M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la mesure défendue par M. Jeansannetas au nom de la commission des finances le prouve une fois de plus : en régime bicaméral, il faut écouter les deux assemblées. Pour ma part, je soutiens pleinement cet amendement.
En outre, je tiens à revenir sur le vote des crédits qui vient d’avoir lieu : l’abstention a été telle qu’à peine plus de 10 % des sénateurs se sont prononcés.
On a rappelé tout l’engagement que suppose la vie associative ; on a dit tout ce que représente le sport pour un pays qui va accueillir les jeux Olympiques. Or, aujourd’hui, vous n’êtes pas au rendez-vous : votre budget va passer par un trou de souris… Vous affichez des ambitions olympiques, vous entendez porter le sport à un autre niveau : dès lors, le Gouvernement doit prendre en compte les attentes de tous les Français.
Vous n’avez pas lieu d’être fiers du vote de ces crédits. Le Sénat vous invite, nous invite tous à travailler différemment pour que nous disposions, dès l’an prochain, d’un budget beaucoup plus ambitieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Josiane Costes et Claudine Kauffmann applaudissent également.)
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de limiter votre propos à l’amendement en discussion…
La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Mes chers collègues, j’approuve ce que viennent de dire MM. Magner et Husson et, à mon tour, je remercie la commission des finances d’avoir trouvé l’outil technique permettant enfin d’avancer : les associations le demandent de longue date afin de récupérer les fonds dormants !
Néanmoins – vous n’en serez pas surpris –, je reste prudente et je vous invite tous à faire preuve de vigilance : paradoxalement, cet instrument pourrait détourner ces fonds des associations. En effet, d’autres domaines font face aux mêmes problèmes – je pense notamment au sport, que nous avons longuement évoqué.
Nous devrons donc suivre de près la mise en œuvre de ce dispositif. Il peut offrir une véritable bouffée d’oxygène aux associations, à condition de se concrétiser pour de bon !
M. le président. Je mets aux voix l’article 78 unvicies, modifié.
(L’article 78 unvicies est adopté.)
Article 78 duovicies (nouveau)
I. – L’article 174 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 est abrogé.
II. – Le Gouvernement présente au Parlement, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport retraçant l’effort financier public dans le domaine du sport.
Ce rapport retrace l’ensemble des concours financiers et des dispositifs publics en lien avec la politique sportive. Sont présentés les grands agrégats des dépenses publiques en matière de sport, notamment ceux de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.
Ce rapport détaille particulièrement les dépenses publiques de l’État en identifiant la contribution de chaque ministère à la politique sportive de ce dernier.
Ce rapport présente spécifiquement les dépenses publiques engagées relatives à l’accueil des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris de 2024.
M. le président. L’amendement n° II-484, présenté par M. Jeansannetas, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 3, deuxième phrase
Remplacer les mots :
Sont présentés
par les mots :
Il présente
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 78 duovicies, modifié.
(L’article 78 duovicies est adopté.)
Article 78 tervicies (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport analysant les effets du fonds de développement de la vie associative, notamment sur le financement des associations, ainsi que l’impact de l’extension du champ du fonds précité sur ce financement. – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. David Assouline.)
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, en raison de l’hommage national en mémoire des militaires français morts au Mali, qui se tiendra lundi 2 décembre après-midi aux Invalides, nous pourrions ne reprendre nos travaux l’après-midi qu’à dix-huit heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, en accord avec le Gouvernement, la commission des finances et les commissions concernées, l’examen de la mission « Travail et emploi », initialement inscrite le lundi 2 décembre, serait reporté au vendredi 6 décembre, en premier point de l’ordre du jour du matin.
Le délai limite de dépôt d’amendements sur cette mission serait reporté au mercredi 4 décembre, à onze heures. Les délais limites pour les inscriptions de parole, ainsi que pour les cosignatures d’amendements, seraient quant à eux reportés au jeudi 5 décembre, à onze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
4
Loi de finances pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Sécurités
Compte d’affectation spéciale : Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » (et article 78 septdecies) et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore est marquée par d’importants dérapages en matière de maintien de l’ordre ; et ces derniers montrent, une fois de plus, l’importance de la mission « Sécurités ».
Les forces de l’ordre évoluent dans un climat particulièrement dégradé. À preuve, les suicides de policiers ont atteint un triste record en 2019 : à cette heure, leur nombre s’élève à cinquante-quatre.
L’année 2019 est également marquée par l’émergence d’un malaise particulièrement fort. Ce dernier s’est exprimé au cours de la grève intersyndicale du 2 octobre dernier, dont l’ampleur s’est révélée inédite : c’est la première fois depuis vingt ans que toutes les organisations syndicales ont manifesté ensemble.
C’est dans ce contexte que nous abordons l’examen du budget 2020, qui n’est pas à la hauteur des enjeux.
Pourtant, le Gouvernement nous soumet un budget en hausse : les crédits de paiement demandés pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » sont en augmentation de 1,91 %, tandis que les autorisations d’engagement progressent de 1,84 %.
Si l’on tenait compte de la réalité des modifications de périmètre, la hausse des crédits serait même plus soutenue : elle s’élèverait à 4,22 % en autorisations d’engagement et à 5,35 % en crédits de paiement pour le programme « Police nationale », à 3,51 % en autorisations d’engagement et à 2,35 % en crédits de paiement pour le programme « Gendarmerie nationale ».
Pour autant, depuis plusieurs années maintenant, je dénonce l’augmentation constante de la part des dépenses de personnel dans l’ensemble des dépenses des deux forces.
Ce budget connaît les mêmes travers que ceux des années précédentes, et ce de manière particulièrement aggravée : la part des dépenses de personnel dans le total des dépenses va dépasser 90 % pour la police nationale et 85 % pour la gendarmerie nationale. Je vous rappelle qu’il y a quatorze ans la part des dépenses de personnel dans le total des crédits était encore inférieure à 80 %.
Cette évolution ne me semble ni soutenable ni maîtrisée. Elle procède à mon sens d’une vision purement politique, visant à mener les recrutements annoncés coûte que coûte, au détriment de la capacité opérationnelle des forces, laquelle ne peut être restaurée sans dépenses de fonctionnement et d’investissement dignes de ce nom.
En dix ans, les dépenses de personnel ont ainsi augmenté trois fois plus rapidement que les dépenses de fonctionnement et d’investissement : le taux d’évolution des dépenses de titre 2 avoisine 25 % depuis 2010 et les autres dépenses n’ont suivi que de près de 9 %.
Ce budget traduit donc une hausse importante des dépenses de personnel, en augmentation de 3,6 % pour la police nationale et de 2,5 % pour la gendarmerie nationale.
Cette hausse s’explique principalement par le fort niveau des recrutements et par l’ampleur des mesures indemnitaires. Une augmentation de 1 398 emplois à périmètre constant est prévue pour la police nationale en 2020, contre 1 735 en 2019. Pour la gendarmerie nationale, l’évolution des emplois devrait être de 490 équivalents temps plein, ou ETP, contre 643 l’an dernier. Ces augmentations sont conformes aux annonces présidentielles du début de quinquennat.
Le coût de ces recrutements, pour 2019 et 2020, devrait s’élever dans le prochain budget à 47,45 millions d’euros pour la police nationale et à 16,36 millions d’euros pour la gendarmerie nationale. L’année 2020 devrait également être marquée par le poids budgétaire des mesures catégorielles prises en faveur des policiers et des gendarmes, en particulier avec la prime « gilets jaunes » du 27 décembre 2019. Ces dernières s’élèveront à 192 millions d’euros pour les premiers et à 91 millions d’euros pour les seconds.
De manière parfaitement prévisible, et, comme ce fut le cas l’an dernier, la mission « Sécurités » dépassera de nouveau largement la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques : elle l’excédera d’environ 500 millions d’euros, ce qui représente près de 4 % des crédits de paiement exprimés en norme pilotable. Elle fait ainsi partie des six missions présentant le plus fort dépassement par rapport à la loi de programmation des finances publiques. Ce dépassement résulte presque intégralement de l’absence de maîtrise des dépenses liées au personnel.
Les dépenses d’investissement et de fonctionnement ont, quant à elles, atteint un niveau plancher. Cette situation traduit l’absence totale de marge de manœuvre résultant du dérapage des dépenses de personnel que je viens d’exposer.
Pour la gendarmerie nationale, à périmètre constant, les dépenses d’investissement et de fonctionnement seront pour ainsi dire stables en crédits de paiement et connaîtront une hausse de plus de 6 % en autorisations d’engagement. Pour la police nationale, les dépenses de fonctionnement et d’investissement reculent de 8,8 % en autorisations d’engagement et de 0,8 % en crédits de paiement par rapport à l’an dernier.
Les crédits affectés au renouvellement des véhicules, qui constituent à mes yeux un bon indicateur de la volonté de restaurer la capacité opérationnelle des forces de l’ordre, paraissent très insuffisants cette année. Au total, 40 millions d’euros supplémentaires auraient été nécessaires pour empêcher le vieillissement ou la réduction du parc des deux forces.
Or ces véhicules sont d’ores et déjà dans un état préoccupant, alors même qu’ils constituent l’un des principaux outils des agents, notamment dans la gendarmerie nationale. Le budget d’acquisition de véhicules des deux forces représente seulement le tiers des mesures de revalorisation salariale octroyées aux forces de l’ordre en 2020.
Avant de conclure, je tiens à mentionner quelques évolutions importantes en matière d’organisation. Des efforts notables de rationalisation sont entrepris, avec la création d’une direction du numérique et d’un service d’achat unifiés au sein du ministère. Sur le plan opérationnel, je salue la création de l’office anti-stupéfiants (Ofast). Sans préjuger de l’avenir de cette nouvelle entité, j’estime qu’il s’agit là d’une création bienvenue : depuis plusieurs années, la lutte contre les stupéfiants n’était plus érigée en priorité par le ministère de l’intérieur.
L’année 2019 est également marquée par l’abandon de la vacation forte. Comme je l’annonçais depuis 2016, ce renoncement était inévitable. Il est donc regrettable que les difficultés liées à ce nouveau cycle de travail aient fait perdre trois années à l’institution policière, suscitant des espoirs et faisant naître des crispations entre les unités bénéficiant de ce cycle et les autres.
Cette perte de temps est d’autant plus déplorable que, du fait de son caractère insoutenable, résultant de son coût en effectifs, la vacation forte était condamnée avant même son expérimentation.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. En remplacement de ce dernier cycle de travail, la police nationale devrait généraliser un nouveau cycle en 2020.
En bref, les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » connaissent une évolution qui ne nous paraît pas adaptée à la situation du pays et aux missions de nos forces. C’est donc sans aucune réserve que la commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Sécurités » !
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à bien respecter votre temps de parole.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2018 est sans précédent sur le front de la sécurité routière. La mortalité a atteint son plus bas niveau historique : il n’y a jamais eu aussi peu de décès sur les routes de France. On a dénombré 3 488 morts en France, départements et collectivités d’outre-mer compris, soit 196 de moins qu’en 2017. Suivant la même trajectoire baissière, l’accidentalité a enregistré une diminution de 3 %. Réjouissons-nous, à travers ces bons chiffres, de toutes les vies sauvées sur nos routes.
Néanmoins, monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la fragilité de cette embellie : elle reste à confirmer pour 2019. Certes, les éléments dont nous disposons au 31 octobre dernier laissent entrevoir une année assez stable par rapport à la précédente, mais cette stabilité est difficile à apprécier compte tenu à la fois de la mise en place des 80 kilomètres à l’heure au milieu de l’année 2018 et des détériorations de radars entre l’automne 2018 et la mi-2019.
Tout d’abord, je rappelle que les départements et collectivités d’outre-mer restent particulièrement touchés par la mortalité routière. Malgré d’importants progrès – ainsi, en Guadeloupe, le nombre de tués a été divisé par deux depuis 2012 –, le nombre de décès par million d’habitants y dépasse de 70 % la moyenne métropolitaine : nous ne pouvons nous satisfaire de cette inégalité.
Par ailleurs, quoique dans une moindre mesure, cette disparité s’observe sur le territoire métropolitain : le rapport peut atteindre un à trois suivant les territoires, même si, au cours de l’année passée, l’on observe une baisse dans toutes les régions.
Enfin, à l’échelle de notre continent, la France se situe seulement dans la moyenne des pays de l’Union européenne et plusieurs de nos voisins, comme l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni, affichent de meilleurs résultats : la France dispose donc encore d’une marge de progression.
Le projet de loi de finances attribue à l’abaissement de la vitesse à 80 kilomètres à l’heure un gain de 206 vies. À mon sens, ce chiffre doit être considéré avec beaucoup de prudence ; il convient d’observer dans la durée l’évolution de la mortalité sur le réseau routier départemental. C’est ce que permettra le nouvel indicateur créé à cet effet et intitulé « nombre de tués hors agglomération et hors autoroutes ».
Quant aux crédits du programme 207, « Sécurité et éducation routières », ils augmentent de nouveau légèrement, de 2,3 % par rapport à 2019, pour s’établir à 42,64 millions d’euros.
Ce programme concerne avant tout le permis de conduire, dont les coûts d’organisation représentent plus de la moitié des crédits. La réforme de cet examen, lancée en 2014, devrait connaître un second souffle grâce aux dix mesures annoncées le 2 mai 2019 par le Premier ministre, dont l’objectif est de rendre le permis à point moins cher et plus accessible.
Deux mesures, l’extension de la formation sur simulateur et la conversion facilitée du permis sur boîte automatique, sont déjà entrées en vigueur en juillet 2019. Les autres le seront après la promulgation de la loi d’orientation sur les mobilités.
Par ailleurs, alors que les indicateurs de performance stagnaient, le PLF 2020 a remplacé le délai moyen d’attente par le délai médian, qui devrait mieux refléter la baisse des délais pour la majorité des candidats.
Enfin, l’opération « permis à un euro par jour » m’apparaît surbudgétée depuis son lancement. Plus largement, l’aide au financement du permis de conduire doit certainement être repensée.
S’agissant du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » – le « CAS Radars » –, l’estimation du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement reste à un niveau élevé, à 1,837 milliard d’euros.
Il s’agit là, à mon sens, d’une estimation optimiste : le montant du produit qui sera réalisé en 2019 est estimé à 1,700 milliard d’euros et devrait se situer très en dessous des prévisions de la loi de finances initiale, qui étaient de 1,867 milliard d’euros, en retrait, donc, d’environ 10 %.
Cela tient notamment au fait que, comme vous le savez, de nombreux radars ont été vandalisés ou neutralisés. Plus de 10 000 dégradations ont ainsi été constatées en 2018 et 7 500 au 1er septembre 2019 ; le taux moyen de disponibilité des radars est passé de 93 % en 2017 à 88 % en 2018, pour s’établir à seulement 75 % en 2019.
Dans ces conditions, l’impact sur les recettes de l’État a été immédiat et s’est répercuté sur les amendes radars, dont le produit sera, en 2020, encore inférieur à son niveau de 2017.
L’objectif de déploiement a, certes, été revu à la baisse, alors qu’il avait déjà pris du retard au cours des années précédentes, passant de 4 700 à 4 400 équipements d’ici à la fin 2020, mais il comptera, en revanche, des équipements plus modernes, et notamment environ 1 200 radars tourelles, contre 400 qui devraient avoir été installés à la fin de 2019, permettant un contrôle plus étendu et moins prévisible.
Sur ce point, le délégué à la sécurité routière nous a confirmé, lors de son audition, la capacité technique des entreprises sous-traitantes à installer 800 nouveaux radars tourelles au cours de l’année 2020.
S’agissant des collectivités locales, je constate que les crédits du programme 754 augmentent sensiblement, d’environ 29 %, en 2020, malgré l’entrée en vigueur de la décentralisation du stationnement payant, qui avait justifié, l’an dernier, leur diminution. Cette hausse s’explique par le dynamisme des amendes forfaitaires majorées et hors radars.
Enfin, j’achèverai mon propos en évoquant sur la complexité de ce compte d’affectation spécial. Alors que les recettes estimées pour 2020 sont supérieures à la réalisation de 2019, avec 1,837 milliard d’euros contre 1,7 milliard d’euros, cette augmentation profiterait en premier lieu au programme de désendettement de l’État, qui s’établit, pour 2020, à près de 32 % des recettes totales, soit 586 millions d’euros sur 1,837 milliard.
Ce mode de ventilation se fait au détriment de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’Afitf, qui ne percevrait plus que 193 millions d’euros en 2020 et qui joue ainsi un rôle de variable d’ajustement. Cette situation est totalement aberrante, dans la mesure où cette agence a pour mission le financement de programmes d’investissement ferroviaires, routiers et fluviaux, qui nécessitent une programmation stabilisée dans la durée.
Le manque de lisibilité et de cohérence de ce système est devenu tellement contre-productif que l’État a présenté, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, un article visant à réaffecter une partie du flux en provenance des amendes forfaitaires radars, initialement destiné à l’État et aux collectivités, vers le budget de l’Afitf.
Je réitère ma préconisation d’une refonte complète de ce CAS – un souhait exprimé à plusieurs reprises par la Cour des comptes –, plutôt que la poursuite de l’apport de correctifs à un système aussi complexe. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances prévoit une diminution des crédits du programme 161, « Sécurité civile », par rapport à 2019, avec 519,5 millions d’euros de crédits de paiement prévus en 2020.
Cette diminution s’explique essentiellement par une réduction du périmètre du programme 161, avec le transfert d’environ 15 millions d’euros de ses crédits vers le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».
Bien que le programme 161 ne recouvre qu’une infime partie des moyens des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, j’aimerais m’arrêter quelque temps sur leur situation, qui a été particulièrement tendue ces derniers mois. Ceux-ci font en effet l’objet d’une sollicitation croissante, alors que leurs moyens stagnent.
Leurs dépenses d’investissement ont même connu une baisse importante, de près de 18 % depuis dix ans, qui est d’autant plus préoccupante que le soutien de l’État s’amoindrit d’année en année : la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS ne représente plus que 7 millions d’euros en 2020, contre 25 millions d’euros en 2017.
De plus, cette dotation n’accordera plus aucun crédit en faveur des projets locaux des SDIS en 2020. J’estime qu’un effort financier de l’État aurait été possible, alors que les crédits du programme 161, notamment ses dépenses d’intervention, sont inférieurs de 10 millions d’euros à la programmation.
J’achève mon propos par un dernier motif de préoccupation : plus d’un an et demi s’est écoulé depuis l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne. Ma collègue Catherine Troendlé et moi-même vous avions exhorté, monsieur le ministre, à en tirer les conséquences, car nous redoutons tous la menace qu’il fait peser sur notre système de volontariat des sapeurs-pompiers.
Un an plus tard, il est regrettable que nous soyons toujours dans l’attente d’une initiative claire de la part du Gouvernement, alors que plusieurs recours ont été déposés devant les tribunaux administratifs.
Une action rapide doit être entreprise, monsieur le ministre : allez-vous soutenir le projet d’une nouvelle directive qui semble, à nos yeux, la seule solution pour garantir la pérennité de notre modèle de sécurité civile ?
J’ajoute quelques remarques à la suite de mon rapport sur la lutte contre les feux de forêt. Il est satisfaisant que ce projet de loi de finances prévoie toujours le remplacement des Tracker vieillissants par de nouveaux Dash.
La livraison de ces avions me paraît toutefois tardive. Nous ne pouvons pas tolérer une éventuelle rupture capacitaire ces prochaines années, alors que le risque de feux de forêt est susceptible de s’aggraver. Deux de mes recommandations visaient donc à accélérer la livraison de ces Dash et à faire aboutir au plus vite les négociations européennes en vue d’une commande mutualisée de Canadairs.
Je ne puis que réitérer ces recommandations devant vous, monsieur le ministre, indépendamment des incidents techniques qui peuvent immobiliser nos appareils pendant plusieurs mois.
Vous me voyez d’ailleurs satisfait que nos sept Tracker soient de nouveau autorisés à voler depuis la semaine dernière. Leur participation aux missions de guet aérien armé reste essentielle, dans l’attente de leur remplacement par des Dash.
Pour finir, je dois vous avouer ma déception concernant l’évolution du service d’alerte et d’information des populations, le SAIP. Ce projet de loi de finances pour 2020 marque le début de la seconde période de financement, qui représentait initialement 36,8 millions d’euros pour la période 2020-2022. Cette enveloppe a été réduite à 5,6 millions d’euros, qui financeront exclusivement la rénovation des sirènes.
Monsieur le ministre, comment justifiez-vous une telle obstination en faveur de ce procédé, au détriment du développement d’un système d’alerte par téléphone ? Un tel système était pourtant préconisé dès le Livre blanc de 2008 et devient, plus que jamais, indispensable dans un pays comme le nôtre.
Les récents exemples de l’incendie de l’usine de Lubrizol et des intempéries dans le Sud-Est en ont fait la démonstration : une technologie de diffusion cellulaire, le Cell Broadcast, aurait été bien plus efficace et aurait permis une alerte claire et immédiate.
En outre, une directive européenne nous impose la mise en place d’une transmission des alertes par téléphone d’ici à 2022. Vos services, monsieur le ministre, affirment que cette obligation est en cours de réalisation. Comment se fait-il, alors, qu’aucun crédit, ni en CP ni en AE, ne soit prévu pour le développement d’un quelconque volet mobile, ni dans ce PLF, ni pour 2021, ni pour 2022 ?
Pour conclure, mes chers collègues, l’ensemble de ces préoccupations m’incite à vous proposer le rejet de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)