M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code des assurances est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :
« Paragraphe 5
« Risques d’évènements sanitaires exceptionnels
« Art. L. 431-10-1. – La caisse centrale de réassurance est habilitée à pratiquer les opérations de réassurance des risques résultant d’évènements sanitaires exceptionnels définis à l’article L. 125-7, avec la garantie de l’État, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
Article 4
Le code des assurances est ainsi modifié :
1° Au huitième alinéa de l’article L. 194-1, après la référence : « L. 114-3 », sont insérées les références : « , L. 125-7 à L. 125-13 » ;
2° L’article L. 471-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles L. 427-1 et L. 431-10-1 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna. » – (Adopté.)
Article 5
La présente loi entre en vigueur le premier jour du treizième mois suivant sa promulgation. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Cette proposition de loi est particulièrement bienvenue. Je ne peux pas entendre les arguments développés par le Gouvernement, d’une part, et par l’orateur de La République En Marche, d’autre part, selon lesquels l’on aurait pu attendre. On peut toujours attendre, mais nous avons voté des lois de finances rectificatives dans lesquelles Jean-Marc Gabouty et le président Retailleau ont tenu à marquer le coup à l’égard des compagnies d’assurance. Nous leur avons adressé, je crois, un coup de semonce extrêmement fort, car, Jean-François Husson l’a rappelé dans son propos liminaire, elles n’étaient pas au rendez-vous de cette crise.
Le Gouvernement nous dit de le laisser négocier, mais on voit bien que tous les éléments ne sont pas sur la table. Certes, il y a un groupe de travail, mais, chaque fois que le groupe Les Républicains dépose une proposition de loi, on lui répond que c’est trop tôt. C’est toujours trop tôt !
Dans le même temps, vous nous demandez sans cesse de vous habiliter à légiférer par voie d’ordonnances sur des sujets dont vous ignorez même le contenu. Là, ce n’est pas trop tôt !
Nous ne pouvons plus entendre ces arguments au moment de la sortie de crise.
Madame la secrétaire d’État, vous avez accepté plusieurs avancées dans cette discussion, et je vous remercie d’avoir pallié l’absence de la secrétaire d’État compétente. (Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances fait son retour dans l’hémicycle.)
Oui, madame la secrétaire d’État, vous arrivez à l’instant, mais après le combat, un peu comme le Gouvernement sur ce sujet ! Nous regrettons votre attitude, qui consiste à dire que vous ne ferez rien de cette proposition de loi, alors qu’elle est nécessaire et, je le répète, bienvenue. Je vais évidemment la voter des deux mains. Comme Jean-Marc Gabouty l’a très bien dit, il y a des améliorations à apporter, mais saisissez la main que le Parlement, en l’occurrence le Sénat, vous tend pour réellement répondre à ce problème qui est devenu un vrai scandale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Je n’avais pas prévu d’explication de vote, mais je tiens à répondre.
Non, il s’agit non pas d’attendre pour attendre, mais de ne pas légiférer en urgence. Nous sommes les premiers à pester quand, parfois, nous estimons que nous légiférons trop dans l’urgence.
Je suis d’accord, le temps nous est compté, mais le groupe de travail en est déjà à quatre réunions, donc les premiers éléments de réponse vont venir vite.
Vous dites d’ailleurs vous-même que le texte doit être complété, amélioré, précisé. Plusieurs orateurs l’ont dit, il y a des manques. C’est bizarre de vouloir le voter tout de suite.
Je suis tout à fait favorable à agir et, je l’ai dit, sans doute aboutirons-nous à un dispositif proche dans sa conception, c’est-à-dire avec un fonds, une prime, le rôle de l’État précisé. Là-dessus, il n’y a pas de difficulté.
Cependant, faute de temps, nous n’avons fait aucune audition. C’est quand même rare de déposer et de voter un texte sans aucune audition. Je rappelle que, lorsque le Sénat avait travaillé, notamment, sur les catastrophes naturelles ou sur d’autres textes, il y avait eu une mission d’information, puis une proposition de loi et un travail d’un an. Là, pas d’audition !
Par ailleurs, il y a un élément qui n’est pas encore totalement pris en compte, c’est l’urgence climatique, et notamment la façon dont on imagine les assurances dans un monde où les températures seront supérieures de plusieurs degrés.
Voilà ce que je voulais dire, mais, je le répète, il faudra un texte pour tenir compte de cette crise sur le fonctionnement des assurances.
Je vois bien ce qui se joue ; je ne suis pas totalement dupe. Il y a aussi un texte socialiste, mais nous devons prendre un temps compté : allons rapidement, mais faisons en sorte d’élaborer un dispositif qui convienne à tout le monde. Je suis sûr, mes chers collègues, que nous pouvons aboutir, dans un délai raisonnable, au dispositif le plus consensuel possible.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. M. Bargeton nous explique en fait qu’il faut prendre notre temps, qu’il ne faut pas aller trop vite, mais qu’il faut quand même faire…
Moi, ce que j’ai retenu de ces deux mois et demi, et on y est encore, c’est qu’il y a une urgence sanitaire. De deux choses l’une : soit il y a urgence, soit il n’y a pas d’urgence. D’ailleurs, c’est bien parce qu’à un moment donné il y a eu des embouteillages, si je puis dire, aux urgences, avec un certain nombre de personnes qui ont fini par y laisser leur vie, que la panique s’est emparée non seulement de la population française, mais des peuples en général. Forcément, l’exécutif, tous les élus, d’ailleurs, quel que soit leur niveau de responsabilité, ont dû faire face. J’ai même entendu le Président de la République en appeler à la concorde et à l’unité nationale.
Vous avez, nous avons la chance d’avoir un débat constructif, avec des points de vue qui ne sont pas tous aboutis et convergents. Heureusement qu’ils ne le sont pas à ce stade : c’est normal !
Je ne comprends pas, honnêtement, qu’on n’en soit pas aujourd’hui à se dire que la représentation nationale a le devoir de répondre à l’exigence des Français, c’est-à-dire d’être au travail. Dans cette crise économique que l’on voit arriver et qui commence à produire ses premiers effets, nous devrons tous être aussi des soutiers. C’est notre devoir de nous atteler à la recherche et à la construction de solutions ensemble, que l’on soit dans la majorité ou dans l’opposition.
J’ai envie que la France s’en sorte du mieux possible ; mieux elle s’en sortira, mieux ce sera pour les générations de demain et d’après-demain, qui n’auront pas à supporter le coût de notre hypocrisie et de notre lâcheté. Nous avons une exigence de responsabilité et un devoir de vérité ; nous avons tout simplement la volonté de nous engager pour trouver des solutions aux côtés des entreprises de la « maison France » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je voterai ce texte, que je considère comme une contribution de base solide. Je souhaite bien sûr qu’elle évolue. J’ai d’ailleurs fait part en commission de certains désaccords, mais il faut bien partir de quelque chose.
Il importe de ne pas monter encore un mécanisme différent. Mieux vaut essayer de rechercher un calcul de couverture des pertes d’exploitation ou d’amortissement des frais fixes – c’est un peu la même chose, quand même –, suivant le modèle du sinistre consécutif à un incendie ou à un bris de machine, c’est-à-dire avec un phénomène de causalité, quitte à le limiter en cas de pandémie. Que souhaitent vraiment les entreprises, après le chômage partiel ? Si toutes les entreprises avaient une couverture à hauteur de 50 % de leurs pertes d’exploitation, ce serait tout à fait profitable pour le redémarrage de l’économie.
Il faut poursuivre la réflexion. Tout cela demande de la maturation. Aujourd’hui, on est peut-être un peu dans l’urgence. L’émotion causée par la position des assurances est vive.
Mme la secrétaire d’État n’était peut-être pas là tout à l’heure, mais je veux quand même lui dire qu’il faut arrêter de tout mélanger, comme l’État et d’autres le font parfois.
Les assurances disent qu’elles font un effort de 3,2 milliards d’euros, mais, sur cette somme, il y a le don, c’est-à-dire une contribution sans retour. C’est le principe du fonds de solidarité. L’investissement, c’est autre chose : il y a un espoir de retour, voire une espérance de profit à terme. Cela va dans le bon sens, mais il ne s’agit pas de la même chose.
Dans les cas qui nous intéressent, on ne fait pas forcément cadeau de leur prime d’assurance aux entreprises en difficulté que l’on accompagne : on leur assure des facilités de trésorerie.
Alors, il ne me plaît pas beaucoup d’additionner tout cela, car il s’agit de choses qui sont, par leur nature, complètement différentes les unes des autres.
Il faut reconnaître que les compagnies d’assurance ont agi de manière très disparate. Ainsi, j’ai entendu dire que 30 millions d’euros que les assurances auraient dédiés au redémarrage d’entreprises provenaient en réalité d’opérations de crowdfunding et que ces compagnies n’avaient fait qu’apporter leur ingénierie au service de la levée de fonds. Elles comptent pourtant cela au sein de leurs plans d’aide !
Il faut à mon sens bien différencier les investissements, les dons sans retour et les facilités qui peuvent être accordées aux uns et aux autres ; les assurances devraient tout de même avoir, elles aussi, cette rigueur.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Je voudrais renchérir sur les propos de mes collègues. Ce texte est extrêmement urgent : tant qu’un vaccin n’aura pas été trouvé, nous ne serons pas à l’abri, malheureusement, d’un retour de cette situation. Au cours de la période que nous venons de vivre, on a pu constater que les plans d’aide offerts par l’État étaient certes importants, mais pouvaient s’avérer insuffisants pour certaines sociétés.
Au fondement de ce texte, la responsabilité de chaque partie, que ce soit l’État, l’assuré, ou l’assureur, est maintenue. Désormais, une fois ces bases solides posées, il faut continuer de travailler avec les assureurs, dès aujourd’hui, pour déterminer le financement des entreprises, l’équilibre financier des dispositifs, ainsi que les délais d’intervention et d’indemnisation. Cependant, il ne faut pas négliger de faire progresser ce texte ; sinon, nous n’avancerons pas et nous n’aboutirons à rien, alors que nous ne sommes malheureusement pas à l’abri d’un nouvel épisode semblable à celui de ce printemps. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d’une menace ou d’une crise sanitaire majeure.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-deux, est reprise à seize heures trente-quatre.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Procurations électorales
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales, présentée par M. Cédric Perrin (proposition n° 50 rectifiée, texte de la commission n° 468, rapport n° 467).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la proposition de loi.
M. Cédric Perrin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à examiner un texte qui permettra, je l’espère, de contribuer, par des aménagements judicieux du droit électoral, au bon déroulement du second tour des élections municipales.
Il ne vous aura pas échappé que la portée de la présente proposition de loi a grandement évolué par rapport à son objectif initial, tel qu’il était exprimé dans la première version de ce texte, que j’avais déposé en mars 2017.
Cet objectif n’était ni plus ni moins que de faciliter et de sécuriser le recours aux procurations électorales.
La procuration, si elle déroge effectivement au principe constitutionnel du secret du vote, n’en demeure pas moins, lorsqu’elle est correctement employée, un outil indispensable au bon fonctionnement d’une démocratie moderne.
N’oublions pas que, déjà dans l’Athènes de Périclès, tous les citoyens ne pouvaient en pratique se rendre quotidiennement sur la Pnyx pour voter ; la démocratie en souffrait. À présent, dans une époque où notre société devient toujours plus complexe, et alors qu’elle est confrontée à une crise sanitaire inédite, l’usage de la procuration prend a fortiori tout son sens. Il doit donc être rendu aussi effectif que possible.
Faciliter l’acte de vote est un impératif démocratique ; c’est notre rôle, en tant que parlementaires, que d’en faciliter l’établissement.
Certains obstacles s’opposent pourtant actuellement à cet exercice effectif.
Ainsi, depuis le décret du 11 octobre 2006 portant mesures de simplification en matière électorale, informer le mandataire de l’existence d’une procuration à son nom n’est plus automatique. Aux termes de la circulaire ministérielle publiée alors, « il revient désormais au mandant d’assurer l’information de son mandataire ». Si d’aucuns peuvent trouver cette solution intuitive, elle avait probablement aussi l’immense qualité de faciliter la vie de l’administration en évitant l’envoi d’un courrier recommandé au mandataire.
Malheureusement, cela revient surtout à laisser nombre d’électeurs dans le flou. Il arrive ainsi régulièrement que le mandant oublie de notifier le mandataire de l’établissement de la procuration. Dans cette situation, bien que le mandant ait établi la procuration dans les règles, il perd son vote.
Pire encore, dans l’éventualité où plusieurs personnes établiraient des procurations au bénéfice d’un seul mandataire sans que ce dernier soit informé de l’ensemble de celles-ci, ce qui est également chose courante, seule la première demeurera valable. Dans ce scénario, il serait possible que le mandataire ignore l’existence de l’unique procuration qui soit effectivement valable. Le choix de renoncer à l’information automatique du mandataire a donc créé un angle mort administratif aussi superflu qu’ennuyeux. Y remédier était à l’origine l’objet principal de ma proposition de loi.
Je l’avais déposée à nouveau en octobre dernier. À cette époque, le Covid-19 n’avait pas encore fait son apparition à Wuhan.
Depuis, les événements que nous connaissons tristement bien se sont produits. Le déroulement des élections municipales de mars 2020 a été grandement perturbé ; leur second tour a été reporté à la fin du mois de juin.
Durant cette crise, le Sénat a agi avec responsabilité : pratiquant un contrôle exigeant de l’action du Gouvernement, toujours précautionneux sur les enjeux de santé publique, il a aussi été une force de proposition.
Permettez-moi à cette occasion de saluer ici les travaux de tous les sénateurs qui ont contribué à ce que la démocratie ne soit pas confinée durant les derniers mois !
C’est dans le cadre de ces travaux que les présidents Bas, Retailleau et Marseille ont déposé, le 22 mai dernier, une proposition de loi visant à mieux protéger les électeurs et les candidats pour le second tour des élections municipales de juin 2020.
L’objectif de ce texte était de contribuer à parvenir à un équilibre entre, d’une part, l’impératif de protection de la santé de nos concitoyens, et, d’autre part, la nécessité d’assurer le bon fonctionnement des institutions démocratiques municipales.
En effet, repousser les élections n’est pas une décision à prendre à la légère. Du point de vue des principes, cela serait relativiser la fixité et la périodicité des mandats. Du point de vue pratique, cela contribuerait à ralentir l’investissement public local, au moment même où l’économie est en grande souffrance.
Pour atteindre cet équilibre, MM. Bas, Retailleau et Marseille prévoyaient dans leur texte plusieurs démarches convergentes.
D’abord, ils entendaient assurer une organisation du scrutin plus adaptée aux circonstances, en sécurisant les procurations déjà établies, en élargissant le recours à cette possibilité et en facilitant l’accès au vote des personnes vulnérables.
Ensuite, ils souhaitaient offrir à tous les participants une meilleure protection, en dotant les bureaux de vote des équipements nécessaires et en prévoyant la prise en charge de ces frais par l’État.
Enfin, ils voulaient faire en sorte que les pouvoirs publics soient informés de la situation sanitaire par le conseil scientifique suffisamment en amont pour que, le cas échéant, un report en bon ordre du scrutin demeure possible.
Compte tenu de la hausse de plus de 18 points du taux d’abstention au premier tour par rapport aux précédentes élections municipales, mais aussi de la possibilité d’une seconde vague de l’épidémie, ces mesures dérogatoires, qui ne se seraient appliquées qu’à ces élections, semblaient essentielles pour rétablir la confiance des électeurs.
Toutefois, un tel texte n’aurait pas pu être inscrit à l’ordre du jour à temps pour les élections.
Dès lors, la commission des lois a choisi d’employer ma proposition de loi comme véhicule législatif de ces mesures. J’approuve pleinement la direction qu’a prise la commission dans son travail, sous la houlette de son rapporteur, François-Noël Buffet, dont je salue l’excellent travail.
Je défendrai tout à l’heure plusieurs amendements visant à préciser certaines dispositions du texte dans l’esprit qui avait été celui de mon projet initial.
L’un d’entre eux a pour objet d’inscrire de manière pérenne dans le droit l’article 1er tel qu’il sera éventuellement amendé par mes propositions. Cet article est celui par lequel l’information du mandataire de l’existence de la procuration est organisée.
Il me semble en effet souhaitable que, pour toutes les élections à l’avenir, le mandataire soit informé de l’existence de la procuration par voie électronique ou par voie postale. L’ajout de son adresse de courrier électronique dans le formulaire devrait pouvoir régler très facilement le problème.
Je propose également que les autorités compétentes informent systématiquement de la procuration, par voie électronique, la préfecture de département du mandataire. Celle-ci en informerait à son tour, également par voie électronique, la commune du mandataire.
Compte tenu des délais très courts qui nous sont imposés, il serait regrettable que les délais postaux jouent contre nous et que les procurations soient perdues parce qu’elles n’auraient pu être acheminées en mairie.
Cette disposition permettrait également à un mandant de donner procuration jusqu’au jour du scrutin en cas d’empêchement soudain. Dans les faits, cette faculté était souvent inopérante du fait du délai d’acheminement.
Enfin, si nous voulons faciliter effectivement le vote par procuration pour les élections de juin prochain, il faut aussi en simplifier les conditions.
Il est impératif, en vue du second tour des élections municipales, de permettre aux électeurs de saisir les autorités compétentes par tout moyen, y compris par téléphone.
Quel intérêt pour l’autorité administrative d’exiger, comme cela se fait parfois, une lettre du mandant requérant le déplacement de l’autorité à son domicile ? Je dis bien « parfois », car les exigences des autorités varient d’un département à l’autre, voire au sein d’un même département.
L’autorité administrative qui se déplace est parfaitement capable de juger de la volonté du mandant et de sa capacité à donner mandat à un tiers. J’en veux pour preuve le fait que, lorsque l’autorité considère le mandant inapte, elle n’établit pas la procuration.
Les documents justificatifs nécessaires au déplacement des autorités compétentes doivent également être allégés. Je propose que ces dernières se déplacent sans exiger de justificatif préalable tel qu’un certificat médical. Imaginez seulement la difficulté d’une telle démarche dans nos campagnes, où il est difficile de trouver un médecin, ainsi que son coût ! Là encore, l’autorité compétente est parfaitement en mesure de constater qu’une personne ne peut pas se déplacer.
En conclusion, j’espère qu’en adoptant cette proposition de loi le Sénat enverra un signal aux électeurs, évidemment, mais également aux organisateurs de l’élection, à ces petites mains qui, dans chaque commune, font vivre notre démocratie. Le message que nous devons leur faire passer est qu’il sera possible d’organiser des élections se conformant aux meilleurs standards démocratiques tout en assurant une protection sanitaire irréprochable de leurs participants.
Je veux également m’adresser ici au Gouvernement : au cours des derniers mois, il nous a démontré sa capacité à faire preuve d’une grande célérité pour l’adoption de ses projets de loi, pourtant bien plus longs et complexes que cette modeste proposition de loi. Espérons que cet activisme ne se limite pas aux seuls textes omnibus portant habilitations à prendre diverses ordonnances !
Jadis, Jacques Cœur avait adopté pour devise : « À cœur vaillant, rien d’impossible ! » Je ne peux donc que vous inciter, monsieur le secrétaire d’État, à faire preuve de vaillance sur ce texte sénatorial, dont l’adoption finale n’a rien d’impossible ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, en remplacement de M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous demande d’excuser l’absence de notre rapporteur, M. François-Noël Buffet ; je ferai de mon mieux pour le suppléer.
Monsieur le secrétaire d’État, le 28 juin prochain, sauf événement contraire, 16,5 millions d’électeurs seront appelés aux urnes pour désigner les conseils municipaux de 4 857 communes de toutes dimensions, dont certaines des plus grandes de France.
Ce scrutin a fait l’objet de beaucoup d’incertitudes ; il y a quelques semaines encore, nous étions en plein confinement et personne n’imaginait qu’on pourrait le tenir.
Le Gouvernement a finalement décidé de convoquer les électeurs, par un décret pris mercredi dernier ; nous sommes maintenant sur la voie de l’élection.
Il n’empêche que beaucoup de nos concitoyens sont anxieux à l’idée de s’exposer à la promiscuité dans les bureaux de vote, malgré toutes les mesures d’organisation qui pourront être prises ; d’autres, qui sont particulièrement vulnérables, ont été malades, ou sont encore affaiblis par la maladie, hésitent à se rendre aux urnes. Nous souhaitons qu’ils aillent mieux d’ici au 28 juin, mais il nous paraît tout à fait essentiel que des mesures soient prises pour les rassurer.
Nous comptions le faire en parfaite harmonie avec le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale, car cela répond, de notre point de vue, qui est un point de vue républicain, à l’intérêt supérieur et même impératif du bon fonctionnement de la démocratie.
Nous espérions donc que notre proposition de loi visant à faciliter l’établissement de procurations pour ce seul scrutin du 28 juin, texte qui a suscité beaucoup de réactions positives, y compris dans les rangs de la majorité de l’Assemblée nationale, pourrait aboutir en temps utile.
Pour cela, encore eût-il fallu que le Gouvernement déclenchât la procédure accélérée, qui lui est en temps normal assez familière,…
M. Jean-Pierre Sueur. Très familière !
M. Philippe Bas, président de la commission. … dans la mesure où, jusqu’à présent, presque tous les textes qu’il nous a présentés ont été examinés selon cette procédure.
Mais le Gouvernement, alors même qu’il ne s’est pas opposé aux dispositions que nous proposions, n’a pas mobilisé cet instrument constitutionnel. Ce faisant, il a pris, seul, la responsabilité d’empêcher l’assouplissement des procurations, ainsi que toute autre mesure qui pourrait être prise : certains des amendements que nous allons examiner ont ainsi pour objet le vote par correspondance, qui a fait l’objet de demandes de la part d’un important parti de la majorité parlementaire, sans lequel celle-ci, d’ailleurs, ne serait plus la majorité.
Voilà où nous en sommes. Au moment où je dois, au nom de notre rapporteur, vous présenter le dispositif que nous proposons, j’ai déjà – hélas ! – la certitude que cette volonté de bien faire fonctionner la démocratie au cours du scrutin du 28 juin n’est pas partagée par le Gouvernement, puisqu’il n’a pas mobilisé les moyens nécessaires pour que le régime des procurations soit assoupli à temps.
Monsieur le secrétaire d’État, vous allez vous en expliquer. Peut-être trouverez-vous que mon propos est excessif ; si tel est bien le cas, je le retirerai, bien sûr !
Peut-être avez-vous songé à d’autres instruments que la procédure accélérée qui nous permettraient tout aussi bien d’aboutir à nos fins. J’ai ainsi noté que des amendements avaient été déposés sur un projet de loi de report des élections municipales du 28 juin. Je voudrais vous faire remarquer, au cas où vous ne vous en seriez pas aperçu, que ce projet de loi a pour objet non pas d’organiser le scrutin du 28 juin, mais de le reporter. Je vois mal, dès lors, comment des amendements relatifs au régime des procurations déposés sur ce texte pourraient servir au scrutin du 28 juin. Par ailleurs, je me demande si ces amendements ne seraient pas de purs cavaliers législatifs, ce qui rendrait inconstitutionnelles les dispositions qui pourraient être adoptées.
En tout état de cause, ce texte, en cours de discussion à l’Assemblée nationale, ne pourra pas être adopté dans un délai qui permettrait d’organiser l’assouplissement du régime des procurations. C’est donc un mauvais cheval qu’enfourche ce cavalier ; le seul bon cheval, c’est le nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)