M. François Bonhomme. C’est déjà le cas !
Mme Corinne Féret. Si l’amendement, adopté par l’Assemblée nationale et visant à consacrer une enveloppe de près de 5 millions d’euros aux maisons de l’emploi et de la formation, va dans le bon sens, ce montant reste insuffisant. C’est pourquoi notre groupe défendra un amendement visant à porter leurs crédits à 10 millions d’euros.
Pour terminer, j’évoquerai l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », que je connais bien. À Colombelles, dans mon département du Calvados, l’expérience menée est très positive et concluante, de sorte que je suis favorable à son extension. C’est d’ailleurs ce qu’avait promis le Président de la République, voilà déjà plus d’un an, à l’occasion de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. J’y reviendrai, là aussi, par voie d’amendement, en insistant sur la dimension sociale et humaine du dispositif.
Madame la ministre, la diminution des effectifs de votre propre ministère, dont ceux de l’inspection du travail, constitue en elle-même un très mauvais signal, à une époque marquée par des modifications substantielles du droit du travail et alors que la lutte contre le travail illégal doit tous nous préoccuper.
Vous avez, par ailleurs, acté, sans explication, la disparition du Haut Conseil du dialogue social dans une annexe budgétaire au présent projet de loi de finances, au motif de sa redondance supposée avec la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle. Il n’est jamais souhaitable de supprimer une instance sans concertation ni évaluation préalable, surtout lorsqu’elle œuvre au dialogue social. J’y reviendrai dans quelques instants.
Pour toutes les raisons évoquées, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités, en ne votant pas les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme à l’accoutumée, l’examen annuel des crédits de la mission « Travail et emploi » est l’occasion pour moi d’évoquer la situation des maisons de l’emploi et de la formation. J’ai choisi de concentrer mon propos, dans un premier temps, sur la question des missions locales et des maisons de l’emploi, dont je connais l’action, notamment sur mon territoire de l’Aisne, depuis 1995.
Alors que la dotation s’élevait encore à 11,5 millions d’euros en 2018, l’engagement de l’État dans les maisons de l’emploi et de la formation a été divisé par deux, pour tomber à 5 millions d’euros en 2019. La volonté des pouvoirs publics étant de supprimer totalement l’investissement dans ces structures, ce sont par conséquent les collectivités qui les soutiennent financièrement, à bout de bras, avec le concours du Fonds social européen.
Amorcer la suppression des maisons de l’emploi est une véritable erreur politique de la part du Gouvernement, alors même que le Président de la République a annoncé son engagement de multiplier par cinq l’accompagnement des jeunes dans le plan Pauvreté.
La disparition, en 2017, des contrats aidés, qui constituaient un véritable coup de pouce pour l’insertion professionnelle des jeunes et des populations précaires, ainsi que la suppression, annoncée pour l’année 2019, de 800 postes à Pôle emploi sont d’autres éléments qui contredisent totalement cette promesse gouvernementale. En outre, elles n’augurent rien de bon pour la lutte contre le chômage de longue durée et la difficulté d’insertion des jeunes et des personnes handicapées sur le marché du travail.
Pour reprendre l’expression utilisée dans un article de l’édition du journal Le Monde parue hier, c’est un véritable et « vaste plan social » contre les publics précaires et fragiles que le Gouvernement s’attelle à mettre en œuvre depuis deux ans.
Sous couvert de remédier à d’hypothétiques pratiques abusives, le ministère a divisé sa contribution financière dans les contrats aidés par deux. Enfin, en réduisant leur durée maximale de dix-huit à huit mois et de 35 à 20 heures hebdomadaires, vous avez confirmé, madame la ministre, que vous alimentiez vous-même la précarité que vous prétendez tant combattre, en y envoyant obstinément tout un segment démuni de la population.
Vous avez justifié, avec cette même philosophie, la baisse des dotations des maisons de l’emploi et de la formation, invoquant la baisse du taux de chômage, passé sous la barre des 9 % au quatrième trimestre de 2018, et la reprise par Pôle emploi de leurs activités. Vous omettez toutefois de préciser, délibérément ou non, que le taux de chômage est en hausse constante chez les catégories B et C et que Pôle emploi ne saurait assurer le même accompagnement des publics jeunes que celui que fournissent les maisons de l’emploi et de la formation (MEF).
Les MEF ont prouvé à maintes reprises leur rôle déterminant dans l’exercice d’un service public de proximité permettant l’accompagnement vers l’emploi et l’insertion des publics vulnérables. Leur assise de proximité les dote d’une capacité à identifier des publics invisibles, condamnés à rester hors des radars d’une aussi grande structure que Pôle emploi, à savoir les jeunes de 16 à 18 ans en situation de rupture de contrat d’apprentissage ou d’échec dans celui-ci, les 26 à 30 ans bénéficiaires du RSA, les moins de 26 ans sans qualification, sans solution d’apprentissage ou avec une solution inadaptée à leurs compétences et leurs aspirations, voire les jeunes frappés d’illettrisme.
Les maisons de l’emploi et de la formation occupent une place de premier choix, indispensable dans le tissage de réseaux, grâce à leurs moyens de mobilisation et de concertation, mais aussi à leur capacité à concourir au développement de projets locaux. Ainsi, 60 % des jeunes passés par ces structures sortent avec une qualification ou un emploi et 72 % signent un CDI après dix-huit mois de contrat. Leur efficacité n’est plus à prouver.
Je me dois de rappeler la situation particulièrement alarmante du département de l’Aisne, qui cumule un taux de pauvreté supérieur de 4 points à la moyenne nationale, un taux de chômage supérieur à 13 % et un taux de scolarisation des 18-24 ans de seulement 36 %, contre 52 % au niveau national.
La maison de l’emploi et de la formation de Laon, qui a été créée en 2007, travaille depuis deux ans en concertation avec un large panel d’acteurs institutionnels et un réseau de soixante entreprises intégratrices prêtes à accueillir des étudiants en alternance pour mettre en place une école de la seconde chance. Or toutes les démarches engagées pour défendre ce projet se heurtent au silence de l’État. Aucune réponse positive n’a été donnée à l’appel à projets lancé par la Direccte, alors même que notre nouveau préfet vient de s’engager à faire de la lutte contre l’illettrisme la première de ses priorités. Je viens d’ailleurs de vous adresser un courrier à ce sujet, madame la ministre, pour obtenir des réponses.
Pourquoi l’État ne prend-il pas davantage en compte le travail de terrain et fuit-il le dialogue sur le sujet ?
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Antoine Lefèvre. Il est de sa responsabilité de soutenir les initiatives des maisons de l’emploi et de la formation et de reconnaître leur rôle déterminant dans la délivrance d’un service de proximité, notamment auprès des jeunes publics.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que je soutiendrai l’amendement des rapporteurs spéciaux Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian,…
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Très bien !
M. Antoine Lefèvre. … ainsi que celui de mon collègue Michel Forissier en faveur du maintien d’un financement par l’État des maisons de l’emploi et de la formation à hauteur de 5 millions d’euros. S’ils sont adoptés, je voterai les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre, qui s’exprimera depuis le banc du Gouvernement. Je le précise, car ce n’est pas la coutume. J’en profite pour lui souhaiter un bon rétablissement.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, m’étant cassé le pied, je ne peux monter à la tribune ce matin. Je vous prie de m’en excuser. Cet accident est intervenu dans l’exercice de mes fonctions – un comble pour moi qui lutte contre les accidents du travail. (Sourires.)
M. Jean-François Husson. C’est une bonne expérimentation !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je vous remercie de votre compassion, monsieur le sénateur. (Rires.)
Je suis ravie de vous retrouver après mon audition du 20 novembre dernier pour poursuivre nos échanges et répondre à vos questions sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2020.
Je veux d’abord rappeler la philosophie générale du budget que je vous présente aujourd’hui.
Comme vous le savez, au cours des deux dernières années, nous avons posé les fondations d’une nouvelle politique de l’emploi, reposant sur les compétences et la liberté donnée aux acteurs : les ordonnances Travail, l’apprentissage, la formation – notamment le plan d’investissement dans les compétences et « Mon compte formation » –, l’assurance chômage.
Notre conviction est très claire : la clé de voûte de notre politique, c’est à la fois la lutte contre le chômage et l’émancipation de chacun par la compétence et l’évolution du travail.
Les premiers résultats sont là. Certes, le taux de chômage est encore très élevé dans notre pays, mais il a baissé de 9,6 % à 8,6 %. Le nombre de créations d’emplois nettes s’élève à 264 000 cette année et à 540 000 depuis deux ans, comme le sénateur Lévrier l’a souligné. À cet égard, 2020 doit être l’année de consolidation et d’approfondissement de la mise en œuvre opérationnelle de ces transformations, notamment de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
J’ai construit ce budget en m’appuyant sur les multiples déplacements que j’ai effectués sur le terrain, à raison de deux jours par semaine, et sur le dialogue que j’ai pu nouer avec les acteurs concernés, en le priorisant sur ce qui nous paraissait le plus pertinent et le plus efficace.
Mme Laurence Cohen. Six millions de chômeurs, des manifestations partout dans la rue, mais tout va bien…
Mme Muriel Pénicaud, ministre. En 2020, le budget global de la mission « Travail et emploi » s’élève, comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial, à 13,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 13 milliards d’euros en crédits de paiement. Il est stable en autorisations d’engagement, et il progresse de 210 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui montre notre volonté de poursuivre les efforts de transformation.
Quels sont les axes forts de ce budget ?
Le premier est la priorité à l’inclusion dans l’emploi pour ceux qui en sont le plus éloignés.
Si le chômage continue de baisser, lentement mais sûrement (Mme Laurence Cohen s’esclaffe.), si j’ose dire, les plus vulnérables ont besoin d’un marchepied, d’un tremplin vers l’emploi. En effet, la perte de confiance en soi, d’estime de soi et, parfois, des compétences est une réalité pour les chômeurs de longue durée.
De ce point de vue, l’insertion par l’activité économique a fait ses preuves depuis des décennies dans notre pays, avec des taux d’insertion dans l’emploi et la qualification supérieurs, en moyenne, à 60 % et, parfois, à 80 %. L’insertion par l’activité économique fait partie de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi.
Pendant plus de six mois, nous avons mené une concertation avec les représentants du secteur, dont le résultat a été présenté au Président de la République le 10 septembre dernier à Bonneuil-sur-Marne et a abouti à un « pacte d’ambition pour l’IAE ».
Le budget pour 2020 prévoit ainsi une augmentation historique du financement des aides au poste dans les structures de l’insertion par l’activité économique : 83 000 ETP seront financés dans le cadre du Fonds d’inclusion dans l’emploi, soit 7 000 de plus par rapport à 2019. Nous viserons à ce que 15 000 à 20 000 personnes supplémentaires puissent accéder à l’insertion par l’activité économique dès 2020. Pour cela, le budget est augmenté de 120 millions d’euros, dépassant, pour la première fois de notre histoire, la barre symbolique du milliard d’euros. C’est un effort de longue durée, puisque nous voulons que le nombre de personnes bénéficiant de ce dispositif passe, d’ici à trois ans, de 150 000 à 240 000.
Après l’insertion par l’activité économique, le deuxième volet de l’inclusion dans l’emploi de ceux qui en ont le plus besoin concerne les entreprises adaptées, qui ont, elles aussi, fait leurs preuves.
Permettez-moi, quelques jours après la réunion du Comité interministériel du handicap, de rappeler notre engagement important en la matière. D’ailleurs, lundi 18 novembre dernier, j’ai installé, avec mes collègues Sophie Cluzel et Olivier Dussopt, le Comité national de suivi et d’évaluation de la politique d’emploi des personnes handicapées.
Le budget pour 2020 réaffirme l’engagement du Gouvernement en faveur des entreprises adaptées.
J’ai visité de nombreuses entreprises adaptées, notamment avec le président de l’Union nationale des entreprises adaptées (UNEA). L’engagement national Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022, que Sophie Cluzel et moi-même avons signé le 12 juillet 2018, avec l’UNEA, l’APF France Handicap et l’Unapei, nous permet d’avoir une ambition, celle de changer d’échelle et de doubler le nombre de personnes en situation de handicap qui pourraient bénéficier d’un emploi au sein des entreprises adaptées, soit de le faire passer de 40 000 à 80 000 personnes par an.
L’appui financier de l’État se poursuit en 2020 sur ce sujet, avec un budget de 403 millions d’euros, en augmentation de 7 millions d’euros. Grâce à ce budget et à la contribution de l’Agefiph, ce sont près de 10 000 personnes supplémentaires qui pourront accéder aux entreprises adaptées dès 2020 – sans compter le soutien au plan d’investissement dans les compétences sur la formation des personnes handicapées.
Les parcours emploi compétences constituent le troisième volet de l’inclusion dans l’emploi.
À ce sujet, je veux rassurer le sénateur Lefèvre : contrairement à ce qui a pu être dit et répété, nous n’avons jamais supprimé les contrats aidés.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Vous en avez réduit le nombre !
M. François Bonhomme. Eh oui !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous les avons transformés pour qu’ils soient davantage au service des ceux qui en ont le plus besoin, de manière qu’ils ne remplissent pas simplement un service ponctuel, mais qu’ils aident les personnes titulaires à accéder durablement à l’emploi.
Ce sont 100 000 nouveaux parcours emploi compétences qui seront programmés en 2020. Comme vous le savez, depuis 2018, à la suite de la remise du rapport de M. Jean-Marc Borello, nous les avons recentrés pour qu’ils intègrent les notions d’accompagnement et de formation. Les premiers résultats sont là, puisque le taux d’insertion dans l’emploi durable à l’issue des contrats aidés parcours emploi compétences a progressé de 5 points dès la première année.
J’en viens aux emplois francs. Comme vous le savez, ces derniers ont été lancés, à titre expérimental, le 1er avril 2018, mais ils ont surtout été étendus le 1er avril 2019, notamment dans vos deux départements, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux. L’expérimentation sera généralisée au début de l’année 2020 à l’ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville du territoire. Le budget pour 2020 prévoit une enveloppe de 233,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 40 000 personnes en contrat à la fin de l’année 2020.
Pour ce qui concerne les « Territoires zéro chômeur de longue durée », dont vous avez tous parlé, vous avez vu que l’expérimentation bénéficiera d’un budget en hausse de 28,5 millions d’euros, en progression de 6 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019. L’effort supplémentaire de l’État s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et permettra la montée en charge du dispositif dans les territoires qui participent à l’expérimentation, conformément à la loi de 2016, avec 1 750 ETP financés l’année prochaine, contre 811 actuellement embauchés. Je rappelle que le ministère du travail est le principal et parfois l’unique financeur de cette expérimentation, avec une dotation de 17 342 euros par équivalent temps plein, à laquelle s’ajoute un soutien à l’amorçage de 5 000 euros par ETP.
Cette expérimentation est intéressante. Elle permet de tester des modalités innovantes et très mobilisatrices sur le terrain de lutte contre le chômage de longue durée. L’approche territoriale et la mobilisation des élus locaux constituent notamment un élément essentiel du dispositif.
Comme toute expérimentation, il est désormais important de prendre du recul pour l’évaluer. Les acteurs nous ont demandé d’avancer cette évaluation d’un an par rapport à la date qui était prévue dans la loi. Nous l’avons accepté. Ainsi, le 25 novembre dernier, j’ai réuni Laurent Grandguillaume, Louis Gallois et l’association qui porte l’expérimentation. Nous avons examiné trois rapports : un rapport de l’IGAS et de l’IGF, un rapport du comité scientifique et un rapport d’autoévaluation de l’association. Lors de cette réunion, chacun a pu faire part de ses conclusions, qui convergent pour une grande part, tant sur les fragilités que sur les points positifs. C’est pourquoi j’ai proposé au groupe de poursuivre le travail au sein d’un comité de suivi commun, de manière à parvenir à un diagnostic totalement partagé – il l’est déjà largement, mais je souhaiterais qu’il le soit intégralement –, afin que nous puissions, en janvier prochain, faire des annonces sur les suites que nous pensons pouvoir donner à cette expérimentation.
Monsieur le sénateur Lagourgue, vous avez évoqué la situation particulière de La Réunion, notamment sur le plan du chômage. Lors de la visite du Président de la République, nous avons lancé le plan Pétrel, en concertation avec les partenaires locaux. Ce plan est important, parce qu’il couvre les sujets de pauvreté, d’emploi et de formation. Je veux insister notamment sur trois points : 12 000 parcours emploi compétences durant les trois prochaines années, le doublement de l’insertion par l’activité économique en trois ans, avec plus de 7 000 embauches, et une généralisation des emplois francs, au-delà des personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux bénéficiaires des dispositifs d’insertion comme la garantie jeunes, le RSMA et l’IAE. Enfin, des opérations pilotes seront menées dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences pour aller chercher, par des approches innovantes, les « invisibles », à savoir ceux qui ne viennent ni dans les missions locales, ni à Pôle emploi, ni dans les maisons de l’emploi et de la formation.
Le deuxième grand axe de ce budget réside dans l’accompagnement des acteurs qui accompagnent les plus vulnérables.
Les missions locales sont des opérateurs essentiels de l’accompagnement et de l’insertion des jeunes. La hausse de leurs crédits s’établira à 21 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019, pour un montant total de 371,94 millions d’euros. Ces financements assurent la mise en œuvre de la stratégie pluriannuelle de performance des missions locales. Ils sont désormais globalisés en gestion et couvrent à la fois la CPO et l’accompagnement des jeunes qui bénéficient de la garantie jeunes. Ce montant intègre aussi le financement de la mise en œuvre de l’obligation de formation instaurée par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, qui est en phase de lancement expérimental.
En ce qui concerne Pôle emploi, que vous avez largement évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget prévoit que la subvention pour charges de service public qui lui est versée s’élève à 1 235,9 millions d’euros, soit une baisse de 136,8 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019. Toutefois, cette diminution est plus que compensée par l’augmentation de la contribution de l’Unédic, qui progresse sous l’effet conjugué du dynamisme de la masse salariale – l’Unédic bénéficie de la baisse du chômage, qui signifie plus de cotisations et moins de dépenses – et du passage de 10 % à 11 % des contributions salariales. Au total, Pôle emploi disposera de 624 millions d’euros de ressources supplémentaires en 2020, ce qui lui permettra de mettre en œuvre les évolutions issues de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et, surtout, la transformation de l’accompagnement, fruit d’une large concertation entre l’opérateur et les partenaires sociaux, matérialisée dans la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi qui a été validée par le conseil d’administration de Pôle emploi le 8 octobre dernier et qui est en cours de signature.
Madame la sénatrice Puissat, vous avez évoqué ce sujet. Sans reprendre l’intégralité de mon argumentaire sur l’assurance chômage, je tiens à rappeler que nous en avions discuté lors de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. J’ai également été auditionnée par la commission des affaires sociales, le 9 juillet dernier, ce qui m’a permis d’expliquer le triptyque qui est au fondement de cette réforme : un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi et des entreprises, la responsabilisation des employeurs quant à la précarité des contrats et l’adaptation des indemnisations au contexte actuel. Sans entrer dans le détail, je répète que le capital de droits est entièrement maintenu pour les demandeurs d’emploi en alternance de contrats courts, contrairement à ce qui peut parfois être dit.
Vous avez également évoqué le bonus-malus. Comme je l’ai déjà dit, on ne peut pas se satisfaire d’une situation où 87 % des embauches concernent des contrats courts et très courts, où 70 % des CDD durent moins d’un mois et où un tiers d’entre eux sont conclus pour un jour ou moins. Il me paraît normal de responsabiliser les employeurs en même temps que l’on renforce l’accompagnement. Tel est le sens de ce bonus-malus.
Je rappelle que les personnes en alternance de contrats courts, qui, aujourd’hui, bénéficient très difficilement des services de Pôle emploi, feront l’objet d’un accompagnement spécifique à partir du 1er janvier. Cet accompagnement sera extrêmement renforcé dès les deux premiers mois pour les demandeurs d’emploi nouveaux, avec deux demi-journées d’accompagnement, contre quarante-cinq minutes prévues jusqu’alors. Les entreprises qui ne trouvent pas de personnes à recruter bénéficieront, elles aussi, d’un accompagnement spécifique : au bout d’un mois, Pôle emploi viendra les aider à trouver une solution.
Je rappelle aussi, en cette période de session budgétaire, qu’il est de notre responsabilité à tous que le système soit robuste dans le temps. Le déficit de l’assurance chômage – garanti par l’État – est aujourd’hui de 37 milliards d’euros, contre 35 milliards d’euros l’année dernière. Par conséquent, notre objectif est de faire une réforme juste, efficace, mais aussi à même de pérenniser le système.
Il y a beaucoup de choses à dire sur les maisons de l’emploi. Je m’exprimerai à leur sujet au moment de l’examen des amendements les concernant.
En ce qui concerne le plan d’investissement dans les compétences, je poursuivrai sa montée en puissance, avec un nouvel engagement de près de 3 milliards d’euros, financé, pour moitié, par des crédits budgétaires et, pour moitié, par la contribution, via France compétences, des entreprises.
L’année 2020, dans la continuité de 2019, sera l’année du plein déploiement des actions, dans quatre directions : la mise en œuvre des parcours de formation déployés dans les pactes régionaux, conclus avec seize des dix-huit régions ayant contractualisé avec l’État – la coordination avec les régions est très forte sur le plan d’investissement dans les compétences – ; la consolidation du Pacea et de la garantie jeunes ; la recherche d’innovations pour atteindre les invisibles ; enfin, des expérimentations ciblées sur les plus vulnérables.
Pour terminer, je veux souligner que la mise en œuvre des réformes a été importante cette année. En effet, 2019 aura vu la mise en place de France compétences, qui est tout à fait opérationnel quelques mois après son existence, la création de onze opérateurs de compétences, eux aussi parfaitement opérationnels, la réforme de l’apprentissage, dont les résultats sont déjà importants. Ainsi, au premier semestre, le nombre d’apprentis a augmenté de 8,4 %. Cette hausse est de 17 % pour les maisons familiales rurales, de 27 % pour les Compagnons du devoir et de 10 % dans l’industrie, où le nombre d’apprentis devrait doubler au cours des trois prochaines années. Ce nombre est également en augmentation dans les chambres de métiers et de l’artisanat. La transition se passe de façon rapide, mais efficace.
S’agissant des compensations aux régions, je rappelle l’engagement du Premier ministre, que l’on retrouve à la fois dans ce budget et dans les décisions de France compétences, de compenser à la fois la perte de la compétence apprentissage, pour les régions dont les ressources excédaient les dépenses d’apprentissage, conformément aux lois sur la décentralisation, et les dépenses de fonctionnement, que les régions pourront abonder à hauteur de 138 millions d’euros supplémentaires et de 180 millions d’euros, au titre des dépenses d’investissement. Au total, ce sont plus de 500 millions d’euros qui seront transférés aux régions, entre France compétences et le budget de l’État, pour accompagner cette transition.
Je note que certaines régions jouent parfaitement le jeu, dans l’intérêt des jeunes et des entreprises. En revanche, d’autres ont décidé brutalement de supprimer des financements de fin d’année à des CFA. Nous avons trouvé des solutions pour éviter que ces derniers ne se retrouvent en difficulté financière, mais j’avoue que cette décision, qui frappe les jeunes et les entreprises, me choque, alors que les régions ont encore la compétence et les financements.
En ce qui concerne les programmes 111 et 115, l’année 2020 sera importante, avec l’organisation de l’élection dans les TPE, ce qui explique la hausse des crédits.
Pour ce qui est de la réduction des effectifs, le cas de l’inspection du travail a été évoqué. Or, en France, il y aura un agent de contrôle pour 8 727 salariés, quand la recommandation du BIT est d’un agent au moins pour 10 000 salariés. Nous faisons donc mieux que cette recommandation, ce qui est une bonne chose. Les priorités sont au nombre de quatre : la lutte contre le travail illégal, la fraude au travail détaché, l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la santé et la sécurité au travail.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite mettre en avant la cohérence de ce budget, qui porte deux grandes ambitions : l’intensification de l’effort d’inclusion et d’émancipation dans l’emploi et la stimulation de la création d’emplois, par la libération de l’alternance et de la formation professionnelle.