M. le président. L’amendement n° 197 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime est complété par trois phrases ainsi rédigées : « En particulier, l’utilisation des animaux à des fins d’enseignement et de formation n’est pas strictement nécessaire. Elle est progressivement remplacée par d’autres méthodes pédagogiques. Aucun animal n’est plus utilisé à ces fins après le 31 décembre 2023. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Je rejoins, cette fois encore, M. Bazin.
Aujourd’hui, l’utilisation d’animaux à des fins d’enseignement et de formation ne se justifie d’un point de vue ni éthique ni scientifique. Nous proposons d’empêcher ici leur utilisation après le 31 décembre 2023, ce qui laissera aux acteurs concernés le temps nécessaire pour mettre en place des moyens de substitution et plus respectueux du vivant.
Cette échéance claire peut permettre d’avancer, comme cela s’est produit avec les cosmétiques : depuis 2009, ceux-ci ne peuvent être commercialisés dans l’Union européenne que si ni les composants ni le produit fini n’ont été testés sur des animaux. L’industrie cosmétique était, à l’époque, opposée à cette réglementation…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Je me pose les mêmes questions que sur les deux amendements précédents.
De surcroît, je ne suis pas sûre qu’il soit juridiquement possible d’établir que l’utilisation d’animaux vivants peut ne pas être nécessaire. Pour cette raison fondamentale, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je ne puis vraiment émettre qu’un avis défavorable. J’ai moi-même été dans la nécessité absolue, notamment pour travailler sur des maladies génétiques humaines, d’utiliser les animaux. L’application de la mesure proposée serait extrêmement dangereuse.
Heureusement que j’ai été formée à l’utilisation d’animaux, parce que, sinon, à mon arrivée au laboratoire, il m’aurait fallu environ quatre ans pour être en mesure de le faire correctement, avec l’ensemble des précautions et compétences nécessaires…
S’agissant du premier article additionnel qui vient d’être introduit après l’article 22 bis, il faudra probablement le déplacer, pour qu’il vise spécifiquement les étudiants concernés par l’usage de ces méthodes, et non tous les autres.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Madame la ministre, la mesure que je défends ne vous aurait aucunement empêchée de mener vos travaux de recherche. L’interdiction proposée vise la formation et l’enseignement, sûrement pas l’expérimentation ! Là où celle-ci est nécessaire, elle sera toujours autorisée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22 bis, et l’amendement n° 197 rectifié n’a plus d’objet.
Article 23
I. – L’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France est dissous et mis en liquidation à compter du 1er janvier 2021. La personnalité morale de l’établissement subsiste pour les besoins de sa liquidation et jusqu’à la clôture de celle-ci.
Un arrêté des ministres chargés de l’agriculture, de l’enseignement supérieur et du budget détermine les conditions et les modalités de la liquidation.
II. – La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime est abrogée le 1er janvier 2021.
M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. L’article 23 dissout l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAVFF, une instance encore jeune, puisqu’elle a été créée sous cette forme en 2015, sur l’initiative du ministère de l’agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt.
La création de cet établissement visait à améliorer la coopération entre l’enseignement supérieur et la recherche agronomique, vétérinaire et forestière, afin d’acquérir une meilleure renommée internationale dans ces domaines et d’être en mesure de former les chercheurs et chercheuses qui inventeront de nouvelles solutions pour réussir la transition agroécologique.
En particulier, l’institut devait permettre une meilleure coordination entre les différents établissements, pour qu’ils mènent des stratégies communes et élaborent des projets en commun.
La recherche agronomique, vétérinaire et forestière est indispensable, si nous voulons trouver des solutions durables permettant de réussir la transition écologique sans laisser personne au bord du chemin. Telle est l’ambition qu’incarne l’IAVFF : une ambition vaste, qui a donc besoin de temps pour se concrétiser. C’est pourquoi je m’étonne que l’on ne laisse pas davantage de temps à cet institut pour faire ses preuves : cinq années, c’est bien court…
Madame la ministre, j’ai entendu que les emplois associés à cet organisme seraient conservés, quoi qu’il arrive ; je salue votre vigilance sur ce point. Mais, si j’ai bien compris que, selon vous, cet institut n’a pas fait ses preuves et qu’il faut donc le dissoudre, je n’ai pas bien saisi les raisons qui vous amènent à cette conclusion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Sans revenir, bien sûr, sur les missions assurées par cet institut, il me paraît important de revoir une structure qui ne semble pas avoir fait la preuve de son efficacité.
Le statut d’établissement public issu de la loi du 13 octobre 2014 semble trop lourd, compte tenu des contraintes qui en résultent en matière d’organisation – élections, déplacements, agence comptable –, pour un budget réduit – 1,2 million d’euros – et un peu moins de six ETP.
Le projet de loi retire ce statut à Agreenium, pour le transformer en Alliance Agreenium, structure qui s’appuiera sur une convention de coordination territoriale entre différents établissements d’enseignement supérieur et de recherche agronomique, sous l’égide de l’Inrae. Les emplois seront conservés, voire renforcés au sein de cette alliance, grâce à l’effet de levier lié à l’Inrae.
Je suis défavorable à la suppression de cette mesure, qui me paraît opportune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – L’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France est dissous à compter du 1er janvier 2021. Les biens, droits et obligations de l’établissement sont transférés à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement à compter de cette même date. Ces transferts sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à versement de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts, ni à perception d’impôts, de droit ou de taxes de quelque nature que ce soit.
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit d’un amendement de précision sur la création d’Alliance Agreenium et la place de l’IAVFF en son sein.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Article 24
I. – L’article L. 6142-13 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 6142-13. – Un comité territorial de la recherche en santé est créé auprès de chaque centre hospitalier et universitaire.
« Ce comité est chargé de l’animation et de la coordination territoriale de la recherche en santé entre le centre hospitalier et universitaire, les universités, les établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les établissements publics à caractère scientifique et technologique et les autres organismes de recherche ayant passé une convention d’association avec le centre hospitalier et universitaire dans les conditions prévues à l’article L. 6142-5, ainsi que les collectivités territoriales.
« Il coordonne, sous la responsabilité conjointe du centre hospitalier et universitaire et de l’université ayant conclu la convention mentionnée à l’article L. 6142-3, la mise en œuvre de la politique de recherche en santé, notamment dans le cadre des politiques de sites mises en place avec les organismes de recherche.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment la composition du comité territorial de la recherche en santé. »
II (nouveau). – Le seizième alinéa de l’article L. 713-5 du code de l’éducation est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 6142-13. – Un comité territorial de la recherche en santé est créé auprès de chaque centre hospitalier et universitaire.
« Ce comité est chargé de l’animation et de la coordination territoriale de la recherche en santé entre le centre hospitalier et universitaire, les universités, les établissements de santé, les professionnels de santé libéraux, les établissements publics à caractère scientifique et technologique et les autres organismes de recherche ayant passé une convention d’association avec le centre hospitalier et universitaire dans les conditions prévues à l’article L. 6142-5, ainsi que les collectivités territoriales.
« Il coordonne, sous la responsabilité conjointe du centre hospitalier et universitaire et de l’université ayant conclu la convention mentionnée à l’article L. 6142-3, la mise en œuvre de la politique de recherche en santé, notamment dans le cadre des politiques de sites mises en place avec les organismes de recherche.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment la composition du comité territorial de la recherche en santé. »
M. le président. L’amendement n° 177, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. L’article 24 instaure des instances de coordination des organismes de santé auprès des CHU. Si l’objectif est louable, cette mesure pose manifestement un certain nombre de problèmes – depuis quelques semaines, les remontées du terrain le confirment.
Sans doute la concertation préalable n’a-t-elle pas été suffisante. Sans doute aussi les missions de cette instance de coordination n’apparaissent-elles pas suffisamment claires. Au surplus, l’expérience montre que la coopération a fonctionné mieux, jusqu’à présent, dans le cadre d’instances informelles. Enfin, dans certains endroits, cette instance risquerait d’aggraver encore la complexité d’écosystèmes de recherche développés.
Mes chers collègues, si ces arguments ne suffisaient pas à justifier la suppression de l’article 24, j’ajoute que l’adoption de mon amendement en ferait tomber sept autres, ce qui, à cette heure avancée de l’après-midi, sera peut-être décisif pour votre choix… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet article suscite un fort émoi chez les acteurs de la recherche en santé. Pourtant, il repose sur un diagnostic pertinent : la nécessité d’une meilleure gouvernance, soulignée par notre commission dans un rapport publié pendant le premier confinement.
De fait, la solution proposée n’est pas pertinente, pour les raisons qui sont fort bien exposées dans l’objet de l’amendement.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. En effet, le diagnostic a été fait d’un besoin de coordination ; d’où cette disposition.
Comme le Gouvernement a proposé cet article, il émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. En conséquence, l’article 24 est supprimé, et les amendements nos 137 rectifié et 156 rectifié, les amendements identiques nos 79 rectifié bis, 172 rectifié et 198, ainsi que les amendements nos 173 rectifié et 199 n’ont plus d’objet.
Article 25
Les modifications apportées, postérieurement à la date de publication de la présente loi, aux règles de classement des chargés de recherche et des maîtres de conférences régis respectivement par les dispositions du livre IV du code de la recherche et du titre V du livre IX du code de l’éducation peuvent ouvrir aux agents titularisés dans ces corps avant l’entrée en vigueur de ces modifications et classés dans le premier grade de leur corps le bénéfice d’un reclassement rétroactif selon des modalités fixées par décret. La durée des services accomplis entre la date de leur recrutement et le premier jour du mois suivant celui de l’entrée en vigueur de ces modifications est prise en compte pour ce reclassement dans la limite d’un an. Toutefois, l’ancienneté de service des intéressés dans leur corps continue à être décomptée à partir de la date à laquelle ils y ont accédé. – (Adopté.)
Article 25 bis (nouveau)
Le dispositif de suivi et d’évaluation de cette loi est confié au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) qui remettra au Parlement, tous les deux ans, un rapport sur la mise en œuvre de l’ensemble des mesures qu’elle contient et sur leur incidence en termes d’égalité entre les femmes et les hommes, à partir d’indicateurs définis par décret. Ce rapport sera présenté pour avis au Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE). – (Adopté.)
Article 26
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui dresse un état des lieux exhaustif des politiques menées en faveur de la culture scientifique, technique et industrielle ainsi qu’un premier bilan de la stratégie nationale de culture scientifique, technique et industrielle établie en 2017.
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi
par les mots :
Selon la même temporalité que celle prévue pour la stratégie nationale de la recherche
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 114 est retiré.
Je mets aux voix l’article 26.
(L’article 26 est adopté.)
Article additionnel après l’article 26
M. le président. L’amendement n° 138 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Savin et Bonne, Mme Gruny, MM. de Legge et Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport exhaustif sur l’autonomie des universités et les propositions de nature à la renforcer.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Je sollicite l’indulgence de Mme la rapporteure pour cette demande de rapport au Gouvernement sur l’autonomie des universités – l’ultime amendement à ce texte mérite bien un peu de clémence… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, je regrette de terminer sur une note négative, mais je demande le retrait de cet amendement, au nom de notre position de principe sur les rapports.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Piednoir. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche attendait beaucoup de ce texte, dont elle espérait qu’il lui rende les moyens d’assurer ses missions de service public. Las ! Les promesses se sont transformées en une reconduction ad nauseam du croît budgétaire famélique que votre ministère connaît depuis 2017.
La correction apportée par le Sénat à cette programmation budgétaire est quelque peu salvatrice. J’incite vivement notre rapporteure à la défendre jusqu’au bout en commission mixte paritaire.
De cette loi de programmation budgétaire sans budget, il restera des dispositions qui poursuivent et amplifient le processus ininterrompu de dislocation du service public. C’est un paradoxe, car j’avais cru comprendre de nos débats vos velléités de refuser le modèle anglo-saxon, dont nous n’avons pas assez dit qu’il est profondément en crise.
Si notre pays accepte l’idée que la connaissance est une marchandise et que la concurrence sans limite doit être son mode de régulation, alors nous sommes perdus ! Car jamais votre ministère ne pourra doter nos établissements de capacités financières suffisantes pour lutter dans cette compétition.
Je reste persuadé que le service public constitue un cadre plus propice à la recherche, car il donne aux chercheurs une stabilité qui favorise la prise de risque et la recherche de longue haleine ; au même moment, il garantit à l’État l’indépendance de ses chercheurs au service de l’intérêt général.
Nos chercheurs attendaient de nous de la confiance : je ne comprends pas comment nous avons pu passer d’une déclaration faisant des libertés académiques les conditions de l’exercice et de l’excellence de la recherche à une formule qu’ils perçoivent comme une atteinte à ces mêmes libertés.
De la même façon, pourquoi affaiblir le Conseil national des universités dans son rôle de garant de la valeur nationale des grades universitaires ?
Il serait opportun de corriger ces deux points en commission mixte paritaire.
Pour conclure, je reprendrai une formule qui convient malheureusement bien à une communauté dans laquelle la moitié des salariés sont précaires : madame la ministre, mes chers collègues, il ne faut pas désespérer l’enseignement supérieur et la recherche !
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Comme ma collègue Monique de Marco l’a expliqué dans la discussion générale, ce projet de loi ne correspond pas à notre vision de la recherche, à nous membres du groupe écologiste.
Dans cet hémicycle, les uns et les autres nous ont expliqué l’urgence d’augmenter les ressources allouées à la recherche, en déplorant son sous-financement chronique depuis des années.
Seulement, ce sous-financement n’est pas le résultat d’une calamité naturelle : ce n’est pas le puceron vert qui a grignoté le budget de la recherche année après année ; c’est bien la logique d’austérité qui a conduit la recherche française dans une situation qui nous oblige aujourd’hui à rattraper les erreurs passées.
Nous voilà enfin devant une programmation pluriannuelle destinée à rattraper ces années de sous-financement volontaire. Malheureusement, ici encore, il est impossible pour ce gouvernement de sortir de son dogmatisme. Résultat : de belles ambitions et de belles paroles, mais les efforts budgétaires, vous les laissez à vos successeurs… Sur les budgets que vous aurez à défendre, madame la ministre, l’effort reste largement insuffisant.
Le courage du verbe, mais l’absence d’actes concrets : pour l’écologie comme pour le reste, c’est encore et toujours pareil !
En revanche, pour précariser ou affaiblir les statuts des chercheurs, on remarque une certaine gourmandise de votre part : vous n’alliez tout de même pas vous priver d’affaiblir une nouvelle fois le CDI ou les statuts de la fonction publique.
Une programmation budgétaire insuffisante, une précarisation des parcours professionnels, l’organisation de la compétition entre universités et des annonces antiécologistes : tous ces éléments sont constitutifs d’un texte au mieux inefficace, au pire dangereux pour le monde de la recherche – un texte qui ne mérite pas l’appellation de programmation.
Votre texte se fait contre la communauté universitaire : les réseaux d’enseignants-chercheurs, la société civile et les associations nous alertent depuis des semaines et ont été atterrés par certains de nos débats au Sénat.
En réduisant la programmation budgétaire de dix à sept ans, le Sénat avait pourtant remis un peu de cohérence entre les ambitions et la réalité. Mais les amendements votés ces derniers jours ont aussi conduit à des reculs supplémentaires qui suscitent de très vives inquiétudes, sur les libertés académiques comme sur le mode de recrutement du corps enseignant, dont le processus a été radicalement changé.
Nous voterons donc contre ce texte, qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu financier et qui prolonge une vision de l’université en compétition permanente, conduisant à son affaiblissement.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Je souhaite féliciter Mme la rapporteure, qui a travaillé dans un appréciable esprit d’équilibre et de grande ouverture, ainsi que le président de la commission, qui, par son impassibilité toute britannique (Sourires.), a permis des débats apaisés.
Je souhaite également vous remercier, madame la ministre, parce que vous avez apporté des réponses calmes et précises en refusant toujours – c’est particulièrement appréciable – la polémique et la posture.
Nous allons voter ce texte, certes modifié par le Sénat. Si nous avons voté pour certains amendements que nous jugeons positifs, nous nous sommes abstenus sur d’autres et, quand nous n’étions pas d’accord, nous nous sommes opposés à certaines modifications.
Pour autant, il nous semble que le texte n’est bouleversé ni dans sa structure ni dans son contenu : la programmation est bien là, ainsi qu’un effort budgétaire que nous estimons important et des dispositions en faveur de la simplification de la vie des chercheurs, de l’ouverture sur la société – le Sénat a enrichi le texte en matière de relations avec les collectivités locales – et de la modernisation des outils de financement.
Les piliers sont donc bien là. Les nouveaux contrats, en particulier, ont été maintenus ; je m’en réjouis. Je me félicite également des avancées sur la liberté académique et l’intégrité scientifique.
Trois points restent toutefois en suspens : la durée de la programmation ramenée à sept ans au lieu de dix ; l’abaissement de la proportion de chaires de professeurs juniors de 20 % à 15 % ; enfin, le périmètre des ordonnances.
Nous espérons vivement que la commission mixte paritaire aboutira à un accord. Dans cet esprit, parce que le Sénat a amélioré et enrichi le texte et parce que les quelques divergences qui subsistent ne justifient pas un vote contre, nous voterons pour le texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat.
Enfin, je remercie les services de la commission de leur travail rapide, mais excellent dans un contexte difficile.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je m’associe à l’hommage rendu par M. Bargeton à la rapporteure et au président de la commission. Je les remercie et les félicite de leur travail, qui a permis d’améliorer ce texte.
En ce qui me concerne, je souhaite également rendre hommage à Mme la ministre, qui nous a écoutés et avec qui nous avons eu un échange apaisé ; ce n’est pas toujours le cas en cette Haute Assemblée, et je tiens à l’en saluer.
Nous avons eu des débats sur l’horizon, initialement fixé à 2030, de cette loi de programmation. Alors que les jeunes de ce pays sont confrontés à une situation de crise politique et sanitaire, et parfois à la désespérance, par ce texte nous leur envoyons un message les assurant que nous croyons à la jeunesse de ce pays, à la recherche et à la souveraineté française en matière de recherche.
Nous avons eu sur ce sujet des points de convergence, mais aussi de divergence, en particulier sur la place du privé.
La majorité sénatoriale a salué l’effort de revalorisation et d’attractivité de la recherche qui a été engagé : au fond, elle a salué l’engagement, après des années de désengagement.
Nous avons eu de beaux débats sur les libertés académiques – ceux qui veulent affoler en seront largement pour leurs frais –,…
M. Arnaud Bazin. Tout à fait !
M. Max Brisson. … sur l’intégrité scientifique, sur l’évaluation des établissements, sur la diversification nécessaire des contrats pour permettre à de jeunes talents de trouver leur place. Nous avons eu des débats récurrents sur les crédits d’impôt et leur utilité, cher Pierre Ouzoulias.
Nous avons un point de divergence sur l’intensité de l’effort, car nous jugeons qu’un coup de reins est nécessaire. Après une période de recul et de désengagement, nous saluons la volonté de reprendre la marche en avant. Mais nous estimons que, plus la trajectoire sera resserrée, plus cet effort en faveur de la communauté scientifique sera intense. Nous poursuivrons ce débat dans le cadre des travaux de la commission mixte paritaire.
Les sénatrices et les sénateurs du groupe Les Républicains voteront ce texte amendé et amélioré. Ils sont confiants quant à l’issue des futurs débats de la commission mixte paritaire en vue de parvenir à l’adoption d’un texte favorable à la recherche et à la communauté scientifique de ce pays.