M. Vincent Capo-Canellas. Ça changerait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Imaginez donc les effets en termes de péréquation !
La réforme n’est évidemment pas aboutie. Le Gouvernement le reconnaît lui-même, puisqu’il prévoit de procéder à des corrections dans le projet de loi de finances pour 2021.
Au lieu d’adopter en totalité un dispositif imparfait pour y revenir par des correctifs successifs, comme cela a pu être le cas s’agissant d’autres réformes, il nous semble préférable de nous donner un an de plus pour disposer de deux années complètes de simulations et apporter un certain nombre d’améliorations.
Cela me conduit directement à notre deuxième série de propositions. Pardonnez-moi d’être un peu long, mais cela nous permettra ensuite d’aller plus vite lors de la présentation des amendements.
Les amendements que j’ai déposés tendent à apporter diverses améliorations.
Nous souhaitons ainsi assurer la neutralité des prix de l’année blanche. Nous voulons également garantir les ressources des départements. Notre collègue Alain Richard soulignait que ceux-ci bénéficieraient, avec la TVA, d’une recette dynamique. C’est vrai en période de croissance. Mais il peut arriver, comme lors de la crise de 2008, que le produit de la TVA diminue. Nous proposons donc un mécanisme de garantie. Il sera d’ailleurs applicable à la Ville de Paris, monsieur Bargeton. Avec ce mécanisme, une collectivité ne pourra pas percevoir moins que l’année antérieure.
M. Julien Bargeton. Mais c’est très rare ! Cela n’arrive presque jamais !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce filet de sécurité est particulièrement adapté pour les départements, qui ont des charges sociales incompressibles.
De tels amendements me semblent politiquement pertinents. Leur adoption permettrait d’aider à la mise en œuvre de la réforme.
Je mentionne également l’amendement tendant à supprimer le mécanisme, proposé par le Gouvernement, de remise à la charge des communes et EPCI pour 2020 des augmentations de la taxe d’habitation depuis 2017.
Je crois que nous devons aussi améliorer la revalorisation. L’Assemblée nationale a proposé 0,9 %. Si nous appliquons le droit en vigueur, le bon taux est 1,2 %.
Comme je l’indiquais, il convient en outre de prévoir une compensation intégrale des exonérations de taxe foncière pour les logements sociaux. Le Sénat adopte chaque année un amendement en ce sens sur l’initiative de Philippe Dallier. Ce n’est pas un sujet négligeable. Le pouvoir fiscal d’une commune ayant un nombre considérable de logements sociaux exonérés est évidemment beaucoup plus réduit que celui d’une commune qui en est dépourvue. Il y a là une injustice qu’il faut corriger.
Ces amendements techniques, dont certains sont très importants quand d’autres ont une portée plus réduite, visent à améliorer le dispositif.
Si je dois résumer…
M. le président. Monsieur le rapporteur général, je n’ai pas l’habitude d’interrompre la commission, mais vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes trente.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, monsieur le président, parce que je peux parfaitement me rasseoir et redemander la parole. En tant que rapporteur général, elle est de droit. C’est le règlement !
M. le président. Si vous le prenez comme ça, faites donc !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je me rassois donc – je peux le faire cent fois –, et je redemande la parole. C’est l’application du règlement à la lettre !
M. le président. Je voulais juste vous inviter à conclure.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je résume nos deux séries de propositions. D’une part, nous préconisons le décalage de la mise en œuvre du schéma de compensation, afin de disposer de simulations à blanc et d’indicateurs financiers plus fiables. D’autre part, nous suggérons un ensemble de modifications techniques, afin de corriger les failles que nous avons d’ores et déjà identifiées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, dont le temps de parole n’est pas limité.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je vais essayer de ne pas en abuser, monsieur le président. (Sourires.) Je souhaite tout de même apporter des éléments de réponse aux orateurs qui viennent de s’exprimer. Cela permettra de gagner du temps ensuite, lorsque je serai amené à donner les avis du Gouvernement sur les différents amendements en discussion.
Je rappellerai d’abord le cadre dans lequel nous inscrivons cette réforme et les présupposés que nous avons retenus.
Le premier débat, de droit, porte sur l’autonomie financière et fiscale. Il est intéressant. J’ai eu l’occasion d’y participer moi-même lorsque j’étais parlementaire.
Nous avons fait le choix d’inscrire la réforme dans le cadre de droit existant. Je fais référence à la décision que le Conseil constitutionnel a rendue à la fin du mois de décembre 2009 à propos de la suppression de la taxe professionnelle. La jurisprudence constitutionnelle reconnaît l’autonomie financière, mais pas l’autonomie fiscale des collectivités locales. Peut-être le sujet pourrait-il ressurgir à l’occasion d’une révision constitutionnelle ; ce serait un débat intéressant. Mais, pour l’instant, nous en restons au droit actuel, c’est-à-dire à l’autonomie financière.
Le Conseil constitutionnel a considéré à plusieurs reprises – une telle analyse peut paraître étonnante, mais, comme vous vous en doutez, je ne me hasarderai pas dans mes fonctions actuelles à commenter ses décisions – qu’une allocation de compensation versée par l’État après la suppression ou l’exonération partielle d’une taxe relevait d’une ressource propre et participait à l’autonomie financière. La décision du 28 décembre 2019 peut faire l’objet de débats, mais elle pose aujourd’hui le cadre juridique.
Nous avons également dressé un constat qui, je le crois, est partagé sur toutes les travées : la taxe d’habitation est un impôt injuste. Son montant ne dépend ni réellement ni directement de la capacité contributive des contribuables. Seuls les contribuables les plus défavorisés bénéficient d’une exonération au titre de leur revenu, mais celle-ci n’a pas de lien avec la capacité contributive et la taxe payée.
Madame Lienemann, on ne peut pas considérer qu’une taxe est injuste dans sa répartition et son mode de calcul et que sa suppression serait encore plus injuste ! Je ne crois pas que ce soit le cas,…
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … sauf à renoncer aux objectifs qui sont les nôtres : libérer du pouvoir d’achat pour nos concitoyens.
Permettez-moi de me référer à un engagement pris voilà quasiment deux ans jour pour jour – je me souviens précisément de la date – par le Président de la République devant le Congrès des maires : compenser de manière intégrale avec une ressource pérenne qui soit de nature fiscale. Nous le faisons.
Nous avions aussi une obligation morale : penser un système de compensation plus juste que ce qui avait été mis en place au moment de la suppression de la taxe professionnelle. À cet égard, je souhaite remercier MM. Raynal et Delahaye d’avoir indiqué qu’ils considéraient notre modèle comme techniquement plus intéressant que celui qui avait été mis en place avec le FNGIR.
Ainsi que M. Richard l’a souligné, nous avons fait plusieurs choix. Nous avons ainsi prévu une compensation pour les départements, auxquels nous retirons le bénéfice de la taxe foncière sur les propriétés bâties, avec une fraction de TVA. C’est vrai aussi pour les intercommunalités. Il nous est parfois opposé deux arguments : d’une part, la dynamique de la taxe foncière sur les propriétés bâties serait plus intéressante que celle de la TVA ; d’autre part, cette dernière serait volatile. Je ne souscris à aucun des deux.
Sur les dix dernières années, la TVA présente une dynamique moyenne de 2,89 %, contre 2,04 % pour la taxe foncière sur les propriétés bâties hors taux, et 2,21 % avec les taux. En d’autres termes, sur une période longue, la TVA évolue de manière systématiquement plus forte que la taxe foncière sur les propriétés bâties. Je vais au bout de ma pensée pour répondre à Mme Primas : environ soixante-dix départements ont une évolution, base et taux cumulés, supérieure à 2,90 % et soixante-cinq départements ont une évolution inférieure à 2,90 %. Pour nous, cela donne un caractère assez péréquateur à la réforme.
Je m’inscris aussi en faux contre ce que M. le rapporteur général a affirmé sur la volatilité de la TVA. Cette taxe est indexée non pas sur la croissance, mais sur la consommation. C’est un élément de comparaison utile. C’est ce qui explique que nous soyons à 2,89 %.
En revanche, je vous rejoins sur un point. Au cours des vingt dernières années, une seule année a connu une baisse du produit de la TVA. C’était l’année 2009, marquée par une crise systémique. Des dispositions particulières avaient été adoptées. Je pense au plan de relance et aux mesures de neutralisation des effets de l’évolution négative de la TVA. Cela avait été traité dans un Bulletin officiel des finances publiques de 2010. Les réponses de l’État, quel que soit le gouvernement, en période de crise systématique sont évidemment très différentes des réponses de droit commun.
Nous avons vraiment la conviction que les intercommunalités et les départements ont la garantie de bénéficier des recettes plus dynamiques qu’avec la taxe foncière sur les propriétés bâties. J’assume le fait que tous deux perdent le pouvoir de taux. Permettez-moi à cet égard d’exprimer une opinion personnelle qui, je le crois, rejoint celle de Bernard Delcros. Comme élu local, je préfère bénéficier d’une ressource dynamique dont je ne maîtrise pas le taux plutôt que d’une ressource dont je maîtrise le taux, mais que je ne peux pas augmenter ou qui pâtit des difficultés liées aux différences de valeurs locatives entre les territoires.
Je voudrais également aborder la compensation pour les communes. Les masses sont importantes. Il s’agit de compenser aux communes 16 milliards d’euros de recettes de taxe d’habitation sur les résidences principales. Je rappelle que nous n’exonérons pas les résidences secondaires de taxe d’habitation. Nous avons fait le choix d’affecter aux communes la taxe foncière des propriétés bâties des départements, qui représente 15,1 milliards d’euros. L’écart de 900 millions d’euros sera compensé. La Ville de Paris, par exemple, que nous considérons comme un département, bénéficiera de la TVA, pour un montant compris entre 660 millions d’euros et 672 millions d’euros selon nos évaluations, ce qui permettra de couvrir plus des deux tiers de l’écart. Les quelque 250 millions d’euros restants seront couverts en mobilisant les frais de gestion.
Nous avons fait ce choix, car la TVA, la taxe foncière sur les propriétés bâties et les frais de gestion sont des flux financiers qui transitent par le compte d’avance entre l’État et les collectivités. Cela nous garantit la nature fiscale des recettes de compensation. Dès lors, nous avons aussi l’assurance que la compensation pour les communes sera dynamique et tiendra compte de l’évolution forfaitaire et physique des bases, ainsi que des rôles supplémentaires : la question m’avait été posée lors du Congrès des maires.
Certaines communes seraient théoriquement surcompensées quand d’autres seraient sous-compensées. C’est là qu’intervient le coefficient correcteur, qui, d’une certaine manière, fonctionne comme une forme de prélèvement à la source, toujours par le biais du compte d’avance. Ainsi, nous pourrons garantir en 2021 aux communes une recette calculée sur la base des valeurs locatives de 2020, revalorisée de manière forfaitaire à hauteur de 0,9 %. Cela correspond à l’IPC – j’ai bien noté que vous prôniez plutôt l’application de l’IPCH, monsieur le rapporteur général ; nous aurons ce débat – appliqué au taux de 2017. Je sais que cela sera un point de débat entre le Sénat et le Gouvernement. Mais je réfute l’idée que ce soit une mauvaise surprise. La loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 avait arrêté l’année 2017 comme base de compensation. Tout avait été fait dans la transparence.
Pour les départements, la compensation sera calculée sur la base des valeurs locatives de 2020 et le taux de 2019. En effet, contrairement aux communes, ils n’étaient pas traités dans la loi de programmation pluriannuelle. Nous considérons donc que retenir un taux plus ancien eût été leur faire une mauvaise manière.
Je souhaite insister sur un point s’agissant des modalités. Comme cela a été souligné, ce que nous envisageons est très différent du FNGIR. La compensation que nous proposons est dynamique. Elle n’est par définition pas figée à la hausse en termes de recettes ou de dépenses. Le fait que le FNGIR le soit pose aujourd’hui un certain nombre de difficultés, notamment pour des communes qui sont contributrices alors que leur situation économique et sociale s’est objectivement dégradée.
Nous savons d’expérience que le potentiel fiscal des collectivités est un outil extrêmement fragile. Nous avons tous en tête l’année 2018. Elle a été la première année de stabilité globale des dotations de fonctionnement aux communes,…
Mme Sophie Primas. Globale !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … après les quatre années de baisse. Mais c’est aussi une année où nous avons constaté que presque 60 % des communes avaient connu une baisse. En effet, le potentiel fiscal de 2018 a été calculé sur la base des derniers éléments connus, c’est-à-dire l’exercice 2017, qui était le premier exercice dans le cadre des nouveaux périmètres de l’intercommunalité. Dans la mesure où le potentiel fiscal d’une commune tient compte d’indicateurs socio-économiques de la commune, mais aussi de l’intercommunalité d’appartenance, des communes rurales appartenant à des intercommunalités rurales ayant rejoint des intercommunalités plus urbaines et, surtout, plus industrielles ont vu leur potentiel fiscal augmenter artificiellement et ont automatiquement perdu le bénéfice de la DSR cible.
En outre, en 2015, le CFL a inventé un mécanisme de sortie en sifflet de la DSU et de la DSU cible pour les communes les plus urbaines, mais n’a pas mis en place de mécanisme de sortie en sifflet pour la DSR cible. Cela s’est traduit par un quitte ou double en termes de DSR cible. Les communes qui sont sorties de la DSR cible y ont perdu brutalement, avec des baisses extrêmement fortes de dotations.
Nous ne voulons pas connaître le même phénomène en 2022. La modification du panier de recettes fiscales des collectivités en 2021 se traduira mécaniquement par une modification de leur potentiel fiscal en 2022. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé devant votre délégation aux collectivités territoriales voilà quelques semaines, devant le Comité des finances locales, devant l’Assemblée nationale et, avant-hier, devant l’assemblée générale du Congrès des maires de France que l’on puisse mettre à profit les six premiers mois de l’année 2020 pour mener un travail explorateur et rendre plus juste le potentiel fiscal. Celui-ci n’est pas toujours un indicateur satisfaisant de mesure de la richesse ou des besoins d’un territoire. L’entreprise est extrêmement périlleuse : lorsque l’on modifie un tel indicateur, il y a des gagnants et des perdants.
J’ai également indiqué que si nous ne nous mettions pas d’accord sur une nouvelle modalité de calcul du potentiel fiscal dans les six mois, nous aurions la possibilité d’introduire une mesure de neutralisation des effets de la modification du panier fiscal sur le potentiel fiscal, afin d’éviter que la modification du panier de recettes fiscales des communes ne se traduise par une évolution artificielle de leur potentiel, avec des conséquences sur les dotations à partir de 2022. Le Gouvernement est à la fois ouvert en la matière et prudent, car nous connaissons la difficulté.
La révision des valeurs locatives est un travail assez gigantesque. Il a fallu trois ans, de 2014 à 2017, pour réviser 3,5 millions de locaux professionnels. Nous avons devant nous à réviser 48 millions de locaux d’habitation. Quand on compare ces chiffres, on peut imaginer qu’il nous faille la durée que nous affichons entre 2020 et 2024 ou 2025, avec application en 2026.
Je souhaite répondre à M. Dallier sur le logement. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger sur le sujet. Je le précise, au cours de la présente législature, dans les projets de loi de finances que nous avons présentés au Parlement, nous n’avons jamais intégré les exonérations liées au logement social dans les variables d’ajustement.
Nous savons que l’exonération est mal compensée. J’ai eu l’occasion de rendre au Parlement un rapport sur les compensations d’exonérations depuis vingt ou vingt-cinq ans. Le fait qu’il y ait une mauvaise compensation nous incite plutôt à faire de la compensation fiscale comme nous le faisons. L’une des réponses à votre question – comment encourager la construction de logements sociaux s’il n’y a plus l’avantage marginal à trouver une recette de taxe d’habitation malgré la mauvaise compensation ? – pourrait peut-être passer par une véritable réforme des dotations de l’État aux collectivités.
M. Philippe Dallier. Mais quand ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je souhaite faire un point sur l’avancement de nos travaux, car j’ai une petite inquiétude compte tenu du rythme auquel nous allons.
Nous venons d’avoir un assez long débat sur la taxe d’habitation, en préalable à l’examen des amendements. J’espère que cela favorisera une certaine responsabilisation dans l’expression, sachant que plus de soixante amendements ont été déposés sur le sujet.
Certains se sont imaginé que nous pourrions terminer avant la coupure du dîner. Personnellement, je n’y crois pas. En une heure, c’est impossible. Cela ne s’est jamais vu. Mais peut-être le verrons-nous ce soir ? (Sourires.)
Il restera ensuite un nombre considérable de sujets à aborder : ce soir, le logement, avec l’article 8 ; lundi, la fiscalité écologique, qui représente un bloc assez énorme. Je peux d’ores et déjà vous dire que nous siégerons probablement jusqu’à trois heures cette nuit et qu’il en sera de même lundi, puisque, le mardi, comme les groupes se réunissent, nous n’avons pas séance le matin. C’est la seule façon de protéger le dimanche, comme nous en avons, les uns et les autres, exprimé l’intention.
Je vous invite donc à aller directement au cœur du sujet et, autant que possible, à ne pas répéter ce qui a déjà été dit.
M. le président. Je précise que le rythme de cet après-midi était très élevé, jusqu’à ce que nous abordions l’article 5. Nous en étions à quarante amendements à l’heure, c’est-à-dire trois fois plus que ce matin. Nous ne pouvions aller plus vite.
Je pense moi aussi que ce long débat préalable doit servir à dégrossir la discussion sur les amendements.
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Pour aller dans le sens du président de la commission des finances, je propose un compromis. Prolongeons notre séance de cet après-midi jusqu’à vingt heures quarante-cinq ou vingt et une heures. Cela pourrait inciter tout le monde à plus de sobriété et permettre de reprendre nos travaux ce soir sur le sujet suivant.
M. Jérôme Bascher. C’est une idée qui se défend !
M. le président. Cela ne changera rien au problème, monsieur Richard. Votre proposition n’empêchera pas le Sénat de siéger jusqu’à trois heures du matin si nos travaux se poursuivent à ce rythme. Ce n’est pas moi qui présiderai ce soir, mais je pense à vous tous.
Aussi, si tout le monde en est d’accord, je suspendrai la séance aux alentours de vingt heures. Les séances de l’après-midi sont toujours plus longues que les autres ; ce n’est pas celles qu’il faut prolonger.
Article 5 (précédemment réservé) (suite)
M. le président. L’amendement n° I-283, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Notre groupe se bornera à dire « défendu » sur plusieurs amendements, d’une part, pour tenir compte de ce qui nous rassemble ici et, d’autre part, parce que nous avons écouté le débat qui vient d’avoir lieu. Il faudra quand même avoir une bonne mémoire de ce qui se sera dit sur le sujet, parce que, à la fin, il faudra en rendre compte aux élus municipaux.
Monsieur le secrétaire d’État, les 16 % les plus modestes ne payaient pas la taxe d’habitation. Merci pour eux ! Vous nous dites que cette réforme va représenter une amélioration pour les autres. C’est vrai, nous avons fait le calcul : les 20 % les plus aisés vont bénéficier d’un gain moyen de 1 158 euros. En voilà des éléments de justice !
Mme Sophie Primas. Pour l’instant, ils paient !
M. Pascal Savoldelli. Je voudrais faire un petit clin d’œil à Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. C’est sympa ! (Rires.)
M. Pascal Savoldelli. On n’en parle pas, mais cette taxe d’habitation recouvre aussi la cotisation sur les résidences secondaires. Cela représente tout de même 2 milliards d’euros. Vous voyez la différenciation qu’introduit ce gouvernement ?
Savez-vous combien Philippe Dallier ou Éliane Assassi ont de résidences secondaires en Seine-Saint-Denis ? Elles représentent 0,9 % des logements, contre 45,1 % dans les Hautes-Alpes !
M. Roger Karoutchi. C’est logique !
M. Pascal Savoldelli. D’accord, Karoutchi, mais, là, on n’est pas à Neuilly ! La Seine-Saint-Denis, qu’est qui va lui rester ?
M. Philippe Dallier. Ses yeux pour pleurer !
M. Pascal Savoldelli. Voilà !
Cette réforme va conduire à mettre en opposition les communes qui ont beaucoup de résidences secondaires et celles qui n’en ont pas, quelle que soit leur étiquette politique.
Mme Sophie Primas. Les résidences secondaires ne consomment pas beaucoup de services !
M. Pascal Savoldelli. Sur la compensation, le Sénat a réalisé un travail, qui mérite sûrement d’être affiné – Christine Lavarde a abordé le sujet. Pour ma part, je l’ai étudié avec notre groupe. D’après les premières projections du Sénat, sans cette réforme, les recettes de la taxe d’habitation auraient augmenté de 4 milliards d’euros en 2020. Cela signifie que les maires auraient disposé de cette ressource, et, quelle que soit leur sensibilité politique, je leur fais confiance, ils auraient tout mis sur les services publics et pour répondre à l’intérêt général. Ce sont donc 4 milliards d’euros qui vont manquer à nos territoires.
Je dirai enfin à mon collègue Delcros qu’il a raison : certains départements comme le Cantal sont parfois à la limite de la cessation de paiement. Ce n’est pas parce que d’autres départements sont plus riches, c’est parce que nous avons tous la charge nette des trois allocations nationales de solidarité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable. Nous souhaitons améliorer l’article 5.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-66 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° I-507 est présenté par MM. Raynal, Marie, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. M. Bourquin, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Daudigny, Devinaz, Fichet et Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mmes Lepage, Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Sueur et Temal, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
A. bis – À compter du 1er janvier 2021, l’article 1414 C du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du 2° du A du présent I, est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. – Les contribuables autres que ceux qui bénéficient du dégrèvement d’office prévu au 2 du I bénéficient d’un dégrèvement de 30 % de la taxe d’habitation afférente à leur habitation principale, après application, le cas échéant, du 3 du même I. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - La perte de recettes résultant pour l’État de la mise en œuvre d’un dégrèvement partiel d’office de la taxe d’habitation est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-66.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Défendu.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° I-507.
M. Claude Raynal. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je vais dire un mot sur ces amendements, puisque, s’ils étaient adoptés, ils entraîneraient le report d’un an de l’application de la réforme.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, ces amendements portent sur le dégrèvement pour les 20 % des ménages les plus favorisés.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Vous avez raison. Je vais donc donner l’avis sur les deux dispositifs.
Nous sommes favorables à une entrée en vigueur de la réforme dès 2021 et, s’agissant de la trajectoire de suppression des 20 %, entre 2021, 2022 et 2023. Si le Gouvernement est favorable à une application en 2021, votée en 2020, c’est pour que les maires élus aux prochaines élections connaissent exactement le cadre dans lequel ils pourront mener leur action. Je vous ai indiqué ce que nous envisagions de faire sur le potentiel fiscal pour nous prémunir du seul effet que nous craindrions.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’ensemble des amendements visant à modifier les modalités de l’entrée en vigueur de la réforme ou à la reporter.