M. le président. L’amendement n° 129 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et Laborde, MM. Requier, Collin, Roux et Gabouty, Mme Jouve, M. Vall et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Supprimer les mots :
ou arrivent sur le territoire hexagonal en provenance de l’une de ces mêmes collectivités
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise, d’une part, à supprimer la notion de territoire hexagonal, qui ne renvoie à aucune notion juridique précise, et, d’autre part, à permettre à nos concitoyens d’outre-mer de bénéficier des mêmes possibilités d’accès à l’ensemble du territoire que les résidents de Corse. Nous pensons notamment aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont contraints de transiter par le Canada pour rejoindre la métropole faute d’offre de transport aérien direct. Introduire une différence entre les territoires d’outre-mer, souvent insulaires, nous paraît totalement injustifié.
M. le président. L’amendement n° 101, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Daudigny, Sueur et Kanner, Mme Rossignol, MM. Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
qu’à la suite de l’organisation des examens de biologie médicale de dépistage et la collecte de leurs résultats sur les personnes concernées
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement va dans le même sens que celui de M. Magras : il s’agit de subordonner la mise en quarantaine à la réalisation de tests.
Dans un monde idéal, on pourrait imaginer que l’on teste la personne à son arrivée sur le territoire national, avant de lui imposer une période d’isolement de cinq jours, soit la durée moyenne d’incubation, puis de réaliser un second test à la fin de cette période. Si les deux tests sont négatifs, on pourra considérer la période d’incubation comme passée et réduire la quarantaine à cinq jours. Pour autant, nous avons conscience qu’une telle procédure serait lourde, et j’imagine que la réponse du rapporteur et du ministre sera la même que tout à l’heure…
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Decool, Wattebled, Menonville, Longeot et Chasseing, Mme Mélot, M. Lagourgue, Mme Loisier, MM. Bonne et Kern et Mmes Garriaud-Maylam et Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement peuvent également intervenir pour les personnes en situation irrégulière déjà présentes sur le territoire national.
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Cet amendement vise à étendre les mesures de confinement aux personnes en situation irrégulière déjà présentes sur le territoire national. Cette disposition trouverait une application toute particulière dans les territoires touchés par la crise sanitaire et connaissant un afflux important de personnes en situation irrégulière, dont la mise à l’abri sur la base du volontariat n’a pas été efficace.
Ainsi, dans les Hauts-de-France, le Calaisis connaît un regain de tensions dû à la pression migratoire dans un contexte de crise sanitaire. Les déplacements de personnes en situation irrégulière qui ne peuvent pas respecter les consignes sanitaires – mesures de distanciation sociale et gestes barrières – laissent craindre une propagation plus rapide de l’épidémie, malgré le respect des mesures par l’ensemble de la population. Il semble indispensable que l’État prenne ses responsabilités afin de faire respecter les consignes sanitaires à des populations démunies et de rassurer les habitants du Calaisis.
M. le président. L’amendement n° 123, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Regnard et Frassa, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La durée de la mise en quarantaine des Français établis à l’étranger qui se rendent sur le territoire national est limitée au temps strictement nécessaire à la réalisation d’un examen de biologie médicale de dépistage du covid-19 et à l’obtention de son résultat ; la mise en quarantaine de la personne concernée ne peut excéder cette durée que si elle a expressément renoncé à l’examen de dépistage.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement porte également sur les conditions de la quarantaine. J’ai parlé des Français expatriés ; je pense aussi aux étrangers qui viennent en France. Nous devons absolument réussir le déconfinement pour préserver notre économie, et j’avoue être très inquiète pour le secteur du tourisme, qui représente, je le rappelle, 7,5 % de notre PIB.
Dans cette perspective, nous devons vraiment essayer de trouver les moyens de réduire la période de quarantaine en recourant à des tests, sinon l’effet dissuasif sera trop important pour les étrangers qui souhaitent visiter notre pays et les Français de l’étranger qui veulent revenir.
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Regnard et Frassa, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le fait, pour une personne résidant à l’étranger de se rendre sur son lieu habituel de travail situé en France ou, pour une personne résidant en France, de revenir de son lieu habituel de travail situé à l’étranger n’est pas considéré comme une entrée sur le territoire national au sens du présent alinéa.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement concerne les frontaliers, mais le problème semble résolu : le président Bas m’a indiqué qu’ils n’auront pas à subir de quarantaine. Je retire donc l’amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement n° 13 rectifié bis pose le même problème que celui que Mathieu Darnaud a bien voulu retirer : il repose sur une foi excessive dans la valeur des tests de dépistage pour protéger la population contre les risques de contamination. C’est la raison pour laquelle je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer.
L’amendement n° 12 rectifié bis tend à limiter les mesures de quarantaine aux personnes chez lesquelles l’infection a été constatée. Or la quarantaine est une mesure de prudence qui vise surtout les personnes n’étant pas dans ce cas. Quand l’infection a été constatée, on recourt plutôt au placement à l’isolement, qui n’obéit pas aux mêmes règles que la quarantaine. C’est pourquoi je demande aussi le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 111 est satisfait par le texte de la commission, qui prévoit déjà une durée maximale d’un mois. Il me semble par conséquent que vous pourriez retirer votre amendement, monsieur Sueur.
L’amendement n° 40 soulève le problème des migrants en situation irrégulière circulant dans le Calaisis. Ces migrants vivant dans des conditions de grande précarité, les risques de contamination s’en trouvent accrus, pour eux-mêmes et pour leur entourage. Pour autant, le Gouvernement dispose d’autres moyens que la mise en quarantaine.
J’ajoute que si nous adoptions cette disposition, le Gouvernement ne serait nullement contraint de la mettre en œuvre, pas plus qu’il ne met en œuvre les mesures d’assignation à résidence qui sont à sa disposition. C’est une question de volonté politique : le Gouvernement est-il prêt, monsieur le ministre, à traiter, en recourant aux dispositifs déjà existants, le cas des étrangers en situation irrégulière ? Si vous me répondez par la négative, il est clair que le vote par le Parlement d’une disposition prévoyant la mise en quarantaine des migrants en situation irrégulière resterait de toute façon sans effet.
En conclusion, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Pour autant, le Gouvernement ne doit pas s’en tirer à si bon compte ! Nos collègues ont parfaitement identifié un véritable problème, même si la solution qu’ils proposent ne me paraît pas adaptée à la situation spécifique de personnes qui sont souvent présentes depuis un certain temps sur le territoire national.
Sur l’amendement n° 129 rectifié, je demande à connaître l’avis du Gouvernement.
S’agissant de l’amendement n° 101, qui tend à limiter la mise en quarantaine aux personnes infectées, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer pourquoi je suis défavorable à une telle mesure : la quarantaine est moins destinée aux personnes dont on est sûr qu’elles sont infectées qu’à celles dont on craint qu’elles le soient, sans en être certain. Je souhaiterais que le groupe socialiste et républicain accepte de retirer cet amendement.
L’amendement n° 2 rectifié bis, qui prévoit la mise en quarantaine des personnes en situation irrégulière, soulève le même problème que l’amendement n° 40. Je demande là encore au Gouvernement de nous dire ce qu’il entend faire pour ces populations et pour celles du territoire où elles s’agglutinent.
L’amendement n° 123 a pour objet de réduire la période de quarantaine à la seule durée nécessaire à la réalisation d’un test pour les Français établis hors de France revenant sur le territoire national. Nous y sommes défavorables, madame Garriaud-Maylam. Comme j’ai tenté de l’expliquer à plusieurs reprises, les tests présentent trop d’incertitudes pour que l’on puisse se reposer sur eux seuls. En revanche, les autorités administratives doivent faire preuve de discernement et tenir compte du pays de provenance des personnes entrant en France. C’est pourquoi nous avons exigé, alors que cela n’était pas initialement prévu, qu’un arrêté en fixe la liste. Je veux également rappeler que la quarantaine ne saurait être systématique ; il existe des alternatives. Enfin, nous avons voulu que l’on laisse aux Français revenant de l’étranger qui seraient placés en quarantaine la liberté de passer cette période dans leur résidence en France s’ils en ont une. Dans une telle hypothèse, en effet, il n’y a absolument aucune raison de leur imposer d’accomplir leur quarantaine ailleurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 195 et demande le retrait des autres.
Monsieur le président Bas, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris le sens de votre interpellation : vous n’entendez pas demander au Gouvernement de placer en quarantaine des personnes en situation irrégulière pour ce seul motif, n’est-ce pas ? En situation d’épidémie, il n’y a pas de mesures différenciées selon que l’on est en situation régulière ou pas : tout le monde doit être protégé dans les mêmes conditions et les mêmes règles – quarantaine ou isolement selon les cas – s’appliquent à tous.
La réponse du Gouvernement s’agissant de populations particulièrement précarisées comme les personnes migrantes, qu’elles soient en situation régulière ou pas, a plutôt consisté à multiplier les places d’hébergement d’urgence – de mémoire, près de 17 000 ont été ouvertes, sous l’autorité de Julien Denormandie – et à faire intervenir des travailleurs sociaux, en interaction très étroite avec des ONG et des associations telles que la Croix-Rouge, Médecins du monde ou Médecins sans frontières, de manière à écarter le risque d’une diffusion à bas bruit de l’épidémie au sein d’une population déjà précarisée sur le plan sanitaire. Tout est mis en œuvre pour protéger ces personnes et vérifier qu’aucun foyer épidémique ne se développera à partir de leurs campements ou de leurs abris de fortune, mais en aucun cas des dispositions spécifiques de placement en quarantaine ne sauraient leur être appliquées.
M. le président. Monsieur Requier, les amendements nos 13 rectifié bis et 12 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 13 rectifié bis et 12 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 195.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Sueur, l’amendement n° 111 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 111 est retiré.
Madame Di Folco, l’amendement n° 40 est-il maintenu ?
Mme Catherine Di Folco. J’ai bien entendu l’interpellation de M. Bas et la réponse de M. le ministre.
Mme Bouchart, maire de Calais, a dû vous sensibiliser à plusieurs reprises, monsieur le ministre, au fait que la mise à l’abri des migrants est fondée sur le volontariat. Là est précisément le problème : on ne peut pas obtenir de résultats satisfaisants s’il n’y a pas d’obligation en termes de mise à l’abri de ces personnes, car elles sont probablement souvent atteintes par la maladie et peuvent contribuer à la répandre.
D’après Mme Bouchart, il faudrait donc que cette mise à l’abri soit imposée, avec mise à disposition, évidemment, de logements d’accueil. Elle insiste aussi sur le fait que le Pas-de-Calais ne doit pas être le seul territoire mobilisé pour accueillir ces personnes.
L’alerte étant lancée, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.
Madame Carrère, l’amendement n° 129 rectifié est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Oui, je le maintiens, monsieur le président, n’ayant pas obtenu de réponse à la problématique de l’application de la quarantaine pour nos compatriotes d’outre-mer – j’ai cité l’exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon –entrant sur le territoire métropolitain. J’aimerais avoir l’assurance qu’ils seront traités comme les autres Français.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Le projet de loi tel que le Gouvernement l’a élaboré et le texte que nous avons adopté ce matin en commission des lois prévoient les mêmes règles pour tous, ma chère collègue, mais les situations ne sont pas les mêmes.
En effet, certaines collectivités d’outre-mer sont exemptes de contamination ou très faiblement touchées. Elles doivent être protégées. La situation n’est pas la même quand il s’agit d’accueillir sur le territoire métropolitain des Français revenant de l’étranger ou des étrangers. En fait, le texte prévoit le placement en quarantaine pour l’arrivée sur le territoire métropolitain et pour l’arrivée sur un territoire ultramarin, y compris quand il s’agit d’une personne en provenance de la métropole.
M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 101 est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 101 est retiré.
Monsieur Wattebled, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dany Wattebled. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
Madame Garriaud-Maylam, l’amendement n° 123 est-il maintenu ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Non, il est également retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 123 est retiré.
L’amendement n° 66, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures prévues aux 3° et 4° du présent article peuvent, en outre, intervenir, dans le cas d’une maladie transmissible hautement contagieuse, lorsqu’une personne infectée ou présentant un risque d’infection crée, par son refus de respecter une prescription médicale et individuelle d’isolement prophylactique, un risque grave pour la santé de la population.
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. La réussite de la levée du confinement est conditionnée, entre autres choses, au respect scrupuleux et potentiellement contraignant, par les personnes atteintes et les personnes contacts, d’un isolement prophylactique à domicile ou à l’hôtel, selon le risque de reconstitution de foyer. Limiter l’isolement prophylactique à une simple recommandation médicale dénuée de tout effet contraignant ne prémunit absolument pas le pays contre le surgissement d’une seconde vague épidémique, à laquelle notre système hospitalier ne manquerait pas de succomber.
Mon amendement a pour objet d’étendre les cas dans lesquels le préfet se verra habilité, par décret du Premier ministre instrumentant l’état d’urgence sanitaire, à arrêter des mesures individuelles de mise en quarantaine et d’isolement, en ajoutant celui d’un refus réitéré d’une mesure médicale et individuelle d’isolement prophylactique.
Je rappelle que je ne fais ici que rétablir dans le projet de loi un paragraphe concernant l’isolement qui figurait dans le texte soumis par le Gouvernement à l’examen du Conseil d’État et sur lequel ce dernier n’avait pas émis de réserves particulières. Samedi, en conseil des ministres, ledit paragraphe a disparu, probablement pour des raisons d’équilibre majoritaire à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous avons eu sur ce sujet avec la commission des affaires sociales et son président un débat très intéressant, qui a même partagé la commission des lois et qui mérite à coup sûr d’être porté devant notre assemblée.
À l’origine, le Gouvernement avait prévu d’autoriser la mise en œuvre de mesures de quarantaine ou d’isolement non pas pour des personnes arrivant en France, mais pour des personnes qui ne respecteraient pas les prescriptions qui leur auraient été faites de rester chez elles pendant une quatorzaine pour éviter de faire courir à autrui le risque d’une contamination, sans que leur statut de porteurs du virus soit établi. Le Gouvernement a renoncé à cette mesure.
La commission des affaires sociales, sur la proposition de son président Alain Milon, a souhaité rétablir cette faculté, pour le Gouvernement, d’imposer une mesure de quarantaine ou d’isolement à des personnes récalcitrantes. Le régime de base serait celui d’une recommandation, dont le respect est attendu en raison du civisme de nos compatriotes, de leur esprit de responsabilité, de leur sens du devoir à l’égard d’autrui.
Qu’est-ce qui sera le plus efficace ? Poser une contrainte ultime pour les récalcitrants, ce qui, en réalité, revient à rendre le régime obligatoire, ou faire reposer celui-ci sur la confiance ? Le débat mérite d’avoir lieu.
La proposition de nos collègues de la commission des affaires sociales a pour inconvénient, du point de vue de la commission des lois, qu’un régime de contrainte suscitera de nombreuses stratégies d’évitement et de contournement de la part de personnes qui voudront dissimuler le fait qu’ils sont porteurs du virus. Nous voulons tenir en échec ces stratégies, car elles sont probablement plus dangereuses que le risque marginal qui serait pris en faisant confiance à tous ceux que l’on invite à rester chez eux pour ne pas contaminer d’autres personnes.
À cet argument important, j’en ajouterai un deuxième qui ne l’est pas moins. On pense souvent qu’il suffit d’édicter une obligation pour avoir les moyens de la faire respecter, mais il n’en est pas ainsi dans la réalité : pour faire respecter une obligation, encore faut-il qu’il existe une organisation le permettant. Pendant la période de confinement, il y a eu plusieurs millions de contrôles et près d’un million de procès-verbaux. Dans toute la France, la police et la gendarmerie étaient présentes sur les lieux de circulation pour vérifier que les Français confinés qui sortaient de chez eux avaient une raison légitime de le faire. Mais, avec le déconfinement, ces contrôles généralisés cesseront. Si un préfet de département prend, par arrêté, des mesures de quarantaine s’adressant, par hypothèse, à des individus récalcitrants, aucun contrôle ne permettra de vérifier que ceux-ci ne sortent pas de chez eux : on ne postera pas un gendarme devant la porte de leur domicile ! C’est seulement si ces personnes commettent un excès de vitesse, par exemple, que l’on pourra s’apercevoir qu’elles ne respectent pas la quarantaine, à la condition toutefois qu’elles aient été préalablement inscrites au fichier des personnes recherchées…
C’est donc une fiction que de penser qu’un tel régime de contrainte sera appliqué : il ne le sera pas, faute de moyens de contrôle. Le meilleur choix à faire, pour que les mesures de quatorzaine soient respectées, c’est celui de la confiance. Chacun a pu remarquer que les mesures de protection actuelles sont spontanément respectées par la plupart des gens, qui sont soucieux de préserver leur famille, leurs proches et leurs collègues de travail, comme nous le sommes ici. Pardon de me répéter, mais si le régime repose sur la contrainte, nous verrons se multiplier les stratégies d’évitement. Cela étant, le débat est parfaitement justifié. À vrai dire, si j’avais la conviction que la contrainte ultime peut réellement s’appliquer et n’est pas une simple vue de l’esprit, ma réponse serait peut-être moins ferme…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le sénateur Milon, nous nous sommes posé la même question que vous : de quels moyens se doter pour empêcher une personne potentiellement contagieuse qui refuserait la mise en quarantaine de sortir et, le cas échéant, contaminer d’autres personnes ?
Outre les raisons pratiques évoquées par le président Bas, des considérations plus idéologiques, qui tiennent aux libertés individuelles, nous ont amenés à écarter la mesure que vous proposez. Soumettre une personne potentiellement atteinte d’une maladie infectieuse à un régime d’internement pose un certain nombre de questions.
Par conséquent, contrairement à ce qu’a pu avancer la presse, nous n’avons introduit cette mesure dans aucune version du texte, ce qui ne veut pas dire que la réflexion n’a pas été engagée.
M. Bruno Retailleau. Dans la première mouture du texte !
M. Olivier Véran, ministre. Je ne crois pas que l’on ait soumis au Conseil d’État une version « bêta » contenant une telle disposition. Quoi qu’il en soit, ces questions méritent d’être soulevées. Comme vous l’avez très bien dit, monsieur le président Bas, la confiance et l’explication réitérée des consignes sont indispensables. Vous le savez, monsieur le sénateur Milon, il faut parfois s’y reprendre à plusieurs fois pour faire comprendre les risques et l’intérêt de rester chez soi pour protéger les autres quand on est malade.
D’autres maladies infectieuses hautement contagieuses comme la tuberculose, par exemple, conduisent les personnes atteintes, souvent issues de pays dans lesquels il existe de très fortes inégalités sociales, à rester confinées trois mois. Or même pour ce type de pathologies, il n’existe pas de dispositif juridique précis contraignant au confinement ou à l’isolement.
Je vous suggère, monsieur Milon, de retirer votre amendement, le Gouvernement ayant fait un autre choix pour traiter cette question complexe.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je voudrais rappeler le contexte dans lequel la commission des affaires sociales a voté l’amendement présenté par le président Milon.
Les chiffres relatifs à l’épidémie sont communiqués tous les soirs. Personnellement, je ne les trouve pas excellents. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, l’épidémie est toujours là. Actuellement, les services de réanimation ne sont plus en tension comme ils ont pu l’être, mais il suffirait de peu de choses pour qu’ils le redeviennent, avec bien sûr des disparités géographiques.
On sait très bien que la contagion peut se poursuivre et que la période du déconfinement est à risque. Au travers de cet amendement, nous ne cherchons pas à rendre la mise en quarantaine ou à l’isolement obligatoire pour tout le monde, mais pourquoi l’imposer aux personnes en provenance de l’étranger et pas aux personnes à risque récalcitrantes ? A-t-on davantage les moyens de contrôler les unes que les autres ? J’avoue que la cohérence de la position de la commission des lois et du Gouvernement m’échappe. En définitive, nous sommes toujours confrontés au problème de l’insuffisance des moyens d’application des dispositions adoptées.
Si les médecins constatent que certaines personnes ne respectent aucune des règles prescrites et peuvent en contaminer d’autres, ce qui ferait courir le risque d’un rebond important de l’épidémie et d’une nouvelle saturation des services hospitaliers, je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas de telles dispositions.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je voterai l’amendement présenté par Alain Milon.
Je ne suis pas une grande liberticide, mais, comme Catherine Deroche vient de le dire, il faut prendre en compte la saturation de nos services de réanimation et la gravité de la crise. Si les chiffres n’ont pas suffisamment baissé d’ici là, le déconfinement n’aura peut-être pas lieu le 11 mai. On craint une probable deuxième vague de l’épidémie, alors que le quart nord-est de la France apparaît encore en rouge sur la carte.
Pour ma part, je n’oppose pas la confiance à la contrainte. Il faudra bien sûr avant tout faire œuvre de pédagogie, mais, comme cela a été expliqué, pourquoi ne pas appliquer aux individus récalcitrants les mesures de quarantaine qui s’imposeront aux personnes entrant sur le territoire français ? Cela a du sens dans le contexte de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire – il n’est bien sûr pas question d’imposer une telle contrainte dans un autre cadre. J’ajoute que des dispositions similaires figuraient dans la loi sur la sécurité sanitaire qui a été votée dans cet hémicycle en décembre dernier.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Pour la bonne compréhension des débats, je voudrais rappeler à M. le ministre… Monsieur le ministre, j’essaie en vain de capter votre attention : peut-être pourriez-vous de temps en temps écouter les parlementaires, au lieu de discuter avec les membres de votre cabinet ou le président Bas ! (M. le ministre se récrie.)
M. Bruno Retailleau. Il n’y a pas que le président Bas au monde ! (Sourires.)