M. le président. En conséquence, l’article 6 est supprimé, et les amendements nos 3 rectifié, 4 rectifié, 5 rectifié et 6 rectifié n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 5 (suite)
M. le président. Nous en revenons à l’amendement dont le vote a été précédemment réservé.
Notre collègue Rémy Pointereau ayant accepté de modifier son amendement dans le sens suggéré par la commission, je suis à présent saisi d’un amendement n° 21 rectifié ter, présenté par M. Pointereau, Mme Deroche, MM. del Picchia, Cardoux, Karoutchi, Savin, Courtial et Lefèvre, Mme Berthet, M. Pellevat, Mme Belrhiti, M. D. Laurent, Mmes Raimond-Pavero et Noël, MM. Le Gleut et Cuypers, Mme L. Darcos, M. B. Fournier, Mme Deromedi, M. Paccaud, Mme Thomas, M. Pemezec, Mmes F. Gerbaud et Imbert, MM. Bascher, Savary et Brisson, Mme Richer, MM. Piednoir, Sido, Hugonet, Guené, Rietmann, Perrin, Anglars, de Legge, Calvet, Panunzi, Vogel et H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Laménie, Bouchet, Mouiller, Sautarel et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Chevrollier et Mme Gruny, et ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 88-7 de la Constitution, il est inséré un article 88-… ainsi rédigé :
« Art. 88-…. – Les mesures assurant la transposition d’un acte législatif européen n’excèdent pas les objectifs poursuivis par cet acte. »
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par Mmes Jacques, Tetuanui et Petrus, MM. D. Laurent, Brisson et Bascher, Mmes Deroche et M. Mercier et MM. Savary et Charon.
L’amendement n° 22 est présenté par M. Lurel et Mme Jasmin.
L’amendement n° 25 est présenté par M. Théophile.
L’amendement n° 28 rectifié bis est présenté par M. Patient et Mme Phinera-Horth.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Constitution est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 72, les mots : « les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 » sont remplacés par les mots : « les pays d’Outre-mer » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article 72-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chacune des collectivités régies par l’article 73 accède au statut de pays d’Outre-mer prévu aux articles 72-5 et 72-6 à compter de l’entrée en vigueur de la loi organique fixant son nouveau statut particulier, adoptée dans les conditions prévues au I de l’article 72-5 après le recueil du consentement des électeurs sur les éléments essentiels de ce statut. Les collectivités d’Outre-mer régies par l’article 74 accèdent de plein droit au statut pays d’Outre-mer. L’adoption des modifications de leur précédent statut destinées à le rendre conforme aux articles 72-5 et 72-6 est subordonnée au consentement de leur assemblée délibérante. Les articles 73 et 74 sont respectivement abrogés, pour chaque collectivité, à compter de l’entrée en vigueur des dispositions du présent article. » ;
3° L’article 72-4 est ainsi rédigé :
« Art. 72-4. – Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition de l’Assemblée nationale, du Sénat ou de l’assemblée délibérante ou d’une fraction du corps électoral intéressé, peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située Outre-mer sur toute question l’intéressant et relevant de la compétence des pouvoirs publics constitutionnels.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par une loi organique. » ;
4° Après le même article 72-4, sont insérés deux articles 72-5 et 72-6 ainsi rédigés :
« Art. 72-5. – I. – Chacun des pays d’Outre-mer dispose d’un statut particulier qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République. Ce statut lui permet de s’administrer ou de se gouverner et de gérer démocratiquement ses propres affaires et d’exercer un pouvoir normatif autonome dans le domaine de la loi ou du décret. Les lois et règlements doivent, le cas échéant, être adaptés à l’organisation particulière de chaque pays d’Outre-mer et aux contraintes et caractéristiques de leur territoire.
« L’adoption et la modification des éléments essentiels du statut d’un pays d’Outre-mer, tels que définis par la loi organique et qui concernent notamment l’exercice des compétences particulières du pays d’Outre-mer ou son régime législatif, sont subordonnées au recueil préalable du consentement des électeurs intéressés. Toute autre modification peut leur être soumise pour approbation dans les conditions de forme et de procédure prévues à l’article 72-4.
« Aucune compétence particulière d’un pays d’Outre-mer ne peut lui être retirée sans le consentement de son assemblée délibérante ou, le cas échéant, de ses électeurs.
« Les modalités d’application des deux premiers alinéas du présent I sont fixées par une loi organique.
« II. – Le statut de chaque pays d’Outre-mer est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe :
« 1° Les conditions dans lesquelles les dispositions législatives et réglementaires intervenant dans le domaine de compétence de l’État y sont applicables, et celles dans lesquelles elles y sont étendues ou adaptées, ou y font l’objet de dispositions particulières, le cas échéant, avec l’accord des institutions du pays, ainsi que les conditions dans lesquelles les engagements internationaux de la France sont applicables dans chaque pays d’Outre-mer ;
« 2° La répartition des compétences respectives de l’État et du pays d’Outre-mer, conformément à l’article 72-6, et les modalités d’exercice des compétences du pays ; le statut peut prévoir la possibilité pour un pays d’Outre-mer de se voir ultérieurement attribuer de plein droit, à sa demande et à la date fixée par ses institutions, l’exercice de certaines compétences ;
« 3° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer sont consultées, avant leur adoption, sur les dispositions législatives et réglementaires prévues par les autorités compétentes de l’État et comportant des dispositions particulières au pays ;
« 4° Les conditions dans lesquelles certains actes des institutions du pays d’Outre-mer sont adoptés, approuvés ou ratifiés par les assemblées parlementaires ou leurs commissions ou par le Gouvernement, le cas échéant, sous la forme d’une décision tacite née au terme d’un délai déterminé, ou font l’objet d’un avis conforme du Conseil d’État ;
« 5° Les règles et principes généraux gouvernant la composition, l’organisation et le fonctionnement des institutions du pays d’Outre-mer, ainsi que les modalités de mise en œuvre du droit de pétition et du référendum local ;
« 6° Les modalités de l’exercice du contrôle juridictionnel spécifique par le Conseil d’État des actes de son assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi ; ces actes peuvent s’appliquer aux contrats en cours et, le cas échéant, sauf en matière répressive et pour des motifs impérieux d’intérêt général ou en cas de circonstances exceptionnelles, régler les conséquences juridiques pour l’avenir de faits situés dans le passé ;
« 7° Les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut notamment se prononcer, par voie d’action ou par voie d’exception, sur la conformité des lois aux dispositions du présent article, des articles 72-3 et 72-6 et à celles du statut de chaque pays ;
« 8° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer peuvent saisir pour avis le Conseil d’État d’une question relative à l’interprétation de leur statut ou à l’applicabilité d’un texte législatif ou réglementaire sur leur territoire ;
« 9° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer peuvent modifier les dispositions législatives lorsqu’elles sont intervenues dans leur domaine de compétence ;
« 10° Les conditions et limites dans lesquelles les actes de l’assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi peuvent être soumis à référendum, y compris à l’initiative d’une fraction du corps électoral.
« III. – Les autres modalités de l’organisation particulière de chacun des pays d’Outre-mer sont fixées par la loi.
« IV. – Chaque pays d’Outre-mer est représenté au Sénat.
« Art. 72-6. – I. – Dans chacun des pays d’Outre-mer, les compétences de l’État comprennent notamment, sans préjudice de celles antérieurement exercées dans le cadre du statut précédemment en vigueur, la nationalité, les droits civiques, les garanties des droits fondamentaux et des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation et le contrôle de la justice, le droit pénal général, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération peut être précisée et complétée par des lois organiques.
« Les autorités des pays d’Outre-mer peuvent toutefois, dans les conditions et limites fixées par leur statut et par exception aux dispositions de l’alinéa précédent, adopter des mesures relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions aux règles qu’elles édictent, dans le respect de conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique et des droits constitutionnellement garantis.
« Les pays d’Outre-mer peuvent participer à l’exercice de certaines des compétences mentionnées au premier alinéa sous le contrôle des autorités de l’État.
« L’État et un pays d’Outre-mer peuvent en outre exercer en commun certaines compétences.
« II. – Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent être consultées, informées ou associées, selon le cas, aux décisions de politique étrangère concernant leur territoire. Un pays d’Outre-mer peut être membre d’une organisation internationale, disposer d’une représentation auprès d’États ou d’organisations internationales, négocier des accords avec ceux-ci, dans son domaine de compétence et, sans préjudice de l’accord des autorités compétentes de la République, conclure ces accords.
« Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent, selon le cas, être informées, consultées ou associées quant à la négociation des engagements internationaux de la France destinés à s’appliquer sur leur territoire, et être appelées à approuver l’entrée en vigueur de ceux d’entre eux qui interviennent dans le domaine de ses compétences.
« La procédure de modification du statut d’un pays d’Outre-mer au sein de l’Union européenne, dans les conditions prévues par les traités mentionnés à l’article 88-1, ne peut être engagée par la France sans leur consentement préalable.
« Les institutions des pays d’Outre-mer sont associées par le Gouvernement à l’élaboration des projets d’actes mentionnés à l’article 88-4, ainsi qu’à la définition de la position de la France s’agissant des mandats de négociation des accords à conclure par l’Union européenne avec les États tiers, lorsque ces actes ou ces accords sont susceptibles de les affecter directement.
« III. – Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent adopter des règles relevant de la loi ou du décret, ou décider d’étendre ou d’adapter localement les lois et décrets applicables en métropole, ou être appelées à approuver cette extension ou cette adaptation.
« Lorsque cette participation d’un pays d’Outre-mer aux compétences que l’État conserve, prévue au troisième alinéa du I, s’exerce dans le domaine de la loi, ses actes peuvent entrer en vigueur dès leur approbation selon l’une des procédures prévues au II de l’article 72-5.
« IV. – Chaque pays d’Outre-mer peut prendre des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de sa population de nationalité française et des citoyens de l’Union européenne, en tenant compte de la durée suffisante de résidence ou des liens personnels ou familiaux, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier.
« V. – Les pays d’Outre-mer peuvent, si leur statut le prévoit, exercer par analogie les compétences dévolues aux catégories de collectivités territoriales mentionnées à l’article 72. Dans ce cas, les modalités d’exercice de ces compétences sont déterminées par la loi.
« Les deuxième et troisième alinéas du I de l’article 72-5 ne sont pas applicables aux compétences attribuées à un pays d’Outre-mer en application du premier alinéa du présent V. »
La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.
Mme Micheline Jacques. Cet amendement vise à mettre en œuvre les préconisations du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la différenciation territoriale postérieures à la présente proposition de loi constitutionnelle, tout en offrant une base aux futurs travaux du groupe de travail.
En prévoyant d’insérer deux articles 72-5 et 72-6 dans la Constitution, il vise à préserver les articles 73 et 74 de la Constitution. Cette rédaction permet, sans obliger, un plus grand large champ de différenciation pour les collectivités qui le souhaitent. C’est le cas de Saint-Barthélemy. Surtout, cette rédaction vise à apporter une réponse aux aspirations expérimentées en résolvant certains blocages, en renforçant les garanties constitutionnelles portant sur la place des électeurs, le respect de leurs décisions et avis et ceux des assemblées locales.
Ainsi, cet amendement tend à créer la catégorie de pays d’outre-mer et vise à organiser le maintien provisoire des articles 73 et 74, qui ne seraient abrogés à l’égard des territoires qu’avec l’entrée en vigueur du statut de pays d’outre-mer. Chacun disposerait d’un statut fixé par une loi organique dont les éléments essentiels ne pourraient être modifiés sans l’accord des électeurs, voire de l’assemblée délibérante concernée. Ce cadre permettrait une grande liberté de différenciation allant de la plus large autonomie à la plus large identité législative.
L’architecture, à cette fin, serait la suivante. Premièrement, un nouvel article 72-5 comportant des éléments propres à ce statut. Il innove sur plusieurs points tels que l’impossibilité de retirer à un pays d’outre-mer, sans son accord, ses compétences particulières, ou encore en renforçant l’efficacité des procédures d’approbation de certains actes ou la démocratie locale. Deuxièmement, un nouvel article 72-6 décrivant les compétences des pays d’outre-mer en reprenant pour l’essentiel les compétences régaliennes dont l’État ne peut se dessaisir, sous réserve du cas du droit pénal spécial. Les possibilités d’association des pays d’outre-mer aux décisions les concernant en matière internationale et européenne seraient renforcées.
Par ailleurs, les dispositions des articles 72, 72-3 et 72-4 sont modifiées pour tenir compte de la création des pays d’outre-mer.
Conformément à l’esprit de concertation devant prévaloir à la refonte des dispositions sur l’outre-mer de la Constitution, cette proposition a vocation à être affinée. Il s’agit de prendre acte d’une direction. Attendre l’unanimité reviendrait toutefois à conférer un droit de veto à une ou à plusieurs collectivités sur les autres, ce qui est à rebours de la philosophie semblant devoir présider à cette réflexion.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 22.
M. Victorin Lurel. Je ne répéterai pas l’argumentation de Micheline Jacques, que j’approuve. Ce texte est le plus abouti que je connaisse. Cela fait trente-trois ans que je suis en politique, cela fait une trentaine d’années que je travaille sur ces sujets. Évidemment, il n’existe pas de rédaction parfaite, mais j’ose dire que ce texte est le meilleur de tous ! Je suis convaincu, ici, à Paris, dans cet hémicycle, de ce que je dis à mes collègues de l’Hexagone : il faut banaliser la question de la place au sein de la République.
L’article 53 de la Constitution concerne les cessions de territoire. Chaque fois qu’il y a un problème – la Nouvelle-Calédonie en sait quelque chose –, il a fallu modifier la Constitution. Vous feriez œuvre de grande sagesse et de belle science en adoptant cet amendement, ce que j’appelle de mes vœux, car il vaudrait pour des décennies. La question de l’appartenance au sein de la République ne se poserait plus pour nos arrières petits-enfants !
J’ai écrit un bouquin en ce sens, puisque la question est soulevée depuis quelque temps par des minorités actives, pour dire posons la question tous les trente ans : « voulez-vous rester ou non Français ? » Porto Rico organise un référendum sur son statut, pourquoi pas nous ? De la sorte, la question serait réglée et, tout en étant dans le cadre de la République française, chacun pourrait évoluer. Celles et ceux qui voudraient rester comme aujourd’hui dans le statu quo, sans le sacraliser, pourraient le faire. Celles et ceux qui voudraient prendre un petit degré ou un grand degré d’autonomie, avec les responsabilités qui l’accompagnent, pourraient le faire.
Ce texte est d’une grande plasticité, d’une belle audace et d’une grande beauté : je vous appelle à le voter.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 25.
M. Dominique Théophile. L’essentiel a été rappelé, mais je ne peux manquer de saluer cet accord presque historique sur ce sujet – Victorin Lurel et moi-même nous sommes souvent affrontés sur la question – qui fait débat chez nous depuis la loi du 13 décembre 2000, qui instituait le congrès des élus départementaux et régionaux pour nous permettre de débattre de toute question liée à l’évolution institutionnelle. Nous avons travaillé sur ce point pendant des années, petit à petit nous avançons, et je crois qu’aujourd’hui nous sommes parvenus à maturité sur l’orientation que nous devons prendre.
Dans l’esprit de nos compatriotes, les articles 73 et 74 étaient mal vus. On cataloguait, on caricaturait : ceux qui relèvent de l’article 73 sont des faibles ; ceux qui relèvent de l’article 74 sont des forts, mais ils veulent quitter le giron, etc. Bref, nous avons analysé l’ensemble de cette question et nous nous sommes rendu compte qu’il fallait mettre en œuvre une boîte à outils dans laquelle chacun viendrait prendre ce dont il a besoin. Les pays d’outre-mer ne sont pas tous les mêmes, ils ne forment pas un bloc, chaque territoire, quand il est question d’évolution institutionnelle et de pratique des institutions, ne raisonne pas de la même manière que les autres.
Dépassionnons le débat entre l’article 74 et l’article 73 en fusionnant et en créant une boîte à outils. De la sorte, chaque territoire pourrait évoluer en fonction de ses orientations, de ses projets et de sa vision, tout en restant dans le cadre de la République.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié bis.
M. Georges Patient. Je partage, bien sûr, les arguments exposés par mes différents collègues. J’ajoute simplement qu’en Guyane nous sommes quasiment dans le concret, puisque nous travaillons déjà en congrès. Or nous avons opté à l’unanimité pour un statut sui generis empruntant à la fois à l’article 73 et à l’article 74. Nous avons ainsi dépassionné tous les débats et nous avançons actuellement en toute transparence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Si je résume, vous êtes favorables à la suppression de l’article 73 et de l’article 74 pour les fusionner. Or ces amendements ne visent pas à les supprimer ! Si vous considérez que ces amendements sont à ce point consensuels qu’ils pourraient emporter un vote unanime, ce qui nous permettrait d’avancer et de traiter les points qui font blocage, demandons alors au président de la commission des lois une mission d’information sur ce point. Ainsi, nous conserverions un formalisme qui nous permettrait d’aller de l’avant.
Il ne s’agit pas d’enterrer votre proposition. Si telle avait été notre intention, jamais nous n’aurions demandé que la rédaction initiale visant à fusionner les articles 73 et 74 figure dans ce texte constitutionnel. C’est la preuve irréfutable de notre volonté d’avancer ensemble sur toutes ces questions, quand bien même des arbitrages seront à prendre.
Quoi qu’il en soit, il importe que nous éclairions l’ensemble de nos collègues sur l’étendue d’une telle mesure, aussi intéressante et consensuelle soit-elle, et quand bien même les nouveautés que vous souhaitez introduire paraissent déterminantes.
Je le redis avec gravité et solennité. Nous n’avons nullement la volonté de balayer cette disposition, sinon nous n’aurions pas proposé au pied levé de revenir sur ce qui figurait initialement dans le texte. Nous avons au contraire la volonté de progresser. Une mission d’information nous permettrait de déboucher sur un texte constitutionnel. Il importe, en effet, que l’Assemblée nationale nous suive dans nos travaux, faute de quoi nous n’avancerions collectivement pas sur ces sujets.
J’insiste, notre intention n’est pas de rejeter les propositions du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer. J’ai d’ailleurs souligné l’excellence du travail réalisé par notre ancien collègue Michel Magras et par l’ensemble des collègues présents dans l’hémicycle. Mais, de facto, je demande le retrait de ces amendements ou, à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les pays d’outre-mer (POM) que vous proposez comme catégorie nouvelle sont destinés à se substituer aux collectivités d’outre-mer, régies par l’article 74 de la Constitution, et aux départements et régions d’outre-mer (DROM), régis par l’article 73 de la Constitution. Les collectivités d’outre-mer deviendraient automatiquement des POM tandis que les DROM entreraient dans cette catégorie après adaptation d’un statut défini par une loi organique et après recueil du consentement des électeurs intéressés.
Au-delà de ces dispositions, ces amendements comprennent plusieurs mesures.
D’abord, ils visent à prévoir un nouveau régime dans lequel ces pays seraient dotés d’une autonomie renforcée définie par leur statut. À titre d’exemple, les amendements visent à prévoir que le statut des POM leur permet d’exercer un pouvoir normatif autonome dans le domaine de la loi ou du décret, ou de subordonner l’adoption de dispositions particulières relatives à ces collectivités à l’accord de leurs institutions. Cela revient à constitutionnaliser un domaine réservé que le législateur ne pourrait plus modifier sans leur accord.
Ensuite, ils visent à prévoir qu’un pays d’outre-mer peut être membre d’une organisation internationale, disposer d’une représentation auprès d’États ou d’organisations internationales, négocier des accords sans préjudice de l’accord des autorités compétentes de la République.
Tout cela va au-delà de ce qui a été débattu, c’est-à-dire la fusion de ces territoires en pays d’outre-mer. Je ne suis pas sûre que tout le monde soit complètement d’accord. Un département comme Mayotte, très attaché à son statut, qui ne souhaite pas une loi organique ni s’appeler pays, risque de voir négativement la création d’une nouvelle catégorie de ce type.
Si, en tout état de cause, il fallait avancer vers une évolution systémique, la plus importante depuis 2003, il convient de mettre en place une large concertation avec les élus et l’ensemble des territoires concernés. Je rejoins donc la proposition du sénateur Mathieu Darnaud : si votre intuition est bonne, il faut la confronter aux autres territoires pour qu’ils l’examinent. Je crois qu’il importe de poursuivre les échanges et les concertations sur ce sujet. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Ça fait trente ans qu’on nous dit « entendez-vous d’abord » ! Mais il y a onze pays habités, il y aura toujours ici ou là des nuances, voire des oppositions, c’est une évidence !
Avec le texte qui est présenté, nos amis de La Réunion ou de Mayotte seront libres d’évoluer ou de ne pas bouger. Ces amendements vont même plus loin que le texte actuel : ils tendent à donner à un pourcentage de la population – ça peut être 5 %, 10 % ou 15 % – la possibilité de déclencher la consultation, comme pour un référendum d’initiative populaire. On donne donc à chacun des marges de liberté au sein de la République.
Monsieur le corapporteur, nous sommes en train de rater une chance historique. J’ai été quinze ans député, et ça fait maintenant trois ans que je suis sénateur. J’ai aussi été président de région et maire. C’est la première fois que je vois dans un hémicycle, de manière transversale, des personnalités de camps différents, avec des idéologies ou des visions séparées, se mettre d’accord pour dire : n’ayons plus peur !
Madame la ministre, vous avez lu notre amendement d’une certaine manière, mais on connaît notre texte ! Je peux vous fournir une pile de documents d’experts. Ça fait des années qu’on nous fait le coup et qu’on nous répond : entendez-vous d’abord ! La preuve, c’est que nous avons fini par nous entendre !
Aujourd’hui, les corapporteurs ont proposé un texte. Comme il n’est pas abouti, pensant que nous ne parviendrions pas à nous entendre, j’avais demandé la suppression de l’article concerné. Mais j’ai retiré mon amendement : même si ce texte est imparfait, nous sommes prêts à le prendre ! Ce que nous proposons là avec tous mes collègues au travers de ces amendements identiques reste parfaitement possible, même après avoir supprimé l’article 6. Il s’agit de donner à chacun des marges de liberté.
Peu importe jusqu’où ira cette proposition de loi. Elle ne prospérera peut-être pas à l’Assemblée nationale, mais le Sénat aurait au moins engrangé dans son offre politique constitutionnelle un dispositif innovant. Le Gouvernement ne sera peut-être pas d’accord, nous ne parviendrons peut-être pas à un accord, mais je ne veux pas que l’on me dise : allez d’abord consulter les populations !