M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Changement de sujet. Le moins que l’on puisse dire sur la taxe d’habitation (TH), c’est qu’il y a un peu de confusion…
Monsieur le ministre, vous nous dites qu’il aurait fallu lire Le Figaro ce matin ou regarder je ne sais plus quelle chaîne de télévision hier soir, mais nous n’avons pas le temps. Nous sommes constamment dans cet hémicycle où ne savons même plus si c’est le jour ou la nuit à l’extérieur, s’il fait beau ou non… (Sourires.)
Nous en sommes donc restés aux dernières informations. Il reste beaucoup d’incertitudes et d’inconnues non seulement sur les 20 % des ménages qui paient encore la taxe d’habitation, mais aussi sur la façon dont s’opérera la compensation pour les collectivités.
Nos recettes de TVA se sont effondrées. Or la taxe d’habitation sera compensée pour le bloc communal et pour les départements par une quote-part des recettes de TVA. Le contexte économique incertain justifie donc un nouveau moratoire sur la réforme de la taxe d’habitation, ce qui ne change rien pour les contribuables.
Il faut davantage de recul et de stabilité pour savoir comment assurer aux collectivités territoriales qui perdront la taxe d’habitation des recettes pérennes et non pas conjoncturelles. Comme l’impôt foncier, la taxe d’habitation est relativement insensible à la conjoncture, ce qui n’est pas le cas de la TVA. Cela change complètement la donne, il n’est que de regarder l’effondrement dramatique des recettes de TVA.
Prenons donc le temps nécessaire : tel est l’objet de cet amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, vous conviendrez que je suis avec vous dans l’hémicycle : je n’ai donc guère plus le temps que vous de me tenir informé en regardant la télévision ou en lisant Le Figaro, sauf pour ce que j’ai prononcé auparavant.
Vous justifiez les dispositions de cet amendement par le changement de contexte. Je ne peux que saluer votre capacité divinatoire puisque vous aviez déposé un amendement identique dans le projet de loi de finances, alors que la situation était loin d’être celle que nous connaissons aujourd’hui.
M. Roger Karoutchi. Les talents divinatoires du rapporteur général sont bien connus, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Sur le fond, le calendrier de suppression de la taxe d’habitation est confirmé, comme je l’ai souligné voilà quelques instants, et les modalités de compensation ont été arrêtées dans le projet de loi de finances pour 2020.
En 2021, les départements qui percevront une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée, en compensation de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), sont assurés d’obtenir une recette au moins égale à celle qu’ils percevront en 2020 pour la TFPB : la loi de finances pour 2020 dispose explicitement que le montant versé aux départements en TVA sera égal non pas à un pourcentage de la TVA perçue en 2021, mais à la somme perçue en 2020.
À l’avenir, le montant versé ne pourra être inférieur à celui qui aura été versé en 2021. En outre, il sera indexé sur l’évolution de la TVA dont les recettes, en cas de reprise économique, connaîtront une hausse particulièrement importante.
Comme lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, le Gouvernement estime qu’il n’y a pas lieu de prévoir un moratoire. Je sais que des divergences demeurent sur l’appréciation de la réforme et sur la suppression de la taxe d’habitation. Toutefois, les modalités de compensation et leur calendrier étant connus, il nous paraît sage et sain d’aller au bout de cette réforme.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous ne remettons pas en cause la réforme de la taxe d’habitation, monsieur le ministre. La machine est lancée. En revanche, les modalités de compensation méritent que l’on s’y arrête.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, j’avais proposé un mécanisme de garantie. Vous aviez ricané en m’expliquant que le risque d’effondrement de la TVA était nul, les recettes de cette taxe progressant bon an mal an de 2,4 % à 2,5 %. Et que constate-t-on aujourd’hui ? L’effondrement inédit des recettes de TVA !
Si j’avais pu prévoir la crise sanitaire, monsieur le ministre, je serais non pas rapporteur général de la commission des finances, mais bookmaker à Londres où je gagnerais beaucoup d’argent (Sourires.). Nous avions éventuellement prévu un krach boursier ou une crise majeure, mais personne n’avait anticipé ce choc sanitaire.
Cela montre simplement que l’on passe de recettes stables, insensibles à la conjoncture, comme la taxe foncière ou la taxe d’habitation, à des recettes soumises à la conjoncture et aux aléas économiques.
La situation inédite d’effondrement des recettes mérite, me semble-t-il, un moratoire sur la compensation des pertes des collectivités, ce qui ne remet nullement en cause, évidemment, la suppression de la TH pour les contribuables.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Une précision supplémentaire, madame la présidente : j’ai un souvenir assez exact du débat que nous avons eu sur les mécanismes de garantie.
La loi de finances pour 2020 prévoit, sur l’initiative du Gouvernement, un mécanisme de garantie en vertu duquel le versement effectué au titre des années 2022, 2023 et suivantes ne pourra être inférieur à celui qui aura été effectué en 2021. Le mécanisme de garantie qu’avait proposé M. le rapporteur général, lors des débats ici même, reposait, quant à lui, sur le principe suivant : d’une année sur l’autre, le versement ne pouvait jamais être inférieur à celui de l’année précédente.
Si je puis me permettre une expression un peu triviale, nous avons prévu une forme de « ceinture de sécurité » ; M. le rapporteur général voulait, lui, que ce soit ceinture et bretelles, ce qui nous paraissait peut-être un peu excessif et nous engageait un peu trop.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Pour notre part, nous restons constants : nous voterons cet amendement de la commission. La situation actuelle fait certes qu’un tel dispositif se justifie encore davantage : ce qu’on pouvait qualifier d’inquiétudes, donnant lieu à des avis qui pouvaient être nuancés, monsieur le ministre – on pouvait le comprendre, à l’époque –, laisse place à une situation où il ne me semble pas inutile que nous nous posions un peu, afin de faire les choses correctement.
J’ajoute que, comme vous le savez, au moment de la réforme de la TH, nous avions indiqué qu’il fallait obligatoirement avoir une discussion sur les potentiels financiers et fiscaux. Je rappelle que la suppression de la TH entraîne de fait une modification de ces potentiels, et donc de tout ce qui en découle, c’est-à-dire de tous les systèmes de répartition entre collectivités locales, y compris le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC).
On nous avait répondu, à l’époque, que l’année 2020 serait mise à profit pour avancer sur ces sujets. De fait, quelques débats ont été lancés, en particulier au sein du Comité des finances locales (CFL). Mais je suis sûr que vos services sont actuellement très pris par des sujets beaucoup plus préoccupants que cette question-là. Je vous interroge donc, monsieur le ministre, sur notre capacité à avancer de manière sérieuse pour, dans un premier temps et a minima, neutraliser cet effet de la suppression de la taxe d’habitation sur les potentiels financiers et fiscaux.
Si nous ne sommes pas capables de le faire en toute sérénité, c’est-à-dire en prenant le temps de faire des simulations en bonne et due forme et de vérifier qu’il n’y aura pas de perdants dans l’opération, il sera toujours possible malgré tout d’avancer ; mais, cette année 2020 étant exceptionnelle, il me semblerait assez sage de demander le report d’un an de cette correction – c’est-à-dire pas de la réforme elle-même, mais bien de sa traduction pour les collectivités territoriales –, plutôt que de se risquer à ajouter ce sujet à un calendrier 2021 déjà extrêmement chargé.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je confirme que le CFL a été saisi de cette question. Nous avons échangé hier – cela tombe à pic – avec Mme la ministre de la cohésion des territoires sur ce sujet-là ; elle suit avec attention les travaux du comité, qui devraient pouvoir être rendus à la rentrée. Si ces travaux ne débouchent pas sur une solution consensuelle – et je tiens à préciser que la difficulté d’une réforme des modalités de calcul du potentiel financier agrégé (PFiA) est de nature non pas technique, mais politique : elle tient aux effets d’une telle réforme sur la péréquation et sur les collectivités éventuellement mises à contribution –, nous aurons la possibilité, comme je l’avais dit lors de l’examen du PLF pour 2020, de neutraliser les effets de ce changement de nature et de composition du panier fiscal.
Dernier élément pour vous rassurer, monsieur Raynal : l’effet de la réforme de la taxe d’habitation sur le calcul des PFiA et, éventuellement, sur les modalités de calcul des dotations n’interviendra pas avant 2022, puisque le PFiA qui intégrera le nouveau panier fiscal sera celui de 2022, calculé sur les éléments connus de 2021, ce qui nous laisse quelques mois, là encore, pour ajuster le tir autant que nécessaire – je redis là ce que j’avais dit en décembre dernier ici même devant vous.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 5.
Article 5
I. – Il est institué, par prélèvement sur les recettes de l’État, une dotation aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre confrontés en 2020 à des pertes de certaines recettes fiscales et de produits d’utilisation du domaine liées aux conséquences économiques de l’épidémie de covid-19.
II. – A. – Pour chaque commune, cette dotation est égale à la différence, si elle est positive, entre la somme des produits moyens perçus entre 2017 et 2019 et la somme des mêmes produits perçus en 2020 :
1° De la taxe communale sur la consommation finale d’électricité en application de l’article L. 2333-2 du code général des collectivités territoriales ;
2° De la taxe locale sur la publicité extérieure en application de l’article L. 2333-6 du même code ;
3° De la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire en application de l’article L. 2333-26 dudit code ;
4° De la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontée mécanique en application de l’article L. 2333-49 du même code ;
5° Des produits bruts des jeux perçus en application des articles L. 2333-54 et L. 2333-55 du même code ;
6° Du versement destiné au financement des services de mobilité en application de l’article L. 2333-66 du même code ;
7° De la taxe de balayage en application de l’article L. 2333-97 du même code ;
8° Des impositions prévues au I et, le cas échéant, au 1° du II de l’article 1379 du code général des impôts ;
8° bis (nouveau) De l’impôt sur les maisons de jeux en application de l’article 1566 du même code ;
9° De la taxe additionnelle aux droits d’enregistrement ou de la taxe de publicité foncière en application de l’article 1584 dudit code ;
10° De la contribution sur les eaux minérales en application de l’article 1582 du même code ;
11° De la taxe sur les surfaces commerciales en application de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ;
12° Des droits de place en application du 6° du b de l’article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales ;
13° De la dotation globale de garantie ainsi que de la part communale du fonds régional pour le développement et l’emploi en application de l’article 47 et du 1° de l’article 49 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer ;
14° De la taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques en application de l’article 266 quater du code des douanes et définie aux C et D de l’article L. 4434-3 du code général des collectivités territoriales ;
15° De la taxe sur les passagers en application de l’article 285 quater du code des douanes ;
16° Des redevances et recettes d’utilisation du domaine. Par dérogation, pour chaque commune, le produit des redevances et des recettes d’utilisation du domaine public perçu en 2020 s’entend comme ce même produit perçu en 2019, auquel est appliqué un abattement forfaitaire de 21 %.
A bis (nouveau). – Pour le calcul du produit moyen perçu entre 2017 et 2019 de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire mentionné au 3° du A du présent II, les produits perçus en 2017 et en 2018 sont remplacés par le produit perçu en 2019.
B. – 1. Pour le calcul prévu au A, sont exclues les pertes de recettes fiscales ayant pour origine :
1° Une mesure d’exonération, d’abattement ou de dégrèvement au titre de l’année 2020 mise en œuvre sur délibération de la commune concernée ;
2° Une baisse de taux au titre de l’année 2020 mise en œuvre sur délibération de la commune concernée.
2. (Supprimé)
C (nouveau). – Pour chaque commune éligible à la compensation prévue au présent article, cette dotation ne peut pas être inférieure à 1000 €.
III. – A. – Pour chaque établissement public de coopération intercommunale, la dotation prévue au I est égale à la différence, si elle est positive, entre la somme des produits moyens perçus entre 2017 et 2019 et la somme des mêmes produits perçus en 2020 :
1° De la taxe communale sur la consommation finale d’électricité en application de l’article L. 2333-2 du code général des collectivités territoriales ;
2° De la taxe locale sur la publicité extérieure en application de l’article L. 2333-6 du même code ;
3° Du versement destiné au financement des services de mobilité en application de l’article L. 2333-66 dudit code ;
4° De la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire en application de l’article L. 5211-21 du même code ;
5° De la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontée mécanique en application de l’article L. 5211-22 du même code ;
6° Des produits bruts des jeux en application des articles L. 2333-55 et L. 5211-21-1 du même code ;
7° Des impositions prévues aux I à VI de l’article 1379-0 bis du code général des impôts ;
8° De la taxe sur les surfaces commerciales en application de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 précitée ;
9° De la taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques prévue à l’article 266 quater du code des douanes ;
10° Des redevances et recettes d’utilisation du domaine. Par dérogation, pour chaque établissement public de coopération intercommunale, le produit des redevances et des recettes d’utilisation du domaine public perçu en 2020 s’entend comme ce même produit perçu en 2019 auquel est ajouté un abattement forfaitaire de 21 %.
A bis (nouveau). – Pour le calcul du produit moyen perçu entre 2017 et 2019 de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire mentionné au 4° du A du présent III, les produits perçus en 2017 et en 2018 sont remplacés par le produit perçu en 2019.
B. – 1. Pour le calcul prévu au A, sont exclues les pertes de recettes fiscales ayant pour origine :
1° Une mesure d’exonération, d’abattement ou de dégrèvement au titre de l’année 2020 mise en œuvre sur délibération de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concerné ;
2° Une baisse de taux au titre de l’année 2020 mise en œuvre sur délibération de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concerné.
2. (Supprimé)
C (nouveau). – Pour chaque établissement public de coopération intercommunale éligible à la compensation prévue au présent article, cette dotation ne peut pas être inférieure à 1000 €.
IV. – Le montant de la dotation prévue aux II et III est notifié aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, des collectivités territoriales et des outre-mer. À titre exceptionnel, le montant de la dotation est constaté par les bénéficiaires en recettes de leur compte administratif 2020.
V. – La dotation fait l’objet d’un acompte versé en 2020, sur le fondement d’une estimation des pertes de recettes fiscales et de produits d’utilisation du domaine mentionnées aux II et III subies au cours de cet exercice, puis d’un ajustement en 2021. La différence entre le montant de la dotation définitive, calculée une fois connues les pertes réelles subies en 2020, et cet acompte est versée en 2021. Si l’acompte est supérieur à la dotation définitive, la collectivité concernée doit reverser cet excédent.
VI. – Les groupements de collectivités territoriales qui, d’une part, exercent les compétences dévolues aux autorités organisatrices de la mobilité et, d’autre part, ont perçu en 2019 et en 2020 un produit de versement destiné au financement des services de mobilité sont éligibles à la dotation prévue au I.
Pour ces groupements de collectivités territoriales, le montant de la dotation est égal à la différence, si elle est positive, entre le produit moyen de versement destiné au financement des services de mobilité perçu entre 2017 et 2019 et le produit de ce même versement perçu en 2020.
Le montant de la dotation versée à ces groupements de collectivités territoriales est notifié dans les conditions prévues au IV.
Ces groupements peuvent solliciter le versement en 2020 d’un acompte sur le montant de la dotation. Dans ce cas, les dispositions du V sont applicables.
VII. – Les dispositions du VI du présent article sont applicables à l’établissement public mentionné à l’article L. 2531-4 du code général des collectivités territoriales au titre du versement destiné au financement des services de mobilité prévu à l’article L. 2531-2 du même code. Cette dotation fait l’objet d’un acompte versé en 2020 de 425 000 000 €, pour lequel les dispositions du V du présent article sont applicables.
VII bis (nouveau). – Les groupements de collectivités territoriales qui ont perçu en 2019 et en 2020 la taxe de séjour, la taxe de séjour forfaitaire, le produit brut des jeux ou la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontée mécanique sont éligibles à la dotation prévue au I.
Pour ces groupements de collectivités territoriales, le montant de la dotation est égal à la différence, si elle est positive, entre, d’une part, le produit moyen de la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontée mécanique et du produit brut des jeux perçu entre 2017 et 2019 ainsi que du produit de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire perçu en 2019 et, d’autre part, le produit de ces mêmes impositions perçu en 2020.
Le montant de la dotation versée à ces groupements de collectivités territoriales est notifié dans les conditions prévues au IV.
Ces groupements peuvent solliciter le versement en 2020 d’un acompte sur le montant de la dotation. Dans ce cas, les dispositions du V sont applicables.
VIII. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment pour prendre en compte les modifications de périmètres des groupements de collectivités territoriales mentionnées au VI et pour préciser les conditions dans lesquelles ces groupements peuvent solliciter un acompte sur le montant de leur dotation.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Tous les articles sont importants, mais l’article 5 revêt un caractère particulier, puisqu’il concerne les prélèvements sur les recettes du budget de l’État au profit des collectivités territoriales, qui représentent – on le voit en loi de finances chaque année – des sommes importantes : largement plus de 40 milliards d’euros.
Le rapporteur général l’a souligné il y a quelques instants : les élus sont confrontés à beaucoup d’incertitudes. L’État restant le premier partenaire des collectivités territoriales, les baisses significatives de recettes qui affectent le budget de l’État – je pense à la TVA notamment – ont inévitablement un impact sur elles, ce qui suscite nombre d’inquiétudes. Les pertes fiscales et tarifaires qu’essuient les collectivités sont estimées à 7,4 milliards d’euros par la mission gouvernementale sur l’impact du covid-19 sur les finances locales. Pour le bloc communal, les pertes sont estimées à 2,5 milliards d’euros.
Incontestablement, donc, la crise sanitaire et économique actuelle est pour les recettes communales et intercommunales, et pour celles de l’ensemble des collectivités territoriales, une véritable épreuve.
Des inquiétudes se font jour également sur les recettes issues de la taxation du foncier bâti, que se partagent les communes, les intercommunalités et les départements, mais aussi sur celles de la taxe d’habitation, dont la réforme est en cours, de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de l’imposition forfaitaire annuelle, etc. Certaines recettes fiscales devraient diminuer fortement, de 7 % à 20 %, voire davantage – je pense aux taxes de séjour, au versement mobilité, qui est amputé de 2 milliards d’euros, ou aux droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, perçus par les communes, qui baissent de 25 %.
Voilà résumées ces inquiétudes, que je partage, quand bien même est sollicitée, dans ce projet de loi de finances rectificative, la création d’un prélèvement sur les recettes de l’État de plus d’un milliard d’euros au profit des collectivités territoriales.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons à examiner, à l’article 5, 66 amendements. Au rythme actuel, nous pouvons espérer finir nos travaux jeudi de la semaine prochaine…
Comme le Gouvernement, je suis à la disposition du Sénat, mais il nous faut essayer de dégager une position sur l’article 5.
Il y a deux catégories d’amendements – je schématise : ceux qui visent à apporter des compensations aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), aux autres collectivités – ils vont tous, me semble-t-il, dans le même sens –, et ceux qui ont trait aux autorités organisatrices de la mobilité et, singulièrement, à Île-de-France Mobilités
MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. S’agissant de cette dernière question, j’ai bien regardé tous les amendements déposés, j’y ai travaillé avec les administrateurs le 14 juillet, j’ai eu x fois la présidente d’Île-de-France Mobilités au téléphone : nous essayons de dégager la solution la plus complète et la plus acceptable possible.
La première catégorie rassemble, donc, les amendements, nombreux, qui visent à instituer une compensation des pertes de recettes des communes et des EPCI, ces recettes comprenant notamment toutes les redevances ou les taxes de séjour. Je vous proposerai, pour ma part, des amendements dont l’objet est d’essayer de couvrir le maximum de situations. Soyez succincts dans la défense de vos amendements : nous avons essayé d’aller dans le sens d’une amélioration tout en présentant quelque chose d’acceptable – je reste, moi, partisan de la moyenne. Certains sujets, par ailleurs, relèvent du projet de loi de finances.
Sur la question de la mobilité, qui est évidemment très complexe – vrai effondrement des recettes commerciales, moindre effondrement, sans doute, du versement mobilité –, je distinguerai l’Île-de-France du reste. Pour avoir beaucoup échangé avec la présidente de la région et avec les services d’Île-de-France Mobilités, je pense que la vérité se situe entre la proposition du Gouvernement et la demande de la présidente de la région. Le Gouvernement devrait être un peu plus ouvert, parce que ces autorités n’ont pas droit au déficit – c’est très clair. Il faut donc trouver une solution. Il ne faudrait pas que la seule variable d’ajustement soit l’effondrement des investissements. Certains considèrent peut-être que c’est un bonheur de voyager dans les transports parisiens ; reste qu’on ne saurait couper dans les investissements.
Essayons, donc, de trouver une solution. Celle que je vous proposerai prévoit une part d’avance remboursable et une part d’acompte, avec un solde qui devra être versé au vu des résultats.
Nous essayons d’adopter les meilleures réponses possible. Vous allez tous dans le même sens, mais, ces 66 amendements n’étant évidemment pas forcément compatibles entre eux, je vous demande de faire un tout petit peu confiance à la commission des finances et d’essayer de vous rallier, autant que possible, à ses positions. À défaut, nous avons devant nous une après-midi entière de débats sur cette question, le but étant, encore une fois, d’apporter une réponse qui soit la plus satisfaisante à des pertes de recettes tout à fait réelles mais extrêmement variables – redevances, taxes de séjour, droits de place, et cætera, et cætera.
Nous avons travaillé sur ces amendements ; essayons d’être le plus synthétique possible pour dégager les solutions les plus acceptables à la fois pour nos finances publiques et pour les collectivités, qui ont vu leurs recettes s’effondrer.
Rappel au règlement
M. Roger Karoutchi. Le contenu du rappel au règlement que je souhaitais faire vient d’être en partie exposé par le rapporteur général. J’observais que nous avons examiné royalement 25 amendements en deux heures quarante, qu’il en reste 686, que donc nous sommes partis pour à peu près 50 heures de débats. Le rapporteur général et la présidence envisagent-ils d’ouvrir la journée du lundi ? Pour le moment, il nous est dit que nous siégerons aujourd’hui et demain ; mais, manifestement, si nous avons 50 heures de débats devant nous, ça ne va pas rentrer !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. It’s up to you !