M. David Assouline. La droite reste la droite…
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les étrangers en situation irrégulière qui, après décision de justice et épuisement des voies de recours, ce qui est normal dans un État de droit, sont définitivement soumis à une obligation de quitter le territoire français doivent retourner dans leur pays. C’est une évidence. Nous devons appliquer le droit.
Indépendamment de la situation liée à la covid, qui entraîne un certain nombre de difficultés pour l’administration, notamment en raison de la fermeture, pendant plusieurs mois, de l’espace aérien, se pose la question des laissez-passer consulaires et de la reconnaissance que les étrangers présents sur le territoire national viennent bien des pays concernés. Je suis prêt à étudier toutes les dispositions conformes au droit qui permettent le retour dans de bonnes conditions de ces étrangers en situation irrégulière.
Cependant, je n’aimerais pas que vous cherchiez à démontrer que ce gouvernement serait laxiste et que vous auriez été courageux quand vous étiez en responsabilité, puisque, en moyenne, entre 2007 et 2012, il y a eu 12 000 reconduites à la frontière par an, quand ce chiffre atteint 18 000 aujourd’hui, y compris avec la crise de la covid.
Je ne voudrais pas non plus que l’on fasse un lien entre étrangers et personnes radicalisées. Ce qu’il faut, monsieur le président, c’est être fermes sur nos principes, sur la liberté d’expression. J’ai entendu, ce matin sur RTL, le président de votre groupe, M. Retailleau, qui donne des leçons de fermeté à tout bout de champ (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), dire « oui à la caricature, mais avec une forme respect ». Non, monsieur le président Retailleau, la liberté d’expression est totale, même quand elle gêne ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bruno Retailleau. C’est ce que j’ai dit !
M. Gérald Darmanin, ministre. Elle concerne toutes les religions. M. Ciotti et M. Abad vous ont d’ailleurs corrigé. Oui, je crois que vous devriez retirer vos propos, monsieur Retailleau. Ils ne sont pas de nature à encourager le Président de la République et le Gouvernement à être fermes comme ils le sont depuis ce matin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, je n’ignore pas que des difficultés particulières peuvent se poser en 2020, compte tenu de la situation sanitaire. Je ne le conteste pas. D’ailleurs, les chiffres que j’ai cités datent de 2019.
Au-delà de ce contexte, je trouve qu’il serait utile, une fois les voies de droit épuisées et la situation irrégulière de l’étranger devenue définitive, que l’on puisse travailler sur ce sujet, car, si nous n’obtenons pas de laissez-passer consulaires dans de bonnes conditions de la part des pays sources, nous n’y arriverons malheureusement jamais.
Conditionner les visas à l’obtention de ce laissez-passer peut-être un moyen de discuter. Le Sénat s’était engagé dans cette voie. Je souhaite que nous puissions avancer sur celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
compatibilité des positions du président turc et de la turquie avec son statut d’allié dans l’otan
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Folliot. Madame la ministre de la défense, depuis quelques mois, la multiplication de comportements inamicaux, voire agressifs de la Turquie envers ses alliés de l’OTAN en général et de la France en particulier pose un grave problème.
L’incident avec la frégate Courbet, au mépris des règles de l’Alliance, les explorations sauvages en Méditerranée orientale, au mépris du droit de la mer, la livraison d’armes à la Libye, au mépris de l’embargo décidé par l’ONU, l’intervention au Haut-Karabakh, au mépris des équilibres régionaux, et, pour finir, les insultes contre le président Macron, au mépris des usages diplomatiques les plus élémentaires : tout cela fait beaucoup, tout cela est trop !
Le peuple turc ne saurait être assimilé aux outrances d’un président confronté à une contestation populaire majeure, les lourdes défaites électorales récentes agitant, avec l’énergie du désespoir, un islamisme conservateur et agressif.
Un des symboles en est le sabordage de l’héritage du moderniste et visionnaire Mustafa Kemal, dit « Atatürk », notamment au travers de la transformation de Sainte-Sophie de musée en mosquée.
Nous avons régulièrement abordé ces questions et ces différends au sein de l’assemblée parlementaire de l’OTAN, en relevant notamment que le président turc ne se comportait pas comme un allié respectueux de nombre de principes démocratiques et ignorait les articles fondateurs 4 et 5 du traité de l’Alliance.
Quelle réponse apportez-vous au décalage entre les actes du président populiste Erdogan et les obligations qui lui incombent en tant qu’allié de la France au sein de l’OTAN ? Madame la ministre, selon vous, la Turquie peut-elle et doit-elle rester dans l’OTAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, la Turquie a adhéré à l’OTAN en 1952 et a apporté, pendant de nombreuses années, sa contribution à la sécurité euro-atlantique.
Nous avons pu avoir des différends avec d’autres alliés par le passé, mais aucun n’a jamais porté atteinte à la cohésion de l’Alliance. Et le fait même que la Grèce et la Turquie appartiennent à la même alliance a pu contribuer à apaiser certaines tensions entre ces deux pays.
Mais, depuis quelques mois, nous assistons à une situation tout à fait inédite où la Turquie pratique la politique du fait accompli et adopte une attitude décomplexée au mépris, comme vous l’avez souligné, de bon nombre des intérêts de sécurité de ses alliés et au risque de l’escalade.
Je ne reprendrai pas tous les exemples que vous avez cités, mais je pense notamment à la situation en Méditerranée orientale ou à l’envoi de mercenaires dans le Haut-Karabakh.
Par ailleurs, cette attitude se double des outrances verbales parfaitement inadmissibles des dirigeants turcs qui ont conduit le ministre de l’Europe et des affaires étrangères à rappeler l’ambassadeur de France en Turquie pour consultation.
Le constat que je dresse est celui d’un allié qui ne se comporte pas en allié. Face à cette situation, il n’est qu’une seule attitude possible : rappeler à la Turquie les obligations qui s’imposent à elle en tant qu’alliée.
C’est ce que j’ai fait en juin dernier, lors des incidents avec notre frégate Courbet. C’est ce que j’ai refait la semaine dernière, devant mes collègues de l’OTAN, lors d’une réunion des ministres de la défense, en rappelant que la France serait intraitable face à toute violation du droit international ou à toute remise en cause de la solidarité européenne.
Comme l’a souligné M. Clément Beaune, bon nombre de pays – européens ou non, comme les États-Unis, par exemple – ont condamné publiquement les agissements de la Turquie. Mais au-delà de ces dénonciations, il faut agir. C’est ce que nous faisons, notamment dans le cadre de l’opération Irini, où nous adoptons une posture à la fois de vigilance et de fermeté. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
accompagnement des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
La fermeture partielle ou totale des cafés, des débits de boissons, des restaurants ou encore des hôtels, en raison du manque de clients, est une mesure qui concerne de plus en plus de territoires.
L’explosion du nombre de contaminations de ces derniers jours nous permet de douter de l’efficacité de ces mesures. En dépit des protocoles sanitaires, la question du reconfinement refait surface.
Lors de la première vague, le Gouvernement s’est montré assez réactif sur la prise de mesures compensatoires à l’arrêt d’activité des établissements recevant du public, tels les hôtels ou encore les bars et restaurants.
Toutefois, le défi est aujourd’hui tout autre : alors que nous entrons dans une seconde vague, sans doute plus violente et plus longue, les professionnels du tourisme ne peuvent se satisfaire de mesures compensatoires et doivent se voir proposer un véritable horizon.
Le Gouvernement a présenté un plan France Relance qui prétend « faire la France de demain ». Or, faire la France de demain, c’est s’appuyer sur ses forces, et notamment sur ses territoires. Le tourisme est une de ces forces : les professionnels de ce secteur offrent des emplois durables, non délocalisables. Ce sont également des savoir-faire que le monde entier nous envie.
Il faut penser à demain. Un jour nous vaincrons ce virus ; en attendant, nous devons préserver la filière du tourisme et de l’hôtellerie-restauration.
Aussi, et avant les nouvelles annonces de ce soir, pourriez-vous nous préciser ce que le Gouvernement prévoit pour permettre à ces métiers, qui mettent en valeur nos territoires, de s’adapter concrètement aux mesures imposées par la situation sanitaire ?
Comme vous le savez, dès avant la crise sanitaire, la filière hôtellerie-restauration peinait à recruter. Pourquoi ne pas faire de cette période troublée une opportunité pour favoriser la formation de nos jeunes à ces nombreux métiers, par des dispositifs innovants de formation à distance ou en présentiel, dans les établissements hôteliers et de restauration désormais fermés au public ?
Monsieur le ministre, nous nous devons d’anticiper l’avenir pour préserver cette filière particulièrement touchée par la crise sanitaire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Bruno Le Maire, retenu par les dernières consultations préalables aux annonces que fera le Président de la République ce soir et qui concerneront précisément les secteurs que vous évoquez.
Lundi dernier, à l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire a eu l’occasion de rappeler quel était notre objectif : conjuguer la lutte contre l’épidémie avec le maintien de l’activité et assurer la protection économique dans une situation sanitaire extrêmement inquiétante, comme l’ont encore souligné à l’instant M. le Premier ministre et Olivier Véran.
Notre première responsabilité est de freiner le plus efficacement possible la propagation du virus, tout en permettant à notre économie de produire. C’est la raison pour laquelle l’ensemble du ministère de l’économie, des finances et de la relance est mobilisé pour soutenir les secteurs les plus fragilisés, notamment celui des cafés, hôtels et restaurants (CHR) et ceux qui en dépendent.
Mme Éliane Assassi. C’est un peu tard !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Permettez-moi de rappeler ce qui a déjà été fait. Le fonds de solidarité a été simplifié, renforcé et élargi pour bénéficier à toutes les entreprises sans exception. Toutes les entreprises de moins de cinquante salariés installées dans les zones de couvre-feu et subissant une perte de 50 % de leur chiffre d’affaires peuvent profiter d’une aide mensuelle allant jusqu’à 1 500 euros. Par ailleurs, les entreprises de moins cinquante salariés de ce secteur des CHR peuvent désormais bénéficier de l’aide de 10 000 euros si elles ont perdu 50 % de chiffre d’affaires, sans condition de plafonnement de ce même chiffre d’affaires.
Je rappelle aussi que les exonérations de charges ont été massivement renforcées et que l’indemnisation à 100 % du chômage partiel pour ce secteur a été prolongée jusqu’à la fin de l’année.
Je veux vous assurer, madame la sénatrice, mesdames, messieurs les sénateurs, que les mesures d’urgence seront adaptées au dispositif qu’annoncera ce soir le Président de la République.
M. François Bonhomme. Nous voilà rassurés !
M. Cédric O, secrétaire d’État. À cet effet, M. le Premier ministre détaillera devant la chambre haute, demain à quatorze heures trente, les mesures prises pour lutter contre la propagation de la covid-19.
Dans cette période, je crois que nous devons collectivement prendre nos responsabilités pour assurer une protection à la fois sanitaire et économique. Je veux vous réitérer notre engagement : nous ne laisserons aucune entreprise sur le bord de la route vers la reprise.
gestion de la crise sanitaire
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, depuis le 27 février dernier, nous vous interrogeons sur l’adéquation des moyens de santé publique à la maîtrise et à la prise en charge de l’épidémie. Depuis cette date, qu’il s’agisse des questions au Gouvernement, des travaux de la commission des affaires sociales ou de ceux de notre commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, vous nous répondez : « Nous sommes prêts ! »
Le 14 juillet, le Président de la République disait : « Nous serons prêts pour une deuxième vague ».
Vous nous permettrez aujourd’hui, en attendant les annonces de ce soir et en soulignant la précipitation, la mise en scène et la dramaturgie qui les entourent dans la presse, de douter de cette affirmation du 14 juillet.
Monsieur le ministre, les Français sont aujourd’hui très inquiets. Leur inquiétude tient non seulement à l’épidémie, mais aussi à la manière dont le Gouvernement leur parle.
Vous êtes habile, monsieur Véran, vous maîtrisez le verbe, vous nous parlez avec énergie… On a même souvent un peu d’empathie pour vous, car vous faites un job qui n’est pas facile. Mais cette habileté est aussi faite de beaucoup de semi-vérités : semi-vérité sur les tests, semi-vérité sur la stratégie d’isolement, semi-vérité sur les lits de réanimation – vous en annonciez 14 000, je pense que nous serons plus proches des 7 500… -, semi-vérité sur les vaccins contre la grippe – vous avez répondu voilà quelques instants à une question sur ce sujet, mais, une nouvelle fois, nous n’avons pas bien vu quelle était votre stratégie.
Monsieur le ministre, les Français sont un peuple éclairé, responsable et mature. Quand allez-vous sortir de la posture politique, voire politicienne, pour leur parler à la hauteur de ce qu’ils sont ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame Rossignol, c’est vous qui avez parlé de politique politicienne, et je vais donc me permettre de vous répondre, pour une fois, en termes de politique politicienne. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Madame la sénatrice, comme j’aurais aimé que surgissent de votre question une idée, une proposition ou même une orientation générale à laquelle ni la France, ni l’Europe, ni les États-Unis n’auraient songé pour lutter contre la pandémie la plus meurtrière de notre histoire contemporaine ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Gisèle Jourda. Tracez, dépistez, isolez !
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, comme j’aurais aimé entendre un mot pour les Français, solidaires et forts contre vents et marées, qui attendent de leur classe politique qu’elle fasse preuve, dans cette lutte contre la pandémie, de sa capacité à parvenir, dans un grand moment, à un minimum d’unité nationale et non qu’elle s’en serve comme je ne sais quel marchepied vers je ne sais quelle élection à venir. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Madame la sénatrice, comme j’aurais aimé que vous ayez l’honnêteté de rappeler que j’étais présent dans cet hémicycle, semaine après semaine, pour rappeler à la représentation nationale que l’épidémie n’était pas finie, que nous n’avions pas terrassé le virus et que nous devions rester armés tout au long de l’année pour pouvoir lutter.
Mais non ! À travers votre question, vous vous livrez à une nouvelle attaque en piqué.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En fait, vous n’avez rien à dire !
M. Olivier Véran, ministre. Madame la sénatrice, on ne sauve pas des vies avec des attaques politiques ; on ne soutient pas les soignants avec des attaques politiques ; on n’encourage pas les Français à tenir bon dans cette période difficile avec des attaques politiques.
Mme Gisèle Jourda. Répondez à la question !
M. Olivier Véran, ministre. Avec de telles attaques, madame la sénatrice, comme avec la polémique permanente que certains essaient d’instaurer à un moment où nous avons besoin de solidarité et d’unité nationale, je ne crois pas que vous aidiez votre pays à lutter contre l’épidémie ni à soutenir les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, le Sénat et, au sein du Sénat, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, comme d’autres groupes politiques, vous feront des propositions ; et nous vous en avons déjà fait de nombreuses. Et la manière dont vous les traitez, qu’il s’agisse de l’examen des projets de loi, de nos discussions plus techniques sur la mise en œuvre de la politique sanitaire, ne nous y fera pas renoncer.
Mais permettez-nous de dire aux Français que vous voyagez seuls, que vous pilotez seuls et que vous n’écoutez jamais ni le Parlement ni la société civile. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.)
lutte contre la covid-19
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sabine Drexler. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, tire depuis lundi la sonnette d’alarme : l’épidémie de la covid-19 est incontrôlée et la situation dans nos hôpitaux devient très périlleuse. Certains services de réanimation sont d’ores et déjà saturés. L’épidémie flambe et des Français meurent.
Votre devoir, monsieur le ministre, est non seulement de protéger à tout prix les Français, mais aussi et avant tout d’anticiper. Le Conseil scientifique avait prévu dès juillet dernier une deuxième vague. Aujourd’hui, cette vague déferle, incontrôlée, et les Français ont le sentiment que rien n’a été anticipé depuis la fin du confinement, que rien n’a changé à l’hôpital par rapport au printemps dernier.
Il est vrai que l’organisation hospitalière aurait mérité qu’un plan d’anticipation soit élaboré pendant l’été afin de pouvoir augmenter rapidement le nombre de soignants et permettre l’ouverture d’un plus grand nombre de lits de réanimation.
Monsieur le ministre, plutôt que de dévaloriser certaines professions paramédicales en accordant des autorisations temporaires d’exercice à des personnes qui n’ont pas d’expérience, pourquoi ne pas s’autoriser à surclasser, via un temps de formation, et pour quelques tâches limitées, les aides-soignants et les infirmiers, comme l’a suggéré le professeur Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou à Paris ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Pour le coup, madame la sénatrice Drexler, vous avez parfaitement raison : il faut anticiper et être capable de former davantage de personnels soignants.
Je note que vous n’avez pas suggéré, comme j’ai pu l’entendre çà et là, que nous aurions pu former davantage d’anesthésistes pendant l’été. C’est sans doute que chacun sait ici qu’il faut dix ans pour former un anesthésiste…
Je considère d’autant plus que vous avez raison, madame la sénatrice, que c’est justement ce que nous avons fait. Par « nous », je ne vise pas le Gouvernement ou vous, les sénateurs, mais les régions, les hôpitaux, les facultés, qui se sont organisés.
M. Jacques Grosperrin. Et les cliniques !
M. Olivier Véran, ministre. Nous avons tout d’abord supprimé le concours d’entrée dans les études d’aide-soignant. Nous l’avions d’ailleurs fait dès avant la crise sanitaire, ce que personne ne regrette. Les régions ont augmenté le nombre de places en formation : plus de 1 000 places pour les infirmiers et plus de 1 000, également, pour les aides-soignants. La formation prend du temps, comme vous l’avez souligné, mais nous sommes justement dans l’anticipation en prévoyant que nous pourrions avoir besoin de milliers de soignants supplémentaires dans un an ou deux.
Oui, madame la sénatrice, dans certains territoires, nous recrutons des personnes faisant fonction d’aide-soignant, des agents de soins ayant des missions moins qualifiées. Ce n’est pas déshonorant, je l’ai fait pendant près de trois ans, quand j’étais jeune étudiant : je suis monté jusqu’au niveau d’aide-soignant dans un Ehpad. J’ai effectué des missions pour lesquelles je n’avais pas la qualification requise et je crois avoir fait mon travail avec soin, conviction et attention au service des personnes dont je m’occupais.
Nous voulons aussi faire revenir à l’hôpital ou en Ehpad des soignants qui les ont quittés. La semaine prochaine, vous serez amenés à voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale : 8 milliards d’euros d’augmentation pour les soignants non médicaux, plus de 200 euros net par mois pour les aides-soignants. Voilà un outil d’attractivité, madame la sénatrice, et je pense que vous en conviendrez.
Nous augmentons toutes les capacités de formation de tous les instituts de formation de France et nous mobilisons partout où nous le pouvons : en Nouvelle-Aquitaine, par exemple, Pôle emploi reçoit actuellement en entretien 300 aides-soignants pour les inciter à rester encore dans leur branche professionnelle. De même, dans le Finistère, un dispositif de recrutement d’aide à domicile pour des personnes licenciées du secteur agroalimentaire a été mis en place.
De telles initiatives nous permettent de renforcer les rangs des soignants de plusieurs milliers de blouses blanches que je souhaite remercier pour leur engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Le sujet que je souhaite aborder aurait été au cœur de l’actualité si les crises sanitaire, sécuritaire, économique et sociale n’occupaient pas, à juste titre, tous les esprits.
Avec un budget de 387 milliards d’euros sur sept ans, la politique agricole commune (PAC) 2021-2022 constitue, ce dont je me réjouis, le premier budget européen, même s’il est en recul.
Le 21 octobre dernier, au matin, un accord a été trouvé, après deux ans de négociation, entre les États membres de l’Union européenne. Quels en sont les enjeux ? Il s’agit d’abord du maintien, voire du renforcement, d’un tissu d’agriculteurs maillant notre pays, vivant de leur production, assurant le socle de notre ruralité et donc de notre pays.
Il s’agit ensuite d’assurer la souveraineté alimentaire de la France et une alimentation saine.
Il s’agit enfin de répondre aux évolutions climatiques et environnementales, à la préservation du vivant.
L’accompagnement des mutations à opérer pour s’engager dans une agriculture plus durable, plus raisonnée, est essentiel. Il ne doit pénaliser ni ceux qui sont déjà engagés sur ce chemin, bien contraire, ni ceux qui amorcent cette transformation qu’il faut encourager et protéger, sans jamais oublier l’objectif premier d’indépendance alimentaire. Je pense en particulier aux zones de montagne, où les efforts déjà accomplis seront, je l’espère, reconnus.
Avec cette nouvelle PAC et les 62 milliards d’euros que la France touchera, nous nous engagerons dans un véritable changement de paradigme avec l’obligation de pratiques agronomiques exigeantes comme socle du futur régime d’aides et l’ajout d’écorégimes nationaux pour ceux qui iront au-delà des minima légaux exigibles.
Il apparaît donc essentiel de poursuivre la recherche d’un double équilibre : celui de la cohérence européenne et celui de la reconnaissance de la diversité et de la richesse agricole de la France au titre du plan stratégique national (PSN).
Monsieur le ministre, quelle garantie avons-nous de ne pas aboutir à vingt-sept politiques agricoles nationales divergentes, mais au contraire d’aller vers une convergence des normes ? Quelle différenciation territoriale intégrera le futur plan stratégique national ? Et quid du cofinancement de l’État, au-delà des aides superficiaires au titre des politiques régionales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, vous évoquez effectivement un sujet ô combien important pour tous nos territoires.
Vous le savez, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur cette question, mon seul objectif pour notre agriculture est celui de la souveraineté : nous devons regagner en souveraineté agroalimentaire. Or l’accord obtenu voilà quelques jours sur la politique agricole commune me satisfait en ce qu’il va justement nous permettre de regagner en souveraineté, ce qui n’était pas une mince affaire.
Comme vous l’avez souligné, et contrairement à ce que certains pourraient imaginer, il n’est pas d’agriculture sans agriculteurs. Dans le beau territoire du Cantal qui est le vôtre, il n’est pas possible de faire de l’élevage sans éleveurs. De fait, se pose la question du revenu. Et grâce notamment à l’implication du Président de la République, le budget de la politique agricole commune a été préservé : nous avons atterri à 386 milliards d’euros, alors que la Commission proposait initialement 365 milliards d’euros, soit 20 milliards de moins.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, comme vous l’avez esquissé, il faut une PAC ambitieuse en termes de mesures environnementales. Mais cette ambition environnementale n’est possible que si elle est obligatoire pour tous les États membres : on ne peut accepter qu’un concombre français côtoie, sur nos étals, un concombre venu d’un autre pays européen qui ne réponde pas aux mêmes normes environnementales.
Pour la première fois, cette politique agricole commune va permettre, au titre des écoschémas, de conditionner 20 % à 30 % du paiement direct à des mesures environnementales, et ce de manière obligatoire pour tous les États membres. Nous avons obtenu là une très grande avancée pour nos agriculteurs.
Enfin, je terminerai en posant une simple question : quel secteur d’activité peut aujourd’hui se targuer de conditionner 20 % à 30 % de son activité à des mesures environnementales en sept ans ? Nul autre que l’agriculture. Soyons-en fiers, disons-le et portons haut les couleurs de cet agriculteur qui forge notre territoire et que vous représentez tous les jours. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI – M. René-Paul Savary applaudit également.)