Mme Monique Lubin. Cet amendement a pour objet de sécuriser les parcours d’insertion des publics fragiles. Il vise à leur ouvrir la possibilité de bénéficier de l’activité partielle en permettant le renouvellement de leur contrat de travail ou la conclusion d’un nouveau contrat de travail en cas de mise à disposition, même sans mission associée.
Ce dispositif, lié à la particularité des contrats à durée déterminée d’usage, permettra d’adapter et de sécuriser l’accès des publics concernés à l’activité partielle.
M. le président. L’amendement n° 246, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
pour une durée n’excédant pas six mois à compter de
par les mots :
jusqu’à
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. À nouveau, j’estime que, si le Gouvernement souhaite légiférer seul, nous n’avons plus de raison d’être. Le Gouvernement a déjà pris cinquante-sept ordonnances ! Le Parlement lui a déjà accordé de proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet inclus. Dépasser le cadre strict prévu par la loi me semble dangereux pour notre démocratie.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde, M. Léonhardt, Mme Pantel et MM. Requier, Roux, Vall et Cazabonne.
L’amendement n° 13 rectifié ter est présenté par MM. Bonhomme et Mandelli, Mmes Lamure et Micouleau, M. Vogel, Mme Di Folco, MM. Pierre, Bonne et Gremillet, Mmes Billon et Vullien, M. Grosdidier, Mme de Cidrac, MM. Guené et Pellevat, Mme Sollogoub, MM. Brisson et Piednoir, Mme Duranton, M. Vial, Mmes Berthet, Lassarade et Malet, M. Kennel, Mme Bories, MM. de Nicolaÿ, Luche, Gilles et Dallier, Mmes Imbert et Lanfranchi Dorgal, MM. Mouiller, B. Fournier, Bouchet et Sido et Mmes Thomas et Canayer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – À compter du 12 mars 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, pour la détermination de l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail au bénéfice des salariés des structures mentionnées au 3° de l’article L. 5132-4 du même code, les contrats de travail conclus en application du 3° de l’article L. 1242-2 dudit code, sont réputés avoir été conclus en application de contrats de mise à disposition sur la base d’un volume horaire calculé de la façon suivante :
a) Pour les salariés nouvellement inscrits dans l’association intermédiaire en mars 2020, selon une estimation du nombre d’heures qui auraient dû être réalisées ;
b) Selon les prévisions contractuelles quand un volume horaire était prévu dans le contrat de travail ;
c) Selon le nombre d’heures déclarées comme réalisées du plus favorable des trois derniers mois clos avant le début de l’état d’urgence sanitaire.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Dans la période de crise actuelle, le maintien des salariés en parcours d’insertion revêt un intérêt particulier pour éviter une exclusion durable du monde du travail en conservant un lien avec l’employeur, qui peut poursuivre son action d’accompagnement et de formation dans l’attente de la reprise d’activité.
Le Gouvernement a souhaité faire bénéficier l’ensemble des salariés de la mesure renforcée d’activité partielle afin de préserver l’emploi face à cette crise. Pour autant, en raison de particularités juridiques, les associations intermédiaires et les entreprises de travail temporaire d’insertion voient leur accès à cette mesure de soutien remis en cause en raison d’une insécurité juridique liée à la nature de leurs contrats d’insertion. Le présent amendement, proposé par Mme Delattre, vise donc à adapter l’accès à l’activité partielle à la particularité des contrats à durée déterminée d’usage d’insertion.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié ter.
M. François Bonhomme. Le présent amendement vise à sécuriser l’accès à l’activité partielle compte tenu de la période particulière que nous vivons, en attendant – espérons-le – des jours meilleurs qui nous permettront de revenir à un dispositif moins exceptionnel.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 111 est présenté par Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Capus, Malhuret, Menonville et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Wattebled, Bignon, Chasseing, Amiel, Fouché, Decool, Laufoaulu et A. Marc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À compter du 12 mars 2020 et pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, pour la détermination de l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail au bénéfice des salariés des structures mentionnées au 3° de l’article L. 5132-4 du même code, les contrats de travail conclus en application du 3° de l’article L. 1242-2 dudit code, sont réputés avoir été conclus en application de contrats de mise à disposition sur la base d’un volume horaire calculé de la façon suivante :
a) pour les salariés nouvellement inscrits dans l’association intermédiaire en mars 2020, selon une estimation du nombre d’heures qui auraient dû être réalisées ;
b) selon les prévisions contractuelles quand un volume horaire était prévu dans le contrat de travail ;
c) selon le nombre d’heures déclarées comme réalisées du plus favorable des trois derniers mois clos avant le début de l’état d’urgence sanitaire.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° 111.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le Gouvernement n’a plus qu’à piocher la bonne rédaction parmi ces différents amendements, qui visent tous à permettre que le secteur de l’insertion par l’activité économique bénéficie du chômage partiel. Cette mesure est réclamée sur toutes les travées.
En tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Travail et emploi », mon collègue Emmanuel Capus et moi-même avons rédigé le même amendement. Quelle que soit la rédaction retenue, nous souhaitons que l’insertion par l’activité économique puisse bénéficier du chômage partiel. Cela nous semble une bonne chose compte tenu de la crise actuelle.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 117 rectifié.
M. Franck Menonville. Comme vient de le dire notre collègue Sophie Taillé-Polian, ces deux amendements identiques ont été rédigés en commun.
M. le président. L’amendement n° 183 rectifié bis, présenté par Mmes Létard et Vullien, MM. Delcros, Longeot, Henno, Janssens, Détraigne, Moga, Le Nay, Prince, Kern, Médevielle, Canevet, Cigolotti, Cadic et Capo-Canellas, Mmes Joissains, Vérien, Guidez, Vermeillet, Morin-Desailly, Perrot, Billon, Saint-Pé et Gatel et MM. Vanlerenberghe, Cazabonne, Lafon et L. Hervé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Pour la détermination de l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail au bénéfice des salariés des structures mentionnées au 3° de l’article L. 5132-4 du même code, les contrats de travail conclus en application du 3° de l’article L. 1242-2 dudit code, sont réputés avoir été conclus en application de contrats de mise à disposition sur la base d’un volume horaire calculé de la façon suivante :
a) Pour les salariés nouvellement inscrits dans l’association intermédiaire en mars 2020, selon une estimation du nombre d’heures qui auraient dû être réalisées ;
b) Selon les prévisions contractuelles quand un volume horaire était prévu dans le contrat de travail ;
c) Selon le nombre d’heures déclarées comme réalisées du plus favorable des trois derniers mois clos avant le début de l’état d’urgence sanitaire.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Six de ces amendements en discussion commune visent à inscrire dans la loi le calcul de l’indemnité d’activité partielle pour les associations intermédiaires de l’insertion par l’activité économique, compte tenu de la spécificité de ces structures.
Ces amendements sont satisfaits par la pratique actuelle de la DGEFP, qui est précisée dans une simple foire aux questions du ministère du travail. Cependant, on voit mal pourquoi cette pratique ne serait pas sécurisée juridiquement.
Si tous ces amendements ont le même objet, certains ont une rédaction plus précise que d’autres. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur les amendements nos 5 rectifié bis, 13 rectifié ter, 111 et 117 rectifié et un avis défavorable sur les amendements nos 48 et 183 rectifié bis.
Quant à l’amendement n° 246, il vise à supprimer l’extension à six mois au-delà de l’état d’urgence sanitaire des assouplissements prévus par l’article. Compte tenu de l’incertitude actuelle, il est préférable d’accorder cette souplesse au Gouvernement. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Conscient de la particularité du secteur de l’insertion, pour lequel il importe de garantir la continuité des parcours individuels et d’éviter toute rupture de prise en charge, le ministère du travail a très tôt indiqué la possibilité pour les structures d’insertion de renouveler à titre exceptionnel les CDDU arrivés à échéance.
Une inscription de cette dérogation dans la loi n’apparaît pas nécessaire, puisque, comme l’indiquait le rapporteur pour avis, elle se pratique déjà. Lorsqu’ils sont apparus justifiés et opportuns, les renouvellements ont eu lieu et ont garanti la continuité des parcours d’insertion.
Le niveau de norme choisi par l’administration paraît adapté pour mettre en œuvre avec souplesse cette dérogation exceptionnelle, tout en prémunissant les acteurs de tout risque lors des opérations de contrôle du recours à l’activité partielle.
Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Lorsqu’elle était présente en séance, Mme la ministre du travail a émis un avis favorable sur un amendement de Mme Robert qui procédait de la même logique, en indiquant que, même si l’écriture dans la loi du dispositif visé n’apparaissait pas nécessaire, rien n’empêchait de sécuriser ce qui se pratique déjà. Il serait bon que nous procédions à cette sécurisation demandée par les acteurs de l’insertion par l’activité économique.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Permettez-moi d’évoquer la pratique concernant notamment la reconduction des contrats dans le secteur de l’insertion.
Lorsqu’une situation particulière se présente, comme celle que nous vivons aujourd’hui, les acteurs de ce secteur dialoguent avec la Direccte, qui leur fait une réponse en fonction de la pertinence de la demande, mais, surtout, des budgets disponibles. Le système actuel ne permettant aucune lisibilité quant aux budgets complémentaires qui seront alloués, il n’est donc pas sécurisé.
Les structures d’insertion et tous les acteurs du monde économique et social se plaignent de ce manque de visibilité. Aucune consigne n’étant donnée concernant les budgets complémentaires, ces acteurs sont à la merci d’une décision ou d’une non-décision. C’est pourquoi il est fondamental et urgent de voter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 13 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 111, 117 rectifié et 183 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis A
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 239 rectifié bis, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos est abrogée.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 a ouvert des dérogations dangereuses au droit du travail en matière de congés payés et de jours de repos pour tous les secteurs, ainsi que des dérogations concernant la durée maximale du travail et le repos dominical.
Les entreprises n’ont pas attendu pour mettre en place ces dispositifs, y compris les grands groupes qui bénéficient déjà du chômage partiel et des aides financières de l’État. Je pense à Alstom, qui a imposé à ses salariés de poser avant fin avril onze jours de repos, dont cinq jours de congés payés. Ces salariés n’ont pas eu le choix de leurs jours de congé, qu’ils ont dû prendre pendant le confinement, ce qui, vous en conviendrez mes chers collègues, est loin d’être des vacances.
À la Société générale, un accord a obligé les salariés à poser dix jours de congés payés et de RTT entre mi-mars et fin mai. Chez BNP Paribas, la direction a imposé unilatéralement la prise de dix jours avant fin mai. Cette décision brutale a été extrêmement mal vécue par les salariés.
Certaines entreprises ont également imposé à leurs salariés de réduire ou de déplacer leurs congés d’été. Ainsi, chez PSA, un accord diminue de trois à deux semaines consécutives la durée minimale des congés estivaux. Cette remise en cause brutale des congés d’été est une double sanction pour les salariés, qu’ils aient été confinés ou qu’ils aient continué de travailler sans beaucoup de protection.
Par l’ordonnance de mars 2020, une brèche supplémentaire a été ouverte au socle des droits sociaux de notre pays. Le risque est de voir cette brèche maintenue au-delà du 31 décembre 2020.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons l’abrogation de cette ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 204 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les quatrième et cinquième alinéas du b du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’amendement est défendu.
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le sixième alinéa du b du 1° du I de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est supprimé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ces trois amendements tendent à revenir sur les mesures d’urgence en matière de congés et de temps de travail.
L’amendement n° 239 rectifié bis vise à abroger l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, qui a été prise sur le fondement de la loi d’urgence du 23 mars.
Les mesures de cette ordonnance relatives à l’adaptation des règles de prise des congés payés ont donné lieu à de nombreux accords collectifs sans susciter d’opposition majeure. Elles permettent aux entreprises de s’organiser en vue de la reprise de l’activité économique. Supprimer ces mesures aujourd’hui poserait un problème de sécurité juridique.
Par ailleurs, les dérogations aux règles de durée de travail n’ont à ce jour donné lieu à aucun décret sectoriel. Aucune entreprise ne peut donc actuellement porter la durée quotidienne du travail à douze heures, par exemple, sans que l’administration ait son mot à dire. Conserver cette facilité pourrait toutefois se révéler utile dans certains secteurs stratégiques.
Les amendements nos 204 rectifié et 205 rectifié visent à supprimer des habilitations sur le fondement desquelles a été prise cette ordonnance pour permettre aux employeurs de déroger respectivement aux règles de prise de congés payés et de jours de repos et aux règles d’ordre public en matière de durée du travail.
L’avis sur ces trois amendements est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement n° 239 rectifié bis vise à abroger l’ordonnance du 25 mars 2020.
La faculté d’adapter la durée du travail, à la hausse ou à la baisse, selon les cas, permet aux entreprises de faire face aux difficultés économiques liées à la pandémie de Covid-19 et participe ainsi de l’aide indispensable au tissu économique et au maintien de l’emploi des salariés en entreprise.
L’ordonnance encadre le dispositif, qui ne concerne que six jours de congé et dix jours de repos au maximum, garantissant ainsi le maintien d’un repos minimum pour les salariés. Les partenaires sociaux se sont emparés de ce dispositif, comme l’a rappelé votre rapporteur pour avis. De nombreux accords de branches et d’entreprise ont déjà été signés. Le dispositif est donc jugé pertinent et adapté par les forces économiques et sociales sur le terrain.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 239 rectifié bis, ainsi que sur les amendements nos 204 rectifié et 205 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les réponses qui viennent de m’être faites par le rapporteur pour avis et par le ministre sont incroyables. En cette période de crise qui ébranle la société dans son entier, les salariés ont une grosse crainte concernant leur avenir : ils ont peur de perdre leur emploi. Nous savons que la secousse sera terrible. Or vous me répondez qu’il n’y a pas eu de vague, pas de protestation, et, fort de cet argument, vous proposez de continuer.
Les jours de repos et les congés payés ont été conquis par des luttes. En 2020, grâce à la modernisation de notre société, nous devrions travailler non pas 35 mais 32 heures, voire moins, car c’est possible ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous pouvez rire ! Pour vous, le jour d’après sera encore pire que celui d’avant. Dès qu’il s’agit de détériorer les conditions de travail des salariés, il y a consensus dans l’intérêt des entreprises. Mais le détricotage du code du travail n’a pas rendu l’économie plus florissante ! Dans cette crise terrible, ce ne sont pas les grands groupes qui engrangent des milliards qui trinquent, mais bien les salariés !
Cela ne semble gêner personne que, sous prétexte de crise sanitaire, les droits soient copieusement remis en cause par voie d’ordonnance. Je suis pourtant certaine, mes chers collègues, que, si l’on vous imposait de telles conditions, vous ne les accepteriez pas de si bonne grâce. Il y a deux poids, deux mesures !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 239 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 135 rectifié quater, présenté par M. Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Vaspart, Brisson et B. Fournier, Mme Lavarde, M. Cuypers, Mme Chauvin, M. Danesi, Mme Deroche, M. Lefèvre, Mme de Cidrac, MM. Saury, Regnard et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, MM. Bonne et Cambon, Mmes Di Folco et Dumas, MM. Milon, Frassa, Rapin et Piednoir, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Vogel et Gilles, Mme Morhet-Richaud, MM. Gremillet et J.M. Boyer et Mmes Imbert et Berthet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par dérogation aux titres II et IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser l’employeur à imposer aux salariés placés en activité partielle bénéficiant du maintien intégral de leur rémunération sur le fondement de stipulations conventionnelles, d’affecter des jours de repos conventionnels ou une partie de leur congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables, à un fonds de solidarité pour être monétisés en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération subie, le cas échéant, par les autres salariés placés en activité partielle.
II. – Par dérogation aux titres II et IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser la monétisation, des jours de repos conventionnels ou d’une partie de leur congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables, sur demande d’un salarié placé en activité partielle en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération qu’il a subie, le cas échéant.
III. – Les jours de repos conventionnels et de congé annuel mentionnés au I et II du présent article susceptibles d’être monétisés sont les jours acquis et non pris, qu’ils aient ou non été affectés à un compte épargne temps.
IV. – Les jours de repos conventionnels mentionnés aux I et II du présent article sont ceux prévus par un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en application de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, par un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail, et ceux prévus par une convention de forfait conclue sur le fondement la section 5 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du même code.
V. – Le nombre total de jours de repos conventionnels et de congé annuel pouvant être monétisés en application du I et du II ne peut excéder cinq jours par salarié.
VI. – Les I, II, III et IV s’appliquent à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020.
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Cet amendement, déposé par Vincent Segouin, a pour objet d’insérer dans le présent projet de loi une mesure permettant par accord collectif la mise en œuvre de deux mécanismes visant à compléter les revenus des salariés dans le cadre d’un placement en activité partielle.
Le premier mécanisme permet à l’employeur d’organiser une solidarité entre les salariés de l’entreprise de façon à monétiser les jours de repos et les jours de congés payés de ceux qui n’ont pas subi de perte de rémunération vers ceux qui ont vu leur rémunération diminuer du fait de leur placement en activité partielle.
Le second mécanisme, qui repose sur le volontariat des salariés, vise à permettre aux salariés qui ont subi une baisse de leur rémunération du fait de leur placement en activité partielle de compléter leurs revenus par la monétisation de jours de repos ou de jours de congés payés.
Dans les deux cas, seuls les jours de repos conventionnels et les jours de congés payés correspondant à la cinquième semaine peuvent faire l’objet d’une monétisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’idée de monétiser des jours de congé ou des jours de repos non pris pour maintenir la rémunération des salariés placés en activité partielle semble dans le contexte actuel très positive. (Mmes Laurence Cohen et Sophie Taillé-Polian s’esclaffent.)
Mme Sophie Taillé-Polian. On aura tout entendu !
M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ce mécanisme fonctionnerait, soit sur l’initiative de l’employeur via un fonds de solidarité, soit sur demande du salarié concerné. Il pourrait trouver à s’appliquer dans de nombreuses entreprises dans lesquelles l’indemnisation de l’activité partielle est variable selon les catégories de salariés.
Le dispositif de fonds de solidarité pourrait être imposé par l’employeur, mais il serait conditionné à la conclusion d’un accord d’entreprise, ce qui constitue une garantie qui nous paraît suffisante. Le droit actuel a déjà permis à de nombreuses entreprises de conclure des accords innovants pour faire face aux conséquences de l’épidémie. Cet amendement peut leur permettre d’aller plus loin. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. En cette période où une partie des salariés placés en activité partielle subit des pertes de revenus, cet amendement vise à faciliter les solidarités au sein de l’entreprise.
Le Gouvernement est favorable aux deux mesures proposées, qui permettent l’une et l’autre le maintien de la rémunération des salariés en activité partielle.
La mise en place d’un fonds de solidarité par accord collectif permettra aux partenaires sociaux de déterminer les conditions de mise en œuvre du mécanisme les mieux adaptées à l’entreprise.
La monétisation des jours de repos et exceptionnellement de la cinquième semaine de congés payés, dans le respect des engagements européens, qui prévoient que les quatre premières semaines de congés payés sont prises sous forme de repos, offrira également une souplesse aux salariés en activité partielle qui souhaitent compléter leur rémunération.
L’avis est donc favorable.