M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Alain Milon. … des étudiants, des aides-soignants, des infirmiers, des internes pour venir en renfort dans les services de réanimation en tant que de besoin ?
Ma question, monsieur le ministre, est simple : espérez-vous sortir un jour la France de cette crise ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président Milon, pour ce qui concerne, d’abord, l’état de préparation, cet été, plusieurs milliers de soignants ont été formés, non pas par le Gouvernement ni par vous, d’ailleurs (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais par les hôpitaux, les facultés, les régions, dont l’action a été déterminante, augmentant les capacités de formation exprès de plusieurs milliers de soignants pour qu’ils puissent participer aux soins dans les services de réanimation.
Cet été, 15 % de lits de réanimation supplémentaires ont été ouverts de façon pérenne dans notre pays. Vous pouvez considérer que c’est peu, mais, pour les hôpitaux qui ont fait cet effort en trois mois, je peux vous garantir que c’est beaucoup !
Monsieur le sénateur Milon, vos chiffres datent : c’était avant-hier qu’il y avait 5 700 lits. Hier, il y en avait 6 400 lits, et, bientôt, leur nombre va monter à 7 500. Pourquoi cette montée progressive ? Bien évidemment, si nous déprogrammions tous les soins d’un coup, le nombre de lits passerait tout de suite à 10 000 ou 11 000, mais, d’une part, ces lits ne seraient pas utilisés aujourd’hui par des malades de la covid, et, d’autre part, des soins utiles pour les Français seraient retardés. Et vous me demanderiez alors, à raison, pourquoi l’on ne soigne pas les Français alors que des lits sont inoccupés !
Monsieur le sénateur, croyez-moi, nous ne testons pas à vide : 1,9 million de tests sont réalisés chaque semaine dans notre pays, avec un taux de positivité de plus de 17 %. Au reste, je me souviens que l’on m’a demandé ici, lors de précédents débats, pourquoi on ne testait pas la population asymptomatique tous azimuts.
Par ailleurs, 100 000 appels sont passés chaque jour par les agences régionales de santé (ARS) et l’assurance maladie auprès des personnes mises à l’abri en raison de la covid.
Quant à savoir qui avait raison et qui avait tort sur la deuxième vague, je rappelle que, lors de l’une de mes dernières interventions dans cet hémicycle, voilà quelques jours – je laisse les Français qui regardent Public Sénat le vérifier ; M. le rapporteur Bas s’en souvient, parce qu’il était d’accord avec moi –, j’ai demandé aux sénateurs de droite et de gauche de ne pas voter, en responsabilité, un amendement, soutenu par tous les groupes, visant à empêcher le Gouvernement de fermer des établissements recevant du public. L’adoption de cet amendement aurait, de fait, autorisé la réouverture des discothèques à Marseille, des restaurants à Lyon ou encore des bars à Saint-Étienne, à telle enseigne qu’une seconde délibération a été demandée dans l’urgence par les sénateurs, voyant l’erreur qui avait été commise. (Marques d’approbation sur les travées du groupe RDPI.)
Plusieurs sénateurs du groupe SER. C’est faux !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Menteur !
M. Olivier Véran, ministre. Alors, s’il vous plaît, pas de leçons ! (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.)
attitude de certains médias moyen-orientaux et contre-mesures à prendre
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, je veux d’abord vous féliciter, vous et l’ensemble du Gouvernement, des mesures de dissolution, prises il y a quelques jours, du collectif Cheikh Yassine et, ce matin, de BarakaCity. Nous les attendions depuis longtemps. C’est désormais chose faite.
Mais, depuis quelques jours, des attaques d’une violence inacceptable contre le Président de la République et contre la France se propagent via des médias des pays arabes et des médias turcs, qui sont autant de vecteurs de haine, pouvant inciter à la violence physique. Tour Eiffel ensanglantée, discours haineux ou gravement antisémites, appels à la violence… La chaîne qatarienne Al-Jazeera en arabe multiplie les attaques, comme la chaîne turque TRT.
On sait que le Qatar et la Turquie soutiennent la mouvance des Frères musulmans, dont j’ai demandé à de multiples reprises l’interdiction en France. Leur leader Youssef Al-Qaradawi, interdit de séjour dans de nombreux pays européens, multiplie les appels à la haine. L’un des derniers en date était un hommage appuyé au travail d’Hitler, dans lequel il précisait que, même en chaise roulante, il irait abattre des juifs !
Nous avons, monsieur le ministre, les outils juridiques : le 4 de l’article 2 de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels, qui a été retranscrite dans la loi du 30 septembre 1986. Les services télévisuels sont soumis au contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), particulièrement vigilant pour réprimer l’incitation à la haine, à la violence ou d’autres manquements. Il y a dix ans, le CSA avait interdit la chaîne du Hamas, Al-Aqsa, et même la chaîne Al-Manar. Or la situation, en 2010, était bien moins grave que celle que nous connaissons aujourd’hui.
Dès lors, ma question est simple, monsieur le ministre : allez-vous engager des procédures pour interdire la chaîne Al-Jazeera et la chaîne TRT des réseaux français ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous remercier des propos d’encouragement que vous avez adressés au Gouvernement de la République pour les décisions difficiles qu’il a à prendre.
Le collectif Cheikh Yassine, créé en 2004, a effectivement été dissous la semaine dernière en Conseil des ministres. L’association BarakaCity, créée en 2010, l’a été ce matin à la demande du Président de la République. D’autres suivront, à la demande de celui-ci. Nous pensons au Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), dont la dissolution sera proposée au Premier ministre dans les semaines qui viennent.
Vous évoquez la question des réactions internationales. Le discours dans lequel le Président de la République a déclaré vouloir couper les influences étrangères des affaires intérieures françaises était juste : en France, nous considérons que les Français de confession musulmane ne relèvent d’aucune puissance étrangère. Nous considérons qu’il s’agit d’affaires françaises, dans le respect de la souveraineté française. Nous dénions à tout dirigeant, aussi grand son pays soit-il – la Turquie, par exemple –, la possibilité de se mêler des affaires françaises.
Troisièmement, vous avez évoqué la question des chaînes télévisées. Je veux apporter deux réponses, sous l’autorité du Premier ministre.
Le CSA est une autorité administrative indépendante qui peut prendre des dispositions. Je sais que le Premier ministre, à la demande du Président de la République, avec la ministre chargée de la culture et de la communication, aura l’occasion d’évoquer ce point avec le président du CSA, pour qu’une éventuelle mesure soit prise. L’autorité administrative indépendante y répondra.
Surtout, nous menons actuellement une négociation très importante : celle de la directive que met en place la Commission européenne. La semaine dernière, le Premier ministre et Clément Beaune ont discuté avec la présidente de la commission et le commissaire Thierry Breton pour que la directive Digital Services Act, dite « DSA », qui permet de lutter contre la haine en ligne et contre un certain nombre de vecteurs de communication, pour les encadrer, voire les interdire, soit transposée dans la loi française via le projet de loi dit « séparatisme », que j’aurai l’honneur de défendre devant le Parlement. Je suis sûr que, à ce moment, vous aiderez la France à avoir les moyens de lutter contre ses ennemis de l’extérieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je suis un peu déçue. Je ne suis pas d’accord pour que l’on attende le projet de loi « séparatisme » !
Nous subissons des attaques tous les jours. Celles, insupportables, qui ont été lancées contre le Président de la République française ne doivent pas continuer.
La directive donne au CSA les moyens de prendre des mesures de suspension provisoire. Il est extrêmement important que l’on n’attende pas une directive européenne et un texte de loi pour prendre des décisions.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Nathalie Goulet. Vous savez très bien que ces vecteurs de haine peuvent entraîner de la violence physique sur nos concitoyens. Samuel Paty l’a payé. Il faut agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
réforme de l’assurance chômage
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Madame la ministre, le Premier ministre a reçu, lundi, avec la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, les cinq centrales syndicales.
Celles-ci vous ont adressé une demande claire, unanime : le retrait définitif de votre réforme de l’assurance chômage. Cette réforme n’a qu’un but : économiser sur l’indemnisation du chômage. C’était déjà terriblement injuste, mais, devant le drame économique qui se joue, c’est indigne, c’est inhumain et c’est contraire à l’avenir des forces du travail, qu’il faut préserver.
C’est tellement vrai que vous n’osez pas appliquer cette réforme. Vous l’avez reportée de trois mois une première fois, puis maintenant une seconde fois. Mais vous persistez à vouloir l’appliquer plus tard. Pourquoi cet entêtement ? Des centaines de milliers d’emplois vont être détruits, menacés, fragilisés par la crise. On annonce près de 1,2 million de chômeurs supplémentaires l’année prochaine. Appliquer cette réforme aujourd’hui serait un scandale, parce que c’est l’inverse de ce qu’il faut : plus de protection sociale, et non pas moins !
Le plan de relance donne beaucoup d’argent aux entreprises, mais le Medef continue de demander des économies sur le chômage. C’est inacceptable.
Ma question est simple, madame la ministre : pourquoi refusez-vous d’entendre l’évidence ? Qu’attendez-vous pour abandonner cette réforme ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, la réforme de l’assurance chômage a, en effet, été abordée lundi, lors de la conférence du dialogue social organisée par le Premier ministre avec les partenaires sociaux.
Compte tenu de la situation sanitaire, il existe aujourd’hui un consensus pour reporter l’application de cette réforme.
Plusieurs sénateurs socialistes. Il faut l’annuler !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Le Gouvernement fait pleinement confiance au dialogue social et aux partenaires sociaux pour trouver de nouveaux équilibres. Il est prêt à adapter des paramètres à la nouvelle situation de l’emploi.
Pour autant, permettez-moi de vous le dire : cette réforme est une bonne réforme. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Elle repose sur deux piliers. Il s’agit, d’une part, d’encourager les entreprises à améliorer la qualité des emplois, et, d’autre part, de s’assurer que ceux qui reprennent une activité sont mieux rémunérés que les demandeurs d’emploi.
Ces principes restent pertinents aujourd’hui, mais il faut évidemment tenir compte du nouveau contexte. C’est pourquoi nous avons annoncé un report de la réforme de trois mois supplémentaires.
L’objectif de ce report est de prendre le temps de discuter des paramètres avec les partenaires sociaux,…
Mme Cécile Cukierman. Les Français veulent de l’emploi !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. … car le Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, est attentif aux difficultés que peuvent rencontrer certains demandeurs d’emploi, notamment les plus précaires.
Mme Éliane Assassi. Retirez la réforme, alors !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Je tiens d’ailleurs à rappeler que nous agissons depuis le début de la crise pour protéger tous les salariés et toutes les compétences. Nous avons mis en place en avril dernier un dispositif d’activité partielle d’une ampleur inédite, lequel a permis de préserver l’emploi de près de 9 millions de Françaises et de Français.
M. Pascal Savoldelli. Vous y croyez ?
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, la situation exige, dans le moment singulier que nous traversons, que nous sachions nous rassembler. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Facile…
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.
M. Pierre Laurent. Madame la ministre, votre réponse n’est pas sérieuse. Si la réforme est bonne, il faut l’appliquer ; si elle est mauvaise, il faut la retirer ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Je veux citer les chiffres qui ont été communiqués lors de la réunion. Selon les projections officielles qui ont été réalisées, si la réforme est appliquée au 1er janvier 2021, elle impacterait à la baisse les indemnités de 1,2 million de chômeurs. Elle permettrait d’économiser 1,5 milliard d’euros en 2021 et 2,6 milliards d’euros en 2022. On donne 100 milliards d’euros au plan de relance et on n’a qu’une obsession : économiser 2,5 milliards en 2022 sur le dos des chômeurs !
Ajouter de l’injustice à l’injustice est toujours une faute, mais, dans la situation actuelle,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Pierre Laurent. … c’est une faute politique impardonnable. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
rôle de la turquie dans les relations internationales
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Depuis des mois, la Turquie de M. Erdogan multiplie les provocations à l’égard de ses alliés occidentaux : chantage aux flux migratoires, achat d’armes russes pour fragiliser l’OTAN, forages gaziers illégaux dans les eaux grecques et chypriotes, offensives contre nos alliés kurdes en Syrie, ingérence en Libye.
Pis encore, de manière irresponsable, au lieu d’agir en faveur de la paix, la Turquie attise le terrible conflit du Haut-Karabakh en envoyant des avions, des drones suicides et des mercenaires pour soutenir l’offensive de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.
Cela n’est pas encore suffisant. Alors que la France vient de traverser un drame épouvantable, le président turc offense, par ses propos, le Président de la République, insultant par là même notre pays, tout entier. Le comble de l’inacceptable est cet amalgame inadmissible avec la situation des juifs dans les années trente, qui donne la nausée.
Monsieur le ministre, va-t-on une fois de plus et sans réagir supporter longtemps d’être le bouc émissaire de la crise économique et politique qui secoue la Turquie ?
Si la Turquie nous trouve aussi infréquentables, va-t-on, par exemple, continuer à lui prêter chaque année 300 millions d’euros – 3 milliards lui ont été avancés depuis dix ans –, montant que l’Agence française de développement (AFD) s’apprête, cette année, à porter à 400 millions d’euros ? Connaissez-vous, monsieur le ministre, un banquier qui prête de l’argent pour se faire copieusement insulter ?
La France, nous dit-on, a, comme ses voisins, des intérêts économiques en Turquie. Je ne les méconnais pas, mais l’appel au boycott des produits français est déjà une réponse qui devrait nous inciter à beaucoup plus de lucidité sur l’avenir de nos entreprises dans ce pays.
Ma question est bien simple : quelles mesures allez-vous prendre, au niveau national comme au Conseil européen de décembre prochain, où le soutien de nos amis est un peu mou,…
M. le président. Il faut conclure.
M. Christian Cambon. … pour sanctionner ce dirigeant nationaliste qui veut jouer à l’empereur ottoman, alors qu’il fait offense à son peuple et à l’histoire même de la Turquie ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDPI, RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président Cambon, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est retenu par un deuil familial.
Je rejoins en tout point ce que vous vous dites sur la Turquie et vous remercie de l’unité que vous permettez par votre soutien. Le dernier épisode du président Erdogan, qui repousse chaque jour les frontières de l’inacceptable – cette fois, en insultant le Président de la République – est révélateur, non pas d’un moment de tension passager, mais de la stratégie d’ensemble de la Turquie, qui, comme vous l’avez décrit, consiste à multiplier les provocations tous azimuts. L’objectif est toujours le même : exercer une pression maximale sur ses voisins et singulièrement, bien sûr, sur l’Union européenne.
Nous avons trop longtemps été naïfs. Puisque vous rappelez les propos qui ont été tenus à l’égard du Président de la République, je crois que c’est l’honneur de la France et du chef de l’État que d’avoir, en particulier tout au long des derniers mois, essayé de dessiller les yeux de l’Union européenne sur ce qu’est la réalité du régime turc actuel et de sa politique étrangère. De fait, du Haut-Karabakh à la Libye, en passant par la Méditerranée orientale et les insultes dont vous avez fait état, c’est la même stratégie qui est à l’œuvre.
Je crois que nous avons été le fer de lance de cette prise de conscience européenne, qui, vous avez raison, n’est pas encore suffisante. Cependant, les mots de solidarité qui ont été exprimés sans ambiguïté ces derniers jours par l’ensemble des dirigeants européens sont aussi un fait nouveau, qui marque l’évolution du consensus vers la position de fermeté qu’a défendue la France.
Nous irons plus loin. Nous continuerons cette stratégie de réactions françaises et européennes. Cela peut passer par de nouvelles sanctions. Je rappelle que la France en avait déjà pris l’initiative l’an dernier, après les forages dans les eaux chypriotes. Nous avons un rendez-vous au Conseil européen de décembre : nous pousserons évidemment en faveur de mesures européennes fortes, dont la possibilité de sanctions.
Il faut être précis : cela ne doit pas être le résumé de notre politique étrangère, y compris à l’égard de la Turquie. Le Président de la République n’a pas hésité non plus à réagir par une présence militaire renforcée, par exemple en Méditerranée orientale, cet été.
Sur la question des financements français et européens, l’Agence française de développement est active depuis 2004 en Turquie. Elle est en train de revoir sa politique d’intervention en Turquie, comme elle doit d’évidence le faire.
Je tiens à signaler, pour lever toute ambiguïté, que, d’ores et déjà, aucune subvention n’est versée à la Turquie. Il existe un certain nombre de prêts, qui ne transitent pas par l’État turc…
M. le président. Il faut conclure.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. … et qui soutiennent un certain nombre d’actions de la société civile. Nous reverrons aussi cette politique française et européenne de prêts à la Turquie, parmi d’autres instruments de réponse, dans les prochains mois.
En tout état de cause, je vous remercie de votre soutien, monsieur le président Cambon. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
impact de la crise sur l’emploi et l’insertion
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous le savons depuis plusieurs mois, la crise sanitaire qui s’est abattue sur notre pays est aussi une crise économique et sociale. La deuxième vague et les mesures qui vont être prises dans les prochaines heures vont encore prolonger les terribles effets de ces restrictions pour beaucoup de Français.
Ainsi, 1 million de Français sous le seuil de pauvreté ont rejoint les plus de 9 millions qui y étaient déjà, chiffre en augmentation depuis 2018. Face à cette situation dramatique, il aurait fallu réagir plus en amont, plus rapidement et plus efficacement.
Vos annonces de samedi dernier ne répondent pas à ces trois impératifs. Vous pratiquez un saupoudrage qui ne prend pas en compte l’ampleur de ce qui est déjà là et encore moins de ce qui attend notre pays. Votre plan est centré sur l’insertion par l’activité : cela est certes nécessaire, mais insuffisant, en particulier compte tenu des perspectives de créations d’emplois qui sont celles d’aujourd’hui.
Les jeunes les plus précaires, les nouveaux précaires sont sortis de vos radars. À ceux-là, vous proposez des aides exceptionnelles et ponctuelles, quand la deuxième vague nous confirme qu’un grand nombre de Français risquent de s’installer dans une précarité sur un temps long. Il faut donc ouvrir le revenu minimum aux jeunes pour les empêcher de sombrer, revenir sur votre réforme des aides personnalisées au logement, revaloriser les minima sociaux, augmenter la part du plan de relance pour soutenir les plus précaires, notamment en ce qui concerne l’aide alimentaire.
Les associations caritatives nous ont dit que cette demande explosait depuis six mois. Elle a parfois été multipliée par deux, voire par trois. Ne nous répondez pas qu’il ne faut pas laisser les populations stagner dans les minima sociaux : la question n’est plus là. La seule qui doit se poser est la suivante : allez-vous enfin adapter votre politique de lutte contre la pauvreté à la situation actuelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les conséquences de la crise sur l’emploi et l’insertion.
Vous l’avez rappelé, le Premier ministre a annoncé samedi plusieurs mesures pour lutter contre la pauvreté et la précarité. Ces mesures s’ajoutent à celles qui avaient déjà été prises précédemment.
Nous nous battons et nous nous battrons pour ne laisser personne sur le bord de la route. C’est pourquoi nous augmentons de nouveau le nombre de places en insertion par l’activité économique (IAE) : aux 100 000 places prévues s’ajouteront 30 000 places supplémentaires, comme l’a annoncé le Premier ministre. Le budget pour 2021 prévoyait déjà 1,2 milliard d’euros pour l’IAE, soit 204 millions de plus qu’en 2020.
Samedi, le Premier ministre a annoncé 150 millions d’euros supplémentaires pour l’IAE. C’est inédit et essentiel. L’insertion par l’activité économique sera l’une des clés pour lutter contre le chômage, donc pour lutter contre la précarité.
Madame la sénatrice, nous entendons l’urgence sociale et économique. C’est pourquoi nous avons reporté la réforme de l’assurance chômage de trois mois. Je répète que cette réforme est une bonne réforme, mais elle doit être adaptée à la situation. Le Gouvernement s’est donc donné trois mois supplémentaires pour dialoguer avec les partenaires sociaux. Certains paramètres vont être adaptés.
Plus précisément, le contexte sanitaire et économique a mis en lumière les difficultés pour les personnes en contrat court. Un nombre important de salariés précaires qui parvenaient, avant la crise, à enchaîner suffisamment de contrats courts pour maintenir un certain niveau de revenus ne le peuvent plus. Il s’agit des saisonniers, des extras de l’hôtellerie et de la restauration ou de l’événementiel, mais pas seulement. Nous sommes très attentifs à leur situation et cherchons actuellement des solutions.
Madame la sénatrice, vous le comprenez, nous ne laisserons personne sur le bord du chemin.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, votre réponse est pour le moins très évasive ! Elle montre que vous n’êtes pas très sensible à l’urgence sociale qui se fait jour aujourd’hui.
J’aurais aimé une réponse à la fois précise et concrète pour tous les gens qui viennent frapper à la porte de nos centres communaux d’action sociale ou des associations, voire qui n’osent même plus y entrer, parce qu’ils sont dans des états de détresse absolue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
politique migratoire du gouvernement
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Le 18 octobre dernier, le conseil de défense a annoncé que 231 personnes étrangères en situation irrégulière et soupçonnées de radicalisation seraient reconduites dans leur pays d’origine.
Au-delà de leur cas particulier se pose la question de l’efficacité de notre système en matière de retour dans les pays d’origine des personnes étrangères en situation irrégulière sur notre territoire.
En 2019, plus de 122 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été prononcées, mais moins de 15 000 ont été exécutées. En 2018, le Sénat a voté, dans cet hémicycle, une disposition assez simple pour obtenir des laissez-passer consulaires des pays sources, consistant à conditionner l’obtention de visas au fait que les pays acceptent de recevoir sur leur territoire leurs ressortissants étrangers dès lors qu’ils sont en situation irrégulière en France.
M. Stéphane Piednoir. Absolument !
M. François-Noël Buffet. Compte tenu des circonstances, mais aussi au-delà, pourriez-vous, monsieur le ministre, reprendre à votre compte cette proposition du Sénat, qui, malheureusement, avait fait l’objet, à l’époque, d’un refus du Gouvernement et d’un désaccord de l’Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)