Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, nous avons parlé à plusieurs reprises dans cet hémicycle des impôts de production. Or, concrètement, il nous est ici proposé un impôt de production. Tout cela n’est pas très cohérent. Sincèrement, si l’on doit envisager une meilleure compétitivité ou un rééquilibrage, je préférerais que l’on baisse ce qui dépasse plutôt que de créer un impôt de production.
Deuxièmement, le rapporteur général l’a longuement expliqué, cet amendement ne pourra pas être correctement appliqué, car on ne sait pas distinguer une surface de stockage destinée au commerce en ligne d’une surface de stockage pour le commerce physique. À titre d’exemple, les Galeries Lafayette utilisent aujourd’hui leur magasin, qui est une surface de commerce, comme surface de stockage de commerce en ligne, car elles sont également référencées en ligne. Les frontières ne seront donc pas simples à tracer, sans compter que la capacité d’évitement sera élevée.
Troisièmement, ces amendements soulèvent la question de la performance de notre filière logistique. Je l’ai rappelé, nos coûts sont supérieurs de 15 % à 20 %. En rajouter sur les surfaces de stockage n’irait pas tout à fait dans le bon sens.
Par ailleurs, il sera très aisé aux entreprises d’implanter leurs entrepôts en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et sur tout le pourtour de nos frontières. Elles ne paieront pas de Tascom et nous aurons perdu des emplois, sans pour autant avoir résolu le problème que vous soulevez.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas à l’aise avec votre proposition, même si j’en partage totalement l’objectif. Il est en effet important de réfléchir à une fiscalité adaptée pour rééquilibrer le jeu entre les commerces traditionnels et les plateformes de commerce en ligne, qui ne paient pas leur quota d’impôts à due concurrence des profits qu’ils génèrent grâce à notre territoire. Tel est, à mes yeux, le problème fondamental.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. J’avoue que je ne comprends pas très bien les réponses qui viennent de nous être apportées. Oui, il s’agit d’un impôt de production : pourquoi le déplorer puisque c’est son objectif ? Il s’agit de créer un impôt pour ceux qui ne paient pas d’impôts de production afin d’introduire davantage d’équité en termes de concurrence entre les commerces physiques, assujettis à 90 taxes différentes, considérées comme des impôts de production, dont un tiers sont liées à la valeur du foncier, et ceux qui n’en paient pas du tout ou pratiquement pas. Je l’assume : il s’agit d’un impôt de production !
J’ajoute que, contrairement à la taxation des livraisons que nous avons évoquée tout à l’heure, cet impôt ne s’ajoute pas à la taxe de 3 %, laquelle ne concerne pas les biens physiques, qui sont soumis à la TVA.
Enfin, l’amendement a été rédigé de telle sorte que les Galerie Lafayette, que vous avez mentionnées, madame la secrétaire d’État, ne soient pas assujetties à cette imposition. Sont effectivement exonérées de la taxe sur les surfaces de stockage les entreprises assujetties à la taxe sur la surface de vente des magasins de commerce de détail.
Pour le dire très clairement, l’amendement n° I-163 rectifié bis ne vise que les « pure players », c’est-à-dire les commerces qui ne font que de la vente en ligne. Sont donc essentiellement visés les entrepôts d’Amazon. Pourquoi nous priverions-nous d’une telle opportunité ? Un tel impôt de production est légitime : il s’agit de réintroduire un peu d’équité dans la concurrence.
Mme la présidente. Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° I-741 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Bonnecarrère. Malgré la demande de retrait, je maintiens également mon amendement, non seulement pour les raisons évoquées par mes collègues, mais aussi parce que sa rédaction cible bien les éléments de logistique et de stockage.
Ainsi, les activités mixtes décrites par M. le rapporteur général et par Mme la secrétaire d’État ne seront pas concernées. Seules seront touchées les activités de logistique pure n’ayant pas vocation à alimenter le commerce classique. Il me semblait que nous avions fait preuve de prudence.
Peut-être pourrions-nous suggérer à Mme la secrétaire d’État, comme pour de nombreux sujets touchant au numérique, de travailler davantage le volet européen de cette fiscalité ? Nos collègues ont raison de le souligner, le monde du numérique est sous-fiscalisé alors même que sa part commerciale progresse indiscutablement.
J’admets que la rédaction de notre amendement n’est pas parfaite, mais faites-nous rapidement des propositions plus pertinentes !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cette idée simple serait en réalité très complexe à mettre en œuvre. Je n’ai aucune difficulté à le reconnaître, car la commission des finances était très allante sur la fiscalité du numérique. J’ai moi-même défendu ce type d’amendement et je me suis rendu compte de toutes les difficultés que pose ce type de disposition.
Prenons l’exemple des grands entrepôts ex-Norbert Dentressangle, qui sont des entrepôts polyvalents. Selon les saisons, ils accueillent le stock des grandes enseignes comme Carrefour ou Leclerc, ou les stocks d’Amazon, etc. Dès lors, comment déterminer de manière concrète la part de l’entrepôt affectée au e-commerce ? Ces entrepôts vont bientôt commencer à stocker les chocolats de Pâques. Dès le mois de septembre, ils stockent les jouets pour la grande distribution. L’été, ils stockent des marchandises pour le e-commerce, etc. J’ai pu constater, en visitant de tels entrepôts, combien la nature même des stocks et des clients pouvaient varier.
Certes, l’amendement d’Arnaud Bazin est assez bien travaillé s’agissant des commerces physiques. Des enseignes comme la Fnac ou Darty, qui pratiquent à la fois du e-commerce et du commerce traditionnel, peuvent être exonérés de cette taxe. Mais cet amendement ne réglerait pas, s’il était adopté, la question des entrepôts polyvalents situés en périphérie du bassin parisien ou de la région lyonnaise. Cet aspect devra donc être retravaillé.
Quoi qu’il en soit, il importe de ne pas évacuer la question, car il existe aujourd’hui une distorsion de concurrence. Enfin, ce qui ne me satisfait pas ici, c’est qu’une telle taxation n’apporterait pas de solution pour le commerce de proximité, qui ne verrait pas la Tascom diminuer.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. J’ai émis un avis global ; or il y a des variations entre ces différents amendements. Tous n’ont pas la même logique. Vous avez raison, monsieur Bazin, le vôtre prévoyait un équilibre.
Vous avez évoqué l’idée d’une taxation européenne. C’est effectivement un sujet fondamental. C’est la raison pour laquelle nous poussons l’OCDE à nous faire des propositions en 2020.
En octobre dernier, elle a publié les premières pistes sur lesquelles elle travaille. Deux piliers ont été retenus : un pilier de taxation minimale, quelle que soit l’activité, afin de traiter le volet optimisation fiscale, dumping fiscal ou paradis fiscal de type Irlande, Malte, Chypre, etc. ; et un pilier pour la taxation des plateformes numériques, qui parviennent à ne pas ancrer leur activité dans un pays donné, à échapper à la taxation et à choisir les pays les plus adaptés pour leurs bénéfices.
L’objectif est d’arriver à des propositions en 2020. À la minute où ces propositions seront sur la table et validées – on l’a dit pour la taxe sur les services numériques –, l’objectif de la France sera bien de les mettre en œuvre. La concurrence fiscale sera alors rééquilibrée entre tous les pays. Il sera alors beaucoup plus difficile pour un acteur d’aller placer son entrepôt de l’autre côté de la frontière !
Par ailleurs, tout cela n’épuise pas le sujet, car nous pourrions effectivement ouvrir le débat de la taxation du commerce à l’échelon européen. En tout état de cause, la réflexion ne me paraît pas encore très mûre sur ce sujet, à en juger par ce que je vois en Conseil « Compétitivité ».
Je veux bien m’engager à essayer de trouver des pays alliés susceptibles d’adhérer à l’idée d’une forme de convergence, voire plus si affinités. Cela étant, on le sait, les sujets fiscaux exigent l’unanimité, ce qui n’est pas la configuration la plus évidente !
Quant à l’artificialisation des sols, elle est effectivement une question très importante sur laquelle Emmanuelle Wargon a annoncé un agenda, à la sortie du Haut Conseil à l’écologie. À ce stade, nous n’allons pas utiliser le levier fiscal, mais vous avez raison : c’est un combat important qu’il faut engager dès à présent. Nous veillons à cette question lorsque nous autorisons l’ouverture de surfaces additionnelles. La Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) est très regardante à l’heure actuelle sur toutes ces questions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Mon amendement concerne les nouveaux établissements de stockage et de logistique dont les permis de construire ont été délivrés après le 1er juin 2020 et qui devraient servir à la vente de biens à distance. Il pourrait donc être intéressant de le voter, d’autant que le Gouvernement s’est engagé à atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette des sols dans le plan Biodiversité de juillet 2018. Certes, ce n’est pas un levier suffisant. Toutefois, c’est grâce à la multiplication des leviers que nous pourrons lutter, car il n’y a pas de solution miracle !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-163 rectifié bis et I-562 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13, et les amendements nos I-594 rectifié, I-695 rectifié ter, I-741 rectifié ter et I-918 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-224 rectifié ter, présenté par M. Chevrollier, Mme Imbert, MM. Houpert, Chaize, Danesi, Bascher, Morisset, Meurant et B. Fournier, Mme Deromedi, M. Cuypers, Mmes Gruny et F. Gerbaud, MM. Grosdidier et Schmitz, Mme Lopez, MM. Bonne et Gremillet, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. de Nicolaÿ et Rapin et Mme Duranton, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le sixième alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les établissements situés en centre-ville tel que défini aux articles L. 141-16 et L. 141-17 du code de l’urbanisme, le montant de la taxe est réduit de 50 %.
« Pour les établissements situés à l’extérieur du centre-ville, en zone périphérique telle que mentionnée à l’article L. 141-17 du même code, le montant de la taxe est majoré de 50 %.
« Un décret en Conseil d’État détaille les modalités de la différenciation géographique. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Cet amendement s’inscrit dans le cadre de la politique de lutte contre l’artificialisation des sols et pour la revitalisation économique des centres-villes.
Il vise à moduler le taux de la taxe en fonction de la localisation des commerces. Si l’établissement se situe en centre-ville, le montant de la taxe est réduit de 50 % alors qu’il est majoré de 50 % si le commerce se situe hors centre-ville, c’est-à-dire en périphérie. L’objectif est de privilégier l’implantation de commerces dans des lieux déjà urbanisés et artificialisés, en centres urbains, plutôt qu’en périphérie.
En effet, ces implantations sont à l’origine non seulement d’une artificialisation supplémentaire, mais également d’inconvénients majeurs et multiples : problèmes sociaux, climatiques en raison de la pollution, embouteillages, nuisances sonores et paysagères – je pense à l’enlaidissement et au mitage des entrées de villes.
On assiste en effet aujourd’hui à un retour des grandes surfaces en intra-urbain, qu’il convient d’accompagner. La modulation d’une taxe existante comme la Tascom permettrait d’agir en faveur de la revitalisation des centres-villes.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° I-693 rectifié est présenté par Mmes Préville et Taillé-Polian, MM. Jomier et Devinaz, Mme Lepage, M. M. Bourquin, Mme Rossignol, M. P. Joly, Mmes Jasmin et Ghali, M. Kerrouche, Mme Grelet-Certenais, M. Joël Bigot, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny, Courteau, Tourenne et Antiste et Mme Monier.
L’amendement n° I-739 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Détraigne, Mizzon et Kern, Mme Morin-Desailly, MM. Janssens, Lafon et Canevet, Mmes Billon, Vullien et Joissains, M. Moga, Mme Doineau et MM. L. Hervé et Capus.
L’amendement n° I-916 rectifié bis est présenté par MM. Labbé, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mmes Guillotin et Laborde et M. Requier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le douzième alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Pour les établissements situés à l’intérieur d’une centralité urbaine, le taux de cette taxe est minoré de 5 % dès le 1er janvier 2020, 20 % en 2021, 30 % en 2022 et 50 % en 2023.
« Pour les établissements situés à l’extérieur d’une centralité urbaine, le taux de cette taxe est majoré de 5 % dès le 1er janvier 2020, 20 % en 2021, 30 % en 2022 et 50 % en 2023.
« Pour les nouveaux établissements situés à l’extérieur d’une centralité urbaine, dont le permis de construire a été délivré après le 1er juin 2020, une majoration additionnelle de 5 % est appliquée à cette majoration à partir du 1er juin 2020, 20 % en 2021, 50 % en 2022 et 100 % en 2023.
« Un décret en Conseil d’État définit les caractéristiques juridiques et géographiques de la centralité urbaine, dont le périmètre est arrêté par le représentant de l’État dans chaque département, après avis des communes concernées. »
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° I-693 rectifié.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à favoriser les commerces de villes et de centres-bourgs, conformément aux engagements du Gouvernement qui a notamment mis en place un plan de revitalisation des centres-villes, baptisé « Action cœur de ville ».
À cette fin, il est proposé de moduler progressivement le taux de la taxe sur les surfaces commerciales selon le lieu d’implantation des grandes surfaces, dans une logique de « bonus-malus ». Il tend également à introduire une majoration additionnelle progressive au surplus de cette majoration, pour les nouvelles constructions d’établissements concernés par la Tascom, hors villes et centres-bourgs, à partir du 1er juin 2020.
L’objectif est de privilégier l’implantation de commerces dans des lieux déjà urbanisés et artificialisés, en centres urbains, plutôt qu’en périurbain, où l’implantation commerciale a souvent les multiples conséquences que j’ai évoquées précédemment.
Le bonus que tend à prévoir cet amendement est de nature à réduire le coût d’exploitation des commerces de centres-villes et de centres-bourgs, et à restaurer leur attractivité, dans un contexte où la vacance commerciale intra-muros dans les villes moyennes est en augmentation ; on observe d’ailleurs le même phénomène en milieu rural.
Il s’agit de redéfinir nos taxes en fonction des réalités que nous vivons et de réagir dans une logique de responsabilité. Nous avons beaucoup à faire pour enrayer le funeste phénomène de la fermeture des commerces en centres-villes et centres-bourgs.
Mme la présidente. L’amendement n° I-739 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° I-916 rectifié bis.
M. Yvon Collin. Il a été excellemment défendu par Mme Préville.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements visent à moduler le taux de la Tascom en fonction de la localisation géographique, laquelle est précisément définie par le code général des collectivités territoriales (CGCT) en termes de centre-ville ou de périphérie.
Cette idée de modulation est intéressante, car on constate partout la situation d’extrême difficulté dans laquelle se trouvent les commerces de centre-ville qui, du fait notamment des problèmes de stationnement et d’accès au centre-ville, subissent à la fois la concurrence des commerces de périphérie et du e-commerce.
Cependant, la solution proposée au travers des amendements nos I-693 rectifié et I-916 rectifié bis ne me semble pas fonctionner dans la mesure où la modulation est fixée non par la loi, mais par le règlement. J’émets donc un avis défavorable.
Je préfère l’amendement n° I-224 rectifié ter présenté par Alain Houpert, bien que le caractère automatique de la majoration ou de la minoration paraisse quelque peu brutal. Je considère qu’il faut préserver la liberté de décision et d’appréciation de la collectivité – commune ou EPCI –, en fonction des circonstances locales.
Je propose donc à son auteur de rectifier cet amendement en prévoyant la possibilité d’une modulation dans la limite de 50 %, sur délibération de la commune ou de l’EPCI. Ainsi rectifié, l’amendement me semblerait plus acceptable et j’y serais favorable.
La majoration ne serait donc plus automatique. Il appartiendra à la commune ou à l’EPCI de décider, via une délibération, s’il y a lieu ou non de majorer la Tascom des commerces selon leur situation géographique. Nous sommes en effet très attachés à la liberté et à l’appréciation locales. Plaquer une règle nationale, par exemple une hausse brutale de 50 % de la Tascom partout en France, paraît donc par trop brutal.
Cette solution permettra de favoriser le commerce de centre-ville, qui est l’objectif des auteurs de l’amendement. Cela permet d’assouplir le régime de la Tascom, une taxe rigide dont le taux, unique, s’applique à l’ensemble des territoires et les frappe aveuglément.
Mme la présidente. Monsieur Houpert, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur général ?
M. Alain Houpert. La rectification proposée par M. le rapporteur général me paraît très sage.
Les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) et la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), qui délibèrent régulièrement, se battent contre la perte de vitalité des centres-villes. Cette mesure permettra aux commerces de certains centres-bourgs de lutter contre la concurrence exercée non seulement par ceux de la périphérie, mais aussi par ceux des centres-bourgs voisins.
La possibilité pour une collectivité de décider du montant de la Tascom est un moyen de faire revenir les commerces dans les centres- villes.
Je rectifie donc mon amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur général.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° I-224 rectifié quater, présenté par M. Chevrollier, Mme Imbert, MM. Houpert, Chaize, Danesi, Bascher, Morisset, Meurant et B. Fournier, Mme Deromedi, M. Cuypers, Mmes Gruny et F. Gerbaud, MM. Grosdidier et Schmitz, Mme Lopez, MM. Bonne et Gremillet, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. de Nicolaÿ et Rapin et Mme Duranton, et ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le sixième alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour les établissements situés en centre-ville tel que défini aux articles L. 141-16 et L. 141-17 du code de l’urbanisme, le montant de la taxe peut être réduit jusqu’à 50 % sur délibération de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« Pour les établissements situés à l’extérieur du centre-ville, en zone périphérique telle que mentionnée à l’article L. 141-17 du même code, le montant de la taxe peut être majoré jusqu’à 50 % sur délibération de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« Un décret en Conseil d’État détaille les modalités de la différenciation géographique. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je suis gênée par le fait que l’on oppose, dans cette discussion, les commerces de périphérie, qui subissent eux aussi une perte de la fréquentation, et ceux des centres-villes.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cas, on ne module pas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Or la tentation de moduler pourra être importante… Vous opposez deux secteurs en pleine transformation, qui connaissent tous deux des difficultés et emploient de nombreuses personnes. Je rappelle, par ailleurs, que beaucoup de commerces de périphérie sont fréquentés par des populations modestes pour lesquelles l’accès aux centres-villes n’est pas évident.
Je partage totalement l’objectif de redensifier le commerce de centre-ville en facilitant l’installation de nouveaux commerces indépendants, car ce sont ceux qui apportent de la différenciation, tandis que les franchises uniformisent les cœurs de nos villes. Tel est d’ailleurs le but que nous poursuivons au travers de l’article 47 du projet de loi de finances, qui prévoit des exonérations en faveur des activités commerciales dans les communes rurales isolées, et de l’article 48, qui introduit des exonérations en faveur des commerces adossés à des opérations de revitalisation des territoires.
L’opposition, via cette modulation, entre commerces de centre-ville et commerces de périphérie, est dangereuse parce qu’elle a pour conséquence d’affaiblir l’ensemble du commerce physique en France, à un moment où il traverse des crises majeures. On le sait, les premières victimes des plateformes numériques sont non pas les petits commerces du coin de la rue, mais les grandes surfaces, et ce phénomène progresse. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles développent des offres alternatives sur les plateformes numériques.
Bien que je sois d’accord avec vous sur la problématique, cette proposition m’inquiète quelque peu, car elle ne répond pas à l’enjeu auquel nous faisons face. On risque de déshabiller Paul sans vraiment habiller Pierre, sans toutefois régler le problème central qui nous occupe.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. L’amendement ainsi rectifié est bienvenu, car il laisse aux collectivités la possibilité de gérer un problème local.
Votre vision, madame la secrétaire d’État, demeure centralisatrice. Selon vous, tant que le Gouvernement n’aura pas réfléchi aux problèmes du commerce local, les collectivités ne seront pas capables de les résoudre.
Ce que nous vous demandons, c’est d’aller vers davantage de décentralisation. Je sais que le Gouvernement va – mais toujours dans l’avenir ! – nous présenter un texte sur la décentralisation… Avec cet amendement, voilà une proposition de proximité !
S’il vous plaît, madame la secrétaire d’État, un peu de sagesse !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Comme M. Bascher, j’aimerais que Mme la secrétaire d’État fasse preuve d’un peu de sagesse.
C’est l’histoire de la poule et de l’œuf : qui a tué les centres-villes ? Ce sont les commerces de périphérie, lesquels représentent moins d’emplois que l’ensemble des petits commerces de centre-ville qu’ils ont détruits.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Permettez-moi de faire un rappel factuel des propositions mises sur la table par le Gouvernement.
Premier point, les articles 47 et 48 du projet de loi de finances, qui visent les commerces de centre-ville, prévoient une baisse de la fiscalité à leur endroit, ce qui rejoint l’objectif général, recherché par votre assemblée, de baisse de la pression fiscale en France. Il s’agit de propositions concrètes.
Deuxième point, je vous le redis, opposer les commerces de centres-villes et ceux de périphérie, c’est ne pas voir le sens de l’histoire et faire fi de la pression que subissent les commerces de périphérie. Vous le savez, Auchan et Carrefour sont en difficulté et prévoient des plans sociaux majeurs ; on ne parle pas là d’un petit nombre de personnes concernées ! Par ailleurs, les montants des baux commerciaux sont élevés.
Je veux bien faire confiance aux collectivités locales,…
M. Jérôme Bascher. Ah ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … mais je ferai une simple remarque : lorsque la possibilité a été donnée de moduler entre taxe foncière et Tascom, la Tascom a été augmentée et la taxe foncière diminuée. Pourquoi ? Parce qu’une société commerciale est une fiction normative, alors qu’un habitant est une personne, à qui il est donc plus difficile d’imposer une augmentation d’impôt.
On le voit pour les impôts de production : on augmente plus facilement l’impôt sur les sociétés que celui qui pèse sur les contribuables, car eux, ils votent !