen d’éligibilité ainsi que l’accord sur un ou plusieurs droits et prestations mentionnés au 2° du présent article entraîne automatiquement l’examen d’éligibilité ainsi que, le cas échéant, l’accord sur l’ensemble des droits et prestations mentionnés au 2° du présent article.
2° Le 1° du présent article est applicable aux bénéficiaires des droits et prestations suivants :
- l’allocation aux adultes handicapés, et le complément de ressources prévus aux articles L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 821-1-1 dans sa rédaction antérieure au 1er décembre 2019 ;
- la prime d’activité telle que définie au titre 4 du livre 8 du code de la sécurité sociale ;
- le revenu de solidarité active tel que défini à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles ;
- les aides personnelles au logement telles que définies à l’article L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation ;
- l’allocation prévue aux articles 35 et 35-1, dans sa rédaction antérieure au 1erdécembre 2019, de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte ;
- l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et ses compléments prévus à l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale ;
- l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et ses compléments prévus à l’article 10-1 de l’ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l’extension et à la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité de Mayotte ;
- l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et ses compléments prévus au 9° de l’article 11 de l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales ;
- la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ;
- la prestation de compensation du handicap prévue à l’article L. 245-1 du même code affectée aux charges mentionnées au 1° , 4° et 5° de l’article L. 245-3 dudit code ;
- tous les autres droits ou prestations mentionnés à l’article L. 241-6 du même code relevant de la compétence de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du même code.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement a pour objet de lutter contre le non-recours aux aides existantes, qui constitue un réel problème pour les populations concernées. Il s’agit de faire en sorte que l’accès à un dispositif déclenche automatiquement l’examen d’éligibilité aux autres. Cela permettra d’améliorer concrètement la prise en charge des bénéficiaires.
Une étude récente de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) sur le taux de non-recours montre des taux extrêmement élevés, notamment en matière de santé. Le taux serait compris entre 32 % et 44 % pour la couverture maladie universelle (CMU) et entre 53 % et 67 % pour l’aide à la complémentaire santé (ACS). Il est inférieur à 10 % pour les aides aux familles, mais reste significatif.
Parmi les raisons du non-recours, la méconnaissance du public des dispositifs existants arrive de très loin en tête, le coût et la complexité d’accès aux aides occupant la deuxième place. À eux seuls, ces motifs représentant 70 % de l’ensemble des cas.
Aussi, nous proposons que l’accès à une prestation entraîne automatiquement l’étude des droits d’accès à une autre. Un tel amendement, qui nous aurait paru important en temps normal pour répondre à cette problématique, l’est d’autant plus en ces temps de crise sociale profonde ; ce sont bien les populations les plus précaires qui sont les plus touchées. Il nous paraît particulièrement important de permettre aux personnes y ayant droit d’accéder aux prestations légales, et ce afin de lutter contre le phénomène de misère sociale qui se développe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission comprend une telle demande. Les non-recours sur un certain nombre de prestations sociales sont manifestes.
Mais est-ce automatiquement aux caisses d’allocations familiales (CAF), d’examiner les autres prestations auxquelles ces personnes auraient droit ? Sur le principe, il est toujours possible de les consulter ou de s’y rendre, éventuellement en prenant rendez-vous, pour connaître ses droits.
Il ne s’agit ici non pas d’introduire un droit nouveau – il existe déjà –, mais de l’automatiser. Cela induit évidemment une charge différente de travail. Mais cette demande me paraît néanmoins intéressante.
La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous partageons évidemment pleinement l’objectif de lutte contre le non-recours aux prestations sociales, déjà en temps normal et plus encore en cette période de crise, dont vous avez rappelé qu’elle affectait au premier chef les plus modestes de nos concitoyens.
Pour autant, le dispositif proposé se heurte à un certain nombre d’impossibilités matérielles.
Ce qui existe aujourd’hui, c’est la réponse apportée par les CAF à travers les rendez-vous des droits, qui sont proposés aux allocataires et qui permettent d’étudier leur éligibilité aux différentes prestations sociales. Par ailleurs, le portail numérique www.mesdroitssociaux.gouv.fr, à défaut de résoudre toutes les situations, contribue aussi à informer les allocataires et à leur permettre de simuler leurs droits à de nombreuses prestations. Ces rendez-vous des droits se multiplient dans les territoires au sein des différentes CAF. Ces solutions, dont vous avez dressé l’état des lieux, sont encore insuffisantes pour répondre à l’ampleur de l’enjeu qu’est la lutte contre le non-recours.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’est prononcé en faveur de l’amendement de la députée Christine Cloarec-Le Nabour sur l’article 40 bis, qui viendra très prochainement en discussion dans cet hémicycle et qui étend les missions des organismes de sécurité sociale à la lutte contre le non-recours aux droits et aux prestations. Les échanges d’informations entre les organismes seront ainsi autorisés pour détecter, par des techniques dites de data mining, les personnes éligibles aux différentes prestations et les informer de leurs droits, afin qu’elles puissent en faire la demande. Voilà qui constitue une avancée importante.
À l’inverse, l’examen systématique de l’éligibilité à d’autres prestations lorsqu’un allocataire demande le bénéfice d’une première prestation, comme vous le proposez, ne semble pas atteignable. En effet, les organismes n’ont pas accès à toutes les données nécessaires de l’allocataire, par exemple ses ressources, sa situation familiale ou la gravité de son handicap, qui conditionnent le montant d’un certain nombre de prestations. Il faudrait systématiquement demander ces données à l’allocataire, parfois inutilement, puisqu’elles ne se révéleraient pas pertinentes. Cela reviendrait à engager des démarches supplémentaires pouvant ralentir l’ouverture des droits demandés, allant ainsi à rebours de l’objectif que nous visons tous ici.
Il existe une impossibilité matérielle à mettre en place un tel dispositif pouvant créer des effets de bord contreproductifs, et vous allez être amenés à améliorer les dispositifs existants, notamment en permettant aux organismes de sécurité sociale de s’attaquer au problème du non-recours aux prestations sociales en coopération avec les caisses d’allocations familiales. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est très intéressante. La difficulté d’échange de données entre les différentes caisses pose problème, que ce soit pour la fraude ou pour l’accès aux prestations. En revanche, répondre au problème du non-recours par un portail numérique ne me semble pas une solution. Vous indiquez que les allocataires ont accès à un certain nombre de documents sur le portail numérique. Or j’ai étudié le problème du non-recours aux prestations l’année dernière avec Carole Grandjean ; il concerne des personnes dont la situation est telle qu’elles ne peuvent même pas savoir à quoi elles ont droit.
La réponse n’est pas forcément législative. Elle peut être apportée par les organismes ou associations – Banque alimentaire, Restos du cœur… – qui sont en premier lieu en contact avec ces personnes. Sur le modèle du guide de l’usager de l’administration, on pourrait imaginer un guide facilitant la connaissance de l’éventail très large de prestations accessibles aux personnes vulnérables.
Peut-être que la mesure proposée dans cet amendement n’est pas conforme à ce que souhaite le Gouvernement et qu’elle pourrait nuire au dispositif voté à l’Assemblée nationale, mais, là, nous sommes face à une difficulté qui, je le répète, ne se règle pas uniquement d’un point de vue législatif ; c’est aussi un problème d’accès à la connaissance par un public fragile. Il faut la voir comme une mesure d’information qui se généralise par les organismes sociaux. C’est aussi une question de comportement. Il faut aller vers ces publics fragiles, qui se trouvent aujourd’hui dans des situations extrêmement difficiles.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je voterai cet amendement, car le non-recours aux prestations, avec ses implications en termes de non-accès aux droits, est un sujet très important.
Monsieur le rapporteur général, avec tout le respect que j’ai pour vous, je pense que cela fait très longtemps que vous n’êtes pas allé dans une caisse d’allocations familiales. Dans celle de la Loire-Atlantique, quasiment tout se fait par automate et en guichet ; ce n’est qu’en dernier recours que l’on peut avoir un rendez-vous. À chaque convention d’objectifs et de gestion, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) doit rendre des postes.
Il n’était donc sans doute pas judicieux de prendre la CAF comme exemple…
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. L’article 40 bis, introduit par l’Assemblée nationale, prévoit la mise en place d’un échange d’information et de traitement de données personnelles entre les différents prestataires dans un délai de trois ans, afin de permettre la lutte contre le non-recours aux prestations.
Ce que nous demandons dans cet amendement respecte le droit existant. Quand l’examen des droits à d’autres prestations n’est pas possible parce que le droit existant ne le permet pas, il n’a pas lieu. Il n’est écrit nulle part que l’examen s’effectue de manière exorbitante du droit existant ; il est simplement demandé de le mettre en œuvre. Si l’échange d’informations n’est pas possible, il ne se fera pas. Dont acte.
Cet amendement n’est pas la solution ultime au non-recours. De toute façon, il ne peut pas en exister pour un phénomène aussi complexe, qui a de multiples portes d’entrée, comme vient de le rappeler Michèle Meunier.
L’article 40 bis instaure une solution qui n’est pas plus satisfaisante. Il prévoit un échange d’informations pendant un délai de trois ans. Pour le reste, il fait partie de ces articles un peu déclamatoires, à l’instar de certains discours en séance. Or c’est du normatif qu’il faut faire figurer dans la loi ! Dans ses premiers alinéas, cet article manque de normativité : il fait part d’une intentionnalité, sans fournir aucun outil concret permettant de la mettre en œuvre.
Certes, on peut considérer que l’amendement ne résumera pas la politique de lutte contre le non-recours, qu’il n’est pas parfait, qu’il se heurtera à des obstacles et que certaines prestations resteront impossibles à mettre en œuvre. Dont acte. Mais cela ne l’invalide pas pour autant. C’est un outil que nous proposons et que nous souhaitons voir adopté par le Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je rebondis sur les propos de Bernard Jomier. Cet amendement est un outil supplémentaire pour lutter contre le non-recours ; il ne résoudra pas toutes les situations. Reste que, si l’on ne propose pas de solution, à tout le moins des outils complémentaires, la situation n’évoluera pas dans le bon sens.
Aujourd’hui encore, entre 7 % et 8 % des allocataires ne recourent pas à leurs droits, malgré la mise en place dès 2014 des rendez-vous des droits à la CAF, qui ont été étendus aux demandeurs d’emploi à partir de 2017. Cette situation est souvent due à la méconnaissance des dispositifs, à la complexité d’accès à ces aides, mais aussi à l’effet stigmatisant du recours aux aides sociales. Il faut l’entendre et le reconnaître et donner suite à cet amendement, encore plus dans le contexte actuel de crise sociale, économique et sanitaire. Je le rappelle, le Secours catholique vient d’alerter sur l’augmentation très forte des personnes en situation de pauvreté et de grande pauvreté. Cela nous oblige à apporter des solutions.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’ai croisé au cours de ma carrière deux personnes qui s’étaient marginalisées, alors que j’étais persuadé qu’elles percevaient une retraite. L’une d’entre elles était pourtant dans une administration où il y avait des assistantes sociales. Je ne m’y attendais pas du tout. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je voterai également cet amendement, que je trouve juste, généreux et de surcroît respectueux du droit existant, ce qui me semble le plus important.
Monsieur le secrétaire d’État, si j’ai bien compris vos propos, il existerait localement des problèmes de mise en œuvre du droit existant dans les CAF pour les personnes qui peuvent prétendre à tous ces droits. Voilà quelques mois, quelqu’un de haut placé déclarait que des mesures devaient être adoptées « quoi qu’il en coûte ».
Permettez-moi de rappeler que le rôle du Parlement n’est pas de reconnaître qu’on n’a pas les moyens de mettre en place le droit existant ; il est de dire que le droit doit être respecté « quoi qu’il en coûte ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous voterons aussi cet amendement.
Il y a une crise de la confiance dans l’État et la puissance publique. Si l’État ne s’impose rien à lui-même en matière de droits devant être garantis aux plus fragiles, il n’est pas à la hauteur de l’espérance républicaine ! Des droits existent ; il ne faut pas attendre que les gens viennent les réclamer ! Ces droits doivent pouvoir s’appliquer automatiquement, en particulier quand ils concernent un public qui, on le sait, a de grandes difficultés à y accéder.
À l’occasion d’un porte-à-porte, quelqu’un m’a dit : « Mon voisin touche le RSA alors qu’il travaille seulement le samedi dans un garage. » Il imaginait que l’immigré avait droit à tout et que lui n’avait droit à rien. Je lui ai expliqué qu’il s’agissait du RSA complémentaire et j’ai découvert que lui aussi avait des problèmes et se trouvait dans une situation comparable. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne sollicitait pas cette allocation, il m’a répondu : « Je ne passe pas ma vie chez les assistantes sociales ! »
On en revient à ce qu’a souligné Corinne Féret : pour certains de nos concitoyens, il y a une forme de honte à aller demander une aide. Or ce n’est pas une aide ; c’est un droit. Et ce droit doit être déclenché automatiquement. (Mme Esther Benbassa applaudit.)