Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne, P. Joly, Féraud et Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 373-2-1 du code civil est complété par les mots : « , parmi lesquels figure notamment la commission de violences sur l’autre parent ou sur le ou les enfants ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je nourris pour cet amendement les plus grands espoirs ! En effet, son objet coche toutes les cases : il n’oblige pas le juge, mais lui laisse sa marge de manœuvre. Néanmoins, il apporte des précisions pour le guider et faire en sorte qu’il suive l’évolution de la société, en particulier le fait qu’un mari violent est très rarement un bon père – je crois même que l’on peut se mettre d’accord pour dire qu’il ne l’est jamais ; toutefois, il est le père, cette donnée reste acquise.
Par ailleurs, la disposition prévue par cet amendement ne concerne ni l’ordonnance de protection ni l’exercice de l’autorité parentale, mais porte sur le droit de visite et d’hébergement.
Le deuxième alinéa de l’article 373-2-1 du code civil dispose que l’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé que pour des motifs graves. Une grande latitude est donc laissée aux juges. Nous proposons d’indiquer aux juges ce qu’est un motif grave ; ce faisant, nous les aidons et leur laissons toute leur liberté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Toutes les cases sont cochées, mais la commission a coché « Avis défavorable » ! (Sourires.)
Mme Laurence Rossignol. Posez votre papier et exprimez-vous en toute liberté !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous n’avons pas adopté cette disposition au mois de décembre dernier, parce qu’elle est satisfaite par le droit en vigueur.
Mme Laurence Rossignol. Non !
Mme Marie Mercier, rapporteur. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement me semble en effet satisfait par l’article 373-2-11, que j’ai déjà cité et aux termes duquel, pour déterminer les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend en compte les violences subies par les enfants, ainsi que l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre.
L’adoption de cet amendement, qui a toutes les qualités, n’apporterait pas de plus-value par rapport au droit existant. Par conséquent, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Rossignol, l’amendement n° 30 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Dans bon nombre de situations, les droits de visite et d’hébergement sont maintenus. Pourtant, le juge lit tous les articles relatifs à l’exercice de l’autorité parentale !
Donner à l’avocat de la mère la possibilité de signaler que le code précise que, en cas de violence, le juge a la possibilité de refuser le droit de visite et d’hébergement serait une aide supplémentaire.
Je suis d’accord, cet amendement est satisfait par le code. Mais il ne l’est pas par la pratique… Nous le retirons, madame la présidente, ce qui nous épargnera un scrutin public.
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne, P. Joly et Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article 373-2-6 du code civil, après les mots : « l’article 373-2-2, », sont insérés les mots : « ou lorsqu’un parent n’exerce pas le droit de visite et d’hébergement fixé par une décision, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresignée par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou par une convention homologuée, ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement n’aurait sans doute pas dû figurer à cette place dans la discussion des articles. Il est cohérent avec un amendement relatif au délit de non-représentation d’enfant, qui sera présenté plus tard.
Je souhaite appeler l’attention du Sénat, de la garde des sceaux et du président de la commission des lois, même si celui-ci est probablement déjà au courant, comme la rapporteure, sur le déséquilibre existant en matière d’exercice de l’autorité parentale et de condamnations des parents qui ne respectent pas le jugement de séparation ou le jugement sur l’exercice de l’autorité parentale.
Lorsque le droit de visite et d’hébergement n’est pas garanti par le parent qui a la résidence principale, ce parent peut être condamné. Or rien n’existe pour rappeler à l’ordre le parent qui ne respecte pas son droit de visite et d’hébergement. Le code est déséquilibré entre les deux parents.
La situation que je décris est tellement vraie que les sociologues appellent ces enfants les « enfants de la fenêtre » : tous les vendredis ou les samedis, ceux-ci attendent à la fenêtre que leur père – c’est le plus souvent de lui qu’il s’agit – vienne les chercher. Il ne vient pas et ne prévient pas non plus, à seule fin de gâcher le week-end de la mère et de l’empêcher de vivre sa vie pendant qu’il serait avec ses enfants. La mère n’a alors d’autre choix que de demander la réforme de l’exercice de l’autorité parentale, c’est-à-dire que ce droit de visite et d’hébergement soit encore plus lâche.
Par cet amendement, j’ai souhaité appeler votre attention sur cette situation. Je vais le retirer, car je ne veux ni condamnation ni même une amende civile : je veux que l’on retire le délit de non-représentation d’enfant, à l’occasion d’un amendement que je présenterai tout à l’heure ; c’est celui-là qui m’intéresse le plus.
Évidemment, si Mme la garde des sceaux me dit qu’elle est favorable à cet amendement, je le maintiendrai…
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Depuis la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, aux termes de l’article 373-2-6, qui a été modifié par ordonnance, des sanctions peuvent être prononcées à l’encontre du parent qui ne respecte pas ses obligations.
Mme Laurence Rossignol. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mmes Billon, A.M. Bertrand, Bonfanti-Dossat, de Cidrac, de la Provôté, Dindar, Férat, C. Fournier, Gatel, Laborde, Loisier, Malet, Puissat, Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Vérien et Vullien, MM. Cadic, Chevrollier, Détraigne, Henno, L. Hervé, Kern, Lafon, Laménie, Laugier, Longeot et Moga, Mme Morin-Desailly et M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 378-2 du code civil, les mots : « et pour une durée maximale de six mois » sont supprimés.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Il est regrettable que ni la discussion de cette proposition de loi ni celle de la loi du 28 décembre 2019 n’aient permis une réflexion ambitieuse sur l’exercice de l’autorité parentale en cas de violence. Les débats que nous venons d’avoir le démontrent.
Une remise à plat de l’ensemble des dispositions du code civil sur l’autorité parentale serait souhaitable. Celles-ci restent marquées par le principe de coparentalité et ne permettent pas, en dépit des avancées législatives récentes, de tirer les conséquences des violences conjugales.
Or, comme le soulignent régulièrement les experts que la délégation auditionne, et comme l’a d’ailleurs affirmé le Premier ministre lors de la clôture du Grenelle des violences conjugales, un conjoint violent n’est pas un bon père. Dès lors, pourquoi subordonner la suspension de plein droit de l’autorité parentale pour le conjoint violent à la commission d’un crime contre l’autre parent ? Pourquoi ne pas remettre en cause son autorité, du fait même qu’il exerce des violences contre son conjoint ?
Les spécialistes le savent : le premier besoin des enfants est la sécurité et la stabilité, ainsi que l’a indiqué à la délégation un magistrat auditionné pendant le confinement. Il faut inscrire dans le code civil l’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale en cas de violences conjugales au parent victime. Il faut également que le code civil évolue, pour que l’auteur de violences conjugales ne puisse rencontrer son enfant que dans un espace de rencontre et en présence d’un tiers. Il est nécessaire d’adopter des règles simples fondées sur des principes simples.
Cette proposition de loi est donc une avancée, mais une avancée incomplète. C’est pourquoi cet amendement vise à faire en sorte que la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ne soient pas limités à une période de six mois.
Je remercie Laurence Rossignol de m’avoir appris cette nouvelle expression « enfant de la fenêtre ». J’ai eu une discussion très émouvante avec un vieux monsieur de 82 ans, qui me racontait avoir été traumatisé : tous les dimanches, il était à sa fenêtre, comptant les vélos pour savoir si son père allait exercer son droit de garde…
Mme la présidente. L’amendement n° 79, présenté par Mmes Cohen, Benbassa, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 378-2 du code civil, les mots : « pour une durée maximale de six mois » sont remplacés par les mots : « jusqu’au procès en cour d’assises ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Si je partage l’objectif d’Annick Billon, je n’ai pas pour autant cosigné son amendement, qui me pose problème sur un point important, à savoir la présomption d’innocence. M. le président de la commission et Mme la garde des sceaux le comprendront, eux qui ont pointé la difficulté de l’automaticité des dispositifs prévus par certains de nos amendements.
Je l’ai évoqué en présentant un amendement précédent : la perception de l’autorité parentale en cas de violences conjugales a évolué, mais il reste du chemin à parcourir.
Si la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale pour une durée de six mois, ainsi que le prévoit dans sa rédaction la loi Pradié, est bien trop courte, lever cette durée et ne fixer aucune limite est problématique. En effet, la mesure prévue par l’amendement n° 5 rectifié bis concerne les personnes poursuivies, c’est-à-dire présumées innocentes tant que le jugement n’a pas été donné.
L’amendement n° 79 vise à limiter la suspension de l’exercice de l’autorité parentale jusqu’au procès en cour d’assises. C’est aussi l’une des recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes à propos de la loi Pradié : il estimait, au mois de décembre dernier, que cette mesure était la seule à même de garantir une protection effective aux enfants dont la mère a été tuée par le père.
En effet, dans les cas de violences conjugales, et à plus forte raison de crime, le délai entre l’infraction et le jugement pénal peut malheureusement se compter en année. Il s’agit de tenir compte de cette situation et de la présomption d’innocence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous venons de voter la suspension automatique de six mois, dans le cadre de la loi Pradié. Nous pensons qu’il est raisonnable de laisser vivre cette loi avant de l’amender.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il n’y a pas lieu de revenir sur ce vote, alors que la limitation de durée, telle qu’elle a été prévue, permet de s’assurer de la constitutionnalité de ce dispositif.
La disposition prévue par ces amendements me paraît disproportionnée, dans la mesure où l’article 378-2 du code civil s’applique dès les poursuites, avant même la moindre condamnation.
Par conséquent, si l’urgence justifie une suspension, celle-ci ne peut évidemment être que provisoire, dans l’attente de la décision du juge, seul à même d’apprécier l’intérêt de l’enfant. C’est cela qui permet d’assurer la constitutionnalité du dispositif.
Le Gouvernement demande lui aussi le retrait de ces amendements ; à défaut il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Je retire cet amendement, qui est incomplet, voire imparfait, au profit de celui de Laurence Cohen, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
Madame Cohen, l’amendement n° 79 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 79.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le 17° de l’article 138 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’est prononcée l’une des obligations prévues au présent 17°, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peut suspendre le droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont la personne mise en examen est titulaire ; ».
Mme la présidente. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
La décision de ne pas suspendre le droit de visite et d’hébergement est spécialement motivée ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cette disposition coche elle aussi de nombreuses cases, si j’ose dire. Elle impose que le juge exprime une motivation spéciale, lorsqu’il décide de maintenir le droit de visite et d’hébergement, malgré les violences exercées auparavant par le père sur la mère des enfants.
Il s’agit de s’assurer que le juge a bien étudié l’affaire et n’a pas simplement fait un copier-coller des motivations habituelles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. La mesure proposée via cet amendement coche tellement de cases que la commission émet un avis favorable ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement, quant à lui, va émettre un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à imposer au juge une obligation de motivation spéciale s’il n’ordonne pas la suspension du droit de visite et d’hébergement.
Il me semble qu’une telle mesure alourdirait la procédure de façon inutile et, surtout, que ce serait incohérent. En effet, le juge n’a pas à motiver spécialement le contrôle judiciaire, pas plus que le prononcé de l’obligation de résidence séparée et de suivi.
Une circulaire permettrait de rappeler cette nouvelle possibilité de suspension et l’intérêt qui existe à la prononcer. Là encore, on peut faire confiance aux juridictions.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous sommes tous d’accord pour dire, et nous avons eu une discussion intéressante sur le sujet tout à l’heure, que le mari violent n’est pas un bon père. Pour autant, le président de la commission l’a expliqué, dans certaines situations, il faut maintenir la résidence principale, la résidence alternée ou encore le droit de visite et d’hébergement.
Dès lors que nous sommes tous d’accord pour dire que cette décision du juge n’est pas la plus évidente, la plus logique et celle qui tombe sous le sens, il me semble que la motivation spéciale s’applique.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 72, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 390 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle ne peut concerner la poursuite du délit prévu par l’article 227-5 du code pénal. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. J’ai déjà évoqué la question du délit de non-représentation d’enfant. Il s’agit d’un délit pénal, demandé par le parent qui n’a pas eu l’enfant dans le cadre du droit de visite et d’hébergement prévu par la convention. Il s’applique au parent qui n’a pas pu obtenir de son enfant qu’il respecte bien la convention et qu’il aille chez son autre parent, lequel, le plus souvent, est le père.
Ce délit de non-représentation d’enfant présente de nombreux inconvénients.
Tout d’abord, il s’applique dans 80 % des cas aux mères, car ce sont le plus souvent elles qui ont la résidence principale.
Ensuite, il s’applique aux mères en toutes circonstances ; en effet, il fait partie de ces délits pénaux dont il suffit que les faits soient commis, sans qu’il y ait besoin de rechercher l’intention de l’auteur des faits, pour que la sanction soit prononcée.
Enfin, c’est un délit pour lequel le demandeur peut utiliser la citation directe.
Ce délit recouvre des cas extrêmement variés. Le plus souvent, cela concerne un adolescent de 13 ans, 14 ans ou 15 ans, qui décide tout à coup de ne plus aller chez son père, pour des raisons diverses – il n’y est pas heureux, une nouvelle famille s’est constituée dans laquelle il ne sent pas à sa place, etc. Il n’est pas évident pour la mère d’obliger un adolescent de cet âge à se rendre là où il ne veut pas aller. Pour autant, cette mère sera systématiquement condamnée.
Cet amendement est en fait un amendement de repli. Mon premier choix, c’était la suppression du délit de non-représentation d’enfant, qui est très lourd et tout à fait disproportionné par rapport aux situations humaines qu’il vise.
L’amendement n° 72 vise à exclure la citation directe des moyens que le demandeur peut utiliser pour obtenir l’examen de son affaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. La citation directe est une procédure qui permet à la victime de surmonter une éventuelle inertie de la justice. Il serait dommage de la supprimer.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol. Cela mérite plus !
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, A.M. Bertrand, Bonfanti-Dossat, de Cidrac, de la Provôté, Dindar, Doineau, Eustache-Brinio, Férat, C. Fournier, Gatel, Guidez, Joissains, Laborde, Loisier, Malet, Perrot, Puissat, Saint-Pé, Sollogoub, Tetuanui, Vérien et Vullien, MM. Cadic, Chevrollier, Détraigne, Henno, L. Hervé, Kern, Lafon, Laménie, Laugier, Longeot et Moga, Mmes Cohen et Morin-Desailly et MM. Capo-Canellas et Cazabonne, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de la première phrase du second alinéa de l’article 132-43 du code pénal sont ajoutés les mots : « Sauf en cas de condamnation pour violences intrafamiliales, ».
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. La législation actuelle suspend l’application des obligations liées à la mise à l’épreuve pendant le temps de la détention. Dès lors, les interdictions de contact qui ont pu être imposées par la juridiction de jugement n’entrent en vigueur qu’à la libération du condamné.
Cette suspension peut mettre en danger la victime, dans la mesure où le chef d’établissement pénitentiaire a la liberté d’accorder un parloir ou une unité de vie familiale pendant le temps de détention du condamné, risquant de maintenir le phénomène d’emprise.
On sait que de nombreux conjoints continuent depuis leur cellule à terroriser leur compagne et, à travers elle, leurs enfants. La détention peut donc n’offrir aux victimes aucun répit. Il est nécessaire de mettre fin à cette incohérence difficilement compréhensible. Les contacts entre le conjoint violent et sa victime peuvent être interdits quand l’auteur de violences n’est pas incarcéré, mais ils sont possibles pendant la détention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il semble que cet amendement soit déjà satisfait. En effet, cette interdiction est applicable pendant la durée de l’incarcération du conjoint violent condamné.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Votre proposition ne justifie pas de modifier la loi : cela peut se traiter à l’échelon réglementaire. J’ai d’ailleurs déjà évoqué ce sujet devant vous et précisé qu’un décret modifiant l’article D. 403 du code de procédure pénale était en cours d’écriture.
Il est destiné à prévoir une telle interdiction : chaque fois qu’une interdiction de contact aura été décidée par une juridiction, quel qu’en soit le cadre, elle empêchera la délivrance d’un permis de visite. Cela vaudra pour toutes les interdictions pénales ou civiles, notamment en cas d’ordonnance de protection, et pas uniquement en cas de violences conjugales ou de sursis probatoire, comme le prévoit l’amendement.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis cosignataire de cet amendement que je trouve extrêmement important.
Au cours des travaux organisés par la délégation aux droits des femmes, nous avons été sensibilisés à cette anomalie. Tous et toutes, nous avons été surpris d’apprendre l’existence d’un droit de parloir pour les enfants, alors que leur père était condamné.
Madame la garde des sceaux, n’étant pas la première signataire de cet amendement, je ne puis présager l’issue qui lui sera réservée, mais j’entends que vous nous garantissez qu’un décret permettra de corriger cette situation.
Je ne suis pas juge, je suis intervenue pour plaider : si cela passe par la loi, il faut maintenir cet amendement – ma collègue, qui est première signataire, en décidera. Si cet amendement était rejeté, faites en sorte qu’il n’y ait pas de trou dans la raquette, pour utiliser une expression familière.
Mme la présidente. Madame Billon, l’amendement n° 6 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Je ne suis ni têtue ni obtuse et j’ai entendu Mme la rapporteure et Mme la garde des sceaux.
Comme le soulignait à juste titre Laurence Cohen, nous savons qu’il existe aujourd’hui des cas où l’emprise se poursuit pendant la détention. Madame la garde des sceaux, j’aimerais que vous preniez l’engagement que ce décret sera publié très rapidement, puisqu’il y a urgence pour toutes les femmes qui sont sous emprise. À vous de nous dire ce que signifie pour vous un délai court !
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mes collaborateurs me certifient que le décret est déjà écrit. Il faut maintenant que j’assure sa cohérence, avec l’ensemble des directions de mon ministère, pour qu’il soit publié.
Mme Annick Billon. Dans ce cas, je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Meunier et Préville, M. Daudigny, Mmes Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin, MM. Tourenne et P. Joly et Mme M. Filleul, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 227-5 du code pénal est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Pardonnez-moi, mes chers collègues, d’être aussi obstinée, mais il est arrivé au cours des derniers mois, lors de l’examen d’autres textes sur les violences sexuelles ou de la proposition de loi d’Aurélien Pradié, que des amendements que nous avions déposés soient rejetés au Sénat, après un avis défavorable du Gouvernement, avant d’être finalement repris et adoptés à l’Assemblée nationale !
Convenez qu’il n’y a pas de raison, dès lors que nos amendements prospèrent à l’Assemblée nationale, que nous ne les déposions pas au Sénat…
Je reviens sur le délit de non-représentation d’enfant, car je ne suis pas parvenue tout à l’heure à vous sensibiliser sur ce sujet.
Il est des sujets qui montent et dont on prend conscience au fur et à mesure qu’ils deviennent visibles dans la société. La non-représentation d’enfant est de ceux-là, car elle fait partie des instruments judiciaires qui concourent au maintien d’une pression psychologique sur les femmes et au harcèlement après la séparation. Le délit de non-représentation d’enfant vise en effet massivement les femmes. Il est utilisé par les pères, qui le détournent de son objet initial.
Les procédures de citation directe – je regrette que l’on ait commencé par l’amendement de repli – aboutissent systématiquement à la condamnation des mères. Systématiquement !
Quand le juge est généreux, il prononce une peine avec sursis, mais si le père revient plusieurs fois à la charge, parce que l’enfant refuse d’aller passer le week-end chez lui, le juge finit par prononcer une condamnation définitive, des amendes et une inscription au fichier des personnes interdites d’exercer une profession ou des fonctions en contact avec des enfants, alors que ces mères ne sont nullement maltraitantes.
Cette application implacable ne prend pas en considération les familles, les séparations d’aujourd’hui, lesquelles ont créé des situations nouvelles, qui n’avaient pas été envisagées dans le code pénal lorsque le délit de non-représentation d’enfant a été créé. Or d’autres articles du code pénal visant la soustraction d’enfant ou la soustraction au détenteur de l’autorité parentale. Il n’est donc nul besoin de l’article 227-5 pour condamner un parent qui enlèverait ou soustrairait un enfant.
Dans huit cas sur dix, cet article sert désormais à poursuivre des femmes qui ne parviennent pas à obtenir de leurs enfants qu’ils se rendent chez leur père. Dans certains cas plus tordus encore, la mère est condamnée, alors que des poursuites pénales sont engagées pour maltraitance contre le père, que la convention de garde d’enfant continue de s’appliquer, l’instruction pénale n’étant pas conclue !
Je n’évoque pas ce sujet dans le seul but d’animer nos débats cet après-midi. J’essaie de vous sensibiliser à un problème important, madame la garde des sceaux. Je vous en conjure, étudiez-le et apportez-y des solutions !