Mme Annick Billon. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet. (M. Roger Karoutchi applaudit.)
Mme Martine Berthet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour ce texte relatif à la bioéthique, dont nous engageons aujourd’hui l’examen, nous avons toutes et tous reçu de très nombreux courriers de particuliers, d’associations et de professionnels, tant en accord qu’en désaccord, et ce de façon transpartisane.
Il n’aura échappé à personne que ce projet de loi suscite beaucoup de polémiques. Pour tenter d’y répondre, la commission spéciale chargée d’examiner ce texte a auditionné, de façon très large, des représentants de courants de pensée, des membres du Comité consultatif national d’éthique, des médecins, des représentants des agences, des chercheurs, professeurs de droit, pédopsychiatres, ministres, etc. Nous pouvons remercier ces personnalités du temps qu’elles ont bien voulu nous accorder afin de nourrir notre réflexion.
Si chacune et chacun d’entre nous avait, dès le départ, ses propres opinions, nous avons pu ce faisant affiner nos convictions sur les différents et importants chapitres du texte. Parallèlement – j’en veux pour preuve mon cas personnel –, nous avons pu nous ouvrir à des interrogations que nous n’avions pas envisagées jusqu’alors.
Je salue le travail des rapporteurs – chacun a œuvré dans son domaine, pour une nécessaire cohérence –, dont la tâche a été lourde, mais passionnante.
Promulguées en 1994, les premières lois de bioéthique ont été révisées en 2004 et en 2011. Ces textes sont d’une importance capitale pour le futur de nombre de femmes, d’hommes et de familles de notre pays, aujourd’hui, en 2020. Je pense non seulement aux différentes positions concernant l’AMP, sujet d’ailleurs plutôt de société que de bioéthique,…
M. Loïc Hervé. C’est vrai !
Mme Martine Berthet. … mais aussi aux progrès de la recherche, attendus pour beaucoup. Cette tâche fut d’autant plus délicate que les vifs désaccords des années 1990 perdurent.
Pourtant, pas plus tard que le 18 décembre dernier, la Cour de cassation a considéré que ni la circonstance que les femmes aient eu recours à une AMP dans un pays étranger ni le fait que les actes mentionnent la mère ayant accouché et une autre femme ne font obstacle à leur transcription, dès lors que ces actes sont réguliers dans le pays dans lequel ils ont été établis.
Comment ne pas légiférer dans ce sens par la suite ? Nous pouvons difficilement aller à l’encontre du fait que toute femme a la capacité de porter un enfant et de le désirer. Nous ne pouvons plus laisser des femmes qui le désirent ardemment aller à l’étranger pour bénéficier d’une aide médicale à la procréation.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Martine Berthet. Certains diront que, avec la légalisation de l’AMP pour des schémas familiaux différant de ceux que nos parents ont pu connaître, nous faisons le deuil de la famille traditionnelle. Mais combien de familles sont déjà monoparentales ?
Dans le département dont je suis l’élue, la Savoie, le taux de familles monoparentales dépasse 14 %. Dans la plupart des cas, l’enfant vit alors entre deux parents, qui ne forment en aucun cas une unité parentale. L’important n’est-il pas un environnement aimant et solide, qui permette à l’enfant de s’épanouir ?
Mais, bien entendu, autoriser l’AMP n’est pas autoriser la GPA : les deux ne peuvent être assimilées !
Nous devons nous attacher à déployer tous les garde-fous afin d’empêcher les dérives. C’est ce que la commission spéciale s’est employée à faire, sur la proposition de ses rapporteurs : elle a affirmé l’interdiction de la gestation pour autrui en France. Elle a également rappelé la nécessaire notion d’infertilité pour l’accès à l’AMP des couples hétérosexuels et interdit le double don de gamètes.
En outre, concernant l’accès à l’identité du donneur, elle a été soucieuse du respect de la vie privée, en demandant un accord exprès du donneur au moment de la demande du receveur devenu majeur.
Toutes ces mesures me semblent bien encadrer l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, tout en comblant des failles existantes dans la procédure déjà en place de l’AMP pour les couples hétérosexuels. Pour reprendre les termes d’un pédopsychiatre que nous avons auditionné, ce sont là autant d’enfants « à qui nous ne mentirons plus ».
Au sujet de la filiation, je soutiendrai l’amendement de ma collègue Sophie Primas. Il vise à préserver la filiation actuelle en déclarant mère la femme qui accouche et à établir la filiation à l’égard de la mère d’intention par la voie de l’adoption.
Toutefois – je le répète –, cette révision des lois de bioéthique est loin de se limiter à l’AMP. Dans le même souci de limiter les dérives, la commission a sécurisé la recherche sur les embryons ne faisant plus l’objet de projet parental. Elle a également veillé à réduire le risque de création d’embryons chimériques. Elle s’est attachée à la gratuité du don, a créé un statut du donneur d’organe et permis le don de son sang dès l’âge de 17 ans. Ces apports me semblent très intéressants.
Pour ma part, j’ai souhaité déposer un amendement ayant pour objet la cryoconservation des lymphocytes T pour les nouvelles thérapies anticancéreuses par les cellules CAR-T.
Mes chers collègues, vous le constatez : la révision régulière des premières lois de bioéthique, souhaitée par le Sénat, permet de nombreux ajustements pour que soient en harmonie les évolutions parallèles de la science, d’une part, et les besoins de notre société, d’autre part.
En définitive, chacune et chacun d’entre nous doit voter ce texte en conscience. Nous devons nous adapter à notre société, qui a changé, et répondre aux évolutions de la médecine et de la recherche scientifique, tout en gardant à l’esprit, comme l’a dit lors de son audition le président du CCNE, que « tout le possible n’est pas forcément souhaitable » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en écoutant le président Retailleau, puis le président Bas, qui y a lui-même fait référence, je songeais aux débats sur la loi Veil en 1975 et en 1979. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Lorsque je suis devenue parlementaire, j’ai pensé – comme chacun d’entre vous sans doute, mes chers collègues – aux débats auxquels j’aurais aimé participer ; ceux sur la loi Veil en font évidemment partie. À mon sens, celui qui nous réunit aujourd’hui est de la même importance. On ne peut ignorer les oppositions à la fin du modèle traditionnel de la famille patriarcale, au combat des femmes et des associations LGBT et au droit des femmes à disposer de leur corps qui s’expriment. Le sujet qui nous occupe ici relève d’un processus d’évolution sociale long, qui vient heurter une conception conservatrice de la famille française et que le législateur doit aujourd’hui traduire dans notre droit.
Le droit n’impose ni statu quo ni évolution ; nous ne sommes pas obligés d’autoriser les femmes, seules ou en couple, à avoir accès à la PMA, mais nous sommes devant un choix politique, au sens noble de ce terme, celui du projet collectif.
J’entendais le président Retailleau condamner le libéralisme qui sous-tendrait ce texte.
M. Bruno Retailleau. Je n’étais pas le seul : de votre côté de l’hémicycle, certains ont dit la même chose !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’aurais aimé que la même fougue se manifeste de votre côté pour combattre le libéralisme dans bien d’autres domaines ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.) C’est bien ainsi que cela se passe dans votre camp.
Si l’histoire est un processus de changement lent et profond des organisations sociales et des consciences, chacun sait qu’elle est constituée de points de bascule, de changements de configuration sociale. Monsieur le président Retailleau, c’est ce que vous appelez le choc entre deux modèles, la maximisation des possibles. Votre candidat aux élections européennes, François-Xavier Bellamy, parlait d’une « logique nouvelle » qui « sera notre malédiction ».
M. Julien Bargeton. Ce fut la sienne, finalement…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je me permets de vous le rappeler, l’adoption est aujourd’hui possible pour les couples homosexuels. Elle l’est pour les personnes seules depuis 1966. Le recours au tiers donneur pour la procréation ne date pas d’hier : depuis 1973, des dizaines de milliers d’enfants sont nés ainsi, au rythme d’environ mille par an.
Ce progrès de l’AMP a été encadré par un corpus législatif dont le modèle est toujours calqué sur la procréation naturelle et qui rend le don invisible, au profit d’une fiction organisée par la loi. Il faut faire comme si le père était le géniteur, au prix d’un secret de famille délibéré.
M. Bernard Jomier, rapporteur. C’est très juste.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Combien, dans cet hémicycle, ont eu recours à ce procédé ? Combien l’ont assumé devant leurs enfants ? Jamais la vérité ne doit leur être dévoilée ! Les enfants sont bien évidemment nés d’un papa et d’une maman, et le secret est ainsi instauré dans la famille, au détriment de la construction de l’enfant, qui vit dans la méconnaissance totale de son origine.
En 2013, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe – j’imagine que certains ici y étaient opposés – a permis que deux femmes ou deux hommes puissent adopter et constituer famille. Les familles monoparentales, recomposées, homoparentales n’avaient d’ailleurs pas attendu cette loi pour exister. Il nous faut donc faire évoluer notre droit. De même, les femmes seules ou en couple n’ont pas attendu que leur soit accordé le droit à l’AMP pour enfanter : elles y ont déjà recours, mais hors du cadre institutionnel et national.
Pourquoi reconnaître à l’homme la possibilité d’être père alors qu’il n’en a pas la capacité biologique et ne pas permettre à la femme d’avoir recours à la PMA avec tiers donneur ? Pourquoi obliger des femmes à se rendre à l’étranger pour cela ? Pourquoi leur refuser la prise en charge par la sécurité sociale ? Pourquoi soutenir cette inégalité de fait entre deux parties du genre humain ?
Je l’ai dit, plusieurs centaines d’enfants naissent par PMA avec tiers donneur chaque année. J’entends l’argument avancé par Muriel Jourda dès le début de nos travaux, celui de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais comment prétendre que ces enfants seraient programmés pour le malheur, au seul motif de l’absence d’un père, comme si la présence de celui-ci était l’assurance du bonheur,…
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas tout à fait cela que nous disons…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … comme si ces femmes n’avaient ni frères, ni père, ni fils, parfois ? Pourquoi refuser des projets parentaux qui, eux, apportent la certitude de l’amour pour l’enfant ? Faites le deuil de la famille idéale, constituée du papa, de la maman et des enfants, car elle n’existe plus. Nous sommes déjà passés à autre chose.
Jean-Luc Mélenchon (Exclamations ironiques sur des travées des groupes Les Républicains et UC.), que je n’ai pas pour habitude de citer, l’a dit de manière brillante : « la filiation […] est un fait social » et « le rapport entre parents et enfants est un rapport social ». Je suggère à notre collègue Loïc Hervé de lire le texte de cette intervention avant d’exprimer son hostilité !
M. Loïc Hervé. Lire Mélenchon ? J’ai mieux à faire !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Aujourd’hui, nous subissons des pressions, comme nos prédécesseurs en avaient subi lors du vote de la loi Veil. À l’instant, dans l’hémicycle, j’ai reçu un courrier d’une association faisant pression sur les parlementaires.
M. David Assouline. C’est scandaleux !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je vous le dis à tous : les Français sont prêts, résistez aux pressions, ce sera votre honneur ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Bonne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au sein de la commission spéciale, les débats ont été nourris, de grande qualité et respectueux des points de vue des uns et des autres.
Je ne m’en suis pas caché, je suis contre l’extension de l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Pour autant, je suis favorable à plusieurs dispositions contenues dans les titres II, III et IV, relatives à la diffusion de nouveaux progrès scientifiques et technologiques et en lien avec la médecine génomique.
C’est là, pour plusieurs d’entre nous, que réside la difficulté : il n’est pas aisé de se prononcer d’une même voix sur l’ensemble d’un texte qui comprend à la fois des articles relevant davantage de questions sociétales et d’autres fixant de nouvelles règles pour tenir compte des avancées scientifiques.
Si ce projet de loi est adopté, j’espère que seront maintenues certaines des modifications substantielles introduites par la commission spéciale du Sénat et tendant à encadrer et à sécuriser certaines des dispositions votées à l’Assemblée nationale.
Je partage maintes observations formulées par Mme Muriel Jourda, et je voudrais ici m’attarder sur le titre Ier et sur les conséquences, du point de vue de l’enfant, de l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Car le grand absent de ce projet de loi, c’est bien l’enfant : on évoque le donneur, les receveuses, les gamètes, l’enfant devenu majeur qui demandera à connaître l’identité du donneur, mais rien n’est dit des conditions et de l’impact de sa venue au monde grâce à la science, non plus que de la façon dont il va se construire psychiquement et vivre entre 0 et 18 ans. Rien n’est dit quant à l’intérêt de l’enfant d’être privé de père. Le droit de l’enfant à avoir un père, posé par l’article 7 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, est remplacé par le simple droit de connaître son donneur.
Or, si l’on peut comprendre le désir de maternité chez toute femme, quelle que soit sa situation, il faut aussi tenir compte du droit de l’enfant à avoir un père et une mère, dans la mesure du possible. Sur ce point, le projet de loi emporte une rupture d’égalité délibérée entre les enfants, qui n’est pas sans risque pour leur développement psychologique.
Certes, tous les cliniciens en pédopsychiatrie et les chercheurs en sciences sociales et médicales ne trouvent pas de raison particulière de s’opposer aux nouvelles formes de parentalité, et les études scientifiques nationales et internationales ne semblent pas, à ce jour, rapporter de différences significatives et d’impact avéré sur le devenir de l’enfant. Toutefois, ces données ne sont guère convaincantes sur le plan méthodologique, en termes de nombre de cas et de durée d’observation d’enfants n’ayant pas toujours atteint l’âge des questions existentielles.
Mes chers collègues, tout le monde s’accorde à reconnaître que les rôles des mères et des pères ne sont pas équivalents et qu’ils participent tous deux à la construction de l’identité de l’enfant. Dans le cas d’une AMP pour un couple de femmes, on peut supposer que la fonction du père pourrait être exercée en alternance, ou plus probablement par celle qui n’aura pas porté l’enfant. Il conviendrait d’être vigilant sur cette question de l’altérité dans le cas de femmes seules. L’enjeu, pour l’enfant issu d’une AMP, est donc l’élaboration imaginaire de la figure paternelle, nécessaire à sa construction identitaire.
En permettant l’accès aux origines, ce projet de loi recourt à une logique du parent et du donneur. La levée de l’anonymat situe chacun à sa place et permet à chacun des contributeurs aux origines de l’enfant de jouer pleinement son rôle de support d’identification. Cependant, si ouvrir l’accès aux données non identifiantes du donneur pourrait être une mesure satisfaisante, j’observe que, dans la très grande majorité des cas, les enfants nés d’une AMP ne cherchent pas à connaître l’identité du donneur.
Mes chers collègues, la politisation des questions bioéthiques et leur inscription dans le champ de la revendication d’égalité de droits entre tous empêchent d’en penser les enjeux pour l’enfant et seulement pour lui. Sylviane Agacinski le dit très bien : tout est justifié au nom des intérêts individuels et des demandes sociétales, que le droit est sommé de ne pas entraver.
Bien que le Gouvernement nous assure du contraire, je crains que l’application du raisonnement « égalitaire » dans des champs où il ne devrait pas intervenir n’amène tôt ou tard à encadrer également la demande des hommes seuls ou en couple par des techniques et des lois.
C’est la raison pour laquelle, et bien que je salue un grand nombre de dispositions contenues dans les titres du projet de loi autres que le titre Ier, je voterai contre ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Mme Agnès Buzyn ne pouvait rester parmi nous ; elle m’a chargé de vous prier de bien vouloir l’excuser.
M. Bruno Retailleau. Il est d’usage que le Gouvernement réponde au terme de la discussion générale : pourquoi ce texte, dont nous reconnaissons tous l’importance particulière, ferait-il exception ? Deux membres du Gouvernement sont présents : je suis certain que Mme la garde des sceaux ou M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ont à cœur de répondre à nos interpellations. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue, mais les ministres n’ont pas souhaité répondre à l’issue de la discussion générale.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la bioéthique
Articles additionnels avant le titre Ier
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 15 rectifié septies est présenté par Mme Noël, MM. Bascher, Bonhomme, Danesi, Morisset, Vial et Mayet, Mme Lamure et MM. Retailleau, H. Leroy, Chevrollier et Gremillet.
L’amendement n° 93 rectifié est présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog et M. Masson.
L’amendement n° 163 est présenté par M. Meurant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En matière de bioéthique, un principe de précaution s’applique.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Du principe de précaution
La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié septies.
Mme Sylviane Noël. Selon le professeur Bertrand Mathieu, « la liberté de la recherche est aujourd’hui très largement invoquée pour que soient écartés les obstacles que le droit pose pour protéger l’être humain face à “l’appétit” des chercheurs. Or, le principe de la liberté des chercheurs ne porte aucun caractère absolu. Il doit être concilié avec d’autres principes, voire écarté quand est en cause la substance même du principe de dignité ». Il appartient donc à la science de dire ce qui est et au législateur de fixer des règles et des principes qui doivent encadrer cette recherche pour protéger les individus.
Alors que le principe de précaution est consacré en matière de droit de l’environnement depuis la loi Barnier du 2 janvier 1995, il n’y est nullement fait référence en matière de droit de la bioéthique, puisque aucun texte de droit français n’affirme que ce champ est soumis à ce principe.
Il est pourtant largement admis que l’intérêt des générations futures doit être pris en compte. L’alinéa 12 du préambule de la convention d’Oviedo de 1997 indique que « les progrès de la biologie et de la médecine doivent être utilisés pour le bénéfice des générations présentes et futures ». Consciente que les décisions portant sur les questions éthiques que posent la médecine, les sciences de la vie et les technologies associées peuvent avoir un impact sur les individus, les familles, les groupes ou communautés et sur l’humanité tout entière, l’Unesco a souhaité affirmer, dans la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme du 19 octobre 2005, que « l’incidence des sciences de la vie sur les générations futures […] devrait être dûment prise en considération ».
L’application du principe de précaution connaît aujourd’hui un développement hors du terrain du droit de l’environnement stricto sensu. En France, ce principe a été introduit dans la Constitution par l’article 5 de la Charte de l’environnement de 2004. S’agissant de son champ d’application, l’article 5 vise exclusivement un dommage affectant l’environnement. Cependant, le Conseil constitutionnel pourrait tirer du texte constitutionnel la reconnaissance d’un principe général de précaution susceptible de s’appliquer dans d’autres domaines, d’autant que l’article 1er de la charte précitée lie l’environnement et la santé.
Dès lors, il est tout à fait opportun de préciser dans la loi que la bioéthique est soumise au principe de précaution.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié.
M. Loïc Hervé. Il est défendu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le principe de précaution est un principe non pas d’abstention, mais d’action, qui oblige « à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». À mon sens, cela ne correspond pas tout à fait à ce que souhaitent les auteurs de ces amendements.
En revanche, les principes de bioéthique eux-mêmes permettent de garantir les précautions dont nous devons nous entourer, s’agissant des lois relatives à la science. Il me semble donc que nous pouvons nous passer de l’inscription du principe de précaution dans le présent texte.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je partage l’avis que Mme la rapporteure vient d’énoncer.
Il me semble, en outre, que l’inscription du principe de précaution relève davantage, en l’espèce, du niveau constitutionnel que du niveau législatif. Il en fut d’ailleurs ainsi en matière environnementale.
De surcroît, dans le cadre d’une loi bioéthique, la notion même de précaution peut susciter des interrogations. Mme la rapporteure l’a rappelé, l’application du principe de précaution recouvre la mise en place à la fois d’un système d’évaluation et de mesures proportionnées et provisoires en cas d’atteintes graves et irréversibles. Or, en matière de bioéthique, nous pourrions nous interroger à l’infini sur ce qu’est une atteinte grave et irréversible. Il y a donc là une difficulté.
Enfin, la révision tous les cinq ans des lois bioéthiques me semble offrir au moins autant de garanties que l’inscription du principe de précaution dans le texte.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié septies et 93 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié sexies, présenté par Mme Noël, MM. Bascher, Bonhomme, Danesi, Morisset, Vial et Mayet, Mme Lamure et MM. H. Leroy, Chevrollier et Gremillet, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre Ier
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le délai d’un an après l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport précisant la définition et les modalités d’application du principe de précaution en matière de bioéthique.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Du principe de précaution
La parole est à Mme Sylviane Noël.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les auteurs de cet amendement demandent un rapport sur l’application du principe de précaution, afin de préciser la définition et les modalités d’application de celui-ci.
Chacun connaît la jurisprudence du Sénat quant aux demandes de rapport au Gouvernement. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’oppose à cet amendement le même argumentaire qu’aux amendements précédents. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 161 n’est pas soutenu.
TITRE Ier
ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES
Chapitre Ier
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Bonne, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir et Mandelli, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond et MM. Regnard, Longuet, Gilles, Pointereau, Leleux, H. Leroy, Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article 310 du code civil, il est inséré un article 310… ainsi rédigé :
« Art. 310.… – Nul n’a de droit à l’enfant. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Au-delà des divergences d’appréciation que nous pouvons avoir sur ce texte, je veux croire que nous nous rejoignons sur le ce principe simple que l’enfant est un sujet de droit, et non un objet de droit.
Mme Buzyn a d’ailleurs déclaré tout à l’heure qu’il n’y aurait jamais de droit à l’enfant et vous-même, madame la garde des sceaux, avez indiqué que vous ne souhaitiez pas ouvrir le droit à la GPA.
L’adoption de cet amendement permettrait à mon sens de rassurer tout le monde, en mettant le texte en accord avec ces déclarations.