Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot, M. Dominique de Legge.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
adaptation de l’arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme
M. Franck Menonville ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. René-Paul Savary ; M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites ; M. René-Paul Savary.
démission de 1 200 médecins hospitaliers
M. Pierre Médevielle ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Pierre Médevielle.
convention citoyenne pour le climat
M. Frédéric Marchand ; Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Marc Gabouty ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Jean-Marc Gabouty.
démission de médecins hospitaliers
Mme Michelle Gréaume ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Michelle Gréaume.
doctrine du maintien de l’ordre
M. David Assouline ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. David Assouline.
situation des combattants djihadistes français
M. André Reichardt ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. André Reichardt.
Mme Nadine Grelet-Certenais ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; Mme Nadine Grelet-Certenais.
M. Laurent Duplomb ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances ; M. Laurent Duplomb.
enjeux et interrogations de l’opération barkhane après le sommet de pau
M. Olivier Cigolotti ; Mme Florence Parly, ministre des armées.
M. Stéphane Piednoir ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Stéphane Piednoir.
M. Julien Bargeton ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.
M. Jean Sol ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Jean Sol.
M. Martial Bourquin ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances ; M. Martial Bourquin.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
4. Réforme du régime des catastrophes naturelles. – Adoption d’une proposition de loi modifiée
Discussion générale :
Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission des finances
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 31 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 33 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 8 de Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. – Adoption.
Amendement n° 35 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 36 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 9 de Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 13 de Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. – Adoption.
Amendement n° 40 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 3 de Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. – Adoption.
Amendement n° 4 de Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-François Husson, rapporteur
Adoption de la proposition de loi, modifiée.
Suspension et reprise de la séance
5. Droits sociaux des travailleurs numériques. – Rejet d’une proposition de loi modifiée
Discussion générale :
Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi
Mme Nadine Grelet-Certenais, rapporteure de la commission des affaires sociales
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Monique Lubin. – Adoption.
Rejet de l’article unique de la proposition de loi, modifié.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun aura à cœur de respecter les uns et les autres, ainsi que son temps de parole.
adaptation de l’arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. « Il était à l’isolement depuis six mois. On n’a rien pu faire avec lui. Là-haut, nous sommes inquiets de le laisser sortir. » Tels sont, madame la garde des sceaux, les propos d’un surveillant pénitentiaire au sujet de Flavien Moreau, premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie, libéré avant-hier.
Condamné, en 2014, à sept ans d’emprisonnement pour terrorisme, cet homme a été libéré un peu moins d’un an avant la date prévue, malgré une détention parsemée d’incidents. Sa sortie de prison s’accompagne d’une double mesure de surveillance, judiciaire – d’une durée de onze mois et dix-huit jours – et administrative.
Son cas n’est pas isolé, puisqu’une quarantaine de djihadistes français ont retrouvé la liberté depuis 2018, et que plusieurs dizaines d’autres devraient être relâchés cette année.
Les solutions d’un tribunal international et du maintien des djihadistes français en détention à l’étranger posent question. En effet, le contexte géopolitique de la région et le délitement de certains États ne permettent plus de garantir que les terroristes y soient jugés et maintenus en détention.
Faute de solutions, le rapatriement de djihadistes français apparaît de plus en plus comme une hypothèse envisageable, comme vous l’avez récemment rappelé, madame la garde des sceaux.
Seulement, cette question du rapatriement des terroristes français et de leur libération soulève le problème de la récidive. Comment s’assurer de l’absence de dangerosité de ces individus une fois libérés ?
Madame la garde des sceaux, la lutte contre la radicalisation est un combat de longue haleine. Face à de tels criminels, notre arsenal juridique est insuffisant. Comment comptez-vous remédier à cette situation pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Menonville, la lutte contre la radicalisation et le terrorisme islamiste est évidemment l’une des préoccupations majeures du ministère de la justice. Je considère que nous disposons des outils juridiques pour la mener efficacement.
Les djihadistes qui reviennent de zones de combat sont systématiquement judiciarisés, à leur retour sur le sol national, par le nouveau parquet national antiterroriste, que nous avons créé voilà quelques mois. Concrètement, cette judiciarisation se traduit par l’engagement de poursuites du chef d’association de malfaiteurs terroriste, passible de peines pouvant aller, en cas de crime, jusqu’à vingt ans d’emprisonnement, ce qui est évidemment lourd.
À ce jour, 224 « revenants » ont fait l’objet de poursuites. Au moment où je vous parle, les trois quarts d’entre eux sont en détention, dans des établissements pénitentiaires adaptés à la prise en charge de leur profil : ils sont soit à l’isolement, soit dans des quartiers spécifiques de prise en charge de la radicalisation.
À leur sortie, ils font l’objet d’un suivi par un juge spécialisé ; en particulier, ils sont soumis à des obligations de contrôle extrêmement strictes. Ils peuvent également être pris en charge par l’un des centres de jour que nous avons créés, dans différentes villes du pays.
Par ailleurs, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, prévoit des mesures administratives de suivi et de renseignement.
Ainsi, ces personnes font l’objet d’un double suivi, judiciaire et administratif, à leur sortie de détention. De ce fait, elles sont soumises à des mesures individuelles de contrôle et de surveillance : obligation de pointage, obligation de domiciliation fixe avec interdiction de quitter la commune, entre autres.
M. Flavien Moreau est soumis à cette double obligation, judiciaire et administrative.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous assure que nous sommes tout à fait vigilants sur la judiciarisation et la prise en charge de ces personnes à leur retour des terrains de combat. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. Je salue M. le Premier ministre, qui a rejoint notre hémicycle.
réforme des retraites (i)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Précisément, monsieur le président, c’est à M. le Premier ministre que j’entends m’adresser, en tant que rapporteur du projet de loi Retraites.
On voit bien que ce sujet est tabou dans notre pays. De fait, quand on bouleverse un « pacte de générations », pour reprendre l’excellente expression que vous avez employée hier soir, monsieur le président, lors de vos vœux, auxquels vous assistiez, monsieur le Premier ministre, il est normal que se produisent des réactions épidermiques.
Je souhaite des éclaircissements du Gouvernement sur les données dont le Sénat, notamment, pourra disposer pour se déterminer en toute sérénité et répondre aux questions des Français – à quel âge allons-nous partir, et avec quel montant de retraite ? –, sans oublier la question que se pose chaque sénateur : quel sera le coût de la réforme ?
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. René-Paul Savary. Monsieur le Premier ministre, vous nous demandez vingt-trois habilitations à légiférer par ordonnance : quelles garanties offrez-vous au Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Martin Lévrier applaudissent.)
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Monsieur Savary, je connais votre engagement sur le dossier des retraites. Le choix du Sénat de désigner, voilà plus de deux ans, un rapporteur spécial sur le sujet montre l’intérêt que votre assemblée porte au système de retraite.
Nous bousculons peut-être, il est vrai, un certain nombre de situations et d’éléments qui paraissaient acquis. De fait, nous nous sommes engagés à mener une grande transformation de notre système de retraite pour créer un système universel. Parlons simplement : il s’agit d’instaurer une caisse commune à nous tous et, avec elle, une solidarité qui ne soit plus fondée sur des critères professionnels ou statutaires, mais s’exerce entre tous les Français. (Murmures sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
M. Pierre-Yves Collombat. Baratin !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Cette dimension peut conduire à s’interroger, notamment, tous ceux qui ont une caisse spécifique ou autonome.
Nous voulons créer un système plus solide. La réflexion menée au Sénat allait d’ailleurs dans ce sens : maintenir le système par répartition de façon solide et durable.
Pour ce faire, le Gouvernement a souhaité rappeler que l’équilibre du dispositif est la garantie de sa pérennité et un gage de sécurité pour tous les Français. (Murmures redoublés sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Pour répondre précisément à votre question, monsieur le sénateur, l’étude d’impact que vous attendez sera disponible dès la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Elle vous sera largement communiquée, et nous pourrons en débattre ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations et quelques huées sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. François Patriat. Assez ! Respectez le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Parce que vous appelez ça des précisions !
M. René-Paul Savary. … qui ne m’ont pas forcément rassuré.
De deux choses l’une : on réforme avec les Français ou contre eux, avec les parlementaires ou contre eux. Or, pour reprendre une expression syndicale, il y a une ligne rouge : si nous n’avons pas tous les éléments nécessaires, nous ne pourrons pas décider dans la sérénité !
Votre article 9 est généreux, puisqu’il prévoit l’indexation du point sur le salaire moyen. C’est tout à fait intéressant, mais comment finance-t-on cette mesure ? Par l’article 10, qui prévoit l’âge d’équilibre. Il faut donc bien dire la vérité aux Français : il faudra travailler plus pour maintenir cette générosité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. C’est ce que nous disons ! (M. le Premier ministre le confirme.)
M. René-Paul Savary. A contrario, si l’on ne prend pas de mesures d’âge, le niveau des pensions baissera.
Il reste du chemin à faire : n’hésitez pas à prendre les mesures nécessaires pour respecter le Parlement, en particulier le Sénat ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
démission de 1 200 médecins hospitaliers
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, si le conflit sur la réforme des retraites a éclipsé, un temps, les problèmes de l’hôpital public, la fièvre ne fait que monter depuis le mois de mars dernier dans les services des urgences.
Pour prendre un exemple, l’impensable s’est produit dans mon département, la Haute-Garonne, avec la fermeture durant quelques jours, en novembre dernier, du service des urgences de l’hôpital d’une sous-préfecture, Saint-Gaudens, faute de personnel suffisant.
Aujourd’hui, la colère s’étend jusqu’à gagner tous les services hospitaliers.
Le 20 novembre dernier, le Gouvernement a présenté son plan d’urgence, articulé autour de trois axes : restaurer l’activité de l’hôpital, déverrouiller le fonctionnement de celui-ci et dégager des moyens supplémentaires. Pourtant, le succès attendu de l’annonce de ces mesures et de leur calendrier n’est pas au rendez-vous…
C’est trop peu, trop partiel, trop étalé dans le temps : telle est la ligne de plusieurs centaines de chefs de service hospitalier, qui ont démissionné de leurs fonctions administratives pour dénoncer les conditions de travail détériorées, le manque de plus en plus flagrant de moyens et les problèmes de relations et de compréhension avec l’administration.
Madame la secrétaire d’État, nous ne pouvons pas, bien sûr, vous faire porter le chapeau en vous rendant totalement responsable de cette situation. La lente détérioration des conditions d’exercice au sein des établissements hospitaliers publics a commencé avec les 35 heures, voilà bien longtemps. (Murmures sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
Comment pensez-vous pouvoir enrayer cette épidémie et rétablir un lien de confiance entre le personnel hospitalier, l’administration et les autorités sanitaires ? Répondre à cette question me paraît essentiel pour ne pas aggraver une crise des vocations déjà vive ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, nous connaissons, comme vous, les attentes des professionnels de santé. Leur constat, nous le partageons ! (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)
Mme Laurence Cohen. Quand allez-vous agir ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. C’est pour cela que nous prenons les mesures nécessaires pour renforcer le soutien aux hôpitaux.
Ainsi, les tarifs garantis sont en hausse après une décennie de baisse, et 10 milliards d’euros de dette vont être repris par l’État sur les trois années à venir. Des primes destinées à mieux reconnaître les soignants et à rendre plus attractifs les métiers de l’hôpital seront versées dès ce mois. En outre, nous avons engagé un réinvestissement massif dans les équipements du quotidien : 150 millions d’euros seront disponibles dans les hôpitaux, là aussi dès ce mois-ci. Enfin, une plus grande place est accordée aux soignants dans la prise de décision au sein de chaque hôpital.
Ces mesures importantes marquent une vraie inflexion en termes de moyens après dix années de restrictions. Au total, 1,5 milliard d’euros de crédits supplémentaires seront versés sur trois ans, auxquels s’ajouteront 1 milliard d’euros par an de marges de manœuvre supplémentaires liées à la reprise de la dette.
Comme le collectif à l’origine de la pétition le souhaite, ces moyens supplémentaires permettront aussi de reconnaître certaines contraintes particulières par le biais de primes, de créer les lits supplémentaires nécessaires et de moderniser les conditions de travail. Ces mesures vont changer concrètement le quotidien des soignants et des patients !
L’impatience qui s’exprime est légitime. Nous sommes engagés pour que les mesures prises se traduisent très rapidement.
Dans le même temps, le débat doit se poursuivre. C’est dans cet esprit que la ministre des solidarités et de la santé recevra, d’ici à la fin de la semaine, une délégation d’une partie des signataires. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État, j’entends vos réponses, mais nous espérons des effets rapides, car il y a urgence !
Quand l’hôpital tousse, c’est tout notre système de santé qui vacille. Au-delà des moyens financiers, les pratiques médicales n’obéissent pas toujours aux logiques comptables ou administratives.
Il faut retrouver un point d’équilibre, pour éviter les situations que l’on voit dans certaines cliniques. En particulier, il est indispensable de redonner un poids prépondérant aux commissions médicales d’établissement par rapport au pouvoir administratif.
Nos concitoyens méritent un égal accès à une offre de soins de qualité et de proximité. Alors, agissons vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
convention citoyenne pour le climat
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.
M. Frédéric Marchand. « Les citoyens ont demandé plus de démocratie. Ils ne veulent plus être simplement celles et ceux qui respectent les lois : ils veulent participer. La Convention citoyenne pour le climat, c’est cela ! » Tels sont les propos tenus par le Président de la République le 10 janvier dernier, à l’occasion de la rencontre d’échanges avec les 150 membres de cette convention.
Expérience démocratique inédite en France et très regardée par nos voisins européens, la Convention citoyenne pour le climat a pour vocation de donner la parole à des Françaises et des Français tirés au sort, avec le mandat de définir une série de mesures qui permettront d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, dans un esprit de justice sociale.
À cet égard, j’observe qu’une nouvelle étape de la fermeture des centrales à charbon a été franchie, avec la signature des contrats de territoire du Havre, de Saint-Avold et de Cordemais.
Chacun s’accorde à admettre que la composition de la Convention reflète la diversité des catégories socioprofessionnelles au sein de notre population. Par ailleurs, une attention très forte a été portée au respect de la parité, ainsi que de la diversité des zones géographiques et des types de territoire – territoires urbains, ruraux ou intermédiaires. Sans conteste, cette diversité est essentielle à la qualité des délibérations des six groupes qui travaillent depuis le mois d’octobre dernier.
Le Président de la République a pris l’engagement que leurs propositions législatives et réglementaires seraient soumises, sans filtre, soit à référendum, soit au vote du Parlement, soit à application réglementaire directe. Dans une période de défiance vis-à-vis du politique, c’est là une méthode originale, consistant à ouvrir le chemin du politique en décelant des voies de consensus dans la société.
Nous mesurons bien, collectivement, que nous sommes à un moment où il est nécessaire de privilégier les voies d’un consensus démocratique. Pour ce faire, la Convention citoyenne, dont les membres sont tirés au sort, peut constituer un levier. Démocraties représentative et participative ne doivent pas être en concurrence ni se regarder en chiens de faïence, mais travailler ensemble pour faire face, notamment, à l’urgence climatique qui s’impose à nous.
« Si l’on veut réussir cette aventure démocratique inédite, j’ai besoin que vous sachiez prendre des options fortes », a aussi déclaré le chef de l’État le 10 janvier. Prendre des options fortes, c’est aussi l’apanage de la démocratie représentative. Comment le Gouvernement envisage-t-il l’articulation entre cet exercice inédit de démocratie citoyenne et les représentants de la Nation que nous sommes ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, vous avez raison : la création de la Convention citoyenne pour le climat marque un moment charnière à la fois pour la démocratie et pour l’écologie.
Pour la démocratie, d’abord, parce que nos concitoyens aspirent à participer de plus en plus à l’élaboration des politiques publiques. C’est, d’une certaine manière, la continuation de la dynamique à l’œuvre dans le grand débat national.
Pour l’écologie, ensuite, parce que nous avons besoin de mesures fortes, qui embarquent tous les Français.
Je salue les 150 Français qui, depuis plusieurs semaines, travaillent d’arrache-pied sur de très nombreuses propositions, avec un sens élevé de leurs responsabilités. Élisabeth Borne, moi-même et tout le ministère de la transition écologique et solidaire suivons leurs travaux avec une grande attention.
Ces citoyens sont extrêmement soucieux, voire inquiets, de ce que nous ferons de leurs propositions. À cet égard, leur rencontre avec le Président de la République, qui a répondu à leur invitation, a permis de réaffirmer l’importance que nous accordons au travail de cette convention et de confirmer la suite qui lui sera donnée.
L’engagement pris, réaffirmé par le chef de l’État, est que les propositions de la Convention seront reprises sans filtre.
M. Philippe Dallier. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Il l’a dit sans ambages : ces propositions devront être claires, détaillées, opérationnelles. En accord avec la Convention, elles devront être remises, au plus tard, en avril prochain.
Le Président de la République a également pris l’engagement de revenir devant la Convention citoyenne pour préciser les modalités de mise en œuvre. Les propositions les plus abouties pourront être soumises au référendum ou au Parlement – on voit bien là l’articulation entre ces deux formes de démocratie – ou faire l’objet d’un texte réglementaire. Celles qui sont moins finalisées pourront donner lieu à un travail entre les parlementaires et les citoyens.
Enfin, le chef de l’État a exprimé son soutien à l’idée d’un référendum, probablement à questions multiples, pour prolonger ce débat démocratique sur l’écologie.
Face à l’urgence climatique, les citoyens sont de plus en plus convaincus qu’il faut agir. Nous allons construire les réponses avec eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
réforme des retraites (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé des retraites, on peut adhérer aux grands principes du projet de réforme des retraites : régime universel avec suppression des régimes spéciaux, système à points, équilibre financier.
On peut aussi comprendre la nécessité de mesures destinées à assurer, à court et moyen termes, l’équilibre du régime actuel, avec ou sans mesures d’âge. On peut également imaginer utiliser le Fonds de réserve des retraites ou accélérer le rythme de la réforme Touraine sur la durée de cotisation. Bien sûr, il faut aussi prévoir le financement de la phase de transition.
Mais, en ce qui concerne la réforme systémique, qui prendra pleinement effet en 2037, donc dans dix-sept ans, je m’interroge sur la compatibilité d’un âge d’équilibre prédéfini avec un système à points.
Dans un tel système, on conserve une date à partir de laquelle on peut faire valoir ses droits à la retraite – 62 ans –, et le montant de la pension est calculé en multipliant le nombre de points acquis tout au long de la carrière, avec d’éventuelles bonifications, par la valeur du point. C’est une forme d’individualisation de la retraite. Mettre en place un système par points cotisés fait disparaître la notion de retraite à taux plein et relativise les critères d’âge et de durée de cotisation.
Dans ce cadre, l’introduction d’un deuxième âge de référence, avec un mécanisme de bonus-malus, ne répond pas, me semble-t-il, aux objectifs de clarté, de simplicité et de justice ; elle nuit à la compréhension de la réforme.
Peut-on envisager de conserver dans le projet de loi sur la réforme systémique l’impératif d’équilibre financier, tout en effaçant la référence à un âge d’équilibre prédéterminé, à mon sens incompatible avec la philosophie d’un régime à points ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Avant de vous répondre, monsieur le sénateur, je tiens à présenter mes excuses à M. Menonville, car je suis arrivé en retard pendant qu’il posait sa question, ce qui était incorrect.
Vous m’interrogez sur le futur système universel de retraite que nous voulons construire.
D’abord, je vous rappelle – en écho aussi à la question de M. Savary – que nos discussions et vos questions, bien légitimes, portent sur un projet de loi qui n’a pas encore été présenté en conseil des ministres. Il est en préparation et il a été soumis, conformément aux règles constitutionnelles, au Conseil d’État et à un certain nombre d’organismes chargés de formuler des avis.
Le projet de loi sera soumis au conseil des ministres le 24 janvier prochain, dans les conditions prévues par les textes, avant d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Nous pourrons alors engager, article par article, la discussion précise que, vous comme moi, monsieur le sénateur, attendons avec impatience.
N’allons donc pas plus vite que la musique, s’agissant de discussions pointues sur les articles d’un texte qui n’a pas encore été présenté en conseil des ministres. (Murmures sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Pierre-Yves Collombat. Et la procédure accélérée ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je rappelle à ceux qui l’auraient oublié que les précédentes réformes des retraites intervenues sous forme de loi ont toutes été approuvées – sauf erreur de ma part – au terme d’une procédure dite accélérée. Il n’y a rien là d’exceptionnel : c’est la règle en la matière.
Ensuite, monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur la conciliation d’un système par répartition à points avec la notion d’âge d’équilibre.
Oui, l’âge d’équilibre sera l’un des éléments de pilotage du futur système, en vue de l’équilibrer, par les instances de gouvernance qui seront déterminées par la loi. On comprend bien l’attachement, que j’ai exprimé en ce qui me concerne, au principe de l’équilibre d’un système de retraite, singulièrement d’un système par répartition. L’âge d’équilibre sera l’un des paramètres dans ce cadre.
Cet âge d’équilibre, vous l’avez dit, n’est pas l’âge légal, qui est l’âge à partir duquel on peut faire valoir ses droits à la retraite. L’âge d’équilibre sera, au fond, l’âge de départ à taux plein.
Comme le Président de la République s’y était engagé, nous ne supprimerons pas la notion d’âge légal, car nous pensons que les Français doivent pouvoir continuer à faire valoir leurs droits à la retraite à 62 ans. Il leur sera toujours loisible de le faire, et cela sera même opportun pour certains d’entre eux. Pourquoi voudrions-nous priver les Français de cette possibilité ?
Mais nous voulons aussi créer l’âge d’équilibre, de manière à inciter nos concitoyens à travailler – c’est vrai – plus longtemps pour – c’est vrai – équilibrer le système de retraite par répartition. Il n’y a là ni gros mots ni scandale : c’est ce qui se passe dans tous les pays du monde ! (Murmures prolongés sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Nous voulons le faire non pas en utilisant l’arme, si j’ose dire, de l’âge légal, qui est aveugle et concerne tout le monde, mais en créant une incitation qui prendra en compte la réalité des parcours professionnels : non pas l’appartenance à telle ou telle entreprise, à tel ou tel statut, mais bien la réalité du parcours professionnel. Ainsi, la pénibilité, le handicap, bien entendu, ou les carrières longues seront pris en considération dans la détermination de l’âge de départ à taux plein.
De toutes ces questions, passionnantes et sensibles, nous aurons l’occasion de débattre, à l’Assemblée nationale puis au Sénat, sur la base de toutes les données nécessaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sera riche et, j’en suis certain, intense. Je pense qu’il permettra l’élaboration collective d’une loi bonne et juste, ce qui est la raison d’être d’un Parlement : une loi grâce à laquelle l’ensemble des Français, quels que soient leur métier et leur statut, pourront envisager la fin de leur activité professionnelle et leur retraite avec sérénité ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme Élisabeth Doineau et M. Joseph Castelli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour la réplique.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de cette réponse. Je comprends bien vos explications, mais il reste que certains effets peuvent paraître curieux. Ainsi, au nom de quoi, dans un système à points, un salarié prenant sa retraite entre l’âge légal et l’âge d’équilibre serait-il pénalisé par un malus ?
démission de médecins hospitaliers
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Michelle Gréaume. Madame la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, plus de 1 200 médecins ont lancé hier un cri d’alarme en adressant à la ministre une lettre dans laquelle ils lui demandent solennellement d’adopter les mesures financières nécessaires pour l’hôpital public. Ils n’ont pas trouvé d’autre moyen pour se faire entendre que de prendre la décision, à la fois grave et inédite, de démissionner collectivement de leurs fonctions administratives.
Voilà maintenant plus de dix mois que l’ensemble du monde hospitalier, dévoué au service public, est mobilisé pour défendre un hôpital public de qualité. Ces personnels dénoncent l’austérité budgétaire qui entraîne, pour eux, de la souffrance et la dégradation des conditions de travail et, pour les patients et leurs familles, la détérioration de l’offre de soins.
Est-il normal que des chirurgiens soient contraints d’annuler des interventions sur des enfants quelques minutes avant de commencer ? Que des enfants en urgence pédiatrique soient transférés à des centaines de kilomètres ? Preuve est faite que vos plans d’urgence ne sauraient suffire à compenser des décennies de restrictions budgétaires à l’hôpital public !
Pour reconstruire sur les ruines laissées par des politiques désastreuses, l’hôpital public a besoin d’un Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) à 4,5 %, d’un arrêt immédiat des fermetures d’établissement, de service et de lit, du recrutement en urgence de 100 000 personnes et de l’augmentation des salaires de toutes les catégories professionnelles – bénéfique, au demeurant, pour la situation financière des retraites.
Que vous faut-il de plus pour comprendre que vos plans d’urgence sont très loin de satisfaire les besoins de l’hôpital public et de ses personnels ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, nous partageons le constat que vous venez de faire, ainsi que les inquiétudes des patients et des soignants. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE.) Je ne peux pas vous laisser dire que nous ne faisons rien.
En effet, la ministre a entrepris plusieurs actions, notamment la refonte en profondeur de notre système de santé. Nous faisons en sorte que la médecine de ville se réorganise, afin que la charge n’incombe pas uniquement aux hôpitaux et aux services des urgences.
Vous conviendrez que cette refondation est nécessaire. Elle contribuera à redonner aux hôpitaux et aux services des urgences les moyens de soigner correctement les patients dont ils ont la charge.
M. Fabien Gay. Ce sont des mots, nous attendons des actes !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. En parallèle, nous proposons également une refondation en profondeur de l’hôpital public : une plus grande délégation de tâches entre les soignants pour libérer du temps médical, des primes pour mieux reconnaître les carrières et des crédits dédiés à l’investissement au quotidien.
Mme Laurence Cohen. Alors pourquoi les médecins démissionnent-ils ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Permettez-moi de vous apporter quelques éléments spécifiques sur votre région. Dans les Hauts-de-France, cet investissement au quotidien représente aujourd’hui 13,8 millions d’euros. Le département du Nord bénéficie de 6,3 millions d’euros, dont 292 000 euros pour le centre hospitalier de Douai, 550 000 euros pour le centre hospitalier de Roubaix et 371 000 euros pour le centre hospitalier de Tourcoing.
Quelque 1,5 milliard d’euros seront aussi débloqués sur trois ans pour augmenter les tarifs hospitaliers, ce qui n’a pas été fait depuis de nombreuses années.
Par ailleurs, la reprise de la dette sera engagée à hauteur de 10 milliards d’euros.
S’agissant des ouvertures de lits, Agnès Buzyn a demandé aux hôpitaux de faire remonter leurs besoins en aval des urgences.
Elle s’est rendue lundi à Corbeil-Essonnes pour constater le déploiement de ces mesures. Les résultats arrivent. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.
Mme Michelle Gréaume. Votre 1,5 milliard d’euros d’investissements sur trois ans ne permettra pas à l’hôpital public de se relever. Il faudra bien que le Gouvernement finisse par entendre et respecter la colère, les exigences et l’esprit de responsabilité qui montent dans tout le pays, pour sauver notre hôpital public ou notre système de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
doctrine du maintien de l’ordre
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. David Assouline. Monsieur le ministre, je vous interroge, comme je l’ai fait en mai dernier, sur les violences policières.
Vous les aviez alors niées, malgré les alertes et les faits largement documentés. Le Président de la République et vous-même semblez aujourd’hui les reconnaître, et c’est heureux.
Je suis convaincu que dénoncer de telles dérives, c’est rendre hommage aux milliers de policiers qui font leur travail difficile et dangereux avec maîtrise et qui nous protègent au sacrifice même de leur vie.
Je pense avec émotion à cet instant, et avec le Sénat tout entier, au policier victime de malfrats qui est mort avant-hier.
Dénoncer de telles dérives, c’est aussi rendre hommage à tous ceux qui, malgré les sollicitations incessantes depuis des années face au terrorisme et, depuis plus d’un an, dans le cadre des manifestations de protestation sociale, accomplissent leur mission avec sang-froid et dans le respect de nos principes républicains.
Pouvez-vous nous dire si vous pensez, au-delà de la déontologie nécessaire qu’il faut faire respecter, que votre nouvelle doctrine du maintien de l’ordre, qui avait sonné comme un permis de se lâcher, porte une part de responsabilité dans cette situation où la liberté de manifester est endommagée ?
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. David Assouline. Que comptez-vous faire pour que les enquêtes de l’IGPN (inspection générale de la police nationale) sur les centaines de cas dont elle a été saisie ne soient plus enterrées, et que des sanctions exemplaires soient prononcées en cas de manquement ?
Allez-vous continuer, seul en Europe, à mettre des LBD (lanceurs de balles de défense) et des grenades GLI-F4 qui contiennent du TNT (trinitrotoluène) entre les mains de ceux qui ont en face d’eux des manifestants très largement pacifiques (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), et non des soldats ennemis ou des terroristes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je ne reprendrai pas les propos du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’intérieur sur la nécessaire exemplarité des policiers.
Permettez-moi simplement de rappeler le contexte, que manifestement, vous perdez de vue.
Vous ne pouvez pas ignorer, car le phénomène a commencé sous le quinquennat précédent, que nous avons affaire à des manifestations de plus en plus violentes. Souvenez-vous des manifestations contre la loi El Khomri.
Nous avons vécu avec les « gilets jaunes » et nous vivons actuellement avec les manifestations contre le projet de réforme des retraites, en raison de l’engagement de certaines mouvances ultra, des actions extrêmement violentes qui visent nos institutions et nos policiers, entraînant la dégradation de mobilier urbain et de commerces. (Protestations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.) Dans ces conditions, policiers et gendarmes ne peuvent qu’intervenir.
Christophe Castaner et moi-même assumons totalement la doctrine que nous avons revue, afin de donner plus de mobilité et de réactivité à nos forces de l’ordre. Elle permet des interventions rapides qui sont nécessaires pour faire cesser les graves troubles à l’ordre public qui surviennent dans le cadre de ces manifestations.
Nous ne souhaitons pas que certains se donnent bonne conscience sur le dos de la police et de la gendarmerie nationales en occultant ces violences inacceptables qui – il faut le dire clairement – n’ont rien à voir avec la liberté d’expression et la liberté de manifester.
Je réfute les termes « violences policières » que vous employez et qui laissent à penser qu’il y aurait un système organisé. C’est une offense qui est faite à notre police et à notre gendarmerie. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants, UC et Les Républicains.)
En revanche, monsieur le sénateur, cela ne nous empêche pas de réfléchir à froid à notre doctrine. C’est ce que nous faisons dans le cadre de la mise en œuvre d’un schéma national du maintien de l’ordre public, où nous réussissons des experts de tous les pays, des magistrats ou des représentants d’organisations aussi importantes que la Ligue des droits de l’homme, Amnesty International ou Reporters sans frontières. Nous travaillons également avec les policiers.
Sachez qu’en Europe certaines polices envient la façon dont nous gérons le maintien de l’ordre public.
J’en profite pour rendre hommage de nouveau à l’ensemble de nos policiers et de nos gendarmes qui sont sur la voie publique, et je vous remercie, monsieur le sénateur, de votre hommage à M. Franck Labois, tué le week-end dernier. Ce cas nous rappelle la dangerosité des métiers de policier et de gendarme. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.
M. David Assouline. Vous savez que la grande majorité des manifestants dont je parle, notamment les syndicalistes, sont pacifiques… (Protestations sur les mêmes travées.) J’observe que la droite le conteste.
Bien entendu, je condamne avec force les casseurs. Rendre hommage aux policiers, c’est condamner les dérives qui ont eu lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
situation des combattants djihadistes français
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Je souhaite à mon tour interroger le Gouvernement sur le premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie puis libéré ce lundi de la prison de Condé-sur-Sarthe. Cet individu avait été condamné en novembre 2014 à sept ans de prison fermes.
Monsieur le Premier ministre, à n’en pas douter, cette première sortie va constituer aux yeux de beaucoup de nos concitoyens un véritable test de notre capacité de suivi et de contrôle des djihadistes rentrés dans notre pays, détenus puis libérés après avoir purgé leur peine.
Rappelons que 224 djihadistes sont actuellement détenus dans les prisons françaises et vont sortir progressivement dès cette année.
Mme la garde des sceaux nous a indiqué à l’instant que cet ancien détenu, comme les prochains djihadistes libérés, fera l’objet d’un suivi judiciaire par un juge spécialisé, ainsi que d’un suivi administratif – elle a cité l’obligation de pointage, l’interdiction de quitter son domicile…
Pensez-vous vraiment, monsieur le Premier ministre, que ce dispositif prévu pour des détenus de droit commun suffira à rassurer les Français et à assurer leur sécurité ? A-t-on vraiment les moyens d’être efficace, quand on sait que 20 agents sont nécessaires pour surveiller une personne 24 heures sur 24 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Reichardt, j’ai déjà répondu à une question similaire, mais je vais m’efforcer d’articuler ma nouvelle réponse autour de quatre points.
Premièrement, les condamnations pénales dont font l’objet les personnes qui sont allées sur les terrains de combat sont des condamnations sévères. Depuis 2015, notamment avec l’ancien procureur François Molins, nous avons criminalisé l’association de malfaiteurs terroriste, afin d’accentuer les peines.
Deuxièmement, les individus concernés font l’objet, lors de leur détention, d’un traitement adapté à la singularité de leur parcours et à ce qu’ils ont vécu.
Troisièmement, pour préparer leur procès, nous essayons d’améliorer la détention des preuves que nous avons de leur action sur les terrains de combat. Avec le concours de la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) et des personnes qui, aux États-Unis, vont recueillir les preuves sur les terrains de combat, nous sommes en mesure de mettre l’ensemble des éléments à la disposition des juges.
Quatrièmement, vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, à leur sortie de prison – dans un État de droit, les peines ont une fin –, les personnes libérées font l’objet d’un suivi extrêmement rigoureux par un juge d’application des peines antiterroriste – il s’agit bien d’un juge spécialisé, et non d’un juge de droit commun.
À ce suivi judiciaire peut s’ajouter un suivi administratif, notamment par le biais des Micas (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance) créées par la loi SILT (loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme).
Enfin, les services de renseignement sont extrêmement présents.
L’ensemble de ces dispositifs forme des mailles extrêmement serrées permettant de garantir la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.
M. André Reichardt. Madame la garde des sceaux, vous ne m’avez pas convaincu.
Ainsi, l’individu qui rentrait de Syrie dont il est question, condamné à sept ans de prison, a été libéré au bout de six ans : du point de vue de la gravité des peines, c’est peu !
Par ailleurs, la vraie question est celle du repentir. Les prisons françaises, vous le savez, ne sont pas à l’heure actuelle des centres de déradicalisation : ce sont au contraire des centres de radicalisation.
Or nous ne disposons pas d’outils permettant d’évaluer la dangerosité des individus qui sortent de prison, sinon, cela se saurait ! Le personnel de la prison de Condé-sur-Sarthe a d’ailleurs exprimé des inquiétudes en apprenant la nouvelle de la libération de ce détenu.
Et vous avez annoncé il y a deux jours le rapatriement des individus détenus en Syrie…
M. le président. Il faut conclure !
M. André Reichardt. Nous ne pourrons pas les recevoir ; même si nous le voulions, nous n’en avons pas les moyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
réforme des retraites (iii)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Nadine Grelet-Certenais. À chaque jour un nouveau démenti, un nouveau miroir aux alouettes, une nouvelle proposition du Gouvernement qui contredit la précédente.
Une telle cacophonie démontre que le Gouvernement navigue à vue, et nos concitoyens assistent avec consternation à ce barguignage incessant sans obtenir de réponse fiable quant à cette fameuse réforme des retraites.
On ne modifie pas l’un des piliers de notre contrat social sur un coin de table entre deux concertations. Âge pivot, âge d’équilibre, incitation à la capitalisation pour les hauts revenus, et, depuis hier, contrairement aux engagements, possible modification de l’âge légal par voie d’ordonnance : mais de qui se moque-t-on ?
Les Français ne sont pas seulement inquiets, monsieur le ministre ; ils désapprouvent votre réforme et soutiennent majoritairement les grévistes, car ils ont compris que tout le monde y perdra. Même le seuil minimal de 1 000 euros que vous vous targuez d’instaurer ne serait accessible que pour une carrière continue au SMIC.
Le masque de la bonne gestion et de la justice peine à dissimuler les inégalités profondes que vous vous apprêtez à entériner dans un projet de loi bâclé. Personne n’est dupe : vous rejouez en vérité la réforme de l’assurance chômage en mettant au pied du mur les syndicats.
Après avoir sciemment organisé le définancement des régimes au travers d’exonérations de cotisations et du recul de l’emploi public, vous appelez à une conférence des financeurs orchestrée pour aboutir à un désaccord des partenaires sociaux et passer en force par voie d’ordonnance.
Vous méprisez enfin le Parlement, qui devra se prononcer dans le cadre de la procédure accélérée sur une réforme tronquée de son financement. Il s’agit là d’un coup de force inédit pour le Parlement.
Une majorité de Français vous le demande : quand allez-vous faire preuve de discernement et retirer votre texte au profit d’un véritable dialogue social, le temps de présenter une réforme honnête et juste aux Français et à leurs représentants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, la tonalité et le sens général de votre question me paraissent assez critiques sur le projet de réforme. (Sourires.) Je peux le comprendre : après tout, cela n’a rien de scandaleux !
Ce qui me semble plus contestable, et je le dis avec beaucoup de respect, ce sont les facilités de langage et les inexactitudes qui émaillent votre question.
Vous évoquez la conférence de financement que j’exige ou que je convoque. Mais en acceptant l’idée d’une telle conférence, j’ai répondu favorablement à une demande formulée par des organisations syndicales que vous connaissez sans doute et avec lesquelles, j’en suis certain, vous dialoguez régulièrement.
Nous avons reconnu que discuter avec les organisations syndicales était une bonne idée. Un grand nombre d’entre elles – plusieurs organisations syndicales représentatives des salariés, les organisations patronales – ont d’ailleurs accepté de participer, de façon à formuler des propositions permettant de revenir à l’équilibre en 2027.
Cette conférence de financement commencera ses travaux à la fin du mois. Elle a pour mission de nous proposer des mesures, qui, si elles permettent de revenir à l’équilibre et respectent les deux bornes que nous avons fixées et qui ont été admises par les organisations syndicales elles-mêmes – la non-diminution des pensions et la non-augmentation du coût du travail –, seront reprises par le Gouvernement et soumises au Parlement pour adoption.
Tel est l’engagement qui a été pris non par le Gouvernement seul, mais par le Gouvernement, les organisations syndicales et les organisations patronales.
Madame la sénatrice, vous vous faites avec raison le défenseur du dialogue social : voilà un exemple concret, pratique, borné dans le temps et dans l’objet d’un tel dialogue social. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Il est vrai qu’un certain nombre d’organisations syndicales vont participer à cette conférence, mais sont opposées par principe soit à un système universel, soit à un système par points.
Elles en ont parfaitement le droit, mais nous nous sommes engagés à créer un système universel par répartition et par points. Nous ne nous départirons pas de cet objectif, et nous allons l’atteindre.
Une deuxième inexactitude porte sur l’habilitation qui permettra au Gouvernement de tirer les conséquences des propositions qui seront formulées par la conférence de financement, notamment sur l’âge légal.
Vous le savez, la jurisprudence impose désormais que les habilitations à légiférer par ordonnances, pour être conformes à la Constitution, soient beaucoup plus précises qu’elles ne l’étaient il y a quelques années – le président du Sénat s’en fait régulièrement l’écho.
Autrement dit, si nous voulons les inscrire dans la loi, il faut que l’ensemble des mesures qui seront proposées par la conférence de financement soient mentionnées dans l’habilitation.
Les partenaires sociaux doivent donc disposer de la totalité des instruments disponibles, charge à eux de déterminer lesquels ils souhaitent retenir.
Madame la sénatrice, en proposant la rédaction de l’article d’habilitation la plus large possible, nous ne fermons pas le débat, au contraire, nous l’ouvrons. Je suis surpris que vous ne le compreniez pas, d’autant que les organisations syndicales elles-mêmes ont demandé de disposer du maximum de possibilités pour formuler les mesures qui nous permettront de revenir à l’équilibre en 2027 ce qui, convenons-en, est un objectif tout à fait respectable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la réplique.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Sur le fond, vous savez bien que nous sommes en profond désaccord.
Sur la forme, vous appelez à ne pas aller plus vite que la musique. Certes, mais nous avons des interrogations sur la partition et son timing.
Vous planchez sur cette réforme depuis un certain temps. Nous avons demandé en préalable à tout examen du texte une étude d’impact et des précisions en termes de financement, et c’est seulement maintenant que vous allez commencer à étudier ces questions alors que la réforme est déjà en cours ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
dette
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, il y a un an, vous déclariez au Sénat : « Nos finances publiques, c’est l’histoire d’une lente dégradation depuis quinze ans. Cette dégradation tient en trois chiffres : trente-trois, trois et trois : vous le voyez, ce n’est pas difficile à retenir ! » Trente-trois, c’est le montant de l’augmentation de la dette publique en dix ans ; 3 %, c’est celui de l’augmentation de la dépense publique ; et 3 %, c’est également celui de l’augmentation des taxes et des impôts. Et vous ajoutiez : « ma détermination personnelle est justement d’en changer, afin que nous dépensions moins et mieux, que nous réduisions par conséquent la dette ».
Ces propos résonnaient dans l’hémicycle comme une leçon un tantinet provocatrice, voire un tant soit peu arrogante et méprisante.
Monsieur le ministre, après le mouvement des « gilets jaunes » et pendant celui qui concerne les retraites, je me permets de vous aider à retenir les chiffres d’aujourd’hui d’une façon encore plus simple. En réalité, il suffit de retenir un seul chiffre, 100 : la dette est à 100 % du PIB, le déficit public est à 100 milliards d’euros et vous prélevez aux contribuables plus de 1 000 milliards d’euros, soit dix fois 100 milliards.
N’avez-vous pas oublié de vous appliquer la leçon que vous nous donniez ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je ne suis ici pour donner de leçon à personne (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) et je vous remercie d’avoir rappelé un certain nombre de chiffres.
Oui, la dette publique, qui était de 64 % en 2008, est passée à 97 % en 2017, au moment où j’ai été nommé ministre de l’économie et des finances. Elle avait effectivement augmenté de 33 points. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
M. Pierre-Yves Collombat. Parce que vous avez sauvé les banques !
M. Bruno Le Maire, ministre. Est-ce que je me satisfais d’un niveau de dette publique aussi élevé ? La réponse est non. Mais ayez l’honnêteté de reconnaître que nous avons réussi à stabiliser la dette publique française alors qu’elle avait augmenté de 33 points au cours des dix dernières années.
Ayez l’honnêteté de reconnaître que grâce à ce gouvernement – vous devriez vous en réjouir parce que je sais que vous êtes attaché à la bonne tenue des finances publiques –, la France est sortie de la procédure pour déficit public excessif dans laquelle elle se trouvait depuis dix ans.
Ayez l’honnêteté de reconnaître que nous avons engagé un certain nombre de réductions de la dépense publique en matière d’emplois aidés ou de logement qui nous ont permis d’éviter la dérive des finances publiques.
M. Vincent Éblé. Ce sont les pauvres qui paient : tout est dit !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ensuite, il y a eu une crise sociale majeure à laquelle nous avons voulu répondre. C’est la responsabilité du politique de savoir entendre les messages des Français.
Les baisses d’impôts que nous avons engagées, notamment la baisse de l’impôt sur le revenu, la baisse de l’impôt sur les sociétés et la baisse d’un certain nombre de taxes, correspondaient à une attente profonde des Français. Il était juste et nécessaire de baisser les impôts.
Je dirai enfin un dernier mot sur la dette publique. Nous ferons tout ce qui pourra être fait dans les deux années restantes du quinquennat pour stabiliser et baisser la dette publique française. Croyez-moi, nous prendrons les décisions nécessaires, et j’espère que vous nous soutiendrez dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre, Montesquieu écrivait : « J’aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers. »
Les Français ne raisonnent pas de travers. Ils ne sont pas dupes : ils connaissent la réalité désastreuse de nos comptes publics.
Ma grand-mère, elle, disait : « Ne nous faites pas prendre des vessies pour des lanternes. » À force d’arrogance et de mépris, cela pourrait finir « à la lanterne » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
enjeux et interrogations de l’opération barkhane après le sommet de pau
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Madame la ministre des armées, d’Indelimane à Chinédogar, la liste des attaques meurtrières de djihadistes contre les forces présentes au Sahel s’allonge, et avec elle, celle des victimes, militaires comme civiles, maliennes comme nigériennes, burkinabè comme françaises.
Alors que la situation sécuritaire se dégrade rapidement et que la zone d’affrontement s’étend vers le sud, nous observons avec inquiétude qu’une part croissante de la population locale rejette la présence sur place de nos armées.
Il était donc important que le soutien des autorités des pays du G5 Sahel à l’appui de la France dans la lutte militaire contre les terroristes soit réaffirmé de manière forte et claire. À cet égard, l’objectif du sommet de Pau est atteint.
Toutefois, de nombreuses questions cruciales pour l’avenir de l’opération Barkhane restent en suspens.
Le Président de la République a annoncé l’envoi de 220 soldats français supplémentaires au Sahel en appui des forces déjà déployées. L’effort est important, mais au regard de l’intensité et de l’extension géographique de la menace, ce nombre est-il à la hauteur ?
Par ailleurs, la déclaration conjointe adoptée à l’issue du sommet exprime la reconnaissance des signataires à l’égard des États-Unis pour leur appui, et demande clairement leur maintien en Afrique de l’Ouest. Or cette demande découle de rumeurs insistantes quant à un éventuel départ américain. Madame la ministre, à quelle échéance aurons-nous des assurances sur ce point crucial ?
En cas de retrait avéré des États-Unis, un soutien européen n’en deviendrait que plus essentiel. Nous saluons donc la présence à Pau de Josep Borrell et de Charles Michel, en espérant qu’elle soit le signe d’un renforcement de l’implication de nos partenaires européens.
Madame la ministre, pourriez-vous nous éclairer sur la force Takuba que vous appelez de vos vœux, mais également sur la révision du mandat de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, l’opération Barkhane poursuit deux objectifs : lutter contre le terrorisme et accompagner la montée en puissance des armées locales.
À Pau, nous avons assumé un tournant stratégique. Nous avons décidé de concentrer nos efforts militaires dans la région des trois frontières où les terroristes sont de plus en plus actifs et où l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), qui est une filiale de Daech, sème le chaos.
Pour aider les forces partenaires à reprendre l’ascendant, le Président de la République a en effet annoncé le déploiement immédiat de 220 soldats supplémentaires, mais vous avez raison, l’opération Barkhane ne peut tout faire à elle seule. C’est donc le collectif qui sera la clé du succès.
C’est pourquoi, aux côtés des chefs d’État des pays du G5 Sahel, le Président de la République a annoncé la création d’une coalition pour le Sahel. Il s’agit non pas d’une énième initiative, mais d’une nouvelle organisation sous un commandement conjoint, pour plus de renseignement, plus de coordination et donc plus de réactivité.
C’est un tournant qui marque l’engagement renouvelé des pays du G5 Sahel, de la France, mais aussi de nos partenaires. C’est un tournant bienvenu dans la perspective de la constitution prochaine de la force Takuba qui regroupera des forces spéciales européennes, afin d’accompagner et d’entraîner les forces armées locales et de leur permettre de monter en compétence dans la lutte contre le terrorisme.
Nous comptons en effet sur le soutien précieux des États-Unis pour la réussite de ce dispositif. Nous échangeons fréquemment avec Washington, et je serai moi-même en visite dans la capitale américaine d’ici à quelques jours, afin de consolider le dispositif existant.
Enfin, monsieur le sénateur, au Sahel comme ailleurs, la solution n’est pas seulement militaire : nous le savons bien, il n’y aura pas de sécurité sans développement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
réforme du bac
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, dans cinq jours commenceront les épreuves communes d’évaluation continue en classe de première, épreuves qui s’inscrivent dans la réforme du baccalauréat que vous avez souhaité mettre en œuvre.
Cette première étape importante dans l’évaluation globale des futurs bacheliers de 2021 suscite chez les lycéens un stress bien légitime et bien compréhensible.
Cette nouvelle formule suscite surtout l’inquiétude des professeurs et parfois la panique dans les équipes chargées de l’organisation au sein des établissements – vous le savez sans doute.
Certains syndicats enseignants appellent même au boycott de ces épreuves, par le biais d’une grève de la surveillance.
Si je ne cautionne évidemment pas cette dérive, car je considère que le sens des responsabilités doit l’emporter, celle-ci révèle une rupture du dialogue entre votre ministère et la communauté éducative.
Il faut bien reconnaître l’impréparation, pour ne pas dire l’improvisation, autour de ces épreuves : ouverture tardive de la banque de sujets, difficultés liées à la dématérialisation des copies, découverte in extremis du logiciel de correction. Les griefs sont nombreux, sans parler de l’indemnisation des correcteurs. Plus d’une centaine d’actions sont en cours à travers la France !
Monsieur le ministre, mesurez-vous l’ampleur et l’urgence de la situation ? Pouvez-vous rassurer les personnels et nous assurer que ces épreuves auront bien lieu dans des conditions normales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Piednoir, merci d’évoquer cette échéance importante dans la réforme du baccalauréat, qui fait suite, d’ailleurs, à d’autres échéances précédentes – je pense aux emplois du temps, en septembre, et aux conseils de classe, en décembre.
J’ai eu à répondre à ce genre de questions en amont ; il s’est trouvé qu’à chaque fois certains se sont fait le relais d’inquiétudes qui, en définitive, ne se vérifiaient pas.
Ces épreuves de contrôle continu ont un sens : celui de faire travailler en continu les élèves. Vous avez parlé de « stress » ; je parlerai pour ma part, tout simplement, de travail en continu, dont l’objectif est justement d’éviter le bachotage et de permettre la hausse du niveau des élèves en France.
J’entends certains discours ; ils ne sont pas forcément majoritaires. D’ailleurs, les épreuves ont déjà commencé, dans certains lycées, très tranquillement, sans aucun problème, ni humain ni technique.
J’observe – vous avez dit que vous ne le cautionniez pas ; la suite de votre question ne l’a pas complètement démontré – que certains disent qu’ils ne corrigeront pas. Ils créent, ce faisant, le problème dont ils se plaignent. En gros, ils disent qu’il va y avoir des troubles, puis constatent – comme c’est embêtant ! – qu’en effet il y a des troubles.
Je dirai plusieurs choses sur ce point.
D’abord, sur le plan technique, tout est prêt, avec une innovation majeure très intéressante, qui est la dématérialisation : 1,7 million de copies seront scannées et corrigées sur ordinateur. C’est un progrès aussi pour les élèves, puisqu’ils pourront consulter en temps réel leur copie sur ordinateur. Cette dématérialisation est faite.
Ensuite, si cette échéance constitue une innovation importante, c’est évidemment aussi parce que les élèves peuvent désormais préparer de façon intermédiaire les épreuves des différentes matières, qui sont au nombre de trois dans la voie générale et de quatre dans la voie technologique. Ce n’est pas excessif : les épreuves durent soit une heure soit deux heures, et s’intègrent normalement dans le cursus ; elles offrent une forme de galop d’essai sans être néanmoins, pour les élèves, trop décisives, puisqu’elles ne comptent pas pour plus de 2 % dans la note finale.
Il y a donc incontestablement un progrès, qui était d’ailleurs demandé par certaines organisations syndicales dans le cadre des discussions que nous avons eues avec elles – on les entend moins que celles qui protestent aujourd’hui.
J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous cautionnerez la voie de la raison et que, dans un mois, vous saluerez les progrès qui ont été faits comme vous saluez d’autres progrès qui ont été faits dans le passé. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre, permettez-moi de m’inscrire en faux par rapport aux propos rassurants que vous venez de tenir, un peu à l’image de ceux que vous aviez tenus lors de votre audition par la commission de la culture, la semaine dernière.
Non, l’ambiance n’est pas à la sérénité, ni au sein des familles concernées ni au sein des équipes chargées de l’organisation. D’un point de vue matériel – je ne suis pas d’accord avec vous –, les choses ne sont pas partout complètement opérationnelles. Il ne sert à rien de masquer la réalité : il y a des difficultés.
Vous appelez souvent de vos vœux la construction d’une école de la confiance – c’est même le titre d’un projet de loi que vous avez défendu : confiance envers les jeunes, envers les professeurs, envers les personnels de direction. Il me semble qu’un élément manque dans votre façon de construire la confiance :…
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Piednoir. … la transparence, voire, monsieur le ministre, la sincérité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
attractivité de la france
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
En 2018, la France a attiré 339 projets industriels issus d’investissements étrangers, ce qui la place, en la matière, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Près d’un euro sur cinq investis en Europe l’est dans notre pays ! Dans ce contexte va se tenir le sommet « Choose France ». La première question que je voudrais vous poser est celle de savoir ce que nous attendons, collectivement, de ce sommet, et ce qu’en attend le Gouvernement.
Pour redistribuer la richesse, il faut d’abord la créer. Cela vaut d’ailleurs pour l’assurance chômage, la retraite, les accidents du travail, la politique familiale. Si l’État, les collectivités locales, les établissements publics participent et contribuent à cette création de valeur, ce sont d’abord et avant tout les entreprises de notre pays qui créent la valeur. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Les premiers bons résultats doivent nous encourager à poursuivre. La France a trop longtemps souffert d’un déficit de compétitivité, qui se traduisait par un déficit commercial et par un taux de chômage élevé. Il existe encore des obstacles, d’ailleurs, tant internes qu’externes, liés notamment au risque de guerre commerciale qui menace.
Certains des textes votés depuis 2017, et même, dirais-je, de nombreux textes votés depuis 2017 contribuent à redresser la compétitivité de notre pays. Même si les oppositions – c’est leur droit et c’est leur rôle – ne partagent pas cette opinion, je suis convaincu, moi, qu’une grande partie des textes notamment fiscaux que nous avons adoptés ont contribué à renforcer l’attractivité de la France.
Créer de la richesse, c’est aussi créer de l’emploi ; et, d’ailleurs, pour la première fois depuis vingt ans, l’emploi industriel est reparti à la hausse. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce chantier est devant nous ; il faut le poursuivre, parce que 50 000 emplois sont non pourvus dans l’industrie. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et la question ?
M. Julien Bargeton. J’en ai déjà posé une, mes chers collègues. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : quels leviers et quelles priorités pour inscrire cette performance française dans la durée ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est devenue la nation industrielle la plus attractive en Europe. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.) Et je pense que cela devrait réjouir toutes les sénatrices et tous les sénateurs de cette assemblée. La France, pour la première fois depuis dix ans, a créé 12 000 emplois industriels en 2018, et 12 000 emplois industriels en 2019. Tous, ici, nous devrions nous réjouir de voir la France redevenir enfin une grande nation industrielle.
Et tout ça n’est pas tombé du ciel ! Tout ça, monsieur le sénateur, c’est le fruit de la politique conduite par le Premier ministre, par le Président de la République, avec votre soutien. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)
La baisse de la fiscalité sur le capital permet d’investir dans l’industrie ; si les décisions qui ont été prises dans ce domaine ne l’avaient pas été, il n’y aurait pas eu de réindustrialisation du pays.
M. Jean-Louis Tourenne. C’est faux !
M. François Patriat. Ça vous ennuie, mes chers collègues ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Les décisions que nous avons prises en matière de formation et de qualification pour rendre les métiers industriels plus attractifs sont suivies d’effets : les jeunes sont plus nombreux, aujourd’hui, à s’orienter vers lesdits métiers.
Nous avons par ailleurs, avec Agnès Pannier-Runacher, réorganisé toutes les filières industrielles pour leur donner plus de cohérence et de puissance. Je vous le dis : nous sommes sur la bonne voie, et nous allons redoubler d’efforts pour inscrire ces résultats dans la durée. Le pacte productif sur lequel nous travaillons depuis maintenant plusieurs mois doit nous doter d’une industrie puissante et décarbonée.
M. Jean-Louis Tourenne. Vous voulez dire déshumanisée ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Notre objectif, dans les années qui viennent, est d’ouvrir de nouvelles filières industrielles, de nous placer sur les marchés porteurs, d’investir davantage dans l’innovation et dans les nouvelles technologies, de former plus d’ingénieurs et de faire de la France la première puissance industrielle en Europe. C’est à notre portée, et nous y arriverons ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
situation de l’hôpital public
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé, à l’heure où plus de 1 000 médecins hospitaliers, dont 600 chefs de service, lui ont envoyé une lettre de démission collective pour protester contre le dramatique, désastreux et récurrent manque de moyens de notre hôpital public.
Au-delà de ce cri désespéré de nos soignants après des années de souffrances dans leurs services, c’est à un véritable burn-out de tout notre corps hospitalier que nous assistons. Les conditions de travail sont telles qu’elles remettent en cause la qualité des soins et menacent la sécurité des patients. Nos médecins et nos personnels paramédicaux ne sont pas des machines. Ce sont des êtres humains qui consacrent leur vie à soigner et à sauver les autres. Notre hôpital public est en déliquescence ; il souffre et il se meurt, parce qu’il est au bord de l’asphyxie !
Nous sommes en état d’urgence. Faut-il un drame pour que le Gouvernement réagisse enfin ? Les mesures annoncées le 20 novembre dernier sont symboliques,…
M. François Patriat. Allons !
M. Jean Sol. … clairement insuffisantes ; elles n’ont pas convaincu, parce qu’elles n’ont rien d’un plan d’urgence, et tout d’un plan de communication ! Seule une vraie réforme en profondeur de notre système de santé pourra sauver notre hôpital public ; cela passe par des décisions immédiates, fortes et courageuses : lancer un vrai Grenelle de la santé, rénover la gouvernance en sortant de l’inflation bureaucratique,…
M. Jean Sol. … rééquilibrer le pouvoir entre l’administration et les médecins,…
M. Jean Sol. … revaloriser les salaires,…
M. Jean Sol. … engager du personnel et les doter de moyens et d’équipements modernisés,…
M. Jean Sol. … rouvrir des lits.
M. Jean Sol. Mme la ministre a été médecin hospitalo-universitaire ; elle ne peut pas laisser mourir l’hôpital, car, à travers lui, c’est la santé de tous les Français qui est en jeu ! Face à cette situation, je lui demande : où en êtes-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, vous nous demandez d’organiser une transformation en profondeur de notre système de santé ; c’est ce que fait Mme la ministre ; c’est ce que nous faisons au quotidien. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Vous nous demandez de mettre en œuvre une meilleure répartition du travail et du temps médical ; c’est ce que nous faisons en redonnant du temps médical et en permettant une répartition des tâches entre les différents corps médicaux.
M. Pierre Laurent. Pourquoi ces démissions, alors ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Vous nous demandez d’instaurer une meilleure gouvernance ; c’est ce que nous faisons en réformant la gouvernance et en y repositionnant les soignants, afin qu’ils puissent être présents au cœur des décisions qui leur incombent dans leurs hôpitaux. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.)
M. Pierre Ouzoulias. Assez du déni !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Vous nous demandez de mieux articuler la médecine de ville et le secteur hospitalier ; c’est ce que nous faisons avec le plan Ma Santé 2022.
Mmes Éliane Assassi et Laurence Cohen. Pourquoi, alors, les médecins sont-ils dans la rue ? Et pourquoi les chefs de service démissionnent-ils ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Vous nous demandez d’apporter des réponses financières et de revaloriser les salaires des professionnels médicaux ; c’est ce que nous faisons par le biais des différentes primes (Brouhaha sur les travées du groupe CRCE.) ; c’est ce que nous faisons, également, en permettant l’augmentation des tarifs hospitaliers et en allégeant la dette des hôpitaux, afin qu’ils puissent réinvestir dans le quotidien.
Je vous renvoie aux différents plans annoncés par Mme la ministre, et aux millions d’euros afférents, qui prennent en compte notre nouveau système de santé tel qu’il émane du texte de loi, Ma Santé 2022, que vous avez voté, mesdames, messieurs les sénateurs. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE. – Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
Mme Laurence Cohen. Si vous faisiez ce que vous dites, il n’y aurait pas de manifs dans les rues !
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.
M. Jean Sol. Madame la secrétaire d’État, je vous ai écoutée. Il faut maintenant passer des déclarations d’intention aux financements, et des financements aux actes, pour sortir de cette impasse avant qu’elle ne se transforme en catastrophe sanitaire nationale, et pour dissiper la méfiance légitime de nos médecins et de nos personnels hospitaliers, qui pèse lourdement sur la santé des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Martial Bourquin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Monsieur le ministre, le taux du livret A est aujourd’hui à 0,75 % ; nous apprenons qu’il risque de passer, au 1er février, à 0,5 %. Il avait été gelé sous le précédent quinquennat, pour éviter une baisse.
Ma question est simple : restera-t-il une épargne populaire dans notre pays ?
Quoi qu’en disent les statistiques, le pouvoir d’achat des Français les plus fragiles ne cesse de diminuer. Les prix de l’électricité vont fortement augmenter en 2020 ; le prix des carburants connaît des hausses insoutenables, qui ne sont pas seulement dues au coût du pétrole brut, mais aussi aux taxes ; les frais bancaires, qui devaient être encadrés, ne le sont toujours pas, malgré vos engagements, et risquent d’exploser.
Vous allez me répondre, monsieur le ministre, que vous baissez les impôts. Mais la moitié des Français ne paient pas d’impôts !
M. André Reichardt. C’est bien le problème !
M. Martial Bourquin. Les Français les plus précaires ont besoin de politiques publiques, et vous les oubliez !
Cette année, 30 % seulement des entreprises ont accordé la fameuse prime Macron, créée à la suite de la crise des « gilets jaunes ». Et je ne saurais oublier la baisse des APL (aides personnalisées au logement), la désindexation des prestations familiales,…
M. Philippe Dallier. C’est qu’il faut les financer, les baisses d’impôts !
M. Martial Bourquin. … la réforme de l’assurance chômage, dont un syndicaliste a dit qu’elle serait une « tuerie ».
Monsieur le ministre, quand allez-vous véritablement lutter contre la pauvreté plutôt que de sans cesse l’aggraver ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bourquin, les Français les plus modestes ont eux aussi besoin de logements sociaux. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.) Et vous savez aussi bien que moi que le logement social est financé par le livret A. Si vous voulez davantage de logements sociaux en France, il faut que le taux du livret A soit raisonnable, afin de libérer des ressources pour le logement social ! (Brouhaha sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Rendez l’argent à Action Logement !
M. Bruno Le Maire, ministre. Aujourd’hui – je ne vous apprends rien, monsieur Bourquin –, l’État emprunte à 0,1 % à échéance de dix ans. Les taux d’intérêt de la Banque centrale européenne sont négatifs. Si nous voulons que le secteur du logement social puisse construire des dizaines de milliers de logements nouveaux pour les Français les plus modestes, il faut que la ressource du livret A soit la moins coûteuse possible pour ledit logement social. (Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Existera-t-il encore, à l’avenir, une épargne populaire ? Je réponds à votre question : bien sûr ! Cela s’appelle le livret d’épargne populaire, dont le taux d’intérêt n’est jamais inférieur au niveau de l’inflation. Et j’incite le maximum de Français à faire appel à ce livret d’épargne populaire dont nous garantissons que le taux ne sera jamais, je le répète, inférieur au niveau de l’inflation.
Quant au pouvoir d’achat – vous avez raison d’insister sur cette question, mais, là aussi, faites preuve d’honnêteté ! –, son augmentation moyenne a été, en France, très modeste au cours des dix dernières années, de l’ordre de 1 % par an ; en 2018, elle a été de 2,3 %, et, en 2019, de 2,3 % également. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le pouvoir d’achat a augmenté, en France, grâce à la politique du Gouvernement ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Louis Tourenne. Il a augmenté pour les riches !
M. Bruno Le Maire, ministre. S’agissant de la pauvreté, je voudrais rappeler une chose simple, monsieur Bourquin : 14 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté ; c’est trop, c’est beaucoup trop ! Mais ils sont 34 % parmi les chômeurs. Quand nous faisons baisser le chômage en France, nous apportons donc la meilleure réponse au problème de la pauvreté dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, c’est la masse des Français qui a financé la baisse du déficit public et la baisse des charges sociales. Vous avez plombé votre quinquennat avec la fin de l’ISF et la double année du CICE. Vous avez opéré un basculement inédit de la fiscalité des plus riches et des entreprises vers les ménages, et cela au prix de la précarité, du chômage et de la pauvreté. C’est une honte pour une société comme la nôtre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
La prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 22 janvier 2020, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. David Assouline.)
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Hilarion Tumi Vendegou, qui fut sénateur de la Nouvelle-Calédonie de 2011 à 2017.
4
Réforme du régime des catastrophes naturelles
Adoption d’une proposition de loi modifiée
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (proposition n° 154, résultat des travaux de la commission n° 229, rapport n° 228, avis n° 223).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi.
Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, du fait de sa situation géographique, notre pays est exposé à une grande diversité de risques naturels d’origine climatique.
Ainsi, un Français sur quatre est exposé à un risque d’inondation, presque toutes les communes de France ont été frappées par une catastrophe naturelle depuis 1982, la sécheresse et ses dommages diffus sur les constructions concernent la quasi-totalité du territoire national et une grande partie du littoral est menacée par des risques de submersion marine et par l’érosion croissante du trait de côte. Les tempêtes, les orages de grêle, les inondations qui ont eu lieu récemment ont encore illustré de manière tragique la vulnérabilité de notre territoire.
Cette exposition aux catastrophes naturelles va s’amplifier dans les prochaines années à cause du dérèglement climatique. Ainsi, les pluies extrêmes augmenteront dans toutes les régions et les vagues de chaleur deviendront plus nombreuses et plus fortes, engendrant tous les deux ou trois ans des sécheresses comparables à celle de 2003.
Face à cette situation, le groupe socialiste et républicain, auquel j’appartiens, a demandé, en janvier 2019, la création d’une mission d’information.
Après six mois de travaux et une trentaine d’auditions, deux déplacements et quelque 600 contributions écrites via la mise en place d’une consultation en ligne, la mission d’information dont j’étais la rapporteure, présidée par notre collègue Michel Vaspart, rendait, le 3 juillet dernier, un rapport intitulé Catastrophes climatiques : mieux prévenir, mieux reconstruire, rapport – je tiens à le rappeler – voté à l’unanimité avant de faire l’objet d’un débat dans cet hémicycle le 29 octobre 2019.
Face au constat de l’accroissement prévisible du nombre de sinistrés, notre mission a examiné l’efficacité du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime « CatNat ». Malgré des fondamentaux pertinents, force est de constater que le système actuel reste incompréhensible et injuste pour de nombreux sinistrés.
Les remontées d’informations émanant du terrain dont nous avons été destinataires dressent un bilan sans appel de ce système : opacité de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, inintelligibilité des critères utilisés, manque d’explications sur les motifs des décisions prises, délais d’instruction extrêmement longs, etc.
Les griefs retenus par les sinistrés à l’encontre du régime d’indemnisation sont légion et conduisent souvent à une remise en cause de la légitimité des décisions de non-reconnaissance. Il est inacceptable que nos concitoyens, après avoir tout perdu lors d’une catastrophe, n’aient d’autre choix que de s’engager, pendant plusieurs années, dans un véritable « parcours du combattant » pour tenter, souvent en vain, d’obtenir une aide des pouvoirs publics ou des assureurs.
Notre mission a également pu constater que tous les sinistrés n’étaient pas sur un pied d’égalité face à ces sinistres, dans la mesure où il existe des difficultés supplémentaires s’agissant des dommages liés à la sécheresse. En effet, les particularités du phénomène de retrait-gonflement des argiles, et notamment le décalage entre la sécheresse et l’apparition des fissures, rendent son indemnisation plus complexe. À cela s’ajoute le fait que les critères retenus pour apprécier l’intensité de ces épisodes ne rendent pas compte de la réalité du terrain et n’intègrent pas la fréquence croissante de cet aléa. Ces mêmes critères sont également à l’origine d’inégalités de traitement difficilement justifiables entre des territoires voisins, qui engendrent un vif sentiment d’injustice parmi les sinistrés.
J’ajouterai que les techniques de réparation proposées par les experts d’assurance ne sont pas toutes efficaces ; certaines aggravent même la vulnérabilité future des habitations !
Dans ce contexte, et pour concrétiser certaines recommandations de notre mission d’information, j’ai déposé la proposition de loi que nous allons examiner aujourd’hui. Nous appelons à une modernisation durable du système d’indemnisation des dommages résultant de catastrophes naturelles.
Il s’agit de renforcer les droits des assurés et de revaloriser le montant des indemnisations dont ils bénéficient. En effet, seul un arsenal juridique adapté nous permettra de préserver notre modèle unique de solidarité dans ce domaine.
D’autres évolutions, qui ne relèvent pas nécessairement de la loi, seront indispensables pour garantir la pérennité et l’efficacité de ce modèle, dans un souci d’équité et de transparence.
Je pense notamment à la méthodologie retenue pour qualifier un phénomène de catastrophe naturelle, aux dispositifs de franchise qui pénalisent excessivement certains sinistrés, ou encore aux relations entre les assurés et les assureurs, qu’il convient de clarifier.
Un effort global de pédagogie à l’égard des sinistrés est également nécessaire, l’information concernant les critères et les seuils d’intervention du régime devant être rendue claire et intelligible.
Cette proposition de loi, au-delà d’une meilleure indemnisation des sinistrés, prévoit également de renforcer le pouvoir des maires, qui sont en première ligne lorsque survient une catastrophe naturelle. Ils se trouvent souvent isolés, parfois même désemparés, quand ils doivent faire reconnaître l’état de catastrophe naturelle de leur commune, ou quand leur revient le devoir d’expliquer la situation à leurs administrés et de se faire le relais de décisions ministérielles parfois difficiles à comprendre et à entendre.
Nous proposons donc de réformer la composition de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ; d’allonger la durée pendant laquelle une demande de reconnaissance peut être formulée ; de permettre aux maires de soumettre une deuxième demande de reconnaissance dès lors qu’ils produisent des données complémentaires ; de créer une cellule départementale de soutien aux maires.
J’évoquerai à présent l’article 1er de cette proposition de loi, dont l’objet est la nécessaire réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier.
L’un des constats essentiels de notre mission d’information est que ce fonds manque aujourd’hui de marges financières, du fait du plafonnement de ses ressources par l’État. Il manque également de souplesse, du fait de l’existence de dispositifs de sous-plafonnement. Il se trouve en outre qu’il est victime de ponctions régulières sur sa trésorerie, chaque année, par l’État.
M. Bruno Sido. Pas étonnant…
Mme Nicole Bonnefoy. Je le dis : cette situation constitue un vrai dévoiement de la contribution versée par les assurés, dévoiement guidé par des considérations budgétaires de court terme.
M. Olivier Jacquin. Tout à fait !
Mme Nicole Bonnefoy. Le fonds Barnier doit être rendu aux assurés dans sa totalité, afin de construire une véritable politique de prévention et une culture du risque à la hauteur des enjeux climatiques. (M. Olivier Jacquin applaudit.)
Madame la secrétaire d’État, pour 1 euro de prévention, ce sont 7 euros d’indemnisation économisés ! À l’heure où le Gouvernement appelle à un retour à l’équilibre de nos comptes publics, vous ne sauriez être insensible à cet argument.
Ce déplafonnement des ressources du fonds Barnier est un élément essentiel du dispositif que nous proposons aujourd’hui – je rappelle de nouveau que le rapport a été adopté à l’unanimité par les membres de la mission d’information du Sénat. J’espère donc que les divergences d’approches sur ce sujet ne remettront pas en cause l’ensemble de notre texte.
Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire concernant cette proposition de loi, qui n’a pas de couleur politique – elle est le fruit d’un travail du Sénat, comme celui-ci sait en faire –, qui s’appuie sur la réalité du terrain, qui est attendue par les citoyens et les élus, et dont j’espère, madame la secrétaire d’État, que vous allez la soutenir en permettant son inscription rapide à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
En dernier lieu, je tiens à remercier encore tous les collègues membres de la mission d’information, siégeant dans toutes les travées, et notamment son président, Michel Vaspart, pour leur implication.
Je remercie également les présidents de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances, ainsi que les rapporteurs de ces commissions, Nelly Tocqueville et Jean-François Husson, qui ont travaillé ensemble avec efficacité, en bonne intelligence, pour améliorer le texte et faire en sorte – je l’espère – que nous puissions l’adopter tout à l’heure.
Permettez-moi, mes chers collègues, d’ajouter un mot sur un sujet qui n’est pas dans le périmètre de cette proposition de loi : je voudrais évoquer le travail important réalisé par la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la spécificité des outre-mer face aux catastrophes naturelles.
En cette matière aussi, madame la secrétaire d’État, il est nécessaire de reprendre la législation en vigueur pour construire un dispositif approprié. Je crois savoir que le Gouvernement y travaille. Il serait important qu’il puisse le faire en lien avec notre délégation aux outre-mer, qui a elle-même fait, sur ce point particulier – j’y insiste –, un travail important. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, lesquelles seront, à n’en pas douter, l’un des principaux défis liés au climat de la décennie qui s’ouvre.
Cette proposition de loi fait suite aux travaux de la mission d’information, à laquelle j’ai participé, qui a rendu ses conclusions en juillet dernier. Elle compte cinq articles issus des propositions de la mission.
La commission des finances a délégué au fond les articles 4 et 5 à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et elle s’est concentrée sur les dispositions budgétaires, fiscales et du code des assurances, qui relèvent pleinement de sa compétence.
Je tiens, pour commencer, à saluer le travail de grande qualité effectué par la mission d’information sous l’autorité de son président, Michel Vaspart, et de sa rapporteure, Nicole Bonnefoy, dont le rapport a parfaitement mis en exergue les immenses difficultés rencontrées par les sinistrés.
De la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à l’indemnisation en passant par la prévention des risques climatiques, les sinistrés sont souvent confrontés à un véritable parcours du combattant. Comme nous l’ont encore rappelé les récentes inondations dans le Var et les Alpes-Maritimes, lorsqu’une catastrophe naturelle dévaste une résidence principale, ce sont, dans bien des cas, les économies de toute une vie qui disparaissent ; la dimension affective de la catastrophe n’est pas négligeable : elle laisse les victimes abattues et souvent démunies.
Ainsi, les objectifs des auteurs de cette proposition de loi sont louables et, surtout, fondés, en ce sens qu’ils visent à assurer une indemnisation juste, à la hauteur du préjudice subi, et à mieux mobiliser les dépenses affectées à la prévention des risques naturels.
En tant que rapporteur, j’ai souhaité examiner ces dispositions avec une triple exigence. Correspondent-elles à un réel besoin pour les sinistrés ? Sont-elles opérationnelles, tant pour les sinistrés que pour les assureurs et les pouvoirs publics ? Enfin, leur efficacité est-elle à la hauteur de leur coût pour les finances publiques ?
L’article 1er de la proposition de loi tend à déplafonner le montant des recettes affectées au fonds de prévention des risques naturels majeurs.
Rappelons que la loi de finances pour 2018 a plafonné l’affectation au fonds du prélèvement de 12 % sur les primes « catastrophes naturelles » payées par les assurés à 137 millions d’euros par an.
Le souhait des auteurs de la proposition de loi d’augmenter les recettes du fonds me paraît justifié, car la question de sa soutenabilité se fait jour : sa trésorerie diminuerait de moitié en 2020 par rapport à la fin de 2018.
Pour autant, je considère qu’un déplafonnement pur et simple des recettes qui lui sont affectées n’est pas souhaitable. D’abord, ce déplafonnement relève du domaine exclusif de la loi de finances, car il s’agit d’une disposition affectant le budget général de l’État. Ensuite, compte tenu de la variabilité des dépenses du fonds, il pourrait également conduire à l’accumulation d’une trésorerie, dont résulterait in fine un prélèvement par l’État, comme cela a déjà été le cas par le passé.
Je proposerai donc de fixer un nouveau plafond de recettes pour le fonds Barnier à 200 millions d’euros, soit un niveau de dépenses supérieur à celui qui a été observé jusqu’à présent, la moyenne sur les trois derniers exercices s’établissant à 185 millions d’euros.
L’article 1er tend également à inscrire dans la loi les missions du conseil de gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs et à élargir sa composition. Il en renforce les pouvoirs, en lui confiant la détermination d’un objectif pluriannuel pour les dépenses du fonds.
Tout en partageant les intentions des auteurs s’agissant du pilotage stratégique du fonds, je me dois de rappeler que la définition des missions de ce conseil relève non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire. Les dispositions proposées sont donc contraires à l’article 41 de la Constitution. D’ailleurs, le décret du 18 décembre 2019 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif a procédé à la fusion du conseil de gestion avec le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, afin de clarifier la gouvernance du fonds.
La fixation d’un objectif pluriannuel de dépenses, quant à elle, ne me paraît pas souhaitable, dès lors que ces dépenses sont difficiles à prévoir plusieurs années à l’avance. À mes yeux, la détermination d’objectifs chiffrés pluriannuels sans prise en compte des besoins, évalués au fur et à mesure, au plus près des territoires, n’est pas à même d’améliorer la performance du fonds.
S’agissant de l’article 2, son objectif est de garantir une meilleure indemnisation des assurés à la suite de catastrophes naturelles. Si la commission des finances partage cette ambition, plusieurs réserves substantielles ont été soulevées lors de l’examen du texte la semaine dernière. J’ai travaillé – et même bien travaillé – avec la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, Nelly Tocqueville, afin de trouver des compromis.
Par conséquent, nous allons vous présenter des amendements identiques visant plusieurs objectifs.
Premier objectif, la restriction de l’allongement du délai de prescription de deux ans à cinq ans aux seuls cas de sécheresse.
La volonté d’allonger ce délai ne nous a semblé justifiée que pour l’indemnisation des dommages liés aux épisodes de sécheresse, pour lesquels, en effet, les dégâts causés mettent parfois plusieurs années à se manifester et à être bien expertisés. Dans les autres cas de catastrophes naturelles, il me semble au contraire qu’un délai relativement court encourage une résilience rapide des territoires concernés.
Deuxième objectif, une rédaction alternative à la disposition selon laquelle l’indemnisation reçue doit « garantir une réparation pérenne et durable, de nature à permettre un arrêt complet et total des désordres existants ».
Je proposerai plutôt d’insister sur le fait que les réparations effectuées doivent être proportionnées aux dommages et tenir compte des meilleures techniques existantes. Les sinistrés ne doivent pas subir de « double peine » : être victimes d’une catastrophe naturelle, puis faire face à des réparations insatisfaisantes, car hâtivement réalisées.
Troisième objectif, la précision des modalités d’intégration des frais de relogement d’urgence dans le périmètre de la garantie CatNat. Cette précision répond à une réelle demande des sinistrés.
Enfin, l’article 3 vise à créer un crédit d’impôt au titre des dépenses supportées pour la prévention des aléas climatiques.
Ce crédit d’impôt s’élèverait à 50 % du montant de ces dépenses. Tout à fait normalement, la détermination des conditions d’éligibilité est renvoyée à un décret.
Si je comprends l’intention des auteurs d’inciter les propriétaires à réaliser des travaux renforçant la résilience du bâti face aux effets des catastrophes naturelles, et donc de diminuer le reste à charge des particuliers en cas de survenue d’une telle catastrophe, le crédit d’impôt tel qu’il est proposé serait très coûteux pour le budget général de l’État. Son taux apparaît en effet particulièrement élevé, alors même que ces travaux sont bien souvent très onéreux.
Je proposerai donc un amendement visant à le plafonner, afin d’en limiter l’impact budgétaire.
Mes chers collègues, je souhaite que cette proposition de loi soit adoptée par le Sénat, en y intégrant, bien entendu, les propositions d’amélioration faites par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Celles-ci nous permettront de proposer – c’est en tout cas ce que j’espère – un texte équilibré, dont l’impact sur les finances publiques restera maîtrisé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est depuis plusieurs années confrontée à une multiplication des phénomènes climatiques extrêmes : sécheresse, inondations, cyclones, etc.
Les conséquences directes du changement climatique, ces aléas naturels dont la fréquence et l’intensité augmentent, nous imposent de repenser notre régime de prévention et d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Rappelons que, d’après une étude de la Caisse centrale de réassurance et de Météo France publiée l’année dernière, le changement climatique provoquera une augmentation de la sinistralité au titre des catastrophes naturelles de 50 % à l’horizon de 2050, ce qui conduira le régime CatNat à être de plus en plus sollicité.
Je salue par conséquent les travaux entrepris par la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, sous la houlette de Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy, travaux dont la présente proposition de loi est directement issue.
Cette mission a d’abord mis en évidence la nécessité d’investir beaucoup plus que nous ne le faisons aujourd’hui dans des actions de prévention des risques. En permettant une réduction de la sinistralité et, donc, du besoin d’indemnisation, cette prévention est bénéfique tant pour éviter et/ou limiter l’ampleur des catastrophes que pour ménager les comptes publics !
Lors du débat organisé au Sénat sur les conclusions de la mission d’information, la ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a reconnu que l’action face à la multiplication des risques climatiques « passera nécessairement par un rééquilibrage et un renforcement de nos efforts en faveur de la prévention, à laquelle nous consacrons aujourd’hui dix fois moins de moyens qu’à l’indemnisation ».
Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, comment comprendre que le Gouvernement ait plafonné le montant des recettes du principal outil de financement des actions de prévention des risques naturels majeurs – le fonds Barnier –, le privant chaque année de 70 millions d’euros, qui sont détournés de la prévention des risques pour alimenter le budget de l’État ?
Cette décision est un non-sens écologique et budgétaire, et j’espère qu’il y sera mis fin rapidement, comme le prévoit la proposition de loi.
Quant au régime CatNat, il y a urgence, madame la secrétaire d’État, à le rendre plus efficace, plus protecteur et plus transparent.
C’est ce que demandent sinistrés et élus, qui ont aujourd’hui beaucoup de mal à comprendre, et donc à accepter, les décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Comment comprendre, en effet, que deux communes voisines confrontées aux mêmes dégâts puissent être placées dans des situations différentes au titre du régime CatNat ? L’opacité de la procédure de reconnaissance et des critères retenus nourrit le sentiment d’injustice éprouvé par de nombreux sinistrés.
La mission d’information a également mis en lumière les difficultés particulières que posent les phénomènes de sécheresse, dont les conséquences peuvent se manifester avec retard et pour lesquels les prises en charge proposées aux personnes sinistrées peuvent se révéler inefficaces et insuffisantes.
Rappelons, là aussi, que plus de 4 millions de maisons individuelles sont construites sur des sous-sols argileux et sont donc très exposées à des mouvements de terrain liés aux phénomènes de sécheresse.
Face à cette situation, il n’est pas responsable d’apporter des réponses ponctuelles et partielles, comme l’a fait l’Assemblée nationale en adoptant, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, un amendement du Gouvernement mettant en place un dispositif de soutien exceptionnel de 10 millions d’euros aux victimes de la vallée de la Lys affectées par un épisode de sécheresse en 2018. C’est une démarche totalement irrespectueuse des autres sinistrés et du travail des élus, sans compter qu’elle rompt le principe d’égalité !
Il convient au contraire d’apporter une réponse globale, en réformant le régime CatNat pour mieux tenir compte des phénomènes de sécheresse. Plusieurs amendements que je vous présenterai tout à l’heure apportent une réponse à cette préoccupation.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable partage la philosophie qui inspire les dispositions de cette proposition de loi.
Nous avons travaillé en lien avec le rapporteur de la commission des finances, Jean-François Husson, que je remercie de sa disponibilité, ce qui se traduit par le dépôt d’amendements identiques sur un certain nombre de sujets.
Cela montre aussi que nous partageons, au Sénat, la même préoccupation d’adapter notre droit aux conséquences du changement climatique. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir cet après-midi pour examiner cette proposition de loi portant sur un sujet important pour le Gouvernement, car il concerne nombre de nos concitoyens.
Notre régime d’indemnisation des catastrophes naturelles a fait ses preuves, mais doit être adapté à l’évolution des risques.
Avec l’accélération du changement climatique, nous affrontons une recrudescence des risques majeurs, qui font peser une menace croissante sur nos concitoyens et sur nos entreprises.
Nous l’avons observé depuis le début du quinquennat : avec l’ouragan Irma, les inondations dans l’Aude, la canicule ayant sévi cet été ou, plus récemment encore, les inondations dans le Var, notre pays est confronté de plus en plus fréquemment à des épisodes naturels d’une intensité extrême, qui suscitent des dégâts très importants.
Dans ce contexte, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles apparaît comme un régime de solidarité unique au monde, mobilisant l’État, les collectivités et les assureurs au service des sinistrés. Nous pouvons en être fiers.
Depuis sa création en 1982, ce dispositif a prouvé maintes fois sa solidité et sa légitimité. Ce sont 36 milliards d’euros d’indemnités qui ont été versées, soit environ 1 milliard d’euros par an, dont 550 millions d’euros au titre des inondations et 400 millions d’euros au titre de la sécheresse. Ce sont environ 3 300 reconnaissances de l’état de catastrophe naturelle par an, au bénéfice de millions de sinistrés sur la quasi-totalité du territoire français.
Mais, les événements des derniers mois l’ont prouvé, nous devons faire mieux. Le changement climatique n’attend pas. La France doit être aux côtés de celles et ceux qui, en un battement de cils, ont parfois tout perdu : leur maison, leurs espoirs, leurs économies et, parfois, leurs proches.
C’est pourquoi une réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est aujourd’hui nécessaire. Il nous faut un régime moderne, adapté aux enjeux du changement climatique et à l’accroissement des catastrophes naturelles que ce dernier induit.
À l’horizon de 2050, le coût des catastrophes naturelles pourrait augmenter de 50 % du fait de l’augmentation de la fréquence et de la sévérité des événements, de l’élévation du niveau de la mer et de la concentration des populations dans les zones à risques.
Certains territoires, cela a été souligné, seront plus fortement exposés aux risques naturels en raison des dynamiques démographiques et des effets du changement climatique. C’est notamment le cas des territoires ultramarins, avec une forte augmentation de la fréquence des cyclones.
Le régime CatNat devra donc être capable de faire face à un accroissement des événements climatiques majeurs et des demandes d’indemnisation qui en découleront. Il faudra également, comme cela a été signalé, adapter la politique de prévention. Vous l’avez souligné, 1 euro investi dans la prévention pour 7 euros économisés : c’est une économie dont nous allons vite voir l’intérêt !
La procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et d’indemnisation doit donc évoluer pour être plus simple, plus transparente, plus réactive et plus efficace.
Il nous semble également important que ce régime incite davantage à la prévention et contribue à établir une véritable culture de gestion des risques. Vous vous souvenez que le Président de la République, à la suite du cyclone Irma, avait appelé de ses vœux une réforme de l’indemnisation des catastrophes naturelles.
Je me réjouis que ce souhait soit partagé par une coalition aussi large dans cet hémicycle.
Cette proposition de loi et l’excellent rapport rendu par Mme la sénatrice Nicole Bonnefoy constituent une première contribution importante à ces travaux. Je me félicite donc de ce texte, dont les principes directeurs sont, à bien des égards, proches des convictions animant le Gouvernement.
Je partage, avec son auteure principale, l’idée selon laquelle les démarches de prévention doivent jouer un rôle accru pour nous permettre de mieux gérer la montée des risques. Nous pensons effectivement qu’il faut mieux inciter à la prévention et améliorer les outils dédiés à cet objectif.
Il nous semble également important de renforcer les droits des assurés – particuliers, entreprises ou collectivités – et de garantir une indemnisation équitable, rapide et complète des sinistrés, comme l’a demandé le Président de la République.
Enfin, nous devons penser aux élus locaux et aux maires. Ils sont en première ligne lors d’une catastrophe naturelle. Ce sont eux, en liaison avec les préfets, qui décident des premières mesures d’accompagnement des sinistrés. Ce sont eux qui, une fois le sinistre passé, engagent la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Il faut leur donner les moyens d’agir sereinement et efficacement.
Toutefois, les mesures contenues dans cette proposition de loi soulèvent des interrogations techniques. Certaines vont dans la bonne direction, mais d’autres pourraient être retravaillées.
S’agissant de l’article 1er, nous partageons l’ambition d’une mobilisation dans les meilleures conditions du fonds Barnier pour financer des projets concourant à la prévention des sinistres et à la réduction des vulnérabilités. Il faut évidemment que les moyens engagés soient à la hauteur des besoins.
Toutefois, un certain nombre de dispositions sur le fonds Barnier présentées ici, en particulier la question de son plafonnement, relèvent de la loi de finances.
Par ailleurs, le Gouvernement a engagé une réflexion sur la mobilisation de ce fonds, qui occupera le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs. Nous proposons d’avancer sur ce sujet, et d’arrêter différentes décisions en ayant pris le temps de la discussion et de la concertation.
S’agissant des modalités d’indemnisation assurantielle évoquées à l’article 2, le Gouvernement est prêt à travailler sur la question du relogement, sous réserve de consultations supplémentaires visant à en définir les conditions.
Nous sommes réservés sur l’allongement du délai biennal de prescription pour la garantie catastrophe naturelle, allongement susceptible de créer de la confusion chez les assurés sans répondre à leurs problèmes les plus urgents.
L’introduction d’un principe de « réparation pérenne et durable » ne nous semble pas conforme au principe d’une indemnité proportionnelle au dommage à la base de l’assurance.
La création d’un nouveau crédit d’impôt prévue à l’article 3 semble prématurée, alors que plusieurs dispositifs, tels que le fonds Barnier et certaines réductions d’impôt accordées par ailleurs, apportent déjà des réponses concrètes.
En matière de procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle évoquée à l’article 4, le Gouvernement partage les objectifs de transparence et d’efficacité évoqués dans le texte. Dans ce but, il a déjà mis en œuvre des améliorations très concrètes : par exemple, la création d’une procédure de reconnaissance accélérée ou la dématérialisation engagée de la procédure de reconnaissance, via l’application iCatNat, qui permet aujourd’hui à toutes les communes de France de déposer leur demande de reconnaissance par internet en quelques minutes. Nous sommes favorables à une amélioration de la transparence sur les motivations des décisions, tout en veillant toutefois à ne pas alourdir à l’excès les procédures administratives.
Enfin, à l’article 5, l’idée générale d’organisation de cellules de soutien aux maires confrontés aux effets d’une catastrophe, cellules composées d’élus locaux et de personnes qualifiées, est intéressante. Mais elle doit être approfondie, afin de bien coordonner l’action des différents intervenants sur cette matière.
Nous proposons donc de pousser plus loin le travail technique sur ces différents points pour parvenir à un dispositif techniquement abouti, et nous ne serons pas en mesure de donner un avis favorable, à ce stade, à la rédaction retenue pour ces mesures.
Le Gouvernement s’engage toutefois à approfondir rapidement les travaux et à enrichir le texte en cours de navette parlementaire. Nous lancerons à cet effet une concertation à brève échéance.
En effet, au-delà des interrogations techniques que j’ai mentionnées sur plusieurs dispositions figurant dans la proposition de loi, un certain nombre de points me semblent mériter de plus amples consultations avec l’ensemble des parties prenantes. Nous mènerons ce travail dans les prochaines semaines, en nous appuyant notamment sur le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, dont un grand nombre d’élus font partie.
J’identifie quatre thématiques principales que nous souhaitons approfondir dans les prochaines semaines.
La première thématique est l’amélioration du système de franchises, afin de s’assurer d’un traitement équitable de tous les assurés et d’adapter la prise en charge à leur situation : entreprises, particuliers ou encore collectivités.
La deuxième thématique est l’amélioration de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, pour faire en sorte que ce régime soit mieux connu et mieux compris par les collectivités et par les assurés, en répondant aux exigences de transparence, de rapidité et d’efficacité.
La troisième thématique est le renforcement de nos outils de prévention, non seulement en modernisant le fonctionnement du fonds Barnier, mais également en incitant l’ensemble des acteurs, particuliers comme assureurs, à davantage investir dans les mesures de prévention.
La quatrième thématique est l’amélioration de la couverture outre-mer. En moyenne, seuls 50 % des biens ultramarins sont couverts par une assurance dommages contre 98 % en métropole. Le Gouvernement a donc lancé une réflexion relative à la résorption du phénomène de non-assurance ou de sous-assurance outre-mer.
Telles sont en quelques mots, mesdames, messieurs les sénateurs, les pistes de réflexion que je souhaite vous soumettre.
Votre mobilisation sur ce sujet qui touche la Nation tout entière est importante.
Même si nous ne sommes pas en mesure de nous rallier à l’ensemble des propositions discutées aujourd’hui, le Gouvernement entend jouer un rôle constructif dans cette démarche. Les travaux que j’ai évoqués, qui sont en cours, que nous allons accélérer, permettront avec votre concours de l’enrichir.
Je souhaite que nous puissions aboutir rapidement sur ce chantier législatif, afin de rendre possible une réforme ambitieuse et efficace de notre régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
Il est dans l’intérêt de l’ensemble de nos concitoyens que nous parvenions rapidement à des améliorations concrètes et utiles. Il y va, aussi, de l’intérêt du modèle français de solidarité.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit du long travail mené par la mission d’information demandée par le groupe socialiste, à laquelle j’ai eu le plaisir de participer.
Je salue d’ailleurs les travaux de mes collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart. Je les remercie, au passage, d’avoir intégré dans leurs conclusions un certain nombre des remarques et propositions de mon groupe et d’avoir réussi à élaborer un rapport approuvé à l’unanimité.
Le dérèglement climatique, contre lequel la France et le monde luttent très peu, entraînera une multiplication et une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes. Des cyclones aux méga-feux, des inondations aux sécheresses, personne n’est épargné !
Cet enjeu de protection des biens et des populations est prégnant, comme l’a souligné la mission : en France, plus d’une personne sur quatre est aujourd’hui concernée.
Cette proposition de loi vient donc utilement compléter un système assurantiel à bout de souffle, comme le démontre le phénomène, déjà évoqué, de rétractation-gonflement des sols argileux sous l’impact de la chaleur, dont les conséquences sur des milliers d’habitations sont désastreuses. Nous partageons donc pleinement le diagnostic posé et la nécessité d’agir de toute urgence.
Je ferai quelques remarques préliminaires.
La prise en compte et l’indemnisation des dommages liés aux catastrophes naturelles ne doivent pas nous faire oublier la prévention, l’impératif de lutter à la source contre les causes et les conséquences du changement climatique. Il nous faut, à la fois, changer notre modèle économique de production et nous adapter aux conséquences immédiates du dérèglement, comme nous y invitait notamment le rapport de nos collègues Ronan Dantec et Jean-Yves Roux, cela en renforçant les normes d’urbanisme et de construction, en économisant la ressource en eau, en améliorant la gestion des cours d’eau, en végétalisant les zones urbaines pour atténuer un peu les effets des canicules, etc.
Il faut renforcer la résilience de nos territoires. Les pouvoirs publics doivent les accompagner, notamment par la mise à disposition d’ingénierie publique, aujourd’hui largement insuffisante.
Alors que l’État est censé garantir la sécurité des personnes et des biens contre les éléments naturels, il est aujourd’hui évident que ce sont les collectivités qui l’aident à s’acquitter tant bien que mal de ses missions, et non l’inverse. C’est problématique quand on sait la disette financière touchant lesdites collectivités…
À ce titre, nous partageons l’idée, défendue aux articles 4 et 5 de ce texte, de renforcer l’information et l’accompagnement des élus locaux, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de l’état de catastrophe naturelle.
Sur le fond même de cette proposition de loi, qui souligne l’absence de moyens pour répondre à l’ampleur des phénomènes, nous jugeons nécessaire de revoir le fonctionnement du fonds Barnier et son financement pour le ramener à la hauteur des besoins. Nous partageons donc pleinement l’objectif de l’article 1er, tendant à supprimer le plafond mordant instauré en loi de finances, privant le fonds de 70 millions d’euros.
Il est bon d’ailleurs de rappeler, cela a été fait, que ce fonds est financé par les assurés à hauteur de 12 % sur l’assurance habitation, et selon les principes de solidarité.
S’agissant de la création d’un crédit d’impôt à l’image du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) prévue à l’article 3 de ce texte, nous ne sommes pas opposés par nature à ce type de dispositifs, tout en soulignant que ces derniers sont difficilement contrôlables d’un point de vue financier. Pourquoi ne pas avoir préconisé, à l’image de l’évolution du CITE, justement, des aides plus directes pour encourager les particuliers à réaliser les travaux prescrits ?
Sur la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, nous défendons l’idée qu’il convient de créer un conseil national, en remplacement de la commission interministérielle. En effet, les accusations de manque de transparence sont fondées et justifient une évolution plus ambitieuse que celle qui est esquissée dans cette proposition de loi. Dans le cas d’un conseil national, une composition plus large pourrait être envisagée : il serait composé de représentants de l’État, des communes, des assurés et des assureurs.
Il convient également de prévoir que l’avis de ce conseil national soit motivé, rendu public au Journal officiel de la République française, plutôt que par l’intermédiaire d’un site internet spécifique, et notifié par les préfets aux communes des départements concernés, ce qui constituerait un élément précieux d’information.
Ainsi, les préconisations de la proposition de loi à ce sujet nous semblent timides. En particulier, dans le cadre de la création d’une cellule de soutien à la gestion des catastrophes naturelles, il semble nécessaire de prévoir la présence de représentants de l’État au sein de cette cellule, comme le propose d’ailleurs la rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Enfin, comme nous le proposions dans notre contribution au rapport, nous invitons le Gouvernement à reconnaître les phénomènes de grêle d’une intensité exceptionnelle des catastrophes naturelles et des calamités agricoles. Comme dans le cas du vent, au-delà d’une certaine intensité, il convient que la puissance publique vienne épauler le système privé inadapté.
Aujourd’hui, pour nombre de nos concitoyens, notamment les agriculteurs, l’assurance tempête, grêle, neige est beaucoup trop onéreuse. Ils ne peuvent y souscrire et s’exposent à tout perdre. Avec les violents orages que nous avons connus cet été, notamment en Drôme et en Isère, le coût des assurances privées risque de grimper, entraînant un cercle vicieux délétère.
Le ministre de l’agriculture avait d’ailleurs promis un groupe de travail pour remettre à plat tout le système assurantiel relatif à la grêle. Sept mois après, nous n’avons aucune nouvelle. Madame la secrétaire d’État, où en est-on ? Il est urgent d’agir ! À ce titre, nous regrettons le rejet de notre amendement sur le sujet par la commission des finances, qui, comme souvent, nous propose une interprétation extensive, voire abusive, de l’article 40 de la Constitution.
En conclusion, nous saluons l’initiative que constitue cette proposition de loi et espérons que nos débats permettront de faire évoluer positivement ce texte bienvenu.
Parce qu’il est utile à la fois aux sinistrés et aux collectivités, nous l’approuverons, bien sûr, et nous regrettons la position du Gouvernement, lequel nous propose encore une fois de repousser la décision pour privilégier un nouveau processus de réflexion. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois que nous avons ici un cas d’école de la qualité du travail parlementaire : une bonne proposition de loi, tirée des conclusions d’un rapport d’information fouillé et précis, une réflexion menée en bonne intelligence entre deux commissions pour amender substantiellement le texte, et ce sans le dénaturer.
Surtout, le texte que nous examinons aujourd’hui articule bien la réflexion globale sur le dérèglement climatique, d’une part, et l’action locale dans l’intérêt des territoires, d’autre part. C’est à l’honneur de notre assemblée. Le crédit en revient aux auteurs de la proposition de loi.
Nous travaillons là, de façon concrète et opérationnelle, dans la bonne direction. En un mot comme en cent, le Sénat est aujourd’hui parfaitement dans son rôle, et je tenais à le saluer.
C’est un fait avéré, le dérèglement climatique est à l’œuvre partout. Notre maison brûle. Cette réalité est désormais visible, sur les réseaux sociaux comme dans la vie réelle.
Nous avons tous entendu la petite musique qui sonnait à nos oreilles ces dernières années. Elle nous avertissait des catastrophes à venir. Nous y avons tous prêté plus ou moins d’attention. Les plus engagés d’entre nous ont même déjà modifié leurs comportements individuels. Mais, jusqu’à très récemment, les discours sur le dérèglement climatique se conjuguaient au futur. Nous devons désormais les conjuguer au présent.
Californie, Amazonie, Australie, autant de noms exotiques qui rimaient hier encore avec soleil et chaleur. Ils riment aujourd’hui avec incendies. Les évoquer doit nous obliger à considérer que nul endroit sur la Terre ne sera épargné par le dérèglement climatique. L’erreur consisterait à penser que notre pays n’en souffrira pas. Notre groupe avait d’ailleurs demandé au Gouvernement, en mai dernier, des précisions concernant les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et du déclenchement du dispositif CatNat.
À la vérité, nos territoires sont déjà affectés par le changement climatique et ses conséquences – nous le savons tous ici, nous qui sommes les porte-voix des élus locaux. C’est le cas des Hauts-de-France, qui ont connu ces dernières années des épisodes répétés de sécheresse aux conséquences dramatiques. On pourrait multiplier à l’envi les exemples, chacun de nous en connaît dans son propre territoire.
Cela n’a pas échappé aux assureurs qui ont adapté leurs pratiques en conséquence. Pour eux, l’équation est simple : la couverture du risque se fonde sur le produit d’une probabilité et de l’évaluation de dégâts potentiels. Lorsque la probabilité des épisodes climatiques augmente en même temps que l’ampleur des dégâts potentiels – en clair, lorsque les catastrophes naturelles deviennent à la fois plus fréquentes et plus puissantes –, la couverture du risque augmente aussi. Nul besoin de bien connaître la mathématique pour le comprendre !
Assurer un monde climatiquement déréglé est donc plus onéreux. Et ce coût ne peut être supporté que par la collectivité, puisque le climat est aveugle : il frappe les collectivités humaines au hasard, et non à proportion des gaz à effet de serre qu’elles émettent. C’est notre fardeau à tous ; il nous oblige à la solidarité.
Telle est la raison d’être du fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus connu sous le nom de fonds Barnier. Son clairvoyant instigateur avait déjà compris la nécessité de mutualiser les moyens d’action. Les ressources de ce fonds sont dynamiques, parce qu’assises sur les dépenses assurantielles. Et puisque, dans le même temps, les dépenses liées aux catastrophes naturelles augmentent aussi, c’est le budget dans sa globalité qui enfle.
Je partage donc la volonté des auteurs de la proposition de loi de déplafonner les ressources de ce fonds. Rappelons qu’elles sont in fine payées par les assurés, et donc les contribuables. Elles n’ont pas vocation à combler les déficits de l’État et pallier l’incurie budgétaire. Il faut donc augmenter les ressources de ce fonds, d’une part, et réduire les dépenses publiques, d’autre part. Dette climatique, dette publique, même combat !
Je m’en remets à la sagesse de la commission des finances pour déterminer le meilleur moyen de procéder à ce déplafonnement. Il nous faudra notamment composer avec le « corsetage » budgétaire qui bride trop souvent le travail et les initiatives parlementaires.
Il en va de même concernant le crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques. L’idée est assurément bonne. Il faut désormais s’assurer que le mécanisme retenu sera suffisamment attractif et opérant pour que les particuliers s’en emparent sur l’ensemble du territoire.
Pour conclure, mes chers collègues, je saluerai enfin la place que le texte accorde aux élus locaux en tant qu’acteurs incontournables d’une politique ambitieuse de prévention des risques climatiques.
Les mesures d’accompagnement prévues par le texte répondent utilement aux attentes du terrain. Bien souvent, les élus locaux se retrouvent désemparés face à des catastrophes naturelles, et l’État ne répond pas toujours présent, ou pas assez vite. Or ce sont bien les élus locaux qui connaissent nos territoires dans toutes leurs particularités. Ils sont les mieux à même d’apporter au plus vite les réponses adaptées aux réalités du terrain.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants accueille très favorablement cette proposition de loi ainsi que les amendements soumis par les commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, SOCR, CRCE et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2016, la commune dont j’étais maire, Neuvy-sur-Loire, dans le nord de la Nièvre, a vu la brutale montée des eaux d’un affluent de la Loire qui, comme les cours d’eau secondaires en général, n’est pas surveillé par une cellule de veille.
Malgré l’expérience des « anciens », ce phénomène a surpris tout le monde et, dans le froid et la nuit, il a fallu en catastrophe éviter, tout simplement, qu’il y ait mort d’homme.
Dès le retour de la rivière dans son lit, quelle expérience terrible ce fut que de faire le tour des maisons pour constater les dégâts, avec la crainte pour l’avenir des bâtiments, les difficultés immédiates de mobilité du fait des véhicules perdus, l’épuisement, le froid, l’humidité ! Et puis l’intime, l’irréparable : cette vieille dame hébétée, qui ne se remettra pas d’avoir perdu ses photos de famille, ou cette petite fille désolée pour son cartable.
L’équipe des élus, outre son aide concrète au nettoyage et au pompage, doit dans ces circonstances faire preuve d’une extrême réactivité, car elle est coincée en quelque sorte dans cette position inconfortable d’intermédiaire qui doit donner très vite le conseil – et le bon ! – et faire simultanément les déclarations qui lui incombent comme collectivité territoriale, et bien souvent également comme sinistrée.
Pour ma part, j’ai été en tout premier auditionnée par la gendarmerie afin de savoir dans quelle mesure la responsabilité du maire pouvait être engagée dans le phénomène de débordement du cours d’eau. Avais-je bien informé les riverains sur leurs obligations ? Existait-il des embâcles dont j’aurais été responsable ? Cet élément de procédure, à savoir identifier les responsables alors même que tout le monde pompait, ne me semblait pas le plus urgent !
Dans ces moments critiques, les élus doivent être solides. Ils ont besoin d’aide, pas de tracasseries, face à l’urgence et au désespoir des sinistrés.
Il y a quelques mois, alors que je n’étais plus maire, mais sénateur, j’ai été sollicitée par une association très active de sinistrés de la sécheresse. Les échanges avec les victimes m’ont ramenée au souvenir des inondations : phénomène extrême dans le temps rapide ou le temps long, excès ou manque d’eau. Les désordres prennent des voies différentes, mais le résultat est le même, à savoir traumatisme, désarroi, lourdeur administrative, et l’impression qu’on n’arrivera pas à sortir de la catastrophe naturelle, parce que tout est trop long, trop injuste et trop compliqué.
Les associations sont un relais important, car elles ont acquis une expertise et permettent de combattre le sentiment de solitude.
Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart se sont saisis de ce problème, menant énergiquement une mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation. La proposition de loi que nous étudions ce jour est la suite logique de ses travaux, car elle prévoit de sécuriser administrés et collectivités. Il est grand temps d’introduire plus d’humanité dans ce dossier.
La présence d’élus locaux au sein de la commission interministérielle dont relève la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la création d’une cellule de soutien départementale pour les maires concernés, la possibilité pour eux de déposer une seconde demande de reconnaissance si la première a été rejetée, des délais élargis, etc. : voilà des bouffées d’oxygène indispensables dans des procédures au bord de l’asphyxie.
Le sens de cette proposition de loi est d’introduire de l’efficacité, du bon sens dans l’action publique post-crise. Je suggère également d’arrêter d’appliquer un coefficient de vétusté lorsque la voirie communale a été détruite : on ne peut pas refaire une vieille route à l’identique ! Il faut également citer le cas des biens communaux non assurables – par exemple le cimetière – endommagés dans des circonstances, comme le coup de vent, ne relevant pas d’une procédure CatNat.
Il y a donc des trous dans la raquette ! Veillons ensemble, avec la bienveillance de l’administration, à les combler au lieu de nous y perdre. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous pourrez me répondre sur ces points.
Pour les sinistrés, il faut aussi remédier à certaines lourdeurs, de toute urgence !
Je profite de cette intervention pour signaler que j’avais déposé un amendement pour que les sinistrés disposent d’un délai élargi pour faire leurs déclarations. Cet amendement a été largement cosigné, mais ma proposition relevait, semble-t-il, d’une mesure réglementaire ; je l’ai donc retiré.
Le Gouvernement est-il prêt à donner une suite favorable à cette demande émanant de nombreuses associations de défense des sinistrés…
M. Jean-François Husson, rapporteur. Bien sûr !
Mme Nadia Sollogoub. … qui, dans certains cas de force majeure – ils sont parfois évacués –, n’ont pas la possibilité de respecter des délais trop contraints ?
L’article 2 allonge le délai de prescription et intègre les frais de relogement d’urgence dans le périmètre de la garantie ; c’est indispensable.
La proposition de loi insiste sur le volet de la prévention, ce qui relève de l’élémentaire bon sens, de même que la pérennité des réparations.
Plutôt que d’aller vers des franchises vécues comme de cruelles injustices, à l’instar de celle qui concerne le défaut de plan de prévention communal, mesure qui ne relève pas de la responsabilité des assurés et met les élus en défaut, ne faut-il pas, par exemple, être plus exigeant sur les études de sol avant construction ? Elles sont certes obligatoires, mais ne font l’objet d’aucune forme de pénalité, si bien que celui qui souhaite faire construire peut être tenté de faire l’économie de l’étude, et ne pas savoir se protéger de ces phénomènes de retrait-gonflement des argiles, qui occasionnent désormais tant de dégâts ?
Si plusieurs mesures n’ont aucun impact financier, les articles 1er et 3 traitent néanmoins le sujet des moyens budgétaires dont il faut se doter, même si, devant la multiplication des phénomènes extrêmes, on peut craindre de voir exploser les dépenses d’une façon qui pourrait ne plus être contrôlée ni supportable.
Le fonds Barnier, ou fonds de prévention des risques naturels majeurs, est actuellement plafonné. Or force est de constater que ce principe de plafonnement s’oppose à la montée en puissance des politiques de prévention. Porter ce fond à 200 millions d’euros, tout en le maintenant dans une enveloppe contrôlée, mais libérée du verrou des sous-plafonds, nous semble une position tout à fait équilibrée.
De même, la possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt, même encadré, ouvre des perspectives extrêmement intéressantes, qui nous conviennent.
Les questions assurantielles sous-tendent l’ensemble du dossier, et je voudrais brièvement évoquer certaines des problématiques qui se posent notamment pour l’agriculture.
La solidarité nationale doit venir au secours des agriculteurs non assurés, discriminant en quelque sorte ceux qui ont fait l’investissement de l’assurance et qui peuvent se demander pourquoi ils ont payé. Pour éviter cette situation, les politiques publiques incitent les agriculteurs à s’assurer, ce qui ne fait pas forcément le jeu des assureurs qui, de leur côté, sur les années extrêmes successives, voient l’équilibre du système remis en question.
Si les extrêmes deviennent la norme, alors, pour une production agricole, quelle sera l’année de référence ? Et si les mauvaises années s’enchaînent, la référence est si basse que l’indemnisation ridicule est vécue comme une double peine.
Finalement, la prise en charge d’un risque presque certain n’est plus une assurance, c’est un service. C’est ce qui arrive lorsque l’aléa devient systématique. Alors que faire quand se profile un risque d’explosion du système assurantiel ?
Voilà, madame la secrétaire d’État, les éléments qui ont alimenté nos réflexions.
Pour conclure, puisque nous sommes tous concernés, que nous sommes tous des sinistrés en puissance, qu’il y a un vrai enjeu de prévention, de solidarité nationale, de coordination de tous les acteurs, de stratégie et de résilience collectives, que nous avons tous changé notre regard sur les catastrophes naturelles et que nous avons décidé d’agir, le groupe centriste votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SOCR, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SOCR.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ces derniers mois, les débats sur la gestion de l’eau et les risques climatiques se sont multipliés au sein de notre hémicycle, et je m’en félicite. Ils montrent que la Haute Assemblée prend cette question très au sérieux en étant à l’écoute d’élus locaux en quête de nouvelles solutions face à des catastrophes toujours plus nombreuses et désastreuses.
Je tiens à saluer le président de la mission d’information et sa rapporteure, qui ont été les garants du consensus qui a guidé nos débats tout au long des travaux de la mission dont l’aboutissement est cette proposition de loi.
Notre réflexion part d’un constat clair et partagé : le régime actuel d’indemnisation mis en place en 1982 a fait son temps. Les catastrophes climatiques se multiplient en France métropolitaine comme ultramarine, avec toujours le même résultat, une trop faible prévention et une trop grande responsabilité pour des élus en plein désarroi.
Aussi, les propositions formulées par la mission d’information, si elles n’avaient pas toutes vocation à s’insérer proposition de loi, apportent une réponse complète aux demandes formulées depuis de nombreuses années.
L’article 1er de cette proposition de loi vient réformer un fonds Barnier aujourd’hui trop limité pour les défis qui attendent les élus locaux. La suppression du plafonnement des ressources et du sous-plafonnement par actions permettrait de couvrir des dépenses exceptionnelles, mais également d’élargir le fonds au financement des études et travaux de réduction de vulnérabilité en faveur des particuliers. Celles-ci sont aujourd’hui seulement réservées aux travaux prescrits par un plan de prévention des risques naturels.
Nul doute que ces dispositions permettraient, d’un point de vue financier, une meilleure prévention des risques à l’échelle de nos territoires. Il semblerait qu’un relèvement du plafond à 200 millions d’euros soit préféré à sa suppression. Nous nous en contenterons, mais avec de sérieux doutes.
Des doutes, nous en aurons aussi en termes d’efficacité des travaux de prévention.
Pour avoir été à l’initiative d’un programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) sur mon territoire, je sais qu’il aura fallu plus de deux ans pour le mettre en place, et plus de cinq ans pour réaliser les travaux, en n’étant pas aidés, je vous l’avoue, par les contraintes réglementaires imposées par la loi sur l’eau.
Autant dire que le recours à ces outils s’apparente parfois à un parcours du combattant et que leurs utilisateurs sont souvent rattrapés par les événements eux-mêmes. Ainsi, des collectivités qui ont déjà été touchées sont d’autant plus exposées aux risques, et c’est un véritable cercle vicieux qui s’installe.
On est, hélas ! bien loin de la logique initiale de gestion de l’aléa et de la réduction de la vulnérabilité des personnes, des biens et des territoires, bien au contraire !
Cela a déjà été très bien dit, mais j’y insiste, un renforcement de la prévention ne sera effectif que lorsque les indemnisations seront plus rapides et vice versa.
Lorsqu’un Français sur quatre est exposé au débordement d’un cours d’eau, que 25 % des communes ont subi un aléa climatique en 2018, le temps n’est plus à la réflexion, mais à l’action !
L’instauration, à l’article 2, d’une obligation de réparation pérenne et durable des assureurs et l’allongement du délai de prescription partent d’une bonne intention. Mais je suis consciente de l’absence de portée normative relevée par la commission pour la première mesure, ainsi que du risque de différenciation de la procédure d’indemnisation en fonction de la cause du dommage.
L’inclusion des frais de relogement des sinistrés dans le périmètre des garanties CatNat est une évidence, tant elle était réclamée par les sinistrés et les assureurs.
J’en viens à l’article 3. Une des clés pour améliorer la prévention est le développement de la culture du risque chez nos concitoyens. Ils doivent, demain, devenir acteurs dans ce domaine.
Le décret du 5 décembre 2019 est en ce sens une belle avancée. Il permet que les propriétaires de logements situés dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) puissent bénéficier d’une subvention allant jusqu’à 80 % des travaux dans le cadre du fonds Barnier.
Je suis d’accord avec l’objectif de nos collègues qui vise à aller plus loin avec la création d’un crédit d’impôt. Certes, il sera très coûteux, mais parce qu’il touche directement les Français, il peut être un véritable outil de sensibilisation et d’implication de nos concitoyens dans la prévention des risques.
Concernant l’article 4, j’étais et je reste très favorable aux mesures venant lever l’opacité et la complexité de la procédure de classement en catastrophe climatique. À cela s’ajoute le délai de dix-huit mois parfois trop court pour des communes ne disposant pas forcément des moyens techniques en vue de constituer des dossiers de demande aussi rapidement.
Je me réjouis donc des mesures instaurant la publicité de l’avis rendu par la commission interministérielle et des rapports d’expertise rendus. Couplées à l’allongement du délai pour présenter une nouvelle demande de reconnaissance en cas de refus, ces dispositions viendront répondre à l’incompréhension de nombreux élus et citoyens, parfois surpris par des décisions violentes prises de manière verticale.
Je conclurai mon propos en insistant sur la nécessaire entraide et coopération entre élus locaux lorsque surgissent ces phénomènes. La création d’un véritable réseau permettant la diffusion des bonnes pratiques ne viendra sûrement pas répondre à toutes les catastrophes, mais elle pourra en éviter et en atténuer certaines.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE, qui est attaché à ces questions, votera bien entendu cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SOCR et UC.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un sujet que nos collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart connaissent bien, cette proposition de loi reprenant nombre de pistes avancées par la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et le rapport qui s’en est ensuivi, adopté à l’unanimité par notre assemblée.
Je ne peux évidemment que saluer, comme mes collègues l’ont fait, le sérieux et le travail de cette mission d’information, travail qui s’est prolongé jusqu’à cette proposition de loi. J’y associe la commission des finances qui a apporté une expertise complémentaire.
Au terme des travaux de la mission d’information, il est apparu urgent de changer la politique publique relative aux catastrophes naturelles sur deux axes.
La priorité est le renforcement de la politique de prévention, puisque, et cela a été rappelé, 1 euro investi dans la prévision permet d’économiser 7 euros d’indemnisation. Au sein de la politique de prévention, le fonds Barnier aurait un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui.
Par ailleurs, le rapport de la mission d’information conclut sur la nécessité de réformer le régime des catastrophes naturelles. Tel qu’il ressort des travaux de la mission, ce régime apparaît inadapté, d’une part, en raison de l’utilisation de critères et seuils techniques inintelligibles et instables, et, d’autre part, en ce que le processus d’indemnisation en faveur des sinistrés est perçu comme un « parcours du combattant ». De nombreux particuliers signalent des difficultés avec les assureurs lors de la phase d’indemnisation, notamment en matière de délais de déclaration des sinistres ou d’évaluation des dommages par les experts d’assurance.
La proposition de loi retient plusieurs axes évoqués dans le rapport de la mission d’information : la réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs, le fonds Barnier, le renforcement des droits des assurés et du montant des indemnisations dont ils bénéficient, la création d’un crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques, le passage au niveau législatif de l’existence de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle, et enfin, la création, dans chaque département, d’une cellule de soutien aux maires confrontés à une catastrophe naturelle.
On ne peut que souscrire à ces propositions dans leurs objectifs.
L’article 1er prévoit de réformer le fonctionnement du fonds Barnier et, notamment, d’améliorer la stratégie de prévention des risques au sein dudit fonds.
Les chiffres étayés par notre collègue Jean-François Husson insistent sur la nécessité d’augmenter les plafonds de ressources de ce fonds. Nous entendons cet argumentaire, qui s’inscrit dans une démarche pragmatique et de bon sens, tout comme nous pourrions aussi entendre celui qui incite au déplafonnement du fonds par souci de justice et d’efficacité. Cela étant, il me semble que c’est toute la doctrine du fonds Barnier que nous devrions revisiter au vu des enjeux climatiques auxquels nous sommes confrontés.
De même, je crois que nous devons faire attention aux fausses bonnes idées quant à la composition du conseil de gestion. La prise de décision doit être efficace, sans se perdre dans des jeux d’intérêts complexes ; je soutiens à ce titre une instance de pilotage resserrée. Compte tenu des enjeux, nous devrions donner au conseil de gestion les moyens de son efficacité.
Concernant l’article 2 relatif aux droits des assurés, je souligne, comme l’a fait la commission des finances, que le délai de prescription actuel de deux ans en cas de catastrophe naturelle encourage la mise en œuvre rapide des travaux de réparation et qu’il ne pose à l’heure actuelle aucune difficulté pratique.
Sur un autre point de l’article concernant l’intégration des frais de relogement d’urgence dans le périmètre de la garantie CatNat, il est vrai qu’il s’agit d’une demande forte des sinistrés, car la prise en charge du relogement est facultative et effectuée selon des modalités variables d’un assureur à l’autre.
Il est aussi vrai que la question du relogement est plus temporelle et moins liée à urgence : le relogement s’inscrit sur un moyen terme, le temps de la remise en état, ce qui peut sembler contradictoire avec les termes de l’article 2 de la proposition de loi qui visent le relogement d’urgence.
Sur la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, je souscris aux dispositions de l’article 4 qui prévoient de rendre publics les rapports d’expertise utilisés par la commission interministérielle. Tout ce qui participe de la transparence de la décision publique représente en effet une avancée.
Concernant les modalités de travail de cette commission, il faut éviter de rendre obligatoire sa consultation. Dans certaines situations, le caractère anormal du phénomène est malheureusement devenu évident.
Enfin, l’article 5 prévoit une cellule de soutien aux maires. Cet outil me semblerait utile, évidemment à condition qu’il soit coordonné avec les services de l’État.
Cette proposition de loi rappelle que, dans tous les cas, ce sont les maires qui sont en première ligne et qui fournissent la première réponse lorsqu’une catastrophe naturelle touche notre pays.
Le texte, nous le savons, pourra être amélioré durant la navette parlementaire, certains points relevant par exemple du domaine réglementaire plutôt que de la loi.
Nous sommes – pour beaucoup d’entre nous – malheureusement, et toujours en appui aux maires, confrontés dans nos territoires à ces situations qui nécessitent la mise en œuvre du régime d’indemnisation. Je pense notamment à nos collègues des départements touchés régulièrement par les inondations.
Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte bien différent de celui de 1982, à une époque où les risques climatiques étaient sans doute moins nombreux aussi : l’augmentation du nombre de phénomènes climatiques extrêmes et l’artificialisation des sols sont aujourd’hui responsables de bien des situations.
Un quart des Français sont exposés à un risque d’inondation. La sécheresse ou ses conséquences touchent la quasi-totalité de notre territoire, et les risques de submersions marines ou d’érosion du trait de côte augmentent de façon considérable en métropole, mais aussi dans les territoires ultramarins.
Les difficultés sont parfois importantes pour gérer certains cas d’indemnisation comme en témoigne l’exemple de l’immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer, et je rappelle à ce titre l’amendement de notre collègue Françoise Cartron adopté l’an dernier.
C’est pourquoi des réponses pragmatiques doivent s’inscrire dans un ensemble de politiques publiques pour réaliser l’adaptation de notre pays aux évolutions climatiques. Il importe donc de prendre du temps et de poursuivre le travail en ce sens pour aboutir au dispositif le plus opérationnel possible. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un an était mise en place une mission que j’ai eu l’honneur de présider et dont notre collègue Nicole Bonnefoy était rapporteure, sur le problème des indemnisations des sinistrés à la suite des catastrophes naturelles.
Cette mission correspondait au domaine de compétence attribué à notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable dont, d’ailleurs, le président et la rapporteure étaient membres. Nous étions 27 sénatrices et sénateurs issus de plusieurs commissions et de toutes sensibilités.
Nous avons réalisé collectivement, autour de Mme la rapporteure, de nombreuses auditions et effectué deux déplacements, l’un dans l’Aude qui concernait les inondations dramatiques de Trèbes, et l’autre dans le département de la Charente, où nous avons constaté le désarroi de nombreuses familles de sinistrés comme dans bon nombre de territoires français.
La présence de nos collègues a été très importante, tant pendant les auditions que dans les déplacements. Cela prouve, madame la secrétaire d’État, que le sujet mérite de la part du Gouvernement une attention particulière, une écoute et la mise en œuvre rapide des propositions qui sont issues de cet important travail, traduites dans la proposition de loi en discussion aujourd’hui. Nicole Bonnefoy propose ainsi un certain nombre de dispositifs améliorant le régime CatNat actuellement en vigueur.
Madame la secrétaire d’État, les sujets des inondations et des vagues de submersion sont dans l’ensemble assez bien traités, bien que des améliorations soient nécessaires, notamment dans les procédures qui ne relèvent malheureusement pas du domaine législatif. À cet égard, nous attendons une réponse précise de la part de la ministre de la transition écologique et solidaire, Mme Borne, puisque nous avons, Nicole Bonnefoy et moi-même, cosigné un courrier lui demandant ce que le Gouvernement compte faire sur les mesures proposées dans le rapport de notre mission et qui relèvent du champ réglementaire, courrier resté pour l’instant sans réponse.
En revanche, les catastrophes naturelles dues à la sécheresse sont particulièrement mal traitées et ont malheureusement conduit à de très nombreux drames humains dans plusieurs régions. Beaucoup de nos concitoyens dont les biens concernés n’ont pas été reconnus dans des périmètres de catastrophe naturelle les ont perdus ; c’est souvent le cas de leur maison qui était, pour nombre d’entre eux, le fruit des économies de leur vie, madame la secrétaire d’État.
Le Gouvernement ne peut pas laisser cette situation en l’état ! D’ailleurs, un ministre de votre gouvernement s’en est rendu compte, puisque M. Darmanin s’est permis de dégager des moyens financiers importants pour les sinistrés qui ont subi la sécheresse dans son département. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
M. Jean-François Husson, rapporteur. Pur hasard !
M. Michel Vaspart. Cela prouve des dysfonctionnements de l’État et des traitements inéquitables.
L’inégalité de traitement de nos concitoyens, selon qu’ils ont ou non près de chez eux un ministre du budget est, vous en conviendrez, particulièrement anormale. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)
M. Claude Bérit-Débat. Très bien !
M. Michel Vaspart. Cette proposition de loi reprend des mesures proposées dans le rapport qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, a été voté à l’unanimité des groupes politiques du Sénat. Les sinistrés et leurs associations ne comprendraient pas que le Sénat, aujourd’hui appelé à se prononcer sur le prolongement concret du travail de la mission, revienne en tout ou partie sur ses choix.
C’est la raison pour laquelle je vous appelle à soutenir le texte initial sur le déplafonnement du fonds Barnier et à ne pas voter l’amendement de plafonnement, puis à adopter les différents articles de cette proposition de loi tant attendue par les élus et par nos territoires.
Madame la secrétaire d’État, le Sénat fait son travail. Je souhaite que le Gouvernement et l’Assemblée nationale prennent bien la mesure de l’attente de la société, en particulier des sinistrés. Sachez également anticiper l’accélération du nombre et de la violence des catastrophes naturelles.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois profondément que c’est par la cohérence de nos travaux que nous pourrons petit à petit reconquérir la confiance de nos concitoyens. Les élus doivent faire preuve de courage et de ténacité face à une administration, notamment celle de Bercy, qui n’a souvent qu’une approche technocratique. J’en veux pour preuve le blocage des indemnisations des propriétaires du « Signal » malgré la loi !
Mme Nicole Bonnefoy. Très bien !
M. Michel Vaspart. Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, le courage est le prix de la dignité. Cela s’applique particulièrement au sujet d’aujourd’hui. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SOCR et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais au préalable vous faire part de deux pensées.
J’ai tout d’abord une pensée émue, parce que j’ai vécu cette situation, pour les habitants et les élus de l’Aude, victimes des terribles inondations meurtrières – 15 morts, dont 6 à Trèbes – qui ont touché notre département il y a plus d’un an.
La seconde pensée, amicale, s’adresse à Nicole Bonnefoy et à mes collègues membres de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, dont les travaux ont abouti à la présente proposition de loi. Quand, dans le département de l’Aude, le temps est aujourd’hui péniblement à la reconstruction, notre proposition apporte des réponses concrètes aux problématiques rencontrées.
Je concentrerai donc mon propos sur les articles 4 et 5 de ce texte.
En plus de réformer la composition de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle, l’article 4 renforce les pouvoirs des maires. Vous l’aurez compris, apporter un soutien aux élus qui sont en première ligne lors de la survenance d’un tel événement est primordial.
Aujourd’hui, il est de la responsabilité du maire de déposer une demande de reconnaissance communale et d’informer les sinistrés de son avancement. De fait, les maires sont souvent mis en cause injustement face à la lenteur de l’instruction des dossiers, voire à la suite d’une décision de non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
À cela s’ajoute une triste réalité : les élus, souvent livrés à eux-mêmes, ne bénéficient pas nécessairement d’informations précises ou de l’ingénierie leur permettant de gérer au mieux certaines situations.
C’est donc une double peine à laquelle il nous faut impérativement nous attaquer en apportant un soutien et des outils aux élus dans la gestion de leurs dossiers CatNat.
C’est pourquoi l’article 4, d’une part, allonge de dix-huit à vingt-quatre mois le délai pendant lequel une demande de reconnaissance peut être formulée après la survenance d’une catastrophe naturelle, les conséquences de certains événements climatiques n’étant pas nécessairement décelables immédiatement. D’autre part, il permet aux communes qui se sont vu refuser une première fois une demande de reconnaissance de soumettre une deuxième demande, dès lors qu’elles produisent des données complémentaires résultant d’une étude de terrain.
Délivrer une information complète aux maires, c’est ce qui a péché dans l’Aude. Notre rapport d’information a bien mis en avant l’esseulement des édiles lors de la survenance d’aléas climatiques exceptionnels. Cette situation est particulièrement difficile lorsqu’elle les expose directement à des sinistrés désemparés, voire lorsque les maires sont eux-mêmes sinistrés. Il leur revient pourtant de devoir expliquer l’état de la situation à leurs administrés et de se faire le relais de décisions ministérielles parfois difficile à entendre.
L’article 5 entend remédier à cet isolement en instaurant dans chaque département une cellule de soutien aux maires confrontés à une catastrophe naturelle, laquelle permettra de les soutenir, de les accompagner dans leurs démarches, de les orienter devant un refus de reconnaissance et de les conseiller, le cas échéant.
Enfin, il est un point sur lequel j’entends insister : la situation assurantielle des sinistrés. Dans l’Aude, certaines assurances refusent de reconduire des contrats souscrits avant la survenance d’une catastrophe naturelle, ou alors le font avec un malus exorbitant. C’est purement scandaleux. Il n’existe pas de moyens légaux pour les contraindre, sinon le dispositif que propose l’article 4. Il supprime en effet la possibilité de moduler des franchises à la charge des assurés en fonction de l’existence d’un plan de prévention des risques naturels.
Un dernier mot relatif au crédit d’impôt créé par l’article 3. Cette incitation est bienvenue, sinon indispensable. Néanmoins, comme son nom l’indique, le crédit d’impôt ne vaut que pour les gens qui payent des impôts. Que faire pour les autres ? Comment renforcer la prévention des dommages en diminuant le reste à charge pour les particuliers qui ne sont pas imposables sur le revenu ? La mécanique parlementaire est fortement contrainte et ne nous permet pas, madame la secrétaire d’État, de créer des subventions. Il est de votre responsabilité de les mettre en place. Nous comptons sur vous.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte apporte des réponses non exhaustives aux problématiques soulevées par les travaux de notre mission. Je vous invite à le voter unanimement. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face aux aléas climatiques qui touchent nos territoires dans leur diversité, nous ne devons tolérer aucun fatalisme. Nous devons plutôt tirer les leçons des intempéries pour en finir avec les approches bureaucratiques dans la gestion des catastrophes naturelles.
En effet, la pratique met en lumière des dispositifs sous-dimensionnés pour venir rapidement en aide aux sinistrés et aux collectivités.
Comme le montrent les intempéries qui frappent régulièrement le sud-est de la France, et tout particulièrement le département des Alpes-Maritimes, l’aléa climatique est de plus en plus répétitif, violent et même meurtrier. La fin de l’année 2019 aura été particulièrement difficile pour un grand nombre de communes de mon département.
S’agissant de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, s’il convient de saluer le travail des maires, qui se mobilisent pour enclencher la procédure auprès des services de l’État, la méthode de fonctionnement actuelle reste à géométrie variable. Son opacité fait naître de l’incompréhension, parfois même un sentiment d’injustice dans nos territoires.
Je prendrai pour exemple les coups de mer d’octobre 2018 qui ont entraîné de fortes inondations dans les Alpes-Maritimes. Les arrêtés de catastrophe naturelle ont été pris pour certaines communes et pas pour d’autres, alors même que les dégâts étaient tout aussi importants.
Lors de nos auditions dans le cadre de la mission d’information préfigurant cette proposition de loi, quelle ne fut pas ma surprise d’entendre un avocat spécialisé dans les assurances m’expliquer que, dans la pratique, on constatait que la commission interministérielle ne servait à rien pour décréter l’état de catastrophe naturelle.
Il me semble que, dans le cadre de l’élaboration du futur projet de loi Décentralisation, différenciation et déconcentration, dit projet de loi 3D, une nouvelle version de cette procédure pourrait être mise à l’étude par le Gouvernement. Les services des ministères pourraient ainsi se déplacer afin de décentraliser la décision interministérielle prise conjointement avec le préfet, et en concertation avec les collectivités locales. La décision gagnerait ainsi en pragmatisme et en transparence.
Je souhaiterais également, comme nombre de mes collègues, parler de l’accompagnement des élus confrontés à la lenteur des procédures après une catastrophe. L’engagement et le courage des élus volontaires dans la gestion du risque doivent être valorisés par l’État, surtout lorsque leurs décisions permettent d’anticiper l’intervention de régimes d’assurance devenus obsolètes.
Je pense tout particulièrement aux élus de Biot et de la communauté d’agglomération de Sophia-Antipolis, dans les Alpes-Maritimes, qui ont pris une décision audacieuse et courageuse : à l’aide du fonds Barnier, ces collectivités ont racheté un lotissement d’une vingtaine de maisons pour le raser définitivement, en accord avec les habitants.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, le rôle du Gouvernement est crucial pour décider de moderniser ou non ce régime, comme le propose aujourd’hui le Sénat, dans un large consensus, au travers de cette proposition de loi qui, je l’espère, pourra prospérer à l’Assemblée nationale, pour qu’enfin les systèmes d’indemnisation soient modernisés et que le défi du changement climatique soit durablement relevé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Marc Daunis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier chaleureusement notre collègue Nicole Bonnefoy, auteure de cette proposition de loi, qui a fait preuve d’un engagement particulièrement vigoureux, passionné et éclairé sur le sujet de la nécessaire réforme du régime des catastrophes naturelles.
Permettez-moi, en propos liminaire, de témoigner, en tant que président du groupe interparlementaire d’amitié France-Australie au Sénat, de notre totale solidarité avec nos amis australiens, qui vivent un cauchemar absolu. Les chiffres sont terribles : 10 millions d’hectares de végétation détruits, dont 800 000 hectares dans un seul incendie ; 2 000 maisons détruites ; 28 personnes y auraient trouvé la mort depuis septembre ; 1,25 milliard d’animaux auraient péri dans ces incendies. Le nuage provoqué va faire, selon les experts de la NASA, le tour de la planète. Tout cela résulte d’une sécheresse exceptionnelle sévissant depuis septembre sur l’île-continent.
Hormis quelques invétérés et indécrottables climatosceptiques, chacun, et surtout les scientifiques, s’accorde pour nous alerter sur la croissance quasi exponentielle de l’intensité et de la fréquence des catastrophes naturelles.
Des inondations récentes dans l’Aude, le Var ou les Alpes-Maritimes, aux cyclones ou aux échouages massifs d’algues sargasses sur les littoraux antillais, en passant par des phénomènes fréquents de sécheresse dans nombre de nos départements, notre pays, la France, tant métropolitaine qu’ultramarine, est aussi concernée dans un contexte de dérèglement climatique.
J’ai vécu, comme beaucoup d’autres sur ces travées, le désarroi d’habitants, accablés de voir que tout ce qu’ils possèdent, leur intimité même, leur maison ou un paysage, peut être détruit en quelques instants. Bref, c’est être confronté à quelque chose qui nous dépasse et sur lequel nous ne pouvons pas avoir prise.
C’est pour cette raison qu’il est urgent de travailler sur la refonte de ce régime.
En tant que maire de Valbonne-Sophia-Antipolis, dans les Alpes-Maritimes, j’ai aussi été témoin d’une incompréhension quand toutes les communes qui entouraient la mienne ont été, à la suite d’un retrait-gonflement des argiles, déclarées en état de catastrophe naturelle, ma commune en étant, elle, exclue. Pourtant, depuis les Romains, de l’argile en est extraite, et les poteries constituent une activité artisanale de Vallauris depuis des années. Nos concitoyens ne peuvent pas comprendre cela.
Madame la secrétaire d’État, vous avez sans doute des réponses techniquement irréfutables, mais elles se heurtent à la logique et au bon sens sur le terrain.
L’approche que nous avons eue de ce problème, dans le cadre de la mission d’information présidée remarquablement par notre collègue Michel Vaspart, dont je salue les propos forts et rigoureux, avec comme rapporteure notre collègue Nicole Bonnefoy, a débouché sur un travail précis, pragmatique, que ce soit sur la réforme du fonds Barnier, pour redonner moyens et souplesse au dispositif, ou sur le financement d’actions de prévention sur des questions centrales.
Il y a bien sûr la question du crédit d’impôt. Il est discutable, parce qu’il laisse de côté, de fait, ceux qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. En revanche, il constitue une réponse rapide.
Je ne reviendrai pas sur les différents points présentés par mes collègues, et je conclurai sur une interrogation, madame la secrétaire d’État. Quel est le sens de la navette parlementaire si elle n’est pas l’occasion de préciser et de peaufiner les différents éléments ?
Au vu de l’urgence et de la qualité du travail proposé, il m’apparaît important que nous puissions, d’une part, voter ce texte, et, d’autre part, nous engager tous à travailler encore sur le sujet, sachant que la question du déplafonnement est centrale. Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous demandions du temps supplémentaire pour traiter les conséquences de cette évolution climatique, dont l’actualité nous rappelle le caractère inéluctable. Nous devons être à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pas un pays dans le monde n’est épargné par une augmentation significative des catastrophes naturelles, dans leur fréquence et dans leur intensité. L’Australie en proie aux flammes, les dernières inondations en Indonésie : il n’est plus possible de nier l’évidence du dérèglement climatique et de ses conséquences.
La France, notre pays, connaît régulièrement son lot de catastrophes naturelles. Je pense aux récentes inondations meurtrières qui ont touché le sud de la France, mais également aux tempêtes qui ont frappé nos côtes métropolitaines et nos outre-mer.
Aujourd’hui encore, le Finistère, le Morbihan et la Loire-Atlantique ont été placés en vigilance orange pour risque de « vagues-submersion » et « pluie-inondation ». Ces phénomènes, nous devons désormais apprendre à vivre avec et à les anticiper : cela s’appelle la résilience. C’est en Vendéen qui a connu la tempête Xynthia que je vous le dis.
Je salue de nouveau le travail de nos collègues, Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et Michel Vaspart, dans le cadre de la mission d’information, dont le rapport a été adopté à l’unanimité. Comme je l’avais souligné lors du débat consacré à ce sujet, voilà peu, dans cet hémicycle, nous devons adopter une réelle culture du risque qui permette à notre pays de mieux appréhender ces événements. Bien entendu, je ne peux qu’être en accord avec l’idée de déplafonner le fonds Barnier.
Depuis sa création, le champ d’action de ce fonds n’a cessé de s’élargir, mais ses moyens d’action n’ont pas cessé, quant à eux, de diminuer.
Pour rappel, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, a été prélevé de 55 millions d’euros en 2016 et de 70 millions d’euros en 2017. Lors de l’examen de la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a également décidé de plafonner ce fonds à hauteur de 137 millions d’euros, alors que les recettes, issues des cotisations des assurés, sont supérieures à 200 millions d’euros. J’étais intervenu dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 pour rétablir les moyens du fonds Barnier. Malgré un vote quasi unanime d’un amendement déplafonnant le fonds, le Gouvernement n’avait pas souhaité le conserver dans le texte définitif. L’an dernier, le projet de loi de finances pour 2019 est de nouveau venu diminuer de 20 millions d’euros le montant des dépenses autorisées pouvant être consacrées au financement des études et des travaux de prévention par les collectivités territoriales. Là encore, nous avions dénoncé cette ponction sur ces travées.
L’automne dernier, nous avons déposé sans succès, avec Michel Vaspart, des amendements, déclarés irrecevables, demandant de nouveau le déplafonnement du fonds. Il y a donc un réel paradoxe entre cette nécessité de préparer la France à ces changements climatiques et les faibles moyens, de surcroît en diminution, qui y sont consacrés.
M. Michel Vaspart. Très bien !
M. Didier Mandelli. C’est donc en toute logique que je soutiens le déplafonnement, dont nous allons débattre dans quelques instants. L’argent des assurés, destiné à financer le fonds de prévention, doit être pleinement utilisé pour cet objet. Je soutiens également l’idée d’un élargissement des affectations de ce fonds, qui est aujourd’hui un levier sous-utilisé dans le secteur de la prévention.
Au-delà de cette proposition de loi, j’appelle le Gouvernement à définir, avec les acteurs concernés, une véritable stratégie nationale de prévention des risques naturels, comme il en existe déjà dans de nombreux pays.
Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué à deux reprises dans votre intervention le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, dont c’est la vocation de travailler avec les différents acteurs, d’analyser les phénomènes et de définir la stratégie. Je vous invite à le réunir rapidement, très rapidement, j’y insiste, car il ne s’est, hélas, réuni qu’à deux reprises ces cinq dernières années, alors même que les catastrophes naturelles sont en augmentation significative. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je vais être brève pour permettre à la discussion de se poursuivre et au texte d’être adopté dans de bonnes conditions.
Je voulais seulement répondre à des questions spécifiques, qui ne seront pas reprises lors de la discussion.
Monsieur Gontard, vous voulez savoir si le Gouvernement a bien engagé, sous l’égide de Didier Guillaume, le travail de modernisation du régime de calamités agricoles. Effectivement, les consultations, auxquelles mon ministère est associé, sont lancées, et les conclusions seront connues dans les prochains mois.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué la navette et la façon dont nous comptons accompagner cette proposition de loi. Comme je vous l’ai indiqué dans mon propos liminaire, il est effectivement question de réunir le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs pour le consulter sur un certain nombre d’éléments. Je n’y reviens pas tout de suite, car j’aurai probablement à le faire lors de nos échanges.
S’agissant des mesures réglementaires préconisées dans le rapport que vous avez rendu avec Mme Bonnefoy, monsieur Vaspart – j’en ai d’ailleurs rappelé la qualité –, elles sont instruites dans le cadre des travaux que nous avons engagés et elles seront intégrées à notre concertation. Il y a les éléments qui sont législatifs, sur lesquels nous travaillons, et les éléments réglementaires, qui viendront en complément, évidemment en miroir, pour que l’ensemble soit cohérent.
Madame Sollogoub, l’extension des délais dont bénéficient les assurés pour déposer leur demande d’indemnisation fait partie des mesures que nous voulons soumettre à la concertation. Je ne peux pas encore vous dire si c’est vingt jours, trente jours, mais, en tout état de cause, on voit bien que le délai de vingt jours est un minimum.
Nous sommes également très favorables à une meilleure prise en compte du risque sécheresse dans les zones de construction. C’est ce que permettent les textes d’application de la loi ÉLAN. Pour répondre à un de vos soucis, je vous indique que le décret du 22 mai 2019 rend obligatoire l’étude de sol à compter du 1er janvier 2020 pour la construction de maisons individuelles sur des terrains exposés aux phénomènes de retrait-gonflement des argiles dans les zones à exposition moyenne ou forte.
Voilà pour les quelques précisions que je tenais à apporter.
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une seconde proposition de loi a été inscrite par la conférence des présidents dans le cadre de l’espace réservé au groupe socialiste et républicain, lequel est limité à une durée de quatre heures. Dans ces conditions, je me verrai dans l’obligation de lever la séance une fois ce délai épuisé. Si nous n’avons pas achevé l’examen du second texte, il appartiendra à la conférence des présidents d’inscrire la suite de la discussion de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une séance ultérieure. Aussi, je vous invite à dire tout ce que vous avez à dire, mais en étant efficace et concis, le temps nous étant compté.
proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles
Article 1er
I. – La soixante-sixième ligne du tableau constituant le second alinéa du I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 est supprimée.
II. – L’article 136 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase du I, les mots : « Dans la limite de 17 millions d’euros par an, » sont supprimés ;
2° Au début du premier alinéa du IV, les mots : « Dans la limite de 13 millions d’euros par an et » sont supprimés ;
3° Au début du VI, les mots : « Dans la limite de 75 millions d’euros » sont supprimés ;
4° Au début de la première phrase du IX, les mots : « Dans la limite de 60 millions d’euros, » sont supprimés ;
5° Au début de la première phrase du XI, les mots : « Dans la limite de 5 millions d’euros par an et » sont supprimés.
III. – Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article 128 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, les mots : « Dans la limite de 105 millions d’euros par an, » sont supprimés.
IV. – L’article L. 561-3 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au 4° du I, les mots : « définis et rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé en application du 4° du II de l’article L. 562-1 » sont supprimés ;
2° Après le c du même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles les études et travaux mentionnés au 4° du présent I sont financés par le fonds, en tenant compte, le cas échéant, de leur caractère obligatoire en application d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé en application du 4° du II de l’article L. 562-1. » ;
3° Au dernier alinéa du même I, les mots : « , dans la limite d’un plafond global de 5 millions d’euros par an, » sont supprimés ;
4° Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – 1. – Le conseil de gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs est présidé par un magistrat de la Cour des comptes désigné pour une durée de trois ans renouvelable, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de la prévention des risques majeurs.
« Il comprend, en outre :
« 1° Un représentant de chacun des ministres chargés, respectivement, de la prévention des risques majeurs, de l’économie, du budget et de la sécurité civile ;
« 2° Un maire désigné sur proposition du ministre chargé des collectivités territoriales ;
« 3° Deux représentants désignés respectivement par l’Association des maires de France et l’Assemblée des départements de France ;
« 4° Un représentant des entreprises d’assurance désigné sur proposition du ministre chargé de l’économie ;
« 5° Deux personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de la prévention des risques majeurs ;
« 6° Le président du conseil d’administration de la caisse centrale de réassurance ou son représentant ;
« 7° Un député et un sénateur.
« 2. – Le conseil de gestion du fonds de prévention des risques naturels majeur est consulté :
« 1° Sur les projets de comptes annuels du fonds auxquels doivent être joints les justificatifs des frais de gestion de ces derniers exposés par la caisse ;
« 2° Sur le projet de rapport annuel prévu au premier alinéa de l’article L. 561-5 ;
« 3° Sur les demandes de remboursement mentionnées à l’article R. 561-14 et sur les dépenses mentionnées à l’article R. 561-8.
« Il peut être consulté par les ministres chargés, respectivement, de la prévention des risques majeurs, de la sécurité civile et de l’économie sur toute question se rapportant à l’objet du fonds.
« Il fixe les orientations et les priorités du fonds ainsi qu’un objectif pluriannuel de dépenses de prévention contribuant au financement des études et travaux des personnes physiques et morales.
« Il est informé des opérations menées par le fonds.
« Chaque année, il publie un rapport dressant le bilan de ses actions et présentant ses recommandations stratégiques pour améliorer le pilotage de l’attribution des aides à la prévention des risques naturels. » ;
5° Au début de la première phrase du premier alinéa du II, les mots : « Ce fonds » sont remplacés par les mots : « Le fonds de prévention des risques naturels majeurs ».
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Cette proposition de loi de Nicole Bonnefoy reprend un certain nombre de propositions du rapport de la mission d’information relative à la gestion des risques et à l’évolution des régimes d’indemnisation.
À cet égard, les maires, en particulier, savent combien la recrudescence et l’intensification des phénomènes de catastrophes naturelles est un enjeu majeur pour un nombre de plus en plus important de nos concitoyens. En effet, ils ont eu à en gérer les conséquences pour des sinistrés qui se trouvent parfois dans des situations absolument dramatiques.
C’est pourquoi il est essentiel d’apporter une réponse rapide et concrète, avec un renforcement de l’indemnisation, mais également d’améliorer la prévention, notamment à travers une incitation fiscale pour la réalisation de travaux.
L’article 1er de la proposition de loi comporte plusieurs dispositions relatives au fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus communément appelé fonds Barnier. On peut, à bon droit, opter pour le déplafonnement du montant des recettes affectées au fonds, puisqu’il est principalement financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles payées par les assurés au titre de la garantie contre le risque de catastrophes naturelles. À tout le moins, l’augmentation des recettes du fonds me paraît nécessaire.
Il n’en reste pas moins que l’État a, dans un passé récent, détourné l’utilisation des recettes versées par les assurés, ce qui est en contradiction avec la nécessité d’investir davantage dans les actions de prévention pour faire face aux conséquences du changement climatique.
Il est essentiel de se préparer aux catastrophes à venir. C’est pourquoi je souligne l’opportunité de l’article 1er pour redonner au fonds Barnier les marges de manœuvre financières nécessaires et corriger les approches bureaucratiques qui ont pu prévaloir jusqu’à présent.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l’article.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, je m’associe à nombre de propos qui viennent d’être tenus au cours de la discussion générale.
Bien sûr, je voudrais reprendre à mon compte l’intervention de mon collègue François Bonhomme sur le déplafonnement du fonds Barnier. On a eu l’occasion d’en discuter. J’ajoute deux réflexions qui me paraissent essentielles.
Je viens d’un département qui a vécu, voilà un peu plus de deux mois, un séisme d’une ampleur assez inédite sur le territoire hexagonal. Les maires, notamment, sont en première ligne pour gérer les conséquences de cet événement, des conséquences tout à fait majeures sur la vie de nos concitoyens, sur leurs habitations, avec des dégâts particulièrement importants.
À cette occasion, on a pu malheureusement constater la difficulté à lire le fonctionnement de la commission interministérielle, avec, parfois aussi, des incompréhensions, notamment pour des communes qui étaient proches de l’épicentre de ce séisme et qui ne figurent pas parmi les communes reconnues.
Au-delà de la transparence et d’une meilleure compréhension du fonctionnement de cette commission, nous devons aussi envisager la possibilité de revenir parfois sur ses décisions. C’est important, à mon sens, et je vois dans ce texte des éléments de réponse assez significatifs.
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
I. – À la soixante-sixième ligne du tableau constituant le second alinéa du I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, le nombre : « 137 000 » est remplacé par le nombre : « 200 000 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Comme je l’ai expliqué lors de ma prise de parole en discussion générale, cet amendement vise le déplafonnement du fonds Barnier.
J’ai écouté avec attention l’ensemble des intervenants. Finalement, chacun est servi. Au préalable, il y a un fonds qui vient des assurés. C’est donc de l’argent qui est issu non pas des contribuables, mais de taxes qui sont prélevées sur les assurances, et elles devraient être utilisées en totalité. Il n’empêche que des gouvernements, de majorités différentes, ont récemment opéré des prélèvements sur ces montants. C’est le premier constat.
Second constat : un gouvernement, en l’occurrence le vôtre, madame la secrétaire d’État, a mis en place un plafond très bas, que je qualifierai d’indécent par rapport aux besoins.
Qu’est-ce qui a guidé notre réflexion, notre travail commun et la proposition que je fais ? J’essaie de trouver non pas un « en même temps », mais un « entre-deux » le plus satisfaisant possible. Le fonds a récolté un plus de 220 millions d’euros de recettes, et les dépenses, sur les trois dernières années, ont été en moyenne de 185 millions d’euros. Je me dis : il faut un peu de rigueur et de sobriété, mais aussi un regard objectif, serein, sur le fonctionnement. J’ai donc proposé de fixer le plafond à 200 millions d’euros pour l’année 2020, ce qui, on le sait, répondra aux besoins.
Je n’en fais pas une question personnelle, mais je crois qu’il faut que l’on aille un peu plus loin, parce qu’il va bien falloir dépenser ces 200 millions d’euros, notamment sur une année comme celle-ci où il y a des élections. Et je vois bien les débats que l’on aura au mois de novembre ou de décembre, où plus personne ne sera là pour rappeler que l’État nous reprend de l’argent. Le temps qui est devant nous doit nous conduire à travailler, sous l’autorité du Gouvernement, à l’amélioration du fonctionnement de tous ces dispositifs.
C’est la raison pour laquelle je propose, dans un premier temps, de porter ce plafond à 200 millions d’euros, ce qui représente une augmentation significative et sensible. Maintenant, j’ai entendu les positions d’un certain nombre d’entre nous. Le débat est ouvert, mais je crois qu’il nous faut faire preuve à la fois de sérieux et de responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Nous partageons l’idée qu’il importe de donner des moyens suffisants en soutien des mesures de prévention et de traitement des vulnérabilités, notamment via le fonds Barnier.
Nous avons fait une réforme importante à la faveur du projet de loi de finances pour 2020, sur votre initiative, d’ailleurs. Elle consistait à supprimer des sous-plafonds au sein du fonds Barnier afin de donner plus de souplesse à sa gestion et répondre au mieux aux demandes des citoyens. Nous prenons acte de vos propositions, que nous allons étudier, sachant que toute évolution budgétaire du fonds a vocation, de notre point de vue, à être discutée en loi de finances. Cet aspect méthodologique me conduit à donner un avis défavorable sur votre amendement. (M. François Bonhomme s’exclame.)
On peut discuter des ressources du fonds, de même que de son pilotage, mais le principe du plafonnement de ses recettes me paraît budgétairement responsable. S’agissant de sommes collectées par une taxe affectée, ce principe permet de dimensionner le périmètre du fonds en fonction des besoins, et non selon le dynamisme des primes d’assurance sur lesquelles sont assises les recettes qui sont, quant à elles, tributaires d’un « effet de noria » distinct de ces besoins.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement pour des raisons de timing. Nous estimons en effet que cette discussion relève du projet de loi de finances. En revanche, en ce qui concerne la démarche à adopter, nous sommes favorables à un nouveau plafond plutôt qu’à un déplafonnement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Nous en arrivons au seul point de désaccord qui subsiste dans cette proposition de loi, à savoir le déplafonnement des ressources du fonds Barnier. Cette mesure, comme la suppression des « sous-plafonds » que nous avons obtenue lors de l’examen du projet de loi de finances, est la pierre angulaire des propositions formulées par la mission d’information sénatoriale sur la gestion des risques climatiques.
Je tiens à rappeler une nouvelle fois que, à l’instar des autres propositions figurant dans le rapport, cette mesure avait été adoptée à l’unanimité des membres de la mission d’information avant d’être débattue par le Sénat en séance publique. Je regrette que nous soyons appelés à remettre en cause la pertinence de ce dispositif aujourd’hui.
Je tiens également à rappeler que ce déplafonnement répond à une double nécessité.
En premier lieu, il faut rendre ce fonds aux assurés. Comme cela a été dit, le fonds Barnier est financé par les assurés via un prélèvement de l’ordre de 12 %. De mon point de vue, et je suis catégorique, l’argent des assurés doit revenir aux assurés.
En second lieu, il faut accorder davantage de moyens au fonds pour lui donner davantage de souplesse, ce qui est également attendu.
Mes chers collègues, la mission sénatoriale avait adopté à l’unanimité l’idée d’un déplafonnement des recettes du fonds. Je crois que cette proposition de loi fait également l’unanimité compte tenu de l’urgence. J’en appelle donc à la responsabilité de chacun : si cet amendement n’est pas retiré, je serai dans l’obligation, au nom du groupe socialiste, d’appeler à voter contre.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Nous débattons du déplafonnement d’un dispositif qui plafonne un plafond.
On discuterait d’une enveloppe qui serait extensible, je comprendrais la nécessité de fixer un plafond. Mais là, on parle d’un fonds dont les recettes ont un périmètre défini et dépendent d’un prélèvement exprimé en pourcentage : il est donc forcément plafonné par le montant des cotisations des assurés. Il ne s’agit donc pas d’instaurer un plafond sur le plafond, pardonnez-moi l’expression ! D’ailleurs, si l’on se réfère aux dépenses actuelles du fonds Barnier, on devrait s’inquiéter.
Dans la discussion générale, Dominique Estrosi Sassone évoquait une intervention au titre du fonds Barnier pour un lotissement situé sur la commune de Biot dans notre communauté d’agglomération de Sophia-Antipolis. Ce type d’opération représente un certain coût et se répétera, hélas, dans un certain nombre de territoires. Si nous n’en avons pas les moyens, comment allons-nous expliquer aux assurés que, d’une part, ils ne peuvent pas être indemnisés et que nous ne sommes pas capables de mener des politiques de prévention à la hauteur des enjeux et, d’autre part, qu’ils doivent continuer à financer un fonds auquel ils ne peuvent accéder que partiellement ?
Dernier point, au-delà du principe selon lequel l’argent des assurés doit revenir aux assurés eux-mêmes, il faut une vraie politique de prévention. Nous savons toutes et tous qu’une telle politique représente un certain coût. Nous ne débattons pas d’une question secondaire qui nécessiterait quelques ajustements à la marge, mais d’une question de principe, mais aussi d’efficacité et de souplesse.
Ne pas revenir sur le plafonnement actuel,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Marc Daunis. … c’est-à-dire ne pas déplafonner les dépenses, serait une erreur pour l’avenir.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il faut être clair : à terme, les ressources du fonds Barnier ne suffiront pas. Si elles suffisent aujourd’hui, c’est parce que beaucoup de collectivités n’ont pas encore intégré la réalité du risque.
Je suis d’accord avec Jean-François Husson pour dire que les demandes d’indemnisation n’exploseront pas dans l’année qui vient ni même l’année suivante, mais elles exploseront ensuite ! Déplafonner les recettes du fonds, à condition évidemment que l’État s’engage à ne pas siphonner la cagnotte, lui permettra d’accumuler un peu de réserves, de gagner deux ou trois ans avant de devoir remettre sur le métier la recherche d’une nouvelle péréquation et la question des sources de financement.
Je suis favorable à ce que l’on déplafonne d’ores et déjà le fonds pour anticiper les évolutions. C’est pourquoi je ne voterai pas l’amendement de Jean-François Husson.
Pour votre information – je me permets de prendre quelques secondes pour en parler –, puisque j’ai l’honneur d’assurer la présidence du comité d’orientation du programme national d’adaptation au changement climatique, il a d’ores et déjà été décidé de mettre l’accent, à partir du printemps, après les élections municipales, sur la sensibilisation la plus rapide possible des nouvelles équipes municipales à la vulnérabilité face aux risques naturels dans le cadre des plans climat. Cette prise de conscience doit s’accélérer, car les demandes d’indemnisation vont mécaniquement augmenter.
Enfin, pour répondre à Mme la secrétaire d’État, cela fait assez longtemps maintenant que la représentation parlementaire s’est donné le droit de parler finances en dehors de la loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Je souhaiterais compléter les propos de mes collègues.
Je ne comprends pas l’utilité d’un plafonnement du fonds et ne vois pas l’intérêt d’avoir cette discussion chaque année en loi de finances : en effet, on devra sans arrêt plaider pour de nouvelles ressources ici et là.
Le fonds Barnier est alimenté par un prélèvement sur les cotisations des assurés, lesquelles augmenteront avec le risque – c’est le principe même d’une assurance. Or la dynamique du fonds Barnier, qui résulte de l’évolution des cotisations, est utile pour prévenir le risque de catastrophes naturelles. Je ne vois donc absolument pas pourquoi il faudrait le plafonner.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je veux revenir sur les propos de Ronan Dantec. Il est certain que le fonds tel qu’il est ne suffira pas dans les années à venir. C’est l’une des leçons que l’on a tirées dans le cadre de la mission d’information : tous les experts que l’on a pu entendre nous ont dit que les risques climatiques seraient de plus en plus importants. Il faut donc essayer de voir un peu plus loin que l’année à venir ou la suivante, et c’est tout l’intérêt du fonds Barnier.
Il y a quelque chose que j’ai du mal à comprendre : si les ressources du fonds sont réellement trop élevées au point qu’il faudrait les plafonner, on pourrait tout aussi bien, puisque le fonds est alimenté par un prélèvement sur les primes d’assurance, baisser ce fameux pourcentage de 12 %. Ainsi, l’argent reviendrait à coup sûr aux usagers.
On voit bien que cela ne correspond pas au raisonnement qui est tenu et qu’il s’agit simplement d’un moyen de financer d’autres politiques. Or on ne veut plus de ce type de pratiques – nous avons connu quelques regrettables précédents. Il faut en rester à l’idée d’un déplafonnement, et ce sur plusieurs années, parce que l’on aura besoin de ces réserves.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Tout le monde s’accorde pour dire que les dépenses du fonds vont augmenter dans les prochaines années. En attendant, la position d’équilibre adoptée par notre rapporteur, même s’il s’agit d’une réponse provisoire, me paraît satisfaisante : dès lors que l’on a la garantie que les ressources permettront de couvrir les besoins, cela me paraît acceptable.
Néanmoins, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous poser une question, qui est posée de façon récurrente au Gouvernement, celle de l’avenir des taxes affectées. Le produit de ces taxes a été détourné de leur objet pour abonder le budget de l’État. Je pense notamment aux taxes affectées aux agences de l’eau. Notre collègue Nicole Bonnefoy a raison de rappeler que l’argent des assurés doit revenir aux assurés, car cela n’a pas toujours été le cas dans d’autres secteurs.
Il y a quelques années, le Conseil des prélèvements obligatoires a publié un rapport mettant en exergue la question des taxes affectées et la nécessité de revenir à l’esprit qui avait prévalu à leur création. Je pense que le Gouvernement devrait s’atteler à cette tâche, ce qui nous éviterait ce type de débat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Daunis. Un retrait de l’amendement me paraîtrait sage ! (Sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur. À cet instant, j’estime que le débat a permis d’entendre beaucoup d’arguments, émanant plutôt d’ailleurs de celles et ceux qui militent en faveur du déplafonnement des recettes du fonds. Je le répète, j’écoute et je cherche toujours à atteindre le point d’équilibre. C’est pourquoi je vais retirer mon amendement. (Marques d’approbation sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Nicole Bonnefoy. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’insiste, et je le dis autant à l’adresse du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, qu’à chacune et chacun d’entre nous : le travail est devant nous. Ne vous dites pas en sortant d’ici : « Ça y est, c’est open bar, on peut dépenser comme on veut ! »
M. Marc Daunis. Bien entendu !
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je vous le dis, mes chers collègues (M. le rapporteur se tourne vers les travées du groupe SOCR.), je vous le redis : il fut un temps où votre gouvernement est venu reprendre de l’argent dans les caisses de ce fonds, parce qu’il y avait des excédents. Je n’en veux pas à ce gouvernement en particulier, d’autres le font. Cela signifie simplement que le dispositif du fonds Barnier fonctionne mal.
Mme Nicole Bonnefoy. Nous sommes d’accord !
M. Jean-François Husson, rapporteur. Le travail ne s’arrête pas aujourd’hui. Je n’attends qu’une chose, un travail de fond mené avec le Sénat. (Mme la secrétaire d’État opine.) Madame la secrétaire d’État, je vous vois acquiescer. Je vous ai beaucoup entendu dire au cours de la discussion générale que vous étiez favorable à nos propositions.
Quitte à y être favorable, au moins dans l’esprit, vous auriez déjà pu proposer des amendements : c’eût été une belle manière à l’endroit du Sénat, chambre d’équilibre représentant les territoires, préoccupée par un sujet dont chacun reconnaît qu’il est majeur. Pour ma part, je propose une position d’équilibre en retirant mon amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains.)
M. Marc Daunis. Remarquable !
M. le président. L’amendement n° 31 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’amendement n° 32 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 3, 4 et 6 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l’amendement n° 6.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, deux amendements identiques ont été adoptés par le Sénat sur l’initiative de nos collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart, afin de supprimer plusieurs sous-plafonds de dépenses du fonds de prévention des risques naturels majeurs, et de donner davantage de souplesse dans la gestion de ce fonds.
Ces dispositions ont été conservées dans la loi de finances pour 2020, ce dont nous pouvons nous féliciter. Le présent amendement vise à en tirer les conséquences en supprimant les dispositions de l’article 1er qui visent le même objectif et qui sont, par conséquent, satisfaites.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 32.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 32.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
Dans la limite de 75 millions d’euros
par les mots :
à partir du 1er janvier 2019 et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 est présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’amendement n° 34 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au début du VII, les mots : « Dans la limite de 5 millions d’euros par an et » sont supprimés ;
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l’amendement n° 7.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. L’article 81 de la loi de finances pour 2020 a supprimé plusieurs sous-plafonds de dépenses du fonds de prévention des risques naturels majeurs.
Dans la même logique, cet amendement vise à supprimer le sous-plafond de 5 millions d’euros applicable au financement des frais de démolition des locaux à usage d’habitation informels, exposés à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines dans les départements et régions d’outre-mer, et des aides financières versées aux occupants de ces habitations, la possibilité de financer ce type de dépenses par le fonds ayant été étendue jusqu’en 2024 par l’article 232 de la loi de finances pour 2020.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 34.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après la référence :
L. 562-1
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
sur des biens à usage d’habitation ou sur » sont remplacés par les mots : « ayant pour effet de réduire la vulnérabilité aux risques naturels majeurs des biens à usage d’habitation ou » ;
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à préciser que les études et travaux réalisés par les particuliers, lorsqu’ils ne sont pas rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles doivent, pour être éligibles aux aides du fonds Barnier, avoir pour effet de réduire la vulnérabilité de leurs biens à usage d’habitation ou de leurs biens professionnels aux risques naturels majeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Avis défavorable.
Je comprends l’intérêt des sénateurs pour le sujet, mais je m’interroge sur le dispositif de l’amendement.
Je rappelle qu’il existe déjà une mesure dans le cadre du fonds Barnier, intitulée RVPAPI – réduction de la vulnérabilité et programmes d’actions de prévention des inondations –, mobilisable à des taux similaires dans le cadre de démarches globales de prévention du risque inondation. Cette mesure permet de programmer des travaux de réduction de la vulnérabilité aux inondations en dehors des plans de prévention des risques (PPR). Son plafond, fixé à 5 millions d’euros, n’est pas atteint aujourd’hui : les dépenses s’élevaient en effet à 2,9 millions d’euros en 2019.
Pour des risques naturels autres que les inondations, comme les mouvements de terrain ou les avalanches, par exemple, il n’existe pas de référentiels de travaux pouvant être réalisés pour réduire efficacement la vulnérabilité. Avant d’offrir de nouvelles possibilités de financement, un tel travail d’identification des types de travaux utiles doit donc être mené.
Par ailleurs, l’éventuelle extension des aides du fonds Barnier à ce type de travaux hors plan de prévention des risques naturels (PPRN) nécessiterait une étude d’impact pour quantifier les besoins.
Il me semble que, à ce titre, le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) pourrait être mandaté pour approfondir la réflexion. Cela fait partie des sujets que nous souhaitons aborder dans le cadre de la concertation.
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
du
insérer les mots :
6° du
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 14 à 32
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Cet amendement vise la suppression de dispositions inscrivant la composition et les missions du conseil de gestion du fonds dans la loi. En effet, le décret du 18 décembre dernier a procédé à la clarification de la gouvernance du fonds.
En outre, la fixation d’un objectif pluriannuel des dépenses du fonds ne me paraît pas souhaitable, car cet objectif peut entrer en contradiction avec les besoins que l’on peut observer au fil du temps sur les territoires.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéas 14 à 32
Remplacer ces alinéas par un paragraphe ainsi rédigé :
V. – Le II de l’article L. 565-3 du code de l’environnement est ainsi rédigé :
« II. – Le Conseil fixe les orientations et les priorités du fonds mentionné à l’article L. 561-3 ainsi qu’un objectif pluriannuel pour chaque type de dépenses de ce fonds.
« Ses missions, sa composition, son organisation et son fonctionnement sont précisés par décret. »
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Depuis les travaux de la mission d’information sénatoriale et le dépôt de la proposition de loi, un décret du 18 décembre 2019 a fusionné le conseil de gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs avec le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), dont les missions sont élargies.
Par conséquent, le présent amendement vise à supprimer les dispositions relatives au conseil de gestion du fonds Barnier et à confier au nouveau COPRNM, issu de cette fusion, le rôle d’assurer le pilotage stratégique du fonds Barnier et de fixer un objectif pluriannuel des dépenses de ce fonds, conformément aux recommandations de la mission d’information.
Je précise que, si l’amendement du rapporteur venait à être adopté, celui-ci n’aurait plus d’objet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 9 ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement n° 9 qui, comme vient de le rappeler Mme Tocqueville, est incompatible avec celui de la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements en discussion commune ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 36 et défavorable à l’amendement n° 9.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 9 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le code des assurances est ainsi modifié :
1° L’article L. 114-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de catastrophes naturelles, constatées dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance. » ;
2° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 125-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les indemnisations dues à l’assuré doivent garantir une réparation pérenne et durable, de nature à permettre un arrêt complet et total des désordres existants. » ;
3° L’article L. 125-4 est complété par les mots : « et des frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées pour une durée déterminée par décret ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 10 rectifié est présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’amendement n° 29 rectifié est présenté par M. Vogel.
L’amendement n° 37 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Le premier alinéa de l’article L. 114-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance. » ;
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. L’article 2 vise à allonger de deux ans à cinq ans le délai de prescription laissé aux assurés pour réclamer à leur assurance le règlement de l’indemnisation qui leur est due en cas de dommages résultant de catastrophes naturelles.
Si cette prescription biennale est suffisante pour des dommages immédiats résultant d’aléas naturels comme les inondations, les séismes ou les avalanches, qui nécessitent des réparations urgentes, tel n’est pas forcément le cas des dommages résultant des phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols, qui peuvent apparaître dans un temps plus long.
Le présent amendement tend à limiter l’allongement du délai de prescription de deux à cinq ans aux mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
M. Jean Pierre Vogel. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 37.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Avis défavorable.
Le Gouvernement reconnaît que, par leur nature, les effets du phénomène de retrait-gonflement des argiles sur le bâti sont, contrairement à d’autres aléas naturels, plus lents à se manifester.
Néanmoins, il semblerait injustifié d’introduire une exception au délai biennal applicable uniquement à la garantie catastrophes naturelles. Pour rappel, la loi et le code des assurances prévoient déjà un cas particulier en cas de sinistre, qui fait démarrer le délai biennal à compter du jour où les intéressés en ont eu connaissance si ceux-ci prouvent qu’ils l’ignoraient jusque-là. Cette mention semble suffisamment protectrice vis-à-vis des assurés.
De plus, une telle exception au sein d’un même contrat, une assurance multirisque habitation par exemple, est susceptible de complexifier les contrats et de créer de la confusion pour les assurés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Pardonnez-moi, madame la secrétaire d’État mais, vous l’aurez sûrement compris, le débat ne porte pas sur le délai de prescription biennale.
Nos amendements insistent bien – les auditions et les visites sur le terrain en ont suffisamment souligné l’importance – sur les dégâts liés à la sécheresse. Parfois, il est impossible de détecter immédiatement certaines fissures. D’autres s’aggravent avec le temps, parfois d’ailleurs à cause d’épisodes de sécheresse qui se succèdent.
Il se trouve que nous avons auditionné des bailleurs sociaux, notamment ceux du Grand Nancy. Sur ce territoire, certaines habitations des années 1930 ont commencé à se fissurer, alors qu’aucun sinistre n’avait été déclaré depuis plus de quatre-vingts ans. Rien ne leur était arrivé depuis leur construction, et ce sont bien les épisodes de sécheresse à répétition survenus dernièrement qui ont commencé à lézarder les murs.
Pour être tout à fait complet, j’ajoute que la commission interministérielle chargée du processus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle n’a pas rendu le même avis, si bien que certains habitants, alors que les immeubles menacent ruine, ne veulent pas quitter leur logement.
Il faut donc entendre notre proposition de faire passer le délai de prescription à cinq ans, même si le dispositif a sûrement besoin d’être retravaillé. Il existe peut-être d’autres solutions – on en a parlé avec les représentants de la Caisse centrale de réassurance lors de leur audition –, mais il s’agit d’un vrai sujet. Je pense qu’il est préférable d’ouvrir le débat puis, grâce à la navette, de le faire prospérer pour trouver la solution la plus adaptée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié, 29 rectifié et 37.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’amendement n° 38 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 125-2 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les indemnisations dues à l’assuré doivent permettre un arrêt des désordres existants. La réparation est adaptée à l’ampleur des dommages subis par le bien, et est effectuée en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques et techniques disponibles. » ;
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Plutôt que d’indiquer que les indemnisations versées aux assurés doivent garantir une « réparation pérenne et durable », notion qui risquerait d’être source de contentieux et qui a fait l’objet de plusieurs remarques au cours de la discussion générale, nous proposons de préciser que les indemnisations versées aux assurés doivent permettre « un arrêt des désordres existants […], en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques et techniques disponibles ».
Il s’agit de faire en sorte que les réparations réalisées à la suite d’un mouvement de terrain consécutif à un phénomène de sécheresse tiennent compte des meilleures techniques disponibles, afin qu’elles soient le plus durables possible.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 38.
M. Jean-François Husson, rapporteur. On a fini par trouver une rédaction du dispositif plus précise et plus technique que celle de la mission d’information. En l’état, ce n’était en effet plus un parapluie que l’on ouvrait, c’était l’opération « portes ouvertes » tous azimuts !
Cela démontre bien que les rapports, quels que soient l’application et le sérieux avec lesquels ils sont rédigés, et bien qu’ils soient adoptés à l’unanimité, ont parfois besoin d’être modifiés. Il est parfois utile de confronter les points de vue entre commissions pour aboutir à une rédaction plus précise : tout comme il existe une collaboration interministérielle, on a assisté à un travail inter-commissions dans cette affaire. Je veux saluer la convergence de vues à laquelle nous sommes parvenus pour mieux cerner les risques et adapter les indemnisations en conséquence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il partage le souci d’équité en matière d’indemnisation des sinistrés. Toutefois, ces amendements n’ont pas de valeur ajoutée par rapport au droit en vigueur : le mécanisme assurantiel en matière de catastrophes naturelles, comme pour l’ensemble des contrats d’assurance, est fondé sur le principe indemnitaire fixé à l’article L. 121-1 du code des assurances, selon lequel la réparation doit être proportionnelle au préjudice causé.
Les travaux de réparation sont réalisés selon les normes en vigueur, en particulier en matière de construction. Au passage, je me réjouis de l’adoption de l’ensemble des textes d’application de la loi ÉLAN, qui permettront de renforcer la résilience du futur bâti.
Il n’est pas envisageable que les assureurs indemnisent au-delà du préjudice subi, notamment en vue de prévenir de futurs sinistres, car cela ne relève pas de leur responsabilité.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié et 38.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’amendement n° 39 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Après le mot :
sinistrées
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dont la résidence principale est insalubre ou présente un danger pour la sécurité des occupants, selon des modalités et pour une durée déterminées par décret ».
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Cet amendement concerne les frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées.
Il vise à préciser que cette prise en charge pourra être sollicitée lorsque le bien endommagé constitue la résidence principale du sinistré, et que celle-ci est insalubre ou présente un danger pour la sécurité de ses occupants. Cette précision est importante.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 39.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement étudie la possibilité d’une prise en charge du relogement dans le cadre du régime des catastrophes naturelles. Cette question est complexe et sera soumise à la concertation.
En tout état de cause, si une prise en charge est retenue, il sera nécessaire d’encadrer ses modalités, notamment de la limiter aux sinistrés qui en ont réellement besoin, conformément à l’esprit de cet amendement – le fait que le bien soit la résidence principale notamment.
Nous engagerons une concertation spécifique sur ce point, afin d’affiner le dispositif et, notamment, les conditions dans lesquelles cette prise en charge pourra être effectuée dans un cadre budgétaire maîtrisé.
Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 39.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par M. Bascher, Mme Eustache-Brinio, M. Courtial, Mmes L. Darcos, Bruguière et Sittler, MM. Perrin et Raison, Mmes Morhet-Richaud et Troendlé, MM. Lefèvre, Calvet, Daubresse et Chatillon, Mmes Noël et Puissat, MM. Panunzi et Sido, Mmes A.M. Bertrand et Deroche, M. Milon, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Danesi, Cambon, Kennel, J.M. Boyer, Cuypers et Saury, Mme Raimond-Pavero, M. H. Leroy, Mme F. Gerbaud et MM. Bonhomme, Rapin, Laménie, Charon, Le Gleut et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 122-9 du code des assurances, il est inséré un article L. 122-… ainsi rédigé :
« Art. L. 122-…. – Les contrats d’assurance garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des orages de grêle sur les biens faisant l’objet de tels contrats.
« Sont exclus les contrats garantissant les dommages d’incendie causés aux récoltes non engrangées, aux cultures et au cheptel vif hors bâtiments.
« Sont également exclus les contrats garantissant les dommages d’incendie causés aux bois sur pied. »
La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Je profite de l’examen de ce texte pour évoquer une mesure qui figure dans une proposition de loi que j’ai déposée avec un certain nombre de mes collègues.
Quand l’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu, nombre de nos collectivités ne sont pas couvertes par leur contrat d’assurance en cas d’orage de grêle. Cela est préjudiciable aux plus petites communes, qui souscrivent souvent les contrats d’assurance les moins chers, notamment quand les bâtiments communaux ou le mobilier urbain sont endommagés. L’amendement vise à combler ce vide en étendant cette garantie obligatoire aux orages de grêle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. On est un peu sur le fil du rasoir.
Les garanties tempête, grêle, neige sont obligatoires dans les contrats d’assurance multirisque habitation des particuliers. En revanche, pour les professionnels, il existe parfois des « trous de garantie » : je pense notamment aux concessionnaires automobiles qui ont aujourd’hui des parcs non couverts. En cas d’orage de grêle, ils subissent des préjudices énormes sans pour autant être nécessairement assurés, ce qui pose problème.
Comme Jérôme Bascher l’a rappelé, il existe également des « trous de garantie » dans les contrats d’assurance des collectivités en cas de grêle.
Cela étant, il faut être prudent, parce que les orages de grêle, même extrêmement violents, n’ont, à ma connaissance, jamais permis la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle jusqu’ici,…
M. Jérôme Bascher. Jamais !
M. Jean-François Husson, rapporteur. … précisément parce qu’il s’agit d’un risque susceptible d’être couvert.
À mon avis, il conviendrait d’entrouvrir la porte pour amener le Gouvernement, l’Assemblée nationale et les partenaires du monde de l’assurance à travailler sur ce dossier et, si possible, madame la secrétaire d’État, à remédier à cette carence. Il faut profiter de ce véhicule législatif pour avancer. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Comme je l’ai indiqué, le fait d’ouvrir la concertation à un certain nombre de sujets ne pose pas de problème. En revanche, il est ici question d’une obligation de couvrir un risque coûteux. Cela aura des répercussions sur la prime.
S’agissant des particuliers, on a fait le choix de les couvrir complètement, car leurs biens sont de taille plus modeste.
S’agissant des autres entités, à elles d’apprécier la portée du risque. Ayons bien à l’esprit qu’assurer ces risques alourdit leurs coûts de fonctionnement. Si elles installent, par exemple, des panneaux photovoltaïques sur leur toit et qu’elles doivent chaque année couvrir ce risque, le retour sur investissement sera compliqué, surtout si elles se situent dans des zones où la survenance du risque est peu probable. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Aujourd’hui, 20 % des collectivités ne sont pas assurées contre la grêle. Rendre cette assurance obligatoire ne renchérira pas forcément la prime de risque, madame la secrétaire d’État, mais permettrait aux plus petites collectivités d’être couvertes. Ce sont en effet elles qui optent pour les contrats les moins chers. Je précise que ce sont des maires qui m’ont demandé cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. La grêle est et reste un risque assurable. J’entends bien les arguments de Jérôme Bascher, mais il serait dangereux, afin de garantir l’indemnisation, d’assurer ce risque dans le cadre de l’indemnisation des catastrophes naturelles. Jusqu’à maintenant, le discours a toujours été clair : comme le risque est assurable, l’état de catastrophe naturelle ne s’applique pas.
Je trouve dommage que, en cas de sinistre majeur lié à la grêle un ministre se déplace pour dire : « On va activer le fonds de prévention des risques naturels. » Cela brouille le message, car à chaque fois les assurés se demandent si ce fonds est mobilisé ou pas.
Clarifions la situation une bonne fois pour toutes : tout ce qui est assurable n’entre pas dans le régime des catastrophes naturelles. En revanche, il importe d’imposer aux petites communes de bien évaluer leurs risques avec leur assureur.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Mes chers collègues, si nous maintenons ce rythme, nous pourrons également examiner le texte suivant, mais nous sommes à quelques minutes près. Je vous appelle donc une nouvelle fois à la concision.
Article 3
I. – Le 34° du II de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 200 sexdecies ainsi rédigé :
« Art. 200 sexdecies. – Les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour la prévention des aléas climatiques.
« Le crédit d’impôt s’applique aux dépenses engagées dans le but d’améliorer la résilience du bâti aux effets des catastrophes naturelles.
« Le taux de ce crédit d’impôt est égal à 50 % des dépenses mentionnées au présent article.
« Les conditions d’éligibilité de ce crédit d’impôt sont précisées par décret. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
supportées
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
pour la réduction de la vulnérabilité des biens à usage d’habitation ou des biens utilisés dans le cadre d’activités professionnelles employant moins de vingt salariés dont ils sont propriétaires.
II. – Alinéa 3
Après le mot :
s’applique
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
aux études et travaux de réduction de la vulnérabilité de ces biens aux risques naturels majeurs.
III. – Alinéa 5
Remplacer le mot :
précisés
par le mot :
précisées
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à préciser les dépenses éligibles au crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour un même logement dont un contribuable est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale, le montant de crédit d’impôt dont peut bénéficier ce contribuable ne peut excéder, au titre d’une période de cinq années consécutives comprises entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2024, la somme de 5 000 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 10 000 € pour un couple soumis à imposition commune. Cette somme est majorée de 250 € par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B. La somme de 250 € est divisée par deux lorsqu’il s’agit d’un enfant réputé à charge égale de l’un et l’autre de ses parents. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’ai exposé cet amendement lors de la discussion générale. Le crédit d’impôt n’est pas forcément le meilleur des systèmes, c’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir lever le gage. À défaut, les personnes qui ne sont pas imposables ne pourront pas bénéficier de ce dispositif, sorte de solidarité mixte ou croisée entre les particuliers pour les encourager à faire des efforts sur des dépenses de prévention.
L’idée serait d’avoir un plafond de 5 000 euros pour une personne seule, de 10 000 euros pour un couple et de 250 euros supplémentaires par personne à charge. Cette disposition s’inspire du mécanisme du crédit d’impôt pour la transition énergétique. On pourrait l’appeler le « crédit d’impôt pour la transition climatique ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cette proposition ferait double emploi avec les nombreux dispositifs existants en faveur de la prévention des risques climatiques : la participation du fonds Barnier au financement de travaux de prévention, notamment ceux prévus par un plan de prévention des risques naturels, la réduction d’impôt apportée à hauteur de 18 %, voire de 26 %, des travaux de confortement contre les risques sismiques ou cycloniques réalisés par les particuliers sur les logements anciens affectés à la résidence principale et qui sont situés outre-mer.
Même avec les précisions apportées par votre amendement, le texte ne définit pas suffisamment les modalités d’application de ce crédit d’impôt pour être considérée comme fixant des règles d’assiette de l’impôt au sens de l’article 34 de la Constitution.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
Le code des assurances est ainsi modifié :
1° L’article L. 125-1 est ainsi modifié :
a) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
– au début, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sont instruites par une commission interministérielle dont la composition est fixée par décret. » ;
– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Sur la base de ses travaux, l’état de catastrophe … (le reste sans changement). » ;
– après la troisième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’avis rendu ainsi que les rapports d’expertise utilisés par la commission interministérielle mentionnée au présent alinéa sont publiés sur un site internet dédié dans les dix jours suivant la décision rendue. » ;
b) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « En cas de refus d’une première demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les communes peuvent soumettre une deuxième demande dès lors qu’elles produisent des données complémentaires résultant d’une étude de terrain réalisée dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
2° L’article L. 125-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune modulation de franchise à la charge des assurés ne peut être appliquée dans les communes non dotées du plan de prévention des risques naturels prévisibles prévu à l’article L. 562-1 du code de l’environnement. »
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une commission, dont la composition est fixée par décret et comprenant au moins deux titulaires de mandats locaux pouvant assister aux délibérations avec voix consultative, émet un avis sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dont elle est saisie. Cet avis, accompagné des rapports techniques utilisés par la commission, est publié sur un site internet dédié dans un délai de dix jours suivant son adoption. » ;
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Cet amendement concerne l’intégration de deux élus locaux pouvant participer aux délibérations avec voix consultative dans la commission interministérielle.
Par ailleurs, il vise à supprimer la mention selon laquelle l’arrêté interministériel de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne peut être pris que sur la base des travaux de la commission interministérielle CatNat. Je précise cela par rapport aux remarques formulées plus tôt.
Il convient en effet de laisser la possibilité au Gouvernement, en cas d’urgence, de constater l’état de catastrophe naturelle sans que la commission interministérielle se soit réunie au préalable.
M. le président. Le sous-amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Conconne, MM. Antiste, Lurel et Tourenne, Mme Guillemot, MM. P. Joly et Temal, Mmes Conway-Mouret, Artigalas et G. Jourda et MM. Lalande, Daudigny et Joël Bigot, est ainsi libellé :
Amendement n° 2, après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque le caractère anormal de l’intensité de l’agent naturel n’a pas pu être démontré dans le cas des phénomènes d’échouage d’algues sargasses, la commission mentionnée à l’alinéa suivant peut ignorer ce critère. » ;
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Je remercie Nicole Bonnefoy, qui a eu l’audace et le courage de présenter cette proposition de loi. Je salue également mes collègues qui ont soutenu mon sous-amendement et qui ont compris notre problématique, même si elle est lointaine. C’est la preuve que la pédagogie commence à porter ses fruits et que nos considérations sont de plus en plus prises en compte.
Victorin Lurel, Guillaume Arnell et moi-même, nous vivons au paradis, dans une zone enviée de tous. Cependant, les experts sont unanimes : tout en étant la zone qui contribue le moins aux effets du dérèglement climatique, c’est nous qui en subirons le plus les contraintes. Nous souffrons de tous les risques, sans exception, y compris de celui d’avalanche – pas de neige, mais de sable !
À cette catastrophe est venu s’ajouter un véritable désastre. En raison des dérèglements écologiques, la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique sont aujourd’hui producteurs, dans des proportions immenses, d’une algue – l’algue sargasse – qui dérive sur tous les océans et vient s’échouer sur nos côtes.
Cet échouage est à l’origine d’un désastre écologique important, mais est aussi la cause d’un désastre économique, car toutes les activités économiques autour de ces échouages sont aujourd’hui en grand péril.
Il est également à l’origine d’un désastre en termes de santé, puisque le pourrissement de ces algues dégage du sulfure d’hydrogène, sans parler de l’atteinte aux biens. En effet, les gens qui vivent sur ces littoraux doivent aujourd’hui changer deux à trois fois par an de téléviseur et d’appareils électroménagers, car tous ces appareils sont complètement rongés et dévorés par les sulfures d’hydrogène.
On nous dit que ce n’est pas une catastrophe naturelle. Pourtant, cela en a tous les attributs, puisque les populations auxquelles je fais allusion subissent les assauts de cette algue. Vous pouvez aller naviguer sur tous les sites internet et voir à quoi cela ressemble. La mer devient complètement impénétrable, les plages également. Nous vivons, de ce fait, une très grande difficulté.
Il faut donc absolument que ces échouages massifs d’algues sargasses soient considérés au titre des catastrophes naturelles, afin que les personnes qui vivent sur le littoral, et qui disposent souvent de peu de moyens, puissent bénéficier des retombées de leur prime d’assurance et être remboursées des dégâts occasionnés.
M. le président. Le sous-amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Vogel, Priou, Bonhomme, Joyandet et Sol, Mme Bruguière, MM. Pellevat, Courtial, Rapin, Lefèvre, Calvet, Chaize et de Nicolaÿ, Mmes de Cidrac et Raimond-Pavero, M. H. Leroy, Mmes Lassarade et A.M. Bertrand et MM. Perrin, Raison, Kennel et Pointereau, est ainsi libellé :
Amendement 2, alinéa 4, première phrase
Après le mot :
consultative
insérer les mots :
ainsi qu’un représentant du ministère chargé de l’environnement
La parole est à M. Jean Pierre Vogel.
M. Jean Pierre Vogel. Ce sous-amendement porte sur la composition de la commission interministérielle relative aux catastrophes naturelles, chargée de donner un avis consultatif sur chaque dossier communal transmis par les préfets de département.
C’est sur le fondement de ces avis que les ministres compétents décident de la reconnaissance ou non des communes en état de catastrophe naturelle. Son rôle est donc singulier et revêt une importance particulière pour le sort de nos territoires.
Il serait opportun que cette commission intègre des représentants du ministère de la transition écologique et solidaire.
En effet, avec le réchauffement climatique, nous assistons déjà à la multiplication de phénomènes naturels et météorologiques extrêmes. Il serait utile que le ministère de la transition écologique puisse participer aux travaux de cette commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le rôle de la commission interministérielle est connu, nul besoin de le préciser. L’amendement n° 2 ne me paraît pas nécessaire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Concernant la composition de la commission, le Gouvernement n’est pas opposé à inscrire l’existence de la commission interministérielle dans la loi, à certaines conditions : la commission doit demeurer une enceinte consultative, technique, et ne doit rendre que des avis simples.
Cependant, le Gouvernement partage le souhait d’une transparence de la commission interministérielle relative aux catastrophes naturelles afin de ne laisser aucun doute aux sinistrés sur l’objectivité des avis proposés.
Il est notamment envisagé de refondre les circulaires et instructions existantes encadrant la procédure en une seule circulaire interministérielle détaillant les modalités de mise en œuvre de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Publiée au Journal officiel, impérative, opposable et contrôlée par le juge administratif, cette circulaire pourrait préciser la composition exhaustive de la commission et son fonctionnement.
S’agissant du sous-amendement n° 26 rectifié, le Gouvernement comprend et partage la préoccupation des sénateurs concernant le phénomène des algues sargasses. Toutefois, ce sous-amendement ne nous semble pas constituer une réponse appropriée. Il remet en cause le fondement même du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. La définition d’une catastrophe naturelle est encadrée depuis la création de ce régime. C’est le caractère anormal du phénomène qui constitue la base de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Revenir sur cette définition déstabiliserait l’ensemble de ce système qui a prouvé maintes fois sa légitimité.
En l’état actuel de sa rédaction, le code des assurances n’empêche pas la reconnaissance en état de catastrophes naturelles des communes sinistrées par un phénomène inédit, dès lors qu’il présente un caractère anormal.
La cause directe des dommages causés par les algues sargasses n’est pas le phénomène d’échouage lui-même, mais c’est la décomposition de ces dernières du fait de leur non-enlèvement des plages. C’est l’absence de relation directe entre le phénomène et les dégâts recensés qui explique le rejet des demandes communales de reconnaissance.
Par ailleurs, même si le Gouvernement décidait de reconnaître en état de catastrophes naturelles les communes touchées par l’échouage massif d’algues marines, cette reconnaissance serait sans effet sur la situation des collectivités, des particuliers et des entreprises.
Les collectivités locales n’étant pas assurées pour les biens éventuellement endommagés par l’échouage des algues, elles ne seraient pas indemnisées à ce titre.
S’agissant des particuliers et des entreprises, seuls les dommages aux biens sont pris en charge par les assureurs dans le cadre de la garantie catastrophes naturelles.
S’agissant des entreprises, certains biens sont exclus du régime des catastrophes naturelles dans la mesure où ils relèvent d’autres régimes spécifiques d’assurance. Or ce sont peut-être ces biens-là qui sont touchés par les sargasses.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 26 rectifié.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 17 rectifié, je précise que le ministère de la transition écologique assiste bien aux délibérations de la commission interministérielle. Il est vrai qu’il ne signe pas les arrêtés portant reconnaissance aujourd’hui. Nous proposons de définir par circulaire la liste des membres de la commission, car il ne s’agit pas selon moi d’une précision de niveau législatif.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Madame la secrétaire d’État, aucun de vos arguments ne tient la route ! Avoir des échouages de sargasses sur des dizaines et des dizaines de kilomètres carrés, c’est un phénomène normal ? L’arrivée d’extraterrestres aussi à ce compte ! (Sourires.)
Savez-vous pourquoi nous sommes confrontés à des phénomènes de décomposition ? Parce que l’État n’avance pas sur la question du ramassage en mer ! Il lance appel à projets sur appel à projets sans aller plus loin ! Merci de revoir votre copie ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Madame la secrétaire d’État, ce que vous venez de dire s’applique exactement aux tempêtes, ouragans et cyclones (TOC). Ce n’est pas nouveau. Il y a une récurrence et une régularité des phénomènes cycloniques.
Par ailleurs, vous parlez des échouements sur le littoral, mais au large, plus rien ne peut circuler. Cette intensité est anormale. Elle n’est pas simplement inédite, elle devient aussi récurrente qu’un cyclone.
Vos arguments ne tiennent pas la route. Voilà pourquoi je demande à mes collègues de voter ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je souhaite préciser mon propos. J’ai bien indiqué que la cause directe est non pas le phénomène d’échouage, mais la décomposition, ce que vous avez vous-même reconnu. Il ne s’agit donc pas ici d’un état de catastrophe naturelle.
De surcroît, comme je l’ai clairement indiqué, on peut parfaitement reconnaître un état de catastrophe naturelle en cas de phénomène inédit : si trois mètres de plage sont touchés, ce n’est pas une catastrophe naturelle, mais c’en est une si des kilomètres de plage sont touchés.
Enfin, le fait de le reconnaître un état de catastrophe naturelle n’a aucune portée juridique si l’on n’est pas assuré contre ce type de dommage. Nous débattons donc ici d’une mesure qui n’a pas de portée juridique !
Mme Catherine Conconne. Il y a des gens qui sont assurés, madame !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 26 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 17 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- les deux dernières phrases sont supprimées ;
II. – Alinéa 11
Remplacer le mot :
du
par les mots :
d’un
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement se rapporte à une rédaction à laquelle je suis défavorable. J’émets donc logiquement un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après la seconde occurrence du mot :
demande
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dans un délai de six mois à compter de la notification par le représentant de l’État dans le département de la décision rendue dès lors qu’elles produisent des éléments techniques complémentaires dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à préciser que, en cas de refus de leur première demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, les communes disposent d’un délai de six mois pour présenter une nouvelle demande assortie d’éléments techniques complémentaires. C’est très important pour les communes, en particulier pour les petites communes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le réexamen des demandes de reconnaissance rejetées par arrêté existe déjà. Dans le cadre de recours gracieux, des expertises complémentaires peuvent être sollicitées par le ministère de l’intérieur auprès des organismes d’expertise de l’État compétents.
La refonte de la procédure de reconnaissance via une circulaire interministérielle unique abordera de manière pratique et concrète les modalités de ces recours gracieux.
Au fond, votre amendement est déjà satisfait. Par ailleurs, il ne relève pas de la loi. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
Dans chaque département est instituée une cellule de soutien à la gestion des catastrophes naturelles. Elle vise à accompagner, conseiller et assister les maires dans leurs démarches lors de la survenance d’une catastrophe naturelle. Elle est composée de personnalités qualifiées et d’élus locaux, sur proposition des associations d’élus du territoire concerné.
Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont précisées par décret.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Tocqueville, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le chapitre III du titre VI du livre V du code de l’environnement, il est inséré un chapitre III … ainsi rédigé :
« Chapitre III …
« Appui aux collectivités territoriales
« Art. L. 563-…. – Dans chaque département est instituée une cellule de soutien à la gestion des catastrophes naturelles. Elle vise à conseiller et accompagner les maires dans leurs démarches de prévention et de gestion des catastrophes naturelles. Elle est composée de représentants de l’État, de personnalités qualifiées et d’élus locaux désignés sur proposition des associations d’élus du territoire concerné.
« Ses modalités de fonctionnement et sa composition sont précisées par décret. »
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteure pour avis. Le présent amendement vise à intégrer des représentants de l’État au sein des cellules de soutien à la gestion des catastrophes naturelles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cette proposition tend à modifier l’objet des cellules de soutien qui visent aujourd’hui à partager l’expérience entre élus locaux et personnalités qualifiées. Cette rédaction est susceptible d’introduire de la confusion avec les missions du préfet du département et les services de l’État dans le suivi post-crise à l’échelle départementale.
Sur le fond, l’idée de cellules de soutien semble intéressante. Son organisation pratique pose cependant la question de son articulation avec les services de l’État et du préfet du département. J’émets donc un avis défavorable, mais je suis d’accord pour travailler sur le sujet.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Je remercie tous mes collègues pour le consensus qui s’est fait autour de cette proposition de loi. Je salue mon collègue Michel Vaspart, président de la mission d’information, pour son travail. Je remercie notre rapporteure pour avis, Nelly Tocqueville, et tout particulièrement Jean-François Husson, rapporteur de la commission des finances pour avoir retiré un amendement qui causait le plus de soucis.
Madame la secrétaire d’État, vous avez affirmé que vous partagiez l’objectif de soutenir les maires et d’améliorer les outils de prévention ou d’indemnisation. Tels sont exactement les objectifs de cette proposition de loi. La navette, qui je l’espère suivra son cours, pourrait contribuer à améliorer le dispositif. Je vous demande donc de faire en sorte que l’examen de cette proposition de loi, fruit d’un travail très important en amont, puisse être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il est important que ce texte puisse aboutir rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Dans le droit fil de l’intervention de Nicole Bonnefoy, je dirai que c’est un peu la marque du Sénat de savoir trouver des voies de convergence. (Mme Agnès Pannier-Runacher sourit.)
Cela vous fait peut-être sourire, madame la secrétaire d’État, mais nous attachons de l’importance au travail que nous fournissons et à la capacité d’écoute. Nous avons une fois de plus fait la preuve que nous savons changer de position pour faire progresser la réflexion !
Nous l’avons rappelé dans la discussion générale, un Français sur quatre est concerné par ce dispositif. Par ailleurs ce ne sont pas toujours les mêmes qui trinquent. Il reste donc un vrai travail à faire. C’est d’autant plus intéressant que nous nous situons ici entre la couverture de risques pris en charge en grande partie par le secteur privé assurantiel et les catastrophes naturelles, qui sont extra-assurantielles et relèvent du rôle de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que nous sommes à deux ou trois minutes maintenant de ne pas pouvoir voter l’autre proposition de loi inscrite à l’ordre du jour d’aujourd’hui.
La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Je serai bref, monsieur le président. Je souhaitais également remercier Jean-François Husson d’avoir retiré son amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. À mon tour de remercier M. Michel Vaspart, président de la mission d’information, Mmes Nicole Bonnefoy et Nelly Tocqueville. Je suis également très reconnaissant à notre collègue rapporteur de la commission des finances d’avoir retiré son amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents, moins une abstention. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures douze.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Droits sociaux des travailleurs numériques
Rejet d’une proposition de loi modifiée
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques, présentée par Mmes Monique Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 155, résultat des travaux de la commission n° 227, rapport n° 226).
Mes chers collègues, comme je l’ai indiqué précédemment, je serai obligé de lever la séance au bout des quatre heures de temps global accordé au groupe socialiste et républicain, soit très précisément à vingt heures trente-sept. Chacun va donc devoir y mettre du sien.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi.
Mme Monique Lubin, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, je tiens avant tout à remercier notre rapporteure, Nadine Grelet-Certenais, de la grande qualité de son travail sur la présente proposition de loi dont elle est co-autrice.
« Uber est le symbole d’un changement social irréversible » déclarait en 2015 son directeur général. C’est en tout cas ce que cette plateforme numérique et ses pareilles veulent nous faire croire. Ce faisant, elles prétendent nous imposer un nouveau contrat social avec lequel nous ne sommes pas d’accord.
Ce contrat présuppose notamment que le droit du travail soit soumis aux impératifs d’un certain type de modèle économique ou puisse être contourné par tout moyen possible, y compris par le biais du subterfuge numérique.
Pour notre part, au groupe socialiste et républicain, nous rappelons que notre organisation sociale repose sur un dogme juridique, porteur de valeurs. Ces valeurs, dont nous avons fait le choix, avec le Conseil national de la Résistance, ont présidé à la formalisation de notre ordre social et économique.
L’article 1er de notre Constitution dispose ainsi : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Elle est donc sociale !
Il n’y a pas de fatalité à subir les failles de notre système ni les choix d’acteurs ultralibéraux quand ils minent ce modèle et en remettent en cause les fondamentaux. Ces fondamentaux sont pourtant mis à mal par un type d’intermédiation qui a émergé avec l’économie 2.0.
L’intervention d’un tiers dans la relation salariale traditionnelle, qui unit de manière directe le salarié et son employeur, a été longtemps interdite en France. Il s’agissait d’empêcher les pratiques de marchandage ou les prêts de main-d’œuvre lucratifs par lesquels des intermédiaires s’immisçaient pour « revendre » le travail des ouvriers. Ce n’est qu’à partir de 1972 que cet interdit a été levé. L’intermédiation s’est en effet révélée prometteuse pour répondre aux défis de l’emploi.
S’il ne s’agit pas encore d’un phénomène massif dans notre pays, l’utilité des acteurs de l’intermédiation est démontrée. Celle-ci permet, par exemple, la mise en place de nouvelles formes de protection de travailleurs victimes de précarité dans le cadre de leur expérience professionnelle ; les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) en font partie. Toutefois, cette logique est dévoyée par des entreprises qui ont conçu un modèle de plateformes numériques exposant les travailleurs à la précarité. Ces entreprises font le choix d’organiser leur modèle économique autour de l’utilisation d’algorithmes, qui rebattent les cartes du secteur de l’intermédiation. Elles se sont structurées de façon à tirer profit des failles d’un système de protection sociale qui se veut protecteur des travailleurs.
Le recours abusif aux auto-entrepreneurs et l’utilisation d’algorithmes sont les moyens favorisant l’exploitation de ces failles. Cela exempte ces organisations du versement de cotisations sociales, alors même que leur modèle économique est si peu viable que le paiement de salaires en bonne et due forme les mènerait à la banqueroute…
Le récit de la révolution numérique et des nouveaux mondes que celle-ci ouvrirait vient achever l’opération de camouflage d’une entreprise prosaïquement opportuniste et niant les droits des travailleurs.
Ce subterfuge numérique, c’est l’invocation incantatoire des intelligences artificielles, qui remplaceraient le travailleur humain. Pourtant, derrière ces intelligences artificielles, ce sont des individus qui travaillent, trop souvent dans la précarité et pour des missions mal payées.
Ce subterfuge, c’est aussi le recours, par les plateformes dominantes, à la poudre aux yeux des algorithmes. La responsabilité de la détermination des conditions de rémunération des travailleurs et la contractualisation entre ces derniers et les plateformes sont abandonnées à ces algorithmes. Ces derniers sont l’expression d’une politique délétère de gestion des ressources humaines qui se déploie en toute opacité. Ils génèrent des conditions de travail instables et une rémunération volatile, sources de souffrance au travail.
Si l’activité des plateformes qui y recourent s’inscrivait dans l’esprit de notre République sociale, ces conditions seraient établies dans des contrats à même d’offrir de la prévisibilité aux travailleurs. Or tel n’est pas le cas ; les travailleurs concernés sont exposés à une relation commerciale structurellement inégalitaire.
Auto-entrepreneurs et micro-entrepreneurs sont dépouillés de leur droit à négocier les conditions dans lesquelles ils effectuent leurs prestations ainsi que leurs rémunérations.
Je parle des professionnels qui ont voulu faire le choix de l’autonomie, des livreurs de Deliveroo aux chauffeurs d’Uber. Une partie d’entre eux ne veut pas revenir dans le cadre protecteur du salariat, jugé trop contraignant. Ces travailleurs se trouvent pourtant aujourd’hui, contre leur gré, dans une situation de dépendance et de subordination de fait, situation qui, justement, définit la condition salariale. Dépouillés de leurs droits sociaux, ils n’ont cependant ni les avantages ni la protection de l’indépendance.
Ils sont pourtant combatifs ; ils ont su, malgré leurs contraintes professionnelles, faire émerger une problématique jusque-là méconnue. Nous les remercions pour leur rôle de lanceurs d’alerte ; ils donnent à la société l’occasion de se saisir d’une situation d’injustice et de mettre fin à des pratiques entrepreneuriales qui représentent un danger pour notre société.
Je pense aux chauffeurs de VTC, qui peuvent être victimes de déconnexions abusives ; un chauffeur peut en effet être radié, de manière arbitraire, de l’application qui lui permet de gagner son pain, sans recours possible. Les livreurs à vélo connaissent le même type de problèmes, et le tableau de leur situation est noirci par le caractère dangereux de leurs missions. En effet, évoluant en milieu urbain, ils sont vulnérables et incités à prendre des risques par un management qui fait fi de l’humain.
Ces plateformes ne font donc rien de moins que de remettre au goût du jour le tâcheronnage, en le revêtant des habits scintillants du progrès technique et des mirages numériques.
Pour l’instant, le capitalisme de plateformes n’a pas permis de servir l’intérêt général. Le travail que nous avons mené sur le sujet nous a au contraire conduits à la conclusion opposée.
Peu de sphères de notre société pourraient se targuer d’être à l’abri des bouleversements induits par ce nouveau type d’organisation économique. De très nombreux secteurs de notre économie de service sont susceptibles d’être « ubérisés », selon le terme désormais consacré. Il n’est pas un secteur qui ne soit susceptible de faire l’objet de cette révolution délétère.
Face à ce constat, nous avons tiré des conclusions. Nous considérons que la société ne doit pas fermer les yeux sur le détournement de son système de protection sociale à des fins privées, mettre à bas les droits des travailleurs, ni piller les caisses de la sécurité sociale pour garantir à des entreprises une viabilité qui n’est nullement acquise.
Certes, en France, comme à travers le monde, la justice a été saisie à plusieurs reprises pour mettre fin à des situations d’abus caractérisé. Ainsi, Deliveroo est en butte en France à des actions de ses livreurs, qui contestent un changement de tarification opéré en juillet.
Par ailleurs, la Cour de cassation a décidé, en novembre 2018, de requalifier en contrat de travail le contrat commercial d’un ancien livreur de Take Eat Easy, société aujourd’hui liquidée. À la suite de cet arrêt, tous les chauffeurs ou livreurs auto-entrepreneurs se sont trouvés en mesure de demander une requalification de leur contrat commercial en CDI, la requalification des salariés déguisés en salariés de plein droit étant rétroactive.
Les plateformes se sont trouvées confrontées au risque de devoir verser des cotisations sociales qu’elles n’avaient sans doute pas provisionnées. Les conséquences financières de cette décision sont potentiellement énormes, notamment au profit de l’Urssaf.
L’une des réactions des plateformes à ces décisions consiste en la mise en place de mesures qui ne valent que par leur effet d’annonce. Deliveroo a ainsi annoncé, en octobre 2019, la mise en place, pour ses livreurs, en France, d’une assurance maladie complémentaire des indemnités journalières de la sécurité sociale. Il s’agit, selon les principaux intéressés, d’un simple effet d’annonce…
Les recours juridictionnels et le droit existant nous paraissent donc insuffisants pour faire face à la nature et à l’ampleur des bouleversements qu’est susceptible d’induire l’économie de plateforme, d’autant que nous sommes confrontés à une démarche gouvernementale visant à exempter les entreprises de leurs devoirs en tant qu’employeurs. Je fais ici référence à l’inscription par le Gouvernement de chartes facultatives dans la loi Mobilités, qui disposait, dans son article 20, que les plateformes de livraison peuvent instaurer de telles chartes, qui seraient porteuses de droits sociaux. Cette parade vise à soustraire les plateformes à d’éventuelles requalifications des contrats des travailleurs indépendants en salariat.
Le groupe socialiste et républicain, emmené notamment par mon collègue Olivier Jacquin, coauteur de la présente loi, s’y est opposé, et cela n’a pas été, pour nous, une mince satisfaction que d’apprendre la censure partielle de cette charte par le Conseil constitutionnel.
Ainsi, nous proposons une réponse législative dédiée à cette problématique, mais il n’est pas question d’infléchir le droit du travail pour donner à des entreprises au modèle économique non rentable accès à des travailleurs bénéficiaires de droits au rabais et, donc, moins coûteux. Par conséquent, face à un dévoiement des dispositifs d’intermédiation, nous prenons le parti de promouvoir un modèle vertueux d’intermédiation, par le biais du recours aux coopératives d’activité et d’emploi.
La présente proposition de loi énonce ainsi que les plateformes numériques devront dorénavant recruter au travers soit du statut de salarié, soit de celui d’entrepreneur salarié d’une CAE. Il s’agit de réaffirmer des valeurs profondément progressistes de défense du droit du travail et de la citoyenneté sociale des travailleurs. C’est aussi pour nous l’occasion de mettre en valeur le modèle coopératif, qui repose sur la propriété collective d’un outil de production et sur la participation démocratique des coopérateurs aux décisions de l’organisation. Ce modèle résout le problème de l’indépendance, revendiquée par les travailleurs numériques ou, en tout cas, par leurs « représentants ».
L’entrepreneur salarié dispose des mêmes protections sociales qu’un salarié et d’un accompagnement de la coopérative pour la gestion administrative. En ce qui concerne son salaire, il reçoit une rémunération composée d’une part fixe versée mensuellement et d’une part variable calculée en fonction du chiffre d’affaires de son activité, après déduction des charges directement liées à celle-ci et de sa contribution relative aux services mutualisés proposés par la coopérative.
La présente proposition de loi constitue par conséquent une réponse législative sans ambiguïté face à la tentative des plateformes de contourner notre droit social conquis de haute lutte. Elle s’inscrit en défense du modèle social français.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Grelet-Certenais, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Monique Lubin, que j’ai cosignée avec les membres du groupe socialiste et républicain, vise à rétablir les droits sociaux dont un nombre croissant de travailleurs sont privés, du fait du développement de l’économie des plateformes. En effet, si le numérique est porteur de nombreuses opportunités, il peut aussi représenter, pour notre cohésion sociale, une menace contre laquelle il est indispensable que les pouvoirs publics interviennent.
Les différents travaux lancés au Sénat sur le sujet témoignent de la prise de conscience de cette nécessité. Si la commission des affaires sociales n’a pas adopté de texte, elle a reconnu l’importance de cette question et elle a partagé certains constats.
L’apparition et le développement d’entreprises proposant de mettre en relation des travailleurs indépendants et des consommateurs via des applications numériques représentent l’une des évolutions majeures du marché du travail depuis les années 2010. Si chacun a en tête les voitures de transport avec chauffeur et la livraison de repas, ce phénomène touche un nombre sans cesse croissant de secteurs : métiers du numérique, services à la personne, hôtellerie-restauration et jusqu’aux micro-tâches extrêmement parcellisées confiées à des « travailleurs du clic ». L’économie des plateformes concerne potentiellement un périmètre très large.
Les informations sur la taille de cette économie restent toutefois, à ce jour, très incomplètes. L’estimation la plus répandue fait état d’environ 200 000 travailleurs actifs, à plein temps ou de manière plus ponctuelle. Il n’en reste pas moins que ce phénomène, de plus en plus visible, est révélateur d’une tendance inquiétante, dont la comptabilisation paraît constituer un enjeu en soi.
Le développement des plateformes numériques de mise en relation vient à rebours d’une longue dynamique créatrice de droits. En effet, le mode de fonctionnement de ces plateformes consiste, en s’abritant derrière une indépendance parfois purement formelle, à s’affranchir des obligations que le code du travail impose aux employeurs vis-à-vis de leurs salariés, tout en éludant largement la participation au financement de notre système de protection sociale. Elles s’appuient pour cela sur les avantages fiscaux et sociaux et sur la simplicité du régime de la micro-entreprise, ainsi détourné de sa finalité initiale.
Pour les travailleurs, l’illusion d’une autonomie et d’une liberté, ainsi que la préférence à court terme pour une rémunération plus élevée, se traduit en fait par une protection faible, voire inexistante, contre les risques d’accident du travail et de perte d’emploi, et par une absence de droits face au réel donneur d’ordres, notamment en matière de durée du travail. Ainsi, on peut voir dans le développement de l’économie numérique l’émergence d’une nouvelle forme de tâcheronnage.
Ce phénomène ne doit pas être considéré isolément. Il s’agit du dernier avatar de la flexibilisation des rapports de travail, qui accentue la polarisation du marché du travail et ouvre la voie à une « hyper-précarisation » de certaines populations.
Face à cette situation, le législateur a, jusqu’à présent, cherché à conférer aux travailleurs des plateformes des embryons de droits, dont une grande partie repose sur le bon vouloir des plateformes. Avec l’entrée en vigueur de la loi d’orientation des mobilités, les plateformes de VTC et de livraison ont désormais la possibilité d’établir unilatéralement une charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de leur responsabilité sociale. Le Conseil constitutionnel, en censurant une partie de ces dispositions dans sa décision du 20 décembre dernier, a estimé que le législateur était allé trop loin dans l’abandon aux plateformes de l’exercice de sa compétence.
Cette démarche témoigne à mon sens d’une timidité des pouvoirs publics à l’égard des opérateurs de plateforme qui n’a pas lieu d’être, s’agissant de défendre une certaine conception de notre modèle social.
En outre, cette ébauche de cadre est source d’insécurité juridique, comme le prouve la jurisprudence récente de la Cour de cassation – le fameux arrêt Take Eat Easy du 29 novembre 2018 – établissant que les conditions dans lesquelles certaines plateformes se comportent à l’égard de leurs « partenaires » permettent d’établir l’existence d’un lien de subordination.
D’autres pays ont eu plus de courage ; je pense à la loi adoptée en septembre dernier par l’État de Californie, berceau des plateformes, qui soumet au respect de conditions rigoureuses l’emploi de travailleurs indépendants.
Cette proposition de loi adopte donc une démarche toute différente : son article unique remplace l’ensemble des dispositions de la septième partie du code du travail applicables aux travailleurs des plateformes par une règle simple, qui renvoie à des statuts préexistants et protecteurs au lieu de laisser prospérer un « tiers statut » incomplet. Il s’agit d’imposer aux plateformes d’avoir recours soit à des salariés directement, soit à des entrepreneurs salariés adhérant à une coopérative d’activité et d’emploi.
Ces CAE sont apparues dans les années 1990 et ont été consacrées par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Il s’agit d’une forme originale de coopérative qui permet de concilier entrepreneuriat individuel et protection sociale.
En effet, cette loi, dite « Hamon », a introduit dans la septième partie du code du travail un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée : le contrat d’entrepreneur salarié et associé. Le titulaire de ce contrat a un statut hybride susceptible de répondre aux besoins d’autonomie et de protection des travailleurs de plateformes : vis-à-vis des clients, l’entrepreneur salarié est un entrepreneur indépendant ; vis-à-vis de la coopérative, il est un salarié à part entière.
Au-delà d’un statut, la CAE apporte au travailleur, en échange d’une contribution financière, un accompagnement dans son projet, des services mutualisés ainsi qu’un cadre collectif. Si elles restent méconnues, les CAE sont en plein développement. Certaines régions ainsi que des départements ont été des soutiens importants de leur constitution.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la lignée d’expériences conduites en France et en Europe qui visent à promouvoir un modèle alternatif en s’appuyant sur un fonctionnement coopératif.
D’une part, à côté des plateformes de type capitalistique, d’autres types de plateformes émergent, parfois regroupées sous l’intitulé de « coopérativisme de plateforme ». Elles sont encore peu nombreuses en France, mais elles peuvent réussir, en se positionnant sur des niches que n’occupent pas, pour le moment, les grandes plateformes.
D’autre part, l’idée de l’entreprise porteuse coopérative proposant aux travailleurs opérant sur les plateformes un statut de salarié tout en les laissant autonomes dans l’organisation de leur profession a directement inspiré la présente proposition de loi.
Il existe à ce jour un précédent en Europe : l’expérience menée par la coopérative Smart, en Belgique, entre 2013 et 2017, auprès de coursiers à vélo. Cette expérience a permis de montrer qu’un tel modèle, très proche de celui de la CAE, pouvait aboutir à des résultats, en donnant à des travailleurs organisés sous forme de coopérative un pouvoir de négociation face aux plateformes. Elle a par ailleurs fourni de précieuses informations sur l’accidentologie des coursiers à deux-roues, confirmant le caractère particulièrement exposé de cette activité.
L’objet de cette proposition de loi est donc non pas de sécuriser économiquement et juridiquement le modèle délétère promu par les plateformes, mais bien de promouvoir un modèle susceptible de répondre à la recherche d’autonomie des travailleurs, tout en offrant à ceux-ci un soutien juridique, une inscription dans un collectif et une protection sociale appropriée.
Néanmoins, la commission des affaires sociales a considéré que les problématiques soulevées par le développement de l’économie des plateformes ne pouvaient trouver de réponse unique, en raison notamment de la diversité des acteurs et des situations, et que le salariat ne correspondait pas nécessairement aux aspirations de ces travailleurs. Elle n’a donc pas adopté la proposition de loi.
Vous comprendrez que, à titre personnel, je le regrette ; tous les travailleurs devraient bénéficier d’une protection sociale digne de ce nom, y compris ceux qui ne le demandent pas.
La commission a confié en septembre dernier à Michel Forissier, Catherine Fournier et Frédérique Puissat une mission d’information, qui doit rendre ses conclusions au printemps. Cette mission se poursuivra donc, enrichie des réflexions et des débats menés dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, étant entendu que nous visons tous le même but : la protection des travailleurs.
À titre personnel, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte que la commission des affaires sociales a rejeté.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je veux d’abord vous remercier, monsieur le président, d’avoir accepté que je parle du banc des ministres, compte tenu de l’état de mon pied accidenté.
M. le président. C’est normal !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame l’auteure de la proposition de loi, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l’essor de l’économie des plateformes numériques de mise en relation de travailleurs avec les consommateurs est l’une des évolutions les plus importantes du marché du travail depuis une dizaine d’années, en France, en Europe et dans le monde. L’impact en est fort, d’un point de vue économique, social et territorial, et ce sujet est d’autant plus complexe qu’il y a une grande variété de structures et une multiplicité d’acteurs, qui ont des aspirations très diverses.
Notre conviction est qu’il n’y a pas de solution unique pour répondre à tous les défis de la construction d’une économie des plateformes financièrement soutenable, techniquement innovante et socialement responsable, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne doive pas être socialement responsable. Or que prévoit votre proposition de loi ?
D’abord, d’un point de vue légistique, elle supprime l’ensemble des dispositions du titre IV du livre III du code du travail ; il s’agit de la partie dédiée aux travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique. Je rappelle que cette partie du code du travail a été créée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et qu’elle a été complétée, très récemment, par la loi d’orientation des mobilités.
Ensuite, vous proposez de remplacer l’ensemble de ces dispositions par un article unique, tel qu’il est rédigé dans l’article unique de votre proposition de loi. Cet article créerait, pour les travailleurs non salariés recourant aux plateformes, l’obligation d’exercer leur activité en tant qu’entrepreneurs salariés ou qu’associés d’une coopérative d’activité et d’emploi.
Votre proposition de loi, cela a été souligné lors de l’examen en commission, présente une double difficulté.
En premier lieu, en créant une obligation générale, elle ne prend en compte ni la diversité des aspirations des travailleurs qui recourent aux plateformes ni la spécificité du projet porté par les coopératives d’activité et d’emploi. En effet, le champ des travailleurs des plateformes, tel que défini dans la proposition de loi, est très large, puisqu’il comprend tous les types de plateformes numériques, indépendamment de leur degré d’intervention dans les conditions d’exercice de l’activité.
Or les utilisateurs des plateformes ne sont pas tous des travailleurs précaires ou des auto-entrepreneurs qu’il faudrait accompagner dans le lancement de leur activité. Certains sont des travailleurs en « free-lance » – pour le dire en bon français (Sourires.) – très qualifiés ou des travailleurs indépendants bien installés, qui recourent aux plateformes pour trouver des clients ; adhérer à un projet coopératif ne répond pas forcément à leurs aspirations. Leur couverture sociale, qui pourrait, certes, être améliorée, correspond à celles des autres travailleurs indépendants et pose, plus largement, la question de la convergence de nos systèmes de protection sociale, ce que nous sommes en train de faire à propos des retraites.
À l’autre bout du spectre, certains travailleurs ne recourent aux plateformes que de manière occasionnelle, comme revenu d’appoint ; ce sont des étudiants ou des salariés qui recherchent un complément de revenu.
De la même manière, ce ne sont pas des entrepreneurs qu’il convient d’accompagner dans le lancement d’une activité, ce qui est l’objet même des CAE auquel vous proposez de recourir systématiquement.
En second lieu, faire des coopératives un simple outil d’accès à la protection sociale via le statut de salarié revient à en détourner l’objet. Les CAE sont des outils intéressants d’accompagnement d’auto-entrepreneurs dans le lancement de leur activité ; elles n’ont pas pour vocation de devenir un système de protection sociale dans la durée. Ces coopératives ne fonctionnent que grâce à un fort dynamisme entrepreneurial et territorial, et elles impliquent l’adhésion des membres au projet porté. Le principe de l’obligation va à l’encontre de cet esprit d’adhésion.
Cela dit, il y a d’autres voies possibles pour améliorer la protection sociale de ces travailleurs indépendants. Depuis 2016, le législateur s’est efforcé de construire la responsabilité sociale des plateformes. Des progrès importants ont été acquis pour ces travailleurs, en matière d’accident du travail, de formation ou de droit d’action collective.
Ainsi, la loi d’orientation des mobilités ainsi que la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ont notamment défini des règles d’alimentation du compte personnel de formation. Je rappelle par ailleurs que la loi sur les mobilités a mis en place le droit à la déconnexion et la transparence du prix des courses, pour les plateformes électroniques de mise en relation avec des VTC ou des coursiers.
Quant aux chartes, homologuées par l’administration, elles ont vocation à inciter les plateformes à être plus transparentes sur leurs engagements sociaux et à leur laisser la possibilité d’aller plus loin.
Enfin, sur le volet du dialogue social, des débats parlementaires avaient en effet fait émerger la nécessité d’organiser une meilleure représentation de ces travailleurs, afin de garantir à ceux-ci l’existence d’un dialogue équilibré avec les plateformes numériques, et de leur permettre ainsi de contribuer à la détermination de leurs conditions de travail. C’est précisément l’objet de l’ordonnance prévue à l’article 48 de la loi d’orientation des mobilités. D’ailleurs, dans la perspective de l’élaboration de cette ordonnance, le Gouvernement a confié, hier, une mission à M. Jean-Yves Frouin, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui sera accompagné d’experts pour travailler sur ce sujet.
De façon générale, les travailleurs des plateformes posent la question de l’amélioration de la protection sociale des indépendants et celle de l’universalité de notre système de protection sociale. Plusieurs pas ont été faits ; j’en citerai deux : depuis janvier 2019, les travailleuses indépendantes, chefs d’entreprise et conjointes collaboratrices bénéficient des mêmes prestations de maternité que les salariées et, depuis le 1er novembre 2019, les travailleurs indépendants ont droit à l’assurance chômage, sans cotisation supplémentaire.
Le Gouvernement vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter cette proposition de loi, mais je ne doute pas que nous aurons l’occasion de nous retrouver prochainement sur le sujet du droit social applicable aux travailleurs indépendants économiquement dépendants, puisqu’il fait l’objet depuis septembre dernier de la mission d’information, menée par Mmes Catherine Fournier et Frédérique Puissat et par M. Michel Forissier, rapporteurs d’ailleurs de la loi sur l’avenir professionnel. Je profite de l’occasion pour les saluer.
M. le président. Mes chers collègues, j’ai fait mes calculs ; si chaque orateur de la discussion générale renonce à une ou deux minutes de son temps de parole, nous pourrons terminer l’examen de cette proposition de loi dans le temps imparti. Sans cela, ça ne passera pas…
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit ce soir est majeur.
Madame la ministre, j’y reviendrai plus tard, mais j’ai été effaré de ce que vous avez indiqué sur la situation des travailleurs des plateformes. Franchement ! Vous avez quand même évoqué Deliveroo et Uber, et, vous le savez – nous le savons tous –, il ne s’agit pas d’un problème concernant une poignée de travailleurs. Tous ceux qui ont vu le film de Ken Loach, qui témoigne magistralement des méfaits de l’ubérisation, voient bien de quoi je parle : cela dépasse les seuls travailleurs des plateformes. Il s’agit de l’idée selon laquelle le travail doit donner, dans notre société, accès au statut protecteur de l’emploi, et je ne vous ai pas entendue le dire. Il s’agit aussi de l’idée selon laquelle nous devons tous – citoyens et travailleurs, mais aussi entreprises – être égaux devant la loi.
Le modèle sur lequel reposent les plateformes numériques de travail représente un danger pour notre modèle social, en raison de l’extrême paupérisation qu’il provoque, madame la ministre ; j’avoue que j’ai été scotché de ne pas entendre un mot à ce sujet. Je vous ai attentivement écoutée, et vous avez dit qu’il fallait « améliorer » la protection sociale des travailleurs des plateformes… Mais ils n’en ont pas, madame la ministre ! Ou quasiment pas ! Allez donc voir par vous-même !
Ce phénomène constitue aussi un danger pour notre modèle économique. En effet, nos TPE, nos PME, nos artisans et nos petits commerçants subissent la concurrence déloyale des plateformes, qui ne respectent ni le droit commercial – vous ne l’avez pas indiqué –, ni le droit du travail, ni la protection sociale.
Il est donc nécessaire et urgent d’intervenir, avec tout le sérieux et toute la rigueur que cette question mérite, au regard de ses nombreux enjeux et de ses implications.
Néanmoins, je le dis, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste craint que la proposition de loi que nous examinons ne réponde pas à cette impérieuse exigence. Ainsi, nos collègues socialistes le verront, si nous avons voté pour la proposition de loi précédente et pour de nombreux amendements s’y rapportant, nous aurons une autre attitude sur ce texte, parce que nous trouvons que son approche est trop lacunaire – je le dis avec sincérité, avec authenticité – et même un peu maladroite sur certaines questions.
En effet, le texte de cette proposition de loi fait référence à la notion de plateforme « de mise en relation par voie électronique ». Cette expression n’est d’ailleurs pas étonnante, puisque ce sont les termes de la loi El Khomri servant à désigner les plateformes comme Uber et Deliveroo. D’ailleurs, cette loi a permis à ces acteurs de faire totalement ce qu’ils voulaient. En effet, elle visait à faire croire que ces plateformes n’étaient que des intermédiaires, de simples outils de mise en relation, et qu’elles n’avaient donc pas à appliquer la législation pour les chauffeurs et les coursiers. En réalité, nous avons bien affaire à des plateformes de travail. La Cour de justice de l’Union européenne a d’ailleurs, depuis lors, confirmé cette analyse : la mise en relation n’est que l’accessoire de l’activité principale de ce type de plateformes, qui ne peuvent prétendre se présenter comme de simples plateformes de mise en relation.
Cela dit, il existe de vraies plateformes de mise en relation entre des clients et des indépendants. C’est pourquoi il faut faire la clarté sur ces questions, car les plateformes dont nous parlons n’ont pas vocation à donner davantage de visibilité à des entrepreneurs sur le marché. Or cette proposition de loi, en se référant à la notion de plateforme « de mise en relation », nous semble se tromper de cible. C’est grave. Nous avons bien compris qu’il est proposé, au travers d’un amendement, de préciser les conditions, mais cela ne suffira pas à nous faire approuver le texte.
Prenons des exemples simples : les créatrices de bijoux qui proposent leurs produits sur la plateforme Etsy, pas du tout concernées par notre sujet ; l’artiste peintre qui expose certaines de ses toiles sur la plateforme Singulart ; ou encore le free-lance qui choisit des missions dans son domaine professionnel via la plateforme Malt. Allons-nous forcer toutes ces personnes, qui élargissent leur clientèle par ce biais, à endosser la qualité, très inadéquate pour eux, de salarié ? Allons-nous forcer des plateformes qui ne sont pas coupables de fraude, d’infraction à la loi ou de concurrence déloyale à changer leur forme sociale pour devenir des coopératives d’activité économique au seul motif qu’elles sont numériques ? Nous pensons donc que, en l’état, ce texte constitue une entrave injustifiée à la liberté d’entreprendre et un dévoiement du statut salarial.
À propos de dévoiement, le texte prévoit en outre comme seule échappatoire à un statut salarial forcé la coopérative d’activité et d’emploi.
Tout d’abord, pour ce qui concerne l’organisation en coopérative, n’inventons pas l’eau chaude, mes chers collègues ; des coopératives éthiques et démocratiquement gérées existent déjà pour les travailleurs des plateformes. Je pense, par exemple, à CoopCycle, mais on peut aussi citer les coursiers de Bordeaux, de Nantes, de Lyon ou de Toulouse. Néanmoins, ces coopératives sont nées de la volonté des travailleurs de s’unir. Imposer cette forme sociale présenterait le danger de dévoyer le projet des coopératives d’activité et d’emploi et de leur faire perdre en pouvoir et en démocratie. Il y a donc là une erreur.
En outre, cela reviendrait à les forcer au portage.
Nous n’allons donc pas voter cette proposition de loi, même si nous voterons l’amendement, parce qu’il tend à rectifier un peu le tir en déterminant plus précisément les plateformes visées ; il s’agit notamment d’indiquer qu’elles fixent les prix des prestations.
Madame la ministre, je ne suis pas spécialement de mauvaise humeur ce soir (Sourires sur les travées du groupe CRCE.), mais avez-vous suivi l’évolution des logiciels et des algorithmes déterminant les courses, les conditions de travail, les trajets, la rémunération des travailleurs de Deliveroo, d’Uber et des autres ? Mais ce sont les Canuts du XXIe siècle ! Vous connaissez les rémunérations, le nombre d’accidents ?
M. le président. Il faut conclure, car vous êtes en train de dépasser votre temps de parole !
M. Pascal Savoldelli. Nous voterons donc pour l’amendement, mais nous pensons qu’il faut poursuivre ce travail. Nous avions d’ailleurs soumis une proposition à l’ensemble des groupes, en déposant un texte le 13 septembre dernier, mais nous avons été étonnés du silence radio qui a suivi, y compris de la part de nos collègues socialistes. C’est dommage ; on aurait pu avoir un texte complet, que nous aurions pu voter ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. J’avais suggéré de lâcher un peu de temps, non d’en prendre un peu plus…
La parole est à M. Claude Malhuret. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la croissance de nombreuses plateformes numériques témoigne de l’appétence de certains de nos concitoyens pour l’ubérisation. Ce phénomène peut avoir des avantages : il introduit plus de concurrence dans des domaines qui en étaient parfois trop protégés et les consommateurs bénéficient, dans certains cas, de services de meilleure qualité à des prix plus compétitifs. Toutefois, cette nouvelle économie présente parfois une dimension plus sombre, une dimension où l’entrepreneur n’est entrepreneur que sur le papier, tandis que, dans les faits, il est sous la dépendance d’un client qui n’est autre que son donneur d’ordre.
Le groupe Les Indépendants partage les préoccupations que soulève la situation d’une partie des entrepreneurs de la nouvelle économie. Nous observons en effet que certaines relations commerciales constituent en réalité des relations salariales, comme en témoignent plusieurs décisions de jurisprudence.
La solution qui nous est proposée est simple, mais elle est peut-être trop simple. Il faudrait que tous les actifs rentrent dans la case du salarié ; à gauche, on propose l’entrepreneur salarié, encore plus à gauche, le salariat pur et simple, mais les situations des actifs sont parfois trop diverses pour correspondre à un seul statut.
La présente proposition de loi consiste à rendre obligatoire, pour les travailleurs recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes numériques, d’être soit salariés de cette plateforme, soit entrepreneurs salariés ou associés d’une coopérative d’activité et d’emploi. Cette solution nous paraît problématique à plus d’un titre.
D’abord, parce que la loi qui régit les coopératives dispose, en son article 1er, que « La coopérative est une société constituée par plusieurs personnes volontairement réunies ». Ainsi, la création ou l’intégration d’une coopérative, comme de toute société, repose sur le consentement des intéressés. L’obligation, même proposée dans un but de protection des actifs concernés, nous semble contraire au principe de la coopérative.
Une autre difficulté est soulevée par le périmètre de la proposition de loi que nous examinons : celui-ci ne concerne que les plateformes de mise en relation par voie électronique. Il nous semble que le problème posé par une relation commerciale qui dégénère en relation de dépendance, voire en salariat, est un problème plus large, qui ne peut être réduit à ces seules plateformes numériques.
Enfin, cette solution viendrait alourdir un peu plus encore le marché de l’emploi. Les plateformes du numérique ont beaucoup de torts, mais il faut leur reconnaître qu’elles ont démontré à ceux qui en doutaient que le coût du travail salarié en France est un véritable frein à l’emploi.
La protection sociale des travailleurs n’est évidemment pas une aberration à nos yeux. Pour nous, l’aberration est de conditionner la protection sociale au statut des individus. Nous souhaiterions voir l’émergence d’un système de protection sociale unifiée – oserais-je dire « universel » ? –, dans lequel chaque actif cotiserait sans considération de son statut. Il nous semble équitable que le travail donne lieu au même niveau de protection sociale, peu importe la forme sous laquelle il est effectué. Un tel système ne saurait cependant s’imposer à ceux qui ne le souhaitent pas, lesquels devraient pouvoir rester libres de s’en affranchir et recourir à d’autres moyens de financement de leur protection sociale.
Le problème soulevé par cette proposition de loi est aussi celui de la dépendance économique. En effet, ce que rencontrent les entrepreneurs individuels, les TPE et les PME le rencontrent aussi : ce sont les pratiques anticoncurrentielles, les abus de position dominante ou encore les ruptures brutales de relations commerciales. La très grande majorité des entreprises françaises sont des TPE et PME. Elles sont dynamiques, innovantes ; elles sont une chance pour notre pays. Cependant, elles sont, comme les auto-entrepreneurs, susceptibles de tomber sous le joug de la dépendance économique d’un donneur d’ordre.
C’est à la puissance publique qu’il échoit de déterminer et de faire respecter les règles de la concurrence. Cette concurrence doit être loyale et effective, afin de refléter les intérêts de chacun des acteurs. C’est elle qui permet aux petits entrepreneurs de ne pas se retrouver en situation de dépendance économique.
La proposition de loi soulève donc un double problème : celui de la protection sociale des travailleurs et celui de la dépendance économique. Il n’est pas résolu en l’état actuel du présent texte, mais il faut reconnaître à celui-ci le mérite d’aborder les difficultés des petits entrepreneurs.
Les difficultés sont réelles, mais les régler nécessitera probablement un changement plus profond de notre modèle. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – MM. Jackie Pierre et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les plateformes numériques mettent en relation les consommateurs et les travailleurs indépendants. Elles ont ainsi fait émerger une nouvelle forme d’organisation du travail, qui bouleverse le fondement même que nous lui connaissons actuellement. Nous constatons en effet une organisation plus déshumanisée, puisqu’elle est gérée et fondée sur des algorithmes, des taux de marge très faibles et une flexibilité des heures de travail très large.
C’est pourquoi, consciente de ce nouveau schéma, la commission des affaires sociales a créé une mission d’information relative au « droit social applicable aux travailleurs indépendants économiquement dépendants ». Le 3 juillet 2019, le président Alain Milon nous nommait, Frédérique Puissat, Michel Forissier et moi-même, rapporteurs de cette mission. Nos travaux ont commencé en septembre dernier, et les conclusions doivent être rendues au printemps.
Comme son nom l’indique, notre mission est amenée à étudier ce sujet dans son ensemble. Ce champ comprend notamment le droit du travail, le traitement social et la protection sociale des travailleurs concernés. Plus généralement, comme l’a dit mon collègue, cette mission pourrait être l’occasion d’une réflexion sur les enjeux actuels du statut d’indépendant.
Avec tout le respect que je dois à votre travail, chers collègues, la proposition de loi que vous avez déposée le 28 novembre 2019 aborde ce sujet de façon trop simple et trop arbitraire. La complexité du dossier justifie que l’on y consacre une réflexion plus aboutie.
Sur la forme, évalué à 1 % de la population active, le nombre exact de travailleurs est difficile à estimer : l’activité peut être totale, secondaire ou même d’appoint. Il est tout aussi complexe de connaître avec précision les rémunérations, puisque certains opèrent sur plusieurs plateformes. Les statistiques relatives aux travailleurs des plateformes sont difficiles à trouver et donc à exploiter.
De plus, tous les modèles de plateformes ne sont pas comparables.
D’une part, certaines plateformes se limitent à un rôle de mise en relation, sans influencer les coûts et les conditions de travail – c’est le cas de Malt. D’autres déterminent le prix, mais pas les conditions de travail, comme Brigad. Enfin, des plateformes fournissent une prestation hors ligne, telles Uber ou Deliveroo. Ce sont les plus visibles et celles qui soulèvent de nombreuses problématiques.
D’autre part, il apparaît important de préciser le modèle de développement des acteurs du numérique, notamment de ces plateformes. La spécificité majeure du modèle d’affaires des plateformes réside surtout dans l’effet réseau, qui les conduit à investir d’emblée des ressources importantes pour s’inscrire dans un contexte mondial exigeant.
Les effets monopolistiques liés à cet effet réseau ne sont pas sans poser question, notamment quant à la soutenabilité de ce modèle économique particulier : il amène les entreprises de l’économie numérique à faire des levées de fonds massives, alors que leurs investissements en « capital de production » sont très faibles par rapport à une entreprise classique. Il leur faut se développer rapidement, sans chercher de prime abord la rentabilité – elles ne considèrent que la croissance. En effet, quand le marché arrive à maturité, les plus gros rachètent les plus petits et se partagent le marché en situation de quasi-monopole. C’est le cas, actuellement, de moteurs de recherche ou de réseaux sociaux.
Pour toutes ces raisons, la proposition que nous examinons aujourd’hui n’apporte pas une réponse suffisante. Tout n’est pas aussi simple, et le statut coopératif, tel qu’il est défini, paraît succinct.
Sur le fond, cette proposition de loi appelle un certain nombre d’observations.
Elle s’appliquerait à toutes les plateformes numériques, y compris celles dont le mode de fonctionnement ne pose aujourd’hui aucun problème. L’économie numérique constitue un enjeu important en termes d’économie future et de création d’emploi. Il convient de ne pas fragiliser un secteur qui permet à un certain nombre de nos concitoyens de sortir du chômage. Si les conditions de travail et de rémunération ne sont pas toujours satisfaisantes, c’est peut-être aussi lié à la situation de notre marché du travail. En effet, la situation des travailleurs des plateformes n’est pas nécessairement moins favorable que celle des salariés enchaînant des contrats très courts ou travaillant dans l’économie souterraine.
Le salariat ne correspond pas nécessairement non plus aux aspirations de tous les travailleurs concernés. Nous avons constaté que, quelles que soient les activités exercées, c’est la recherche d’une liberté, d’une indépendance et d’une autonomie que ces travailleurs appréciaient : choix des horaires et des tarifs, travail sur plusieurs plateformes…
Force est de constater que la protection sociale n’est pas une priorité pour ces travailleurs, majoritairement jeunes et qui ne sont pas encore sensibilisés aux accidents de la vie, aux problèmes de santé et même à la retraite – ou ne le sont que peu. Il nous appartient donc de travailler sur ce volet. Si la protection sociale des travailleurs des plateformes peut être améliorée, il convient plutôt de construire une protection sociale universelle et déconnectée du statut.
La mission doit encore enrichir ses travaux par des auditions complémentaires et une étude comparative des expériences de nos voisins européens ou d’autres États, tels le Canada ou encore les États-Unis.
Madame Lubin, nous saluons votre démarche et celle de votre groupe, ainsi que l’initiative de la proposition de loi déposée par Pascal Savoldelli et le groupe CRCE, qui nous permettent d’approfondir le sujet. Vos travaux sont intéressants en termes d’alerte et de communication.
Il est de notre responsabilité de parlementaires de nous en approprier. Cela dit, je rappelle que la commission des affaires sociales, en la personne de son président, Alain Milon, s’en était saisie bien en amont, dès la fin du mois de juin 2019. Je salue doublement cette démarche insistante et unanime des sénateurs, car je viens d’apprendre que Jean-Yves Frouin a été missionné par M. le Premier ministre sur le sujet le 13 janvier dernier.
À ce stade, la proposition de loi apparaît incomplète. Le groupe Union Centriste vous propose donc de voter contre, mes chers collègues. L’objectif partagé avec la commission des affaires sociales est vraiment d’élargir la réflexion, dans le but d’aborder l’enjeu social et sociétal de cette économie du futur, pour l’heure encore émergente. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)
M. Jean-François Longeot. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier.
M. Michel Forissier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les progrès techniques et les avancées technologiques ont permis de mettre en place de nouveaux modèles économiques. Les plateformes numériques permettent aujourd’hui la mise en relation entre les travailleurs et des donneurs d’ordre. Il s’agit de prestations de différentes natures, dans de nombreux domaines d’activités.
Le statut de micro-entrepreneur permet aux travailleurs de réaliser leurs missions dans le cadre d’une dépendance économique pouvant être considérée, dans certains cas, comme un lien de subordination. Le risque est grand de voir cette relation requalifiée en contrat de travail par les tribunaux. Cette fragilité juridique n’est pas satisfaisante.
Se pose également la question de la répartition des profits et des garanties sociales pour ces travailleurs, qui, aujourd’hui, dans leur grande majorité, ne veulent pas être salariés : ils souhaitent garder leur indépendance et avoir une activité modulable, éventuellement exercée parallèlement à un autre emploi ou à une autre fonction.
À ce stade de nos travaux, nous constatons que la réalité de la situation des travailleurs indépendants économiquement dépendants des plateformes est hétérogène et représente encore une part marginale de la population active.
En premier lieu, les plateformes numériques sont diverses. Un certain nombre de plateformes, correspondant à la définition de l’article 242 bis du code général des impôts, se bornent à un rôle de mise en relation entre des travailleurs indépendants et des clients. Ces plateformes n’interviennent ni pour fixer le prix des prestations ni pour organiser les conditions dans lesquelles ces prestations sont effectuées.
On connaît, par ailleurs, des plateformes de services organisés hors ligne, qui fournissent des prestations standardisées délivrées par des professionnels, notamment dans les secteurs de la conduite de voitures de transport avec chauffeur (VTC) et de la livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues. Elles sont devenues, depuis quelques années, les plateformes les plus visibles et celles dont le développement soulève le plus de questions.
Ces plateformes déterminent à la fois les caractéristiques de la prestation et son prix, notamment par le biais d’algorithmes, et apparaissent, de ce fait, comme les plus exposées au risque juridique de requalification en contrat de travail.
Ainsi, si l’activité de conducteur de VTC s’est profondément professionnalisée, du fait notamment des coûts d’entrée représentés par l’obtention d’une licence et l’acquisition ou la location d’un véhicule, les services de livraison à vélo semblent plus souvent correspondre à une activité à la fois temporaire et secondaire pour les travailleurs concernés.
On peut aussi citer les plateformes de micro-travail, qui consistent à l’externalisation de tâches fortement fragmentées et à faible valeur ajoutée. Le micro-travail représente une activité généralement très accessoire, le revenu mensuel moyen généré sur les plateformes concernées ne dépassant pas quelques dizaines d’euros.
Ainsi, compte tenu de la diversité des activités, allant du job étudiant à la mise en relation de cadres de haut niveau travaillant en France, il est nécessaire de bien mesurer les impacts du cadre législatif sur l’ensemble des activités avant de légiférer.
En deuxième lieu, les membres du groupe Les Républicains rappellent que les travailleurs des plateformes ne constituent pas une catégorie statistique en tant que telle et qu’il reste difficile d’estimer leur nombre avec précision. On parle de 100 000 personnes qui exerceraient leur activité exclusivement via une plateforme, dont un quart de chauffeurs de VTC, ou de 200 000 personnes qui auraient recours à un intermédiaire pour l’exercice d’une activité professionnelle, qu’il s’agisse ou non d’une plateforme numérique et que cette activité soit leur activité principale ou une activité d’appoint.
En ce qui concerne la question de la protection sociale, il convient de rappeler que tous les travailleurs des plateformes bénéficient des protections universelles – santé, famille – et cotisent à l’assurance retraite. L’absence d’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles et d’assurance chômage est, en outre, propre au statut d’indépendant et doit être mise en relation avec l’absence de cotisation au titre de ces risques. Nous sommes attachés à ce que tous les travailleurs bénéficient d’une protection universelle, laquelle reste à mettre en place.
Le Conseil constitutionnel a partiellement censuré l’article 44 de la LOM (loi d’orientation des mobilités), qui instaurait une charte sociale définissant les droits et les devoirs des travailleurs des plateformes. Je me permets, à cette occasion, de vous rappeler que, lors de l’examen du texte par le Sénat, nous nous étions opposés au principe même de cette charte, en évoquant justement sa fragilité constitutionnelle.
Le modèle des plateformes constitue, dans le cadre de l’économie numérique, un moyen de retour à l’emploi et une chance de sortir de la précarité pour un nombre non négligeable de chômeurs de longue durée relégués dans de petits boulots ou même dans l’économie souterraine. Les travailleurs concernés ne souhaitent pas devenir salariés – il faut le dire ! Ils sont attachés à leur indépendance et à leur autonomie dans leur travail.
L’adhésion à une coopérative d’activité et d’emploi ne peut, à notre sens, être obligatoire. Cela serait contradictoire avec le principe de liberté d’entreprendre, que Les Républicains estiment fondamental dans notre choix de société.
Nous considérons que les travaux et la réflexion engagée pour la préparation de cette proposition de loi sont des éléments à intégrer et constituent un apport pour notre mission d’information.
Nous pouvons aussi penser qu’il s’agit, pour les auteurs, d’un texte d’appel.
Nous sommes également convaincus de la nécessité de permettre à ce modèle économique d’exister, en raison de son utilité. Ce n’est pas en établissant un texte dans l’urgence que nous apporterons des solutions globales aux problèmes qui se posent ! Nous souhaitons aller au bout de la mission. Ensuite, nous pourrons engager, ensemble, une réflexion sur l’adaptation du cadre législatif, dans les principes de notre modèle social, qui doivent être respectés par tous les modèles économiques émergents.
Pour conclure, je dirai que la proposition de loi présentée aujourd’hui ne peut apporter une solution viable et ne répond ni aux attentes exprimées par les travailleurs ni à celles des responsables des plateformes. Le groupe Les Républicains propose d’aborder de façon plus globale l’enjeu du développement de l’économie des plateformes numériques, en enrichissant le travail parlementaire des travaux de la mission d’information. Nous voterons, bien entendu, contre la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, apparues depuis la crise économique de la fin des années 2000, les plateformes reposent sur l’externalisation de l’activité auprès d’une multitude d’acteurs formellement indépendants, de façon encore plus poussée que le recours à la sous-traitance « classique ». L’économie des plateformes, également appelée « économie collaborative » ou encore « ubérisation », recouvre des situations très diverses, mais connaît une forte croissance.
L’économie des plateformes est source de controverses et d’inquiétudes, en particulier en ce qui concerne ses effets sur le travail et l’emploi. S’agit-il de flexibilisation ou de précarisation ? Permet-elle une organisation plus libre du temps de travail ? Est-elle synonyme d’une meilleure adéquation aux préférences de certains travailleurs ou d’une dégradation de la qualité des emplois et d’une augmentation des risques psychosociaux ? Garantit-elle une satisfaction maximale du consommateur, au détriment du travailleur ?
En termes de politiques publiques, en particulier de droit du travail, l’économie des plateformes prolonge les questionnements sur la diversification des formes d’emploi, avec l’idée d’un statut intermédiaire entre salarié et travailleur indépendant classiques, sur la sécurisation des parcours professionnels et, enfin, sur l’adaptation du système de prélèvements obligatoires.
L’article 60 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail » ou « loi El Khomri », a créé au nouveau titre dans le code du travail, relatif aux travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique. L’article L. 7341-1 en définit ainsi le champ d’application : « Le présent titre est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts. » Ce titre clarifiait les obligations sociales des plateformes en ligne et précisait les droits des travailleurs concernés en matière d’accidents du travail, de formation professionnelle, de validation des acquis de l’expérience et de droit syndical.
Ces dispositions, qui accordaient quelques droits sociaux aux travailleurs indépendants travaillant sur des plateformes collaboratives, en leur faisant bénéficier de certains attributs du salariat, sans toutefois que ces éléments soient, d’une quelconque façon, de nature à établir l’existence d’un lien de subordination, avaient été introduites lors de l’examen parlementaire, en commission, à l’Assemblée nationale. Elles avaient été supprimées par le Sénat par un amendement des corapporteurs, dont mon prédécesseur à cette tribune et moi-même. En effet, nous avions alors jugé ces dispositions prématurées, notamment au regard des affaires juridictionnelles en cours au moment de l’examen du projet de loi, tendant à requalifier certains contrats de travailleurs de plateformes en contrats de travail salarié.
Lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ces dispositions furent rétablies, avec, toutefois, une modification substantielle, répondant à la critique formulée par les corapporteurs du Sénat sur l’ambiguïté de l’article créant, dans le code du travail, un statut ad hoc de travailleurs non salariés sans être indépendants, la disposition selon laquelle la reconnaissance de la responsabilité sociale de la plateforme à l’égard de ces travailleurs n’entraînait pas de lien de subordination.
Il revient donc aujourd’hui au juge de se prononcer lorsqu’il est saisi sur la nature de ce lien. Des procédures sont en cours, et certaines ont même abouti. Par deux décisions de justice rendues en 2018 et 2019, la cour d’appel de Paris et, plus significatif encore, la Cour de cassation ont requalifié en contrats de travail les contrats de prestation de services, d’une part, d’un chauffeur VTC et, d’autre part, d’un livreur à deux-roues, mettant en avant notamment le lien de subordination.
Sur le fond, chers collègues, vous avez raison de vous interroger sur la nature du contrat et des relations entre les plateformes et les travailleurs dits « indépendants ». Il y a bien lieu d’élaborer un statut spécifique d’indépendant, d’encadrer les relations contractuelles avec les plateformes et, peut-être, d’encourager la création d’une branche professionnelle qui permettra de définir des droits concrets. En revanche, la réponse que vous apportez avec cette proposition de loi ne peut constituer qu’une solution parmi d’autres. Elle ne saurait répondre à l’ensemble des situations et pourrait même ne pas convenir à certains indépendants.
Si ce texte est utile, il ne saurait être adopté, même si l’amendement qui vise à limiter sa portée était voté. Une généralisation des seules coopératives d’activité et d’emploi ne suffit pas. Toutefois, le débat qu’il suscite peut venir enrichir les travaux de la mission qui a été mise en place sur le même sujet. Au reste, je pense que ses auteurs seront certainement satisfaits de ces échanges, puisque, de leur propre aveu, leur but, en déposant cette proposition de loi, était de commencer à éveiller les consciences. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne saurions débattre d’une proposition de loi relative aux droits sociaux des travailleurs numériques sans rappeler le contexte dans lequel ces derniers évoluent.
Les travailleurs des plateformes représentent 200 000 personnes en France, soit 0,8 % des actifs occupés. Parmi ceux-ci, nous pouvons distinguer trois catégories de travailleurs : ceux qui sont salariés et utilisent les plateformes afin de compléter leurs revenus, ceux qui sont travailleurs indépendants et utilisent les plateformes comme forme d’activité exclusive et ceux qui sont hautement qualifiés et souhaitent bénéficier de davantage de flexibilité en se tournant vers un intermédiaire numérique, comme les free-lances.
La première de ces catégories est couverte par la protection sociale des salariés. En revanche, les deux autres font l’objet de débats.
Actuellement, la loi prévoit des droits individuels, tels que la prise en charge, plafonnée par décret, de la cotisation du travailleur pour une assurance couvrant le risque d’accidents du travail, un droit d’accès à la formation professionnelle continue et le bénéfice de la validation des acquis de l’expérience, et des droits collectifs, tels que la protection des travailleurs participant à des mouvements en vue de la défense de leurs revendications professionnelles ou encore la faculté pour les travailleurs visés de constituer une organisation syndicale.
En outre, le Gouvernement a souhaité approfondir cette démarche de régulation de la relation entre plateformes numériques et travailleurs indépendants au travers du projet de loi d’orientation des mobilités, notamment à l’article 20 de celui-ci.
Déposée le 28 novembre 2019 par des sénateurs du groupe socialiste et républicain, la présente proposition de loi part du postulat que les plateformes de mise en relation par voie électronique précarisent les travailleurs et « utilisent des algorithmes favorisant l’effacement des avancées sociales du siècle dernier », menaçant ainsi la « citoyenneté sociale » et la « solidarité nationale ».
Afin de réguler la relation entre les travailleurs numériques et les plateformes, les auteurs de cette proposition de loi proposent d’obliger les travailleurs qui recourent à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique sans en être salariés à être des entrepreneurs salariés ou associés d’une coopérative d’activité et d’emploi. Ainsi leur activité s’inscrirait dans le cadre juridique existant, à l’instar du statut d’entrepreneur salarié en CDI.
Si l’objectif est louable, de nombreuses réserves ont émergé en commission des affaires sociales, pour plusieurs motifs, auxquels nous souscrivons.
Il est difficile de contraindre l’ensemble de ces travailleurs à créer des coopératives d’activités et d’emplois, en raison souvent de leurs aspirations, tournées vers une recherche de liberté, d’indépendance et d’autonomie.
La diversité des plateformes n’est pas prise en compte. En effet, la notion de « plateforme » recouvre une grande diversité d’acteurs. Les conditions des travailleurs sont aussi diverses que les plateformes elles-mêmes et ne sont pas forcément plus mauvaises que celles des salariés d’une CAE.
Par ailleurs, comme je l’ai expliqué précédemment, la loi d’orientation des mobilités, promulguée le 24 décembre 2019, autorise, à travers son article 20 et dans un délai d’un an, le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures pour déterminer les modalités de représentation des travailleurs indépendants utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique.
Enfin, la commission des affaires sociales a lancé, en septembre 2019, une mission d’information sur le droit social applicable aux travailleurs indépendants économiquement dépendants. Il est essentiel, selon nous, d’attendre les conclusions de ce rapport.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les réponses proposées dans cette proposition de loi ne sont pas à la hauteur des vastes problèmes posés par le développement de l’économie des plateformes. Pour cette raison, le groupe La République En Marche votera contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à remercier la rapporteure, Nadine Grelet-Certenais, et notre collègue Monique Lubin de leur travail.
Pour commencer, madame la ministre, je veux vous remercier de m’avoir reçu avec Kevin, un jeune de 20 ans qui ne comprenait pas le système, qui s’était révolté et mis en grève. Il était accompagné de Jérôme Pimot, du CLAP (Collectif des livreurs autonomes de Paris), qui est présent dans les tribunes de notre hémicycle et que je salue.
Malheureusement, votre intervention m’oblige à constater que vous n’avez pas compris le sens de cette visite. Lorsque je vous entends dire que la responsabilité sociale des plateformes numériques s’améliore, je doute que nous parlions de la même chose… Les protections contre les accidents sont encore tout à fait partielles, les algorithmes sont modifiés pour éviter une déconnexion, des primes à la course suivante sont mises en place pour maintenir une pression sur les livreurs, lesquels sont encore parfois des mineurs et des sans-papiers. Et je ne parle pas des accidents !
Votre solution des chartes n’est pas satisfaisante, comme on vient de l’entendre en creux chez presque tous les orateurs qui se sont exprimés. Nous sommes heureusement dans un État de droit et, à ce sujet, le Conseil constitutionnel nous a donné raison par deux fois : vos chartes sont un cheval de Troie dans notre modèle social.
Vous affirmez par ailleurs que notre proposition ne correspond pas à l’aspiration de ces travailleurs. De fait, il est évident que, pour un jeune de 20 ans qui n’a jamais été malade, les cotisations santé et retraite – l’horizon semble lointain – paraissent trop élevées.
Chers collègues, nous ne disons pas que notre proposition est la solution unique et miracle. Comme certains l’ont dit, elle permet d’ouvrir le débat à des alternatives diverses, visant à mieux protéger les travailleurs plutôt qu’à tenter de protéger les plateformes. C’est le sens de notre solution des coopératives d’activité et d’emploi, dites « CAE ».
Vos différentes interventions me donnent le sentiment qu’il y a, à leur sujet, une incompréhension. Quand vous entendez « coopératives », il me semble que vous pensez aux modèles anciens, comme ceux que l’on trouve dans la coopération agricole – je suis bien placé pour en parler – ou les géniales mais exigeantes SCOP (sociétés coopératives et participatives), par exemple. Le statut d’entrepreneur salarié associé d’une CAE est très différent. Il est méconnu, car il n’existe que depuis 2014. Il a été conçu comme une alternative à l’auto-entrepreneuriat. Je comprends donc que certains prennent leurs distances à l’égard de cette proposition.
Ce statut hybride entre salarié et indépendant permet aux salariés de se regrouper et, ainsi, de peser face aux plateformes, mais aussi de mutualiser certaines charges fixes.
Je vous invite à découvrir le rapport Giusti-Thévenoud, paru aujourd’hui même sous l’égide de la Fondation Jean-Jaurès – le journal Libération en fait état –, qui évoque cette solution de la coopérative.
Les coopératives doivent atteindre une taille critique pour être efficaces. Il faut encore affiner, approfondir cette question, notamment durant la navette.
De même, si l’amendement que nous proposons était adopté, il permettrait de distinguer différents types de plateformes. Nous ne sommes pas contre les plateformes ni contre l’économie numérique. On y trouve le meilleur, mais aussi le pire, et c’est bien ce dernier que nous voulons combattre.
Je tiens enfin à saluer les différentes interventions. Tous les orateurs ont constaté le problème et personne n’a prétendu que la vie était belle – sinon Mme la ministre – et que les choses pouvaient continuer ainsi. Il me semble que tous les intervenants considèrent que les chartes sont insatisfaisantes. Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel, il s’agit d’un bricolage juridique…
J’adresse un salut particulier à Catherine Fournier, coresponsable de cette mission d’information. Je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir annoncé qu’ils voteraient notre amendement. Si aucun de nos deux textes n’est parfait, ils constituent des propositions intéressantes. Nous devons continuer d’avancer ensemble pour améliorer la situation de ces travailleurs exploités, pour leur dire et leur faire comprendre que nous les entendons et que nous les défendons. Je veux saluer ici tous ces travailleurs qui se mobilisent individuellement : ce sont de véritables lanceurs d’alerte, respect !
Le débat que nous tenons aujourd’hui est une étape importante et nécessaire dans la construction de la protection sociale à la française du XXIe siècle, forte de son histoire, solide sur ses fondamentaux et adaptée aux évolutions du monde.
En adoptant cette proposition de loi, vous permettrez à nos collègues députés de se saisir de ce débat et d’entamer la construction de cet édifice. Comme l’écrivait Goethe : « On peut aussi construire quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin ». (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques
Article unique
Le titre IV du livre III de la septième partie du code du travail est ainsi rédigé :
« TITRE IV
« TRAVAILLEURS UTILISANT UNE PLATEFORME DE MISE EN RELATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
« Art. L. 7341-1. – Les travailleurs recourant pour l’exercice de leur activité professionnelle à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts, sans en être salariés, doivent être entrepreneurs salariés ou associés d’une coopérative d’activité et d’emploi telle que définie à l’article 26-41 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. »
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Lubin et Grelet-Certenais, MM. Jacquin, Kanner, Jacques Bigot et Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
doivent
insérer les mots :
, si l’une au moins des plateformes détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu ou fixe son prix,
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à restreindre l’application des dispositions de la proposition de loi aux seules plateformes qui déterminent les caractéristiques de la prestation ou fixent son prix.
Nous ne voulons pas contraindre les plateformes qui se contentent de mettre en relation des personnes ou dont l’objet, par exemple, est de présenter certains travaux artistiques et qui ne relèvent absolument pas d’un lien de subordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadine Grelet-Certenais, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il faut avancer sur l’instauration d’un protocole social adapté aux travailleurs des plateformes, mais il ne s’agit pas du bon texte pour ce faire : le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Nadine Grelet-Certenais, rapporteure. À titre personnel, je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique, modifié, constituant ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je tiens à remercier Nadine Grelet-Certenais et Olivier Jacquin de leur travail. Je salue également tous ceux qui ont participé, depuis plusieurs mois, aux auditions et au colloque que nous avons organisés. Je voudrais enfin remercier tous ceux qui ont permis à ce débat d’arriver à son terme et l’ensemble des groupes politiques.
J’ai bien entendu les remarques des différents intervenants, notamment de nos collègues du CRCE qui s’étaient, avant nous, penchés sur cette question et qui vont continuer de le faire. J’ai également relevé que la commission des affaires sociales commençait à travailler sur ce thème.
Nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions sur l’issue de ce vote. Le débat, qui vient de débuter au Parlement, va continuer grâce aux autres groupes qui s’intéressent aussi à cette question. L’essentiel est de parvenir à quelque chose de concret.
Madame la ministre, dans votre bouche et dans celle de certains orateurs, j’ai cru comprendre que le sort de ces travailleurs n’était peut-être pas si dramatique. Nous persistons à dire qu’il s’agit d’un dévoiement du droit du travail, d’un retour en arrière de près d’un siècle.
Si nous ne nous emparons pas tous ensemble de ce sujet, nous mettrons encore plus en difficulté des travailleurs déjà précaires. Nous ne pouvons laisser perdurer des agissements qui ne sont pas tolérables dans la société d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. J’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles je ne voterai pas ce texte, mais je ne voudrais ni sous-estimer l’importance du sujet ni marginaliser l’initiative de nos collègues. Je crois en effet qu’il faut approfondir ce texte, notamment au regard du droit du travail et des questions de concurrence déloyale que peuvent induire les pratiques de certaines plateformes.
Je comprends également le sens de votre amendement. Toutefois, imaginez dans quelle situation se retrouverait un travailleur indépendant qui réaliserait 10 % de son chiffre d’affaires avec une des plateformes concernées et 90 % avec d’autres…
Cette question mérite d’être approfondie. Le sujet n’est pas simple, et il est urgent de s’y atteler tant ces activités se développent de manière importante et relativement anarchique.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour explication de vote.
Mme Catherine Fournier. Madame Lubin, ne réduisez pas, ne simplifiez pas le débat.
Nous nous sommes appropriés ce sujet et nous avons bien compris le phénomène de paupérisation des employés de ces plateformes. Je me souviens de ce que disait un Président de la République : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ! »
Nous allons, nous aussi, travailler sur ce sujet avec la commission des affaires sociales. Nous ne voterons pas ce texte pour la seule raison qu’il nous semble incomplet, non parce que le sujet ou le public concerné ne nous intéressent pas. Ne vous méprenez pas sur le sens des propos que j’ai pu tenir.
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour explication de vote.
M. Michel Forissier. Je voudrais préciser la position du groupe Les Républicains qu’il serait trop facile de caricaturer.
Depuis que j’ai pris ce problème à bras-le-corps, je ne cesse de répéter qu’il ne sert à rien de bricoler, de bidouiller des textes qui ne permettront pas de répondre à l’ensemble des problématiques rencontrées.
Comme vous l’avez justement souligné, madame Lubin, un travail est engagé. Je souhaite que tous les groupes politiques y participent. Il doit s’agir d’un travail collectif.
Nous avons toujours affirmé que les modes d’exploitation ne devaient pas fixer la loi et que les principes de notre modèle social, déclinés dans le code du travail, devaient être respectés, quelle que soit l’avancée technologique en question. Ce n’est pas le moyen qui justifie la fin, ce n’est pas à une avancée technologique de bouleverser les principes fondamentaux sur lesquels repose l’équilibre de notre société.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’article unique, modifié, constituant l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 65 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 70 |
Contre | 270 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais saluer le travail de Mme la rapporteure sur ce sujet.
En juillet dernier, le bureau de la commission des affaires sociales a demandé un travail à Michel Forissier, à Catherine Fournier et à Frédérique Puissat, qui sera rendu le 26 mars prochain. Nous travaillerons avec Mme la ministre à l’élaboration d’un texte qui assurera la protection de tous.
M. Jean-François Husson. Très bien ! On remet les choses dans l’ordre !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Sénat et le Gouvernement sont d’accord pour dire qu’il faut avancer sur ce sujet. Je ne doute pas que l’Assemblée nationale partage également cet avis. Nous avancerons, je l’espère, tous ensemble.
Mme Éliane Assassi. Nous voilà rassurés…
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 16 janvier 2020, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de loi visant à créer un droit à l’erreur des collectivités locales dans leurs relations avec les administrations et les organismes de sécurité sociale, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Sylvie Vermeillet et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 234, 2019-2020) ;
Proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l’officier d’état civil du lieu de résidence des parents, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 236, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication