compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Dominique de Legge.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun aura à cœur de respecter les uns et les autres, ainsi que son temps de parole.
adaptation de l’arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. « Il était à l’isolement depuis six mois. On n’a rien pu faire avec lui. Là-haut, nous sommes inquiets de le laisser sortir. » Tels sont, madame la garde des sceaux, les propos d’un surveillant pénitentiaire au sujet de Flavien Moreau, premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie, libéré avant-hier.
Condamné, en 2014, à sept ans d’emprisonnement pour terrorisme, cet homme a été libéré un peu moins d’un an avant la date prévue, malgré une détention parsemée d’incidents. Sa sortie de prison s’accompagne d’une double mesure de surveillance, judiciaire – d’une durée de onze mois et dix-huit jours – et administrative.
Son cas n’est pas isolé, puisqu’une quarantaine de djihadistes français ont retrouvé la liberté depuis 2018, et que plusieurs dizaines d’autres devraient être relâchés cette année.
Les solutions d’un tribunal international et du maintien des djihadistes français en détention à l’étranger posent question. En effet, le contexte géopolitique de la région et le délitement de certains États ne permettent plus de garantir que les terroristes y soient jugés et maintenus en détention.
Faute de solutions, le rapatriement de djihadistes français apparaît de plus en plus comme une hypothèse envisageable, comme vous l’avez récemment rappelé, madame la garde des sceaux.
Seulement, cette question du rapatriement des terroristes français et de leur libération soulève le problème de la récidive. Comment s’assurer de l’absence de dangerosité de ces individus une fois libérés ?
Madame la garde des sceaux, la lutte contre la radicalisation est un combat de longue haleine. Face à de tels criminels, notre arsenal juridique est insuffisant. Comment comptez-vous remédier à cette situation pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Menonville, la lutte contre la radicalisation et le terrorisme islamiste est évidemment l’une des préoccupations majeures du ministère de la justice. Je considère que nous disposons des outils juridiques pour la mener efficacement.
Les djihadistes qui reviennent de zones de combat sont systématiquement judiciarisés, à leur retour sur le sol national, par le nouveau parquet national antiterroriste, que nous avons créé voilà quelques mois. Concrètement, cette judiciarisation se traduit par l’engagement de poursuites du chef d’association de malfaiteurs terroriste, passible de peines pouvant aller, en cas de crime, jusqu’à vingt ans d’emprisonnement, ce qui est évidemment lourd.
À ce jour, 224 « revenants » ont fait l’objet de poursuites. Au moment où je vous parle, les trois quarts d’entre eux sont en détention, dans des établissements pénitentiaires adaptés à la prise en charge de leur profil : ils sont soit à l’isolement, soit dans des quartiers spécifiques de prise en charge de la radicalisation.
À leur sortie, ils font l’objet d’un suivi par un juge spécialisé ; en particulier, ils sont soumis à des obligations de contrôle extrêmement strictes. Ils peuvent également être pris en charge par l’un des centres de jour que nous avons créés, dans différentes villes du pays.
Par ailleurs, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, prévoit des mesures administratives de suivi et de renseignement.
Ainsi, ces personnes font l’objet d’un double suivi, judiciaire et administratif, à leur sortie de détention. De ce fait, elles sont soumises à des mesures individuelles de contrôle et de surveillance : obligation de pointage, obligation de domiciliation fixe avec interdiction de quitter la commune, entre autres.
M. Flavien Moreau est soumis à cette double obligation, judiciaire et administrative.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous assure que nous sommes tout à fait vigilants sur la judiciarisation et la prise en charge de ces personnes à leur retour des terrains de combat. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. Je salue M. le Premier ministre, qui a rejoint notre hémicycle.
réforme des retraites (i)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Précisément, monsieur le président, c’est à M. le Premier ministre que j’entends m’adresser, en tant que rapporteur du projet de loi Retraites.
On voit bien que ce sujet est tabou dans notre pays. De fait, quand on bouleverse un « pacte de générations », pour reprendre l’excellente expression que vous avez employée hier soir, monsieur le président, lors de vos vœux, auxquels vous assistiez, monsieur le Premier ministre, il est normal que se produisent des réactions épidermiques.
Je souhaite des éclaircissements du Gouvernement sur les données dont le Sénat, notamment, pourra disposer pour se déterminer en toute sérénité et répondre aux questions des Français – à quel âge allons-nous partir, et avec quel montant de retraite ? –, sans oublier la question que se pose chaque sénateur : quel sera le coût de la réforme ?
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. René-Paul Savary. Monsieur le Premier ministre, vous nous demandez vingt-trois habilitations à légiférer par ordonnance : quelles garanties offrez-vous au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Martin Lévrier applaudissent.)
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Monsieur Savary, je connais votre engagement sur le dossier des retraites. Le choix du Sénat de désigner, voilà plus de deux ans, un rapporteur spécial sur le sujet montre l’intérêt que votre assemblée porte au système de retraite.
Nous bousculons peut-être, il est vrai, un certain nombre de situations et d’éléments qui paraissaient acquis. De fait, nous nous sommes engagés à mener une grande transformation de notre système de retraite pour créer un système universel. Parlons simplement : il s’agit d’instaurer une caisse commune à nous tous et, avec elle, une solidarité qui ne soit plus fondée sur des critères professionnels ou statutaires, mais s’exerce entre tous les Français. (Murmures sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
M. Pierre-Yves Collombat. Baratin !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Cette dimension peut conduire à s’interroger, notamment, tous ceux qui ont une caisse spécifique ou autonome.
Nous voulons créer un système plus solide. La réflexion menée au Sénat allait d’ailleurs dans ce sens : maintenir le système par répartition de façon solide et durable.
Pour ce faire, le Gouvernement a souhaité rappeler que l’équilibre du dispositif est la garantie de sa pérennité et un gage de sécurité pour tous les Français. (Murmures redoublés sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Pour répondre précisément à votre question, monsieur le sénateur, l’étude d’impact que vous attendez sera disponible dès la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Elle vous sera largement communiquée, et nous pourrons en débattre ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations et quelques huées sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. François Patriat. Assez ! Respectez le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Parce que vous appelez ça des précisions !
M. René-Paul Savary. … qui ne m’ont pas forcément rassuré.
De deux choses l’une : on réforme avec les Français ou contre eux, avec les parlementaires ou contre eux. Or, pour reprendre une expression syndicale, il y a une ligne rouge : si nous n’avons pas tous les éléments nécessaires, nous ne pourrons pas décider dans la sérénité !
Votre article 9 est généreux, puisqu’il prévoit l’indexation du point sur le salaire moyen. C’est tout à fait intéressant, mais comment finance-t-on cette mesure ? Par l’article 10, qui prévoit l’âge d’équilibre. Il faut donc bien dire la vérité aux Français : il faudra travailler plus pour maintenir cette générosité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. C’est ce que nous disons ! (M. le Premier ministre le confirme.)
M. René-Paul Savary. A contrario, si l’on ne prend pas de mesures d’âge, le niveau des pensions baissera.
Il reste du chemin à faire : n’hésitez pas à prendre les mesures nécessaires pour respecter le Parlement, en particulier le Sénat ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
démission de 1 200 médecins hospitaliers
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, si le conflit sur la réforme des retraites a éclipsé, un temps, les problèmes de l’hôpital public, la fièvre ne fait que monter depuis le mois de mars dernier dans les services des urgences.
Pour prendre un exemple, l’impensable s’est produit dans mon département, la Haute-Garonne, avec la fermeture durant quelques jours, en novembre dernier, du service des urgences de l’hôpital d’une sous-préfecture, Saint-Gaudens, faute de personnel suffisant.
Aujourd’hui, la colère s’étend jusqu’à gagner tous les services hospitaliers.
Le 20 novembre dernier, le Gouvernement a présenté son plan d’urgence, articulé autour de trois axes : restaurer l’activité de l’hôpital, déverrouiller le fonctionnement de celui-ci et dégager des moyens supplémentaires. Pourtant, le succès attendu de l’annonce de ces mesures et de leur calendrier n’est pas au rendez-vous…
C’est trop peu, trop partiel, trop étalé dans le temps : telle est la ligne de plusieurs centaines de chefs de service hospitalier, qui ont démissionné de leurs fonctions administratives pour dénoncer les conditions de travail détériorées, le manque de plus en plus flagrant de moyens et les problèmes de relations et de compréhension avec l’administration.
Madame la secrétaire d’État, nous ne pouvons pas, bien sûr, vous faire porter le chapeau en vous rendant totalement responsable de cette situation. La lente détérioration des conditions d’exercice au sein des établissements hospitaliers publics a commencé avec les 35 heures, voilà bien longtemps. (Murmures sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
Comment pensez-vous pouvoir enrayer cette épidémie et rétablir un lien de confiance entre le personnel hospitalier, l’administration et les autorités sanitaires ? Répondre à cette question me paraît essentiel pour ne pas aggraver une crise des vocations déjà vive ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, nous connaissons, comme vous, les attentes des professionnels de santé. Leur constat, nous le partageons ! (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)
Mme Laurence Cohen. Quand allez-vous agir ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. C’est pour cela que nous prenons les mesures nécessaires pour renforcer le soutien aux hôpitaux.
Ainsi, les tarifs garantis sont en hausse après une décennie de baisse, et 10 milliards d’euros de dette vont être repris par l’État sur les trois années à venir. Des primes destinées à mieux reconnaître les soignants et à rendre plus attractifs les métiers de l’hôpital seront versées dès ce mois. En outre, nous avons engagé un réinvestissement massif dans les équipements du quotidien : 150 millions d’euros seront disponibles dans les hôpitaux, là aussi dès ce mois-ci. Enfin, une plus grande place est accordée aux soignants dans la prise de décision au sein de chaque hôpital.
Ces mesures importantes marquent une vraie inflexion en termes de moyens après dix années de restrictions. Au total, 1,5 milliard d’euros de crédits supplémentaires seront versés sur trois ans, auxquels s’ajouteront 1 milliard d’euros par an de marges de manœuvre supplémentaires liées à la reprise de la dette.
Comme le collectif à l’origine de la pétition le souhaite, ces moyens supplémentaires permettront aussi de reconnaître certaines contraintes particulières par le biais de primes, de créer les lits supplémentaires nécessaires et de moderniser les conditions de travail. Ces mesures vont changer concrètement le quotidien des soignants et des patients !
L’impatience qui s’exprime est légitime. Nous sommes engagés pour que les mesures prises se traduisent très rapidement.
Dans le même temps, le débat doit se poursuivre. C’est dans cet esprit que la ministre des solidarités et de la santé recevra, d’ici à la fin de la semaine, une délégation d’une partie des signataires. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État, j’entends vos réponses, mais nous espérons des effets rapides, car il y a urgence !
Quand l’hôpital tousse, c’est tout notre système de santé qui vacille. Au-delà des moyens financiers, les pratiques médicales n’obéissent pas toujours aux logiques comptables ou administratives.
Il faut retrouver un point d’équilibre, pour éviter les situations que l’on voit dans certaines cliniques. En particulier, il est indispensable de redonner un poids prépondérant aux commissions médicales d’établissement par rapport au pouvoir administratif.
Nos concitoyens méritent un égal accès à une offre de soins de qualité et de proximité. Alors, agissons vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
convention citoyenne pour le climat
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. « Les citoyens ont demandé plus de démocratie. Ils ne veulent plus être simplement celles et ceux qui respectent les lois : ils veulent participer. La Convention citoyenne pour le climat, c’est cela ! » Tels sont les propos tenus par le Président de la République le 10 janvier dernier, à l’occasion de la rencontre d’échanges avec les 150 membres de cette convention.
Expérience démocratique inédite en France et très regardée par nos voisins européens, la Convention citoyenne pour le climat a pour vocation de donner la parole à des Françaises et des Français tirés au sort, avec le mandat de définir une série de mesures qui permettront d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, dans un esprit de justice sociale.
À cet égard, j’observe qu’une nouvelle étape de la fermeture des centrales à charbon a été franchie, avec la signature des contrats de territoire du Havre, de Saint-Avold et de Cordemais.
Chacun s’accorde à admettre que la composition de la Convention reflète la diversité des catégories socioprofessionnelles au sein de notre population. Par ailleurs, une attention très forte a été portée au respect de la parité, ainsi que de la diversité des zones géographiques et des types de territoire – territoires urbains, ruraux ou intermédiaires. Sans conteste, cette diversité est essentielle à la qualité des délibérations des six groupes qui travaillent depuis le mois d’octobre dernier.
Le Président de la République a pris l’engagement que leurs propositions législatives et réglementaires seraient soumises, sans filtre, soit à référendum, soit au vote du Parlement, soit à application réglementaire directe. Dans une période de défiance vis-à-vis du politique, c’est là une méthode originale, consistant à ouvrir le chemin du politique en décelant des voies de consensus dans la société.
Nous mesurons bien, collectivement, que nous sommes à un moment où il est nécessaire de privilégier les voies d’un consensus démocratique. Pour ce faire, la Convention citoyenne, dont les membres sont tirés au sort, peut constituer un levier. Démocraties représentative et participative ne doivent pas être en concurrence ni se regarder en chiens de faïence, mais travailler ensemble pour faire face, notamment, à l’urgence climatique qui s’impose à nous.
« Si l’on veut réussir cette aventure démocratique inédite, j’ai besoin que vous sachiez prendre des options fortes », a aussi déclaré le chef de l’État le 10 janvier. Prendre des options fortes, c’est aussi l’apanage de la démocratie représentative. Comment le Gouvernement envisage-t-il l’articulation entre cet exercice inédit de démocratie citoyenne et les représentants de la Nation que nous sommes ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, vous avez raison : la création de la Convention citoyenne pour le climat marque un moment charnière à la fois pour la démocratie et pour l’écologie.
Pour la démocratie, d’abord, parce que nos concitoyens aspirent à participer de plus en plus à l’élaboration des politiques publiques. C’est, d’une certaine manière, la continuation de la dynamique à l’œuvre dans le grand débat national.
Pour l’écologie, ensuite, parce que nous avons besoin de mesures fortes, qui embarquent tous les Français.
Je salue les 150 Français qui, depuis plusieurs semaines, travaillent d’arrache-pied sur de très nombreuses propositions, avec un sens élevé de leurs responsabilités. Élisabeth Borne, moi-même et tout le ministère de la transition écologique et solidaire suivons leurs travaux avec une grande attention.
Ces citoyens sont extrêmement soucieux, voire inquiets, de ce que nous ferons de leurs propositions. À cet égard, leur rencontre avec le Président de la République, qui a répondu à leur invitation, a permis de réaffirmer l’importance que nous accordons au travail de cette convention et de confirmer la suite qui lui sera donnée.
L’engagement pris, réaffirmé par le chef de l’État, est que les propositions de la Convention seront reprises sans filtre.
M. Philippe Dallier. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Il l’a dit sans ambages : ces propositions devront être claires, détaillées, opérationnelles. En accord avec la Convention, elles devront être remises, au plus tard, en avril prochain.
Le Président de la République a également pris l’engagement de revenir devant la Convention citoyenne pour préciser les modalités de mise en œuvre. Les propositions les plus abouties pourront être soumises au référendum ou au Parlement – on voit bien là l’articulation entre ces deux formes de démocratie – ou faire l’objet d’un texte réglementaire. Celles qui sont moins finalisées pourront donner lieu à un travail entre les parlementaires et les citoyens.
Enfin, le chef de l’État a exprimé son soutien à l’idée d’un référendum, probablement à questions multiples, pour prolonger ce débat démocratique sur l’écologie.
Face à l’urgence climatique, les citoyens sont de plus en plus convaincus qu’il faut agir. Nous allons construire les réponses avec eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
réforme des retraites (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé des retraites, on peut adhérer aux grands principes du projet de réforme des retraites : régime universel avec suppression des régimes spéciaux, système à points, équilibre financier.
On peut aussi comprendre la nécessité de mesures destinées à assurer, à court et moyen termes, l’équilibre du régime actuel, avec ou sans mesures d’âge. On peut également imaginer utiliser le Fonds de réserve des retraites ou accélérer le rythme de la réforme Touraine sur la durée de cotisation. Bien sûr, il faut aussi prévoir le financement de la phase de transition.
Mais, en ce qui concerne la réforme systémique, qui prendra pleinement effet en 2037, donc dans dix-sept ans, je m’interroge sur la compatibilité d’un âge d’équilibre prédéfini avec un système à points.
Dans un tel système, on conserve une date à partir de laquelle on peut faire valoir ses droits à la retraite – 62 ans –, et le montant de la pension est calculé en multipliant le nombre de points acquis tout au long de la carrière, avec d’éventuelles bonifications, par la valeur du point. C’est une forme d’individualisation de la retraite. Mettre en place un système par points cotisés fait disparaître la notion de retraite à taux plein et relativise les critères d’âge et de durée de cotisation.
Dans ce cadre, l’introduction d’un deuxième âge de référence, avec un mécanisme de bonus-malus, ne répond pas, me semble-t-il, aux objectifs de clarté, de simplicité et de justice ; elle nuit à la compréhension de la réforme.
Peut-on envisager de conserver dans le projet de loi sur la réforme systémique l’impératif d’équilibre financier, tout en effaçant la référence à un âge d’équilibre prédéterminé, à mon sens incompatible avec la philosophie d’un régime à points ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Avant de vous répondre, monsieur le sénateur, je tiens à présenter mes excuses à M. Menonville, car je suis arrivé en retard pendant qu’il posait sa question, ce qui était incorrect.
Vous m’interrogez sur le futur système universel de retraite que nous voulons construire.
D’abord, je vous rappelle – en écho aussi à la question de M. Savary – que nos discussions et vos questions, bien légitimes, portent sur un projet de loi qui n’a pas encore été présenté en conseil des ministres. Il est en préparation et il a été soumis, conformément aux règles constitutionnelles, au Conseil d’État et à un certain nombre d’organismes chargés de formuler des avis.
Le projet de loi sera soumis au conseil des ministres le 24 janvier prochain, dans les conditions prévues par les textes, avant d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Nous pourrons alors engager, article par article, la discussion précise que, vous comme moi, monsieur le sénateur, attendons avec impatience.
N’allons donc pas plus vite que la musique, s’agissant de discussions pointues sur les articles d’un texte qui n’a pas encore été présenté en conseil des ministres. (Murmures sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Pierre-Yves Collombat. Et la procédure accélérée ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je rappelle à ceux qui l’auraient oublié que les précédentes réformes des retraites intervenues sous forme de loi ont toutes été approuvées – sauf erreur de ma part – au terme d’une procédure dite accélérée. Il n’y a rien là d’exceptionnel : c’est la règle en la matière.
Ensuite, monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur la conciliation d’un système par répartition à points avec la notion d’âge d’équilibre.
Oui, l’âge d’équilibre sera l’un des éléments de pilotage du futur système, en vue de l’équilibrer, par les instances de gouvernance qui seront déterminées par la loi. On comprend bien l’attachement, que j’ai exprimé en ce qui me concerne, au principe de l’équilibre d’un système de retraite, singulièrement d’un système par répartition. L’âge d’équilibre sera l’un des paramètres dans ce cadre.
Cet âge d’équilibre, vous l’avez dit, n’est pas l’âge légal, qui est l’âge à partir duquel on peut faire valoir ses droits à la retraite. L’âge d’équilibre sera, au fond, l’âge de départ à taux plein.
Comme le Président de la République s’y était engagé, nous ne supprimerons pas la notion d’âge légal, car nous pensons que les Français doivent pouvoir continuer à faire valoir leurs droits à la retraite à 62 ans. Il leur sera toujours loisible de le faire, et cela sera même opportun pour certains d’entre eux. Pourquoi voudrions-nous priver les Français de cette possibilité ?
Mais nous voulons aussi créer l’âge d’équilibre, de manière à inciter nos concitoyens à travailler – c’est vrai – plus longtemps pour – c’est vrai – équilibrer le système de retraite par répartition. Il n’y a là ni gros mots ni scandale : c’est ce qui se passe dans tous les pays du monde ! (Murmures prolongés sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Nous voulons le faire non pas en utilisant l’arme, si j’ose dire, de l’âge légal, qui est aveugle et concerne tout le monde, mais en créant une incitation qui prendra en compte la réalité des parcours professionnels : non pas l’appartenance à telle ou telle entreprise, à tel ou tel statut, mais bien la réalité du parcours professionnel. Ainsi, la pénibilité, le handicap, bien entendu, ou les carrières longues seront pris en considération dans la détermination de l’âge de départ à taux plein.
De toutes ces questions, passionnantes et sensibles, nous aurons l’occasion de débattre, à l’Assemblée nationale puis au Sénat, sur la base de toutes les données nécessaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sera riche et, j’en suis certain, intense. Je pense qu’il permettra l’élaboration collective d’une loi bonne et juste, ce qui est la raison d’être d’un Parlement : une loi grâce à laquelle l’ensemble des Français, quels que soient leur métier et leur statut, pourront envisager la fin de leur activité professionnelle et leur retraite avec sérénité ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme Élisabeth Doineau et M. Joseph Castelli applaudissent également.)