M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je veux apporter des précisions sur ce qui est autorisé et sur ce qui ne l’est pas.
Ce qui n’est pas autorisé, c’est l’ouverture de commerces qui ne relèvent pas de la liste que nous avons publiée. Vous l’avez compris, c’est l’accueil du public qui n’est pas autorisé. En revanche, ils peuvent continuer à être des points de livraison et poursuivre leur activité en e-commerce.
On a élaboré dimanche dernier un guide de bonnes pratiques sur la livraison des repas à domicile. Cela peut paraître paradoxal, mais on va avoir besoin de cuisines qui tournent pour aller livrer une partie des Français qui restent à leur domicile et qui auront peut-être besoin de ce type d’appui chez eux.
Il existe par ailleurs depuis hier un guide de bonnes pratiques élaboré par les professionnels en lien avec les professionnels de santé pour préciser comment faire de la livraison en minimisant les risques, donc sans contact, pour les autres biens.
Il reste à régler les problèmes de la livraison de biens importants, lourds, qui nécessitent d’entrer chez la personne, ce qui implique une interaction plus importante. Nous devons y travailler de notre côté et nous enjoignons aux professionnels de le faire également.
De même, pour ce qui est du bâtiment, un travail est mené, qui donnera lieu dans les prochaines heures à un communiqué de presse commun explicitant comment on peut reprendre le travail. Il ne s’agit évidemment pas d’exposer les personnels de chantier. Cela doit se faire de manière raisonnée, probablement en diminuant la voilure, mais, en tout état de cause, on a aussi besoin de l’intervention de ces experts dans différentes situations. C’est ce sur quoi nous travaillons.
Il y a effectivement du calage à faire en tenant compte de l’expérience des premiers jours de confinement. Je précise qu’il y a une circulaire très claire du ministre de l’intérieur sur ce qui est autorisé en matière de travail. Lorsque l’on va travailler, on est autorisé à circuler, et c’est la seule autorisation qui est valable dans la durée, sans besoin de renouvellement. Je tenais à le rappeler.
Pour revenir aux amendements, vous avez raison, il s’agit d’amendements d’appel. Nous y travaillons, car notre objectif, c’est de faciliter le développement rapide d’usages numériques qui permettent aux commerçants de sauver un minimum de chiffre d’affaires dans ces moments, et si le confinement dure. Nous prévoyons un certain nombre de dispositifs – nous allons encore en publier aujourd’hui –, notamment pour demander à ces plateformes de e-commerce d’accueillir les commerçants en leur offrant un service de mise en ligne de leurs produits à des tarifs très réduits.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux remercier Thierry Carcenac et Rémi Féraud d’avoir déposé ces amendements pour la culture, le théâtre, le spectacle vivant. Je suis interpellé par des acteurs, des metteurs en scène, des producteurs, des responsables de troupe qui sont très inquiets. La question est toujours la même : comment vivre au jour le jour ?
Il faut trouver des mesures, peut-être avec Pôle emploi Spectacle, peut-être en revoyant les règles qui s’appliquent à l’intermittence, car un grand nombre de structures sont profondément menacées. C’est la réalité ! C’est immédiat ! Si on ne vote pas ces amendements, il faut de toute façon trouver des solutions.
J’en profite pour parler aussi de la question des librairies. J’entends bien ce que vous dites, monsieur le rapporteur général. J’ai aussi entendu ce qu’a dit M. Le Maire à France Inter, où il a fait une réelle ouverture. C’est vrai qu’une librairie fermée peut recevoir des commandes de livres par internet, mais qui va s’adresser à une librairie fermée pour commander des livres ?
Je suis interpellé par des libraires exerçant à quelques kilomètres d’une immense plateforme d’une société que tout le monde connaît, et qui envoie les livres le lendemain de la commande. Je reçois par ailleurs les remarques inquiètes des organisations syndicales de cette grande entreprise, qui me disent que le travail se fait dans des conditions qui ne permettent pas le respect des gestes élémentaires de sécurité, ce qui est très problématique.
Quand, dans le même temps, les libraires me demandent pourquoi ils ne peuvent pas ouvrir, alors qu’il y a cette concurrence massive d’une entreprise qui, je le répète, ne respecte ni les règles de sécurité ni les règles du code du travail – c’est ce que disent les organisations syndicales –, je me dis qu’il y a là un véritable problème, qui appelle des réponses urgentes.
Si ces amendements ne peuvent répondre à ces urgences, et s’il n’est pas possible de les voter, il faut trouver d’autres réponses.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Permettez-moi quelques remarques sur ces amendements en prenant l’exemple des librairies. J’étais voilà quelques jours dans une librairie indépendante de ma ville, Auch, où l’on me disait que c’était une question de jours, voire d’heures, avant la fermeture définitive.
Les modèles économiques de ces commerces, qui jouent un rôle culturel et social très important dans nos petites et moyennes villes, sont très fragiles.
Il faut en réalité agir pour tous les secteurs de l’économie. Je l’ai dit hier soit à Mme la ministre du travail, le Gouvernement doit, secteur par secteur, et quasiment entreprise par entreprise, mettre en place non pas seulement des bonnes pratiques, qui ont été évoquées hier soir, mais de véritables plans d’action.
Finalement, je ne sais pas à quoi nous servons cet après-midi si nous ne sommes pas en mesure de discuter ensemble et de voter des mesures d’accompagnement financier significatives. Je ne comprends pas…
Pour revenir aux librairies, il faut prendre en considération les nouvelles façons de faire du commerce. Nous sommes à un moment de l’histoire de ce secteur et d’autres secteurs commerciaux, où les acteurs doivent se saisir du numérique et des techniques utilisées par les grands acteurs économiques comme Amazon. Il y va de la survie de nos librairies indépendantes et nos petits commerces.
J’en viens aux collectivités locales. Lors de la crise de 2008, je me souviens que le gouvernement de M. Sarkozy avait mis en place des mesures de soutien à l’investissement local. Aujourd’hui, je voudrais faire passer un message au Gouvernement : il ne faut pas toucher aux capacités de fonctionnement et d’investissement des collectivités locales, parce que la transformation de la commande publique en chiffre d’affaires est immédiate pour nos TPE, nos PME et nos artisans. Elle est immédiate dès lors qu’elle repose sur les budgets votés l’année dernière, et pas sur ce que nous allons voter dans les semaines et les mois à venir. Je crois beaucoup à cela.
Je voudrais terminer, même si je n’ai plus beaucoup de temps, en évoquant le quantitative easing. C’est un autre sujet, mais je trouve que tout est lié. Il s’en fait beaucoup et il va certainement s’en faire encore beaucoup au niveau mondial dans la période que l’on va connaître. Comment transforme-t-on cet argent, via le secteur bancaire, en activité économique effective ?
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je partage bien évidemment les observations de M. le rapporteur général sur ces amendements, mais je voulais revenir quand même sur le premier, qui concerne l’aide alimentaire, dont on a assez peu parlé : 1,5 milliard d’euros par an ; 5,5 millions de personnes aidées dans notre pays ; cela mérite quand même que l’on y prête attention.
Le sujet, que mon collègue Éric Bocquet et moi-même avions d’ailleurs mis en évidence dans un rapport de contrôle budgétaire, c’est notre capacité à mobiliser les fonds européens, qui ont vocation à payer 85 % de la dépense engagée par l’État. Malheureusement, notre organisation et notre administration ont été défaillantes et incapables de répondre au cahier des charges que nous nous étions fixé à nous-mêmes pour obtenir ces remboursements. C’est un problème central.
Aujourd’hui, l’aide alimentaire va être en difficulté pour plusieurs raisons. D’abord, certains présidents d’association ont organisé un retrait des bénévoles, qui font partie des populations les plus âgées de notre pays, et qui, légitimement, peuvent s’inquiéter du contact avec le public.
Ensuite, je pense aussi qu’il va y avoir de gros problèmes d’approvisionnement, car la récupération auprès des grandes surfaces sera très perturbée. Vous l’avez tous vu, et je n’ai pas besoin de développer. C’est donc un secteur qui va se trouver en difficulté.
Pour autant, je pense que le Gouvernement sera attentif à cette question, qu’il a les moyens d’y répondre immédiatement, quitte à nous demander ensuite de régulariser les mesures budgétairement. En tout cas, 5,5 millions de personnes dépendantes aujourd’hui de cette aide alimentaire qui vont être encore plus fragilisées par la situation actuelle, cela mérite toute notre attention. Le Gouvernement doit faire le nécessaire au plus vite.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons prolonger notre séance pour terminer l’examen de ce texte rapidement, sans suspendre à l’heure du dîner.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De toute façon, il n’y a plus de restaurant !
M. le président. Je vous serais donc obligé de bien vouloir contracter vos interventions… (Sourires.)
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je reviens sur le dossier des petites librairies, sans répéter les arguments qui ont été exposés ici, auxquels je m’associe absolument. Plusieurs libraires m’ont contacté en me disant qu’ils avaient des stocks et la possibilité, par internet et La Poste, de diffuser des livres aujourd’hui. Leur problème, c’est que, face à Amazon – moi, je prononce le nom ! –, la distorsion de concurrence est absolument immense.
Vous le savez bien, Amazon finance les frais d’envoi – quand vous achetez, c’est gratuit –, grâce à ses marges arrière, en intégrant le coût des expéditions dans ces marges. Les petits libraires, bien évidemment, ne peuvent pas recourir à cette pratique. Une mesure de justice serait soit d’offrir une baisse de TVA sur les expéditions des petits libraires, soit d’imposer à Amazon de faire payer les frais d’expédition.
Sinon, comme l’ont dit très justement mes collègues, nous allons perdre le réseau des petites librairies, qui ne sont pas seulement des endroits où l’on vend des livres, mais qui sont aussi des endroits où l’on se retrouve, et, pour reprendre les propos du président, qui font nation. C’est là que nous nous retrouverons.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Évidemment, après toutes les explications de vote, je retirerai les amendements. Je ne souhaite pas qu’ils soient soumis au vote et que certains de mes collègues soient obligés de voter contre leurs convictions pour qu’ils soient rejetés.
Je voudrais simplement rappeler deux éléments à M. le secrétaire d’État après avoir entendu sa réponse.
D’abord, s’agissant des collectivités locales, les dotations de l’État ne baissent certes pas, mais les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) risquent d’être moins importants cette année et, en tout cas, de reculer dans le temps. Il faut donc aussi prendre en compte cette dimension financière, qui me paraît tout à fait importante.
Ensuite, nous avons beaucoup parlé de la question des librairies. C’est vrai que nous cherchons tous des moyens pour que, dans cette période qui permet à beaucoup de Français de lire, les librairies puissent en profiter autrement qu’en ouvrant leur magasin, c’est-à-dire en livrant leurs clients.
À mon sens, le premier amendement, qui porte sur l’aide alimentaire et le soutien aux associations qui viennent en aide aux plus exclus, est vraiment très important. Arnaud Bazin a eu raison d’y revenir. Ces structures sont confrontées à une augmentation des besoins auxquels elles ont à faire face et à un problème de ressources, notamment en bénévoles.
Le Gouvernement doit leur apporter un soutien d’urgence. Nous comptons sur M. le secrétaire d’État pour que l’ensemble des questions soulevées par ces quatre amendements soient vraiment abordées dans le prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait venir en discussion assez prochainement, comme il l’a annoncé tout à l’heure.
M. le président. Avant de prendre acte du retrait des amendements, je tiens à ce que ce débat essentiel puisse aller à son terme.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je profite de ce débat sur les librairies pour demander des précisions au Gouvernement sur deux points.
D’abord, monsieur le secrétaire d’État, c’est plutôt une suggestion que je vous fais en matière de communication : lorsque vous parlez de report, pourriez-vous ajouter « et étalement » ? En effet, si on demande aux entreprises de payer le 15 juin toutes les charges dues au 15 mars, elles auront à payer en une seule fois tout ce qui était dû aux deux échéances. Ce n’est pas vraiment l’idée que je me fais d’une mesure d’allégement. Il faut bien préciser les choses. C’est prévu dans les dispositifs pour les entreprises en difficulté. Il faudrait éviter que les gens pensent qu’ils vont payer le double de charges trois mois plus tard…
Ensuite, je m’adresse plutôt à Mme la secrétaire d’État, qui est intervenue au sujet des librairies. Je ne veux pas employer de terme trop fort, mais je pense sincèrement que les mesures prises aujourd’hui par le Gouvernement tendent à organiser la concurrence déloyale.
Madame la secrétaire d’État, vous organisez la concurrence déloyale ! Cela n’a pas l’air de vous émouvoir… C’est vrai pour les librairies, mais c’est aussi vrai pour les chaussures, pour les vêtements, pour la parfumerie, pour les jouets. Ce dispositif, tel qu’il est prévu, en permettant à un certain nombre de structures de commercialiser des biens qui ne sont pas des biens de première nécessité, parce qu’ils ont les moyens de le faire – je ne parle pas uniquement des plateformes, car il y a aussi la grande distribution –, va tuer des milliers, voire des dizaines de milliers de commerces de proximité si vous ne prenez pas de dispositions pour rétablir une concurrence équitable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je serai très bref, monsieur le président. Pour poursuivre sur les librairies, effectivement, Amazon est leur principal concurrent. S’il faut s’intéresser aux secteurs en difficulté, il faut aussi s’intéresser aux profiteurs. Amazon, d’après ce que l’on sait, sur la foi de témoignages de salariés, se moque beaucoup de l’urgence sanitaire dans l’organisation des conditions de travail en son sein.
On pourra toujours attendre la solidarité d’Amazon quand il faudra manifester, par exemple, de la solidarité fiscale. Il faudrait aussi s’occuper de ces entreprises qui profitent de la situation pour soutenir effectivement celles qui, au contraire, sont en difficulté.
Concernant le premier amendement, je regrette son retrait annoncé. Il aurait fallu que le Gouvernement fasse une exception. S’il ne s’agit pas d’un secteur en difficulté à proprement parler, il s’agit d’un secteur qui est en première ligne sur la question de l’urgence humaine et sanitaire. Les 5 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire font partie de ceux que l’on appelle les personnes vulnérables. Si on laisse les associations dans la situation dans laquelle elles sont, nous nous mettons en danger en aggravant les problèmes sanitaires. Je le répète, je pense que la question du soutien aux associations aurait mérité une exception de la part du Gouvernement pour qu’une mesure puisse être prise dès aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je serai bref pour suivre vos consignes, monsieur le président. Je veux simplement remercier M. Rémi Féraud de l’élégance de ses propos pour annoncer le retrait de ses amendements.
M. le président. Merci ! Je crois que ce débat n’était pas inutile pour des perspectives futures.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Un mot, monsieur le président, pour m’associer aux remerciements du président Retailleau à l’attention du sénateur Féraud. Je considère que les amendements que vous avez défendus sont, vous l’avez dit vous-même, des amendements d’appel, mais d’appel d’attention.
Nous avons évoqué les uns et les autres d’autres sujets qui méritaient cette même attention. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Je peux vous garantir de nouveau que l’ensemble des moyens que nous pouvons mobiliser le sont pour accompagner tous les secteurs. Vous avez cité des secteurs qui rencontrent des difficultés particulières, il faut le souligner, mais il y en a d’autres. Nous veillerons évidemment à ce que les plus fragiles soient aussi particulièrement accompagnés dans cette période. Merci de votre attitude, monsieur le sénateur. J’aurai l’occasion d’apporter un certain nombre de précisions sur l’amendement suivant, qui est un peu différent, et nous aurons aussi l’occasion de reparler des collectivités locales, mais moins dans l’urgence, du fait de la structure même des recettes de celles-ci.
M. le président. Les amendements nos 2, 3, 4 et 5 sont donc retirés.
L’amendement n° 1, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Soutien à l’hôpital
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
||||
Soutien à l’hôpital |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous discutons de ce projet de loi de finances rectificative en faisant preuve de responsabilité et nous avons souligné les avancées qu’il comportait pour répondre à des situations d’urgence. Nous avons aussi mis en avant, et nous venons de le faire, un certain nombre de manques, car ce projet de loi est lacunaire. Il en appelle d’autres. Nous avons souhaité créer des fonds de soutien, et chacun a pu exprimer sa solidarité à l’égard de secteurs particulièrement fragiles : la culture, les librairies, l’aide alimentaire.
J’aborde maintenant un autre manque que nous avons identifié dans ce texte par rapport aux annonces du Gouvernement. C’est un manque que je qualifierais d’« encore plus criant », si c’était possible.
En effet, le présent amendement vise à flécher les crédits budgétaires annoncés par le Gouvernement pour l’hôpital par la création d’un programme intitulé « Soutien à l’hôpital ».
Il nous apparaît aujourd’hui indispensable de faire en sorte que les crédits qui ont été annoncés – on a parlé de 2 milliards d’euros – soient inscrits au budget comme un signal de soutien très fort de toute la communauté nationale à l’égard des hôpitaux et des soignants. Il ne faut pas laisser subsister le doute sur le fait qu’il s’agit bien de crédits nouveaux et non pas de redéploiement. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale adopté voilà quelques mois ne répondait déjà pas aux besoins hors situation de crise. Nous étions un certain nombre à le dire, à l’instar des soignants, mobilisés depuis de longs mois.
C’est également un amendement d’appel pour obtenir un certain nombre de précisions, de garanties. Peut-être que les secrétaires d’État présents pourront nous dire par quel véhicule ils vont conforter les soignants actuellement à pied d’œuvre avec héroïsme en leur garantissant les moyens dont ils ont besoin, chiffrés pour l’instant à 2 milliards d’euros, mais peut-être cela ira-t-il au-delà.
Tel est le sens de cet amendement et je vous appelle à le prendre en compte.
Une petite rectification, monsieur le président, si vous le permettez, car il y a une erreur matérielle dans cet amendement. En effet, dans le tableau, il est inscrit 2 millions au lieu de 2 milliards. Je vous demande de bien vouloir accepter de prendre en compte cette rectification.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire »
I. – Créer le programme :
Soutien à l’hôpital
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros)
Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
+ (majorer l’ouverture de) |
- (minorer l’ouverture de) |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
||
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
||||
Soutien à l’hôpital |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
||
TOTAL |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
2 000 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur cet amendement, la commission a souhaité entendre le Gouvernement. En effet, il y a eu une annonce portant sur 2 milliards d’euros pour l’hôpital. Cela ne relève évidemment pas du projet de loi de finances rectificative, mais de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), donc du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut que le Gouvernement précise ses intentions. Comment cela va-t-il se traduire ? Aura-t-on un texte modifiant l’Ondam via un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. J’attends du Gouvernement qu’il nous apporte des explications sur cette somme, qui correspond à des annonces du Président de la République. Où cette somme va-t-elle être concrètement trouvée pour alimenter l’hôpital, qui en a tant besoin ?
J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, car, je le répète, il ne relève pas du domaine d’une loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Au-delà de cet amendement, je veux m’expliquer sur les annonces que nous avons faites en matière de financement des hôpitaux. Le Président de la République s’est engagé sur un premier déblocage de fonds de 2 milliards d’euros. Nous verrons si nous devons abonder ces fonds en fonction de l’évolution de la situation, bien évidemment.
Comme l’a dit M. le rapporteur général, ces 2 milliards d’euros relèvent non pas de la loi de finances de l’État, mais de la loi de financement de la sécurité sociale. Cela implique une particularité, ou plutôt une différence : nous n’avons pas besoin, d’un point de vue totalement matériel et en droit, de vous présenter maintenant une loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour pouvoir ajouter des crédits. Je le dis en apportant une précision : si nous devions modifier profondément la loi de financement de la sécurité sociale au cours des semaines et des mois qui viennent, nous « sincériserions » bien évidemment ces écarts par le dépôt et l’examen d’une loi de financement de la sécurité sociale rectificative. L’Ondam est un objectif. Il n’est pas une norme de dépenses en soi, et il n’a pas le caractère impératif que peuvent avoir certains crédits, certains programmes du budget de l’État.
Ce sont bien 2 milliards d’euros nouveaux inscrits dans le cadre de l’Ondam, ce qui nécessitera, soit lorsque nous établirons le solde de cette année, soit éventuellement par une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, une modification dudit Ondam. Je voulais apporter cette précision.
Il s’agit dans un premier temps, je le répète, de répondre à des besoins essentiellement matériels. Je ne veux pas rouvrir le débat sur la question des masques, mais il y a des commandes importantes de masques qui s’inscriront dans cette somme. Il y a des besoins d’équipements de protection, d’équipements techniques. Sont aussi prévus une revalorisation des indemnités journalières et les premiers éléments de reconnaissance de l’engagement des professionnels de la santé.
Nous pourrons ainsi garantir le paiement de toutes les heures supplémentaires, ce qui n’a pas toujours été le cas, nous le savons, les années précédentes, et commencer à donner suite à l’engagement de revalorisation des carrières du monde médical.
Ce sont là les réponses aux premières demandes qui nous sont remontées. J’imagine qu’il y en aura d’autres. Pour anticiper sur une éventuelle question, je précise qu’il s’agit essentiellement d’investissements, en tout cas d’achats de matériel, et non pas de recrutements. Je ne dis pas qu’il ne faudra pas recruter ; je dis simplement que, dans l’urgence, les premières demandes qui nous sont remontées concernent le matériel et les équipements. Nous nous efforçons d’y répondre avec ce premier déblocage de fonds à hauteur de 2 milliards d’euros dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale et des conditions de droit que j’ai évoquées.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, je regrette ce que j’entends. Alors que le présent projet de loi de finances rectificative vise à répondre à une urgence sanitaire, vous indiquez, comme vous l’avez d’ailleurs fait à l’Assemblée nationale, que vous allez déployer 2 milliards d’euros face au manque de matériel, notamment de masques ou de respirateurs, tout en valorisant les indemnités journalières. Et vous dites vouloir pour cela mobiliser l’Ondam. Or, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, notre groupe en avait dénoncé la faiblesse. Mais le Gouvernement, Agnès Buzyn – à l’époque, c’était elle qui était chargée des questions de santé – en tête, nous avait répondu que l’Ondam était amplement suffisant.
Nous avons entrepris un tour de France des hôpitaux qui a duré plus d’un an. Les personnels dénonçaient, déjà, le manque de matériel, y compris de brancards. Là encore, on nous a ri au nez. « Tout est sous contrôle », nous assurait-on…
Aujourd’hui, l’hôpital est en crise. Vous affirmez que ces 2 milliards d’euros permettront de répondre aux besoins, notamment pour acheter des masques. C’est très bien. Mais quid de la réelle situation de crise des hôpitaux ? Nous sommes toutes et tous ici interpellés par les personnels soignants, qui nous appellent à l’aide. Ils nous disent que les services sont sur le point d’être dépassés. Des opérations sont déprogrammées, un certain nombre de choses sont mises en veille. J’ai été à plusieurs reprises alertée sur la situation des hôpitaux psychiatriques, qui sont obligés de faire sortir un certain nombre de patients en prévision de l’accueil des futurs malades du Covid-19 !
Nous n’avons aucune réponse sur les moyens à déployer. Lors de l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale – je rappelle que notre groupe ne l’a pas voté –, 5 milliards d’euros ont tout de même été « pompés » sur la santé, dont 1 milliard pour l’hôpital ! Nous voyons bien qu’il faut dégager en urgence des milliards d’euros pour répondre à la crise de l’hôpital. Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, vous avez l’intention de le faire, mais plus tard. Quand ? Lorsque les hôpitaux vont complètement craquer ? Il n’y a rien sur les ouvertures de lits ! Rien sur les personnels ! Vos réponses sont, là encore, insuffisantes. Une fois de plus, vous ne prenez pas en compte ce que l’on vous dit.