Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Wattebled, vous l’avez dit, la décision de mettre en œuvre la gratuité relève bien du libre choix des collectivités locales, et non d’une décision de l’État.
Les autorités organisatrices de la mobilité restent libres de leur politique tarifaire, de l’appréciation de leurs marges de manœuvre financières et fiscales. Vous l’avez également mentionné, c’est bien une politique de long terme que ces autorités doivent conduire.
Comme je viens de l’indiquer, il existe différents outils : ainsi, la tarification solidaire mise en place par de nombreuses autorités organisatrices apparaît déjà comme une alternative efficace pour répondre aux besoins en termes de mobilité des populations fragiles. Pour ces publics, un accompagnement est d’ailleurs nécessaire au-delà de l’aspect tarifaire. L’une des dispositions du projet de loi d’orientation des mobilités a précisément pour objet de donner une compétence « mobilité solidaire » aux autorités organisatrices, avec un plan d’action qui sera appliqué par la région et le département dans chaque bassin de mobilité.
Enfin, l’enjeu en matière d’accès à la mobilité réside aussi dans le développement de l’offre elle-même. C’est ce que nous ont dit les usagers, comme à vous aussi dans le cadre des travaux de votre mission : ils sont sensibles au niveau et à la qualité de l’offre, et pas seulement aux tarifs. C’est notamment la position de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports.
La mission, au travers des nombreuses réponses à la consultation qu’elle a lancée, a pu mesurer les attentes de nos concitoyens : c’est un axe central du projet de loi d’orientation des mobilités, qui prévoit que chaque territoire se dote d’une autorité chargée de la mobilité, et qui permet à chacun de ces territoires de développer un panel d’outils pour agir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la gratuité des transports collectifs est un sujet qui divise.
Mais il est des territoires où cette question passe après celle de la réalité et de la qualité des transports, tant ceux-ci sont déficients.
Je pense en particulier aux difficultés que rencontrent les travailleurs transfrontaliers du nord de la Lorraine, qui se rendent chaque jour dans le Grand-Duché de Luxembourg. Ils se heurtent à d’énormes problèmes de circulation, car tous les réseaux sont saturés, y compris ceux des transports collectifs. Près de 105 000 salariés sont concernés aujourd’hui et ils sont 4 000 de plus chaque année. Ceux-ci s’établissent du côté français, obligeant les collectivités, parfois – j’insiste sur ce terme ! – soutenues par l’État, à investir lourdement dans les équipements scolaires, périscolaires, culturels, sportifs, mais aussi dans les équipements de transport vers le Luxembourg.
Il faut toutefois souligner que, dans une démarche de codéveloppement, le Luxembourg vient d’accepter de cofinancer à hauteur de 50 % ces investissements en matière de mobilité, qui représentent une dépense totale de 240 millions d’euros. Le protocole d’accord afférent, négocié en mars, a été ratifié par une loi du 29 octobre dernier.
C’est un progrès, mais est-ce suffisant ? Le Gouvernement ne devrait-il pas plutôt négocier que le Luxembourg assure 100 % du financement ? Ces investissements ne sont pas détachables du travail frontalier. Ces équipements servent exclusivement à se rendre au Luxembourg. S’ils n’étaient pas réalisés chez nous, ils devraient l’être chez nos voisins et, donc, ils seraient totalement à leur charge.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il devient urgent de négocier cette gratuité avec nos voisins, d’autant qu’ils encaissent la totalité de l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers et que, pour l’heure, ils n’envisagent aucune rétrocession fiscale, à la différence de ce qui prévaut avec la Belgique, par exemple ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Mizzon, votre question renvoie à la problématique épineuse du modèle de développement transfrontalier entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg.
En matière de voyageurs, il faut bien reconnaître qu’il est très difficile d’intéresser les autorités du Luxembourg au sort des travailleurs frontaliers français, comme le démontre la situation des TER français qui ne pourront plus franchir la frontière à Thionville à partir du 1er janvier prochain. L’État continue à se mobiliser, et les secrétaires d’État Jean-Baptiste Djebbari et Amélie de Montchalin ont encore écrit tout récemment au ministre luxembourgeois chargé des transports à ce sujet.
Les participations luxembourgeoises sont d’ailleurs rarement désintéressées. Ainsi, les investissements dans les TER, soutenus par le Luxembourg à hauteur de 120 millions d’euros en application d’un protocole intergouvernemental de mars 2018, bénéficient principalement au Grand-Duché, puisqu’ils facilitent l’acheminement des travailleurs français sur son territoire.
Il faut poursuivre le travail pour répondre à ces enjeux de mobilité en renforçant la dynamique de codéveloppement, et en investissant plus massivement dans les infrastructures de transport durable en France. Ainsi, l’État continuera de solliciter le Grand-Duché pour qu’il apporte un soutien plus important aux travaux déjà engagés sur le sillon ferroviaire Metz-Luxembourg, mais aussi sur le débouché sud via Nancy.
Enfin, en matière de développement économique, vous l’avez rappelé, le principe d’une compensation financière des États où travaillent les frontaliers au profit des États où ceux-ci résident a été validé par le Conseil de l’Europe le 29 octobre dernier. Là encore, des discussions sont en cours pour mettre en place un tel système avec le Luxembourg, comme nous l’avons déjà fait avec les autres États voisins de la France que sont l’Allemagne et la Suisse, notamment.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la secrétaire d’État, votre réponse manque d’ambition et d’agressivité. (Mme Dominique Estrosi Sassone manifeste son étonnement.) Vous avez rappelé tout à l’heure la volonté de l’État d’offrir des solutions de mobilité de qualité et efficaces partout. Or, sur ce dossier, vous avez l’occasion d’agir et, en l’espèce, je ne réclame pas la gratuité pour les usagers, mais pour vous, pour l’État français !
Les temps changent : le Luxembourg a fait un effort, il faut profiter de la circonstance pour enfoncer le clou et demander une telle gratuité. Je sais que ce n’est pas simple, mais c’est la raison pour laquelle faire de la politique est exaltant. (Mme la secrétaire d’État opine.)
Vous en avez la force, alors donnez-vous les moyens d’y parvenir. En tout cas, vous trouverez tout l’appui nécessaire du côté des parlementaires concernés !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. La liste est longue des services proposés à la population qui font l’objet de débats apparaissant ou réapparaissant à la veille des élections municipales : gratuité de l’eau, gratuité de la restauration scolaire, gratuité de la piscine, gratuité des transports, et j’en passe.
Il importait donc aux membres de la mission d’information sur la gratuité des transports collectifs de sortir de la dualité sur ce sujet pour construire un outil d’aide à la décision plutôt que de prévoir une recette élaborée nationalement, qui s’appliquerait uniformément sur tous les territoires.
Je remercie la présidente de la mission, Michèle Vullien, et le rapporteur, Guillaume Gontard, d’avoir su déjouer ce piège, et d’avoir suivi la voie du pragmatisme et du réalisme plutôt que celle du dogmatisme.
L’incidence, ou plutôt le bénéfice environnemental de la gratuité n’est pas avéré. Elle ne favorise qu’un report modal très limité : le nombre de voitures ne diminue pas ou très peu, le transfert s’opérant du vélo et de la marche à pied vers les transports en commun.
L’impact financier est préjudiciable à l’autorité organisatrice et, de fait, aux entreprises qui paient le versement mobilité.
Les publics les plus fragiles bénéficient déjà de tarifs préférentiels ou de la gratuité totale, sur l’initiative de l’autorité organisatrice de transports. Leur situation est donc largement prise en compte aujourd’hui.
Les usagers souhaitent, non pas la gratuité des transports, mais une offre de service plus importante dans les secteurs les moins matures. Pour les autres, on obtiendrait l’effet inverse à celui qui est recherché, avec un phénomène de sur-fréquentation.
Ce rapport permettra à chacun de puiser des arguments, d’alimenter ses réflexions. Le Gouvernement entend-il prolonger ce travail et, si oui, sous quelle forme ? Je rappelle qu’il est envisagé, dans le cadre du PLF pour 2020, de priver les autorités organisatrices de transports de 45 millions d’euros et que rien n’est prévu en matière de financement de la compétence mobilité, ce dernier point ayant entraîné l’échec de la CMP sur le projet de loi d’orientation des mobilités ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Remarquez, monsieur le sénateur Mandelli, que nous cherchons, non pas une réponse nationale uniforme sur ce sujet, mais bien une capacité à répondre à des besoins différenciés sur des territoires eux-mêmes différenciés.
Comme le montre la mission d’information, ainsi que l’étude menée par le GART, l’incidence de la gratuité sur le report modal de la voiture particulière vers les transports publics reste difficile à mesurer.
Les effets en termes de report modal sont généralement la conséquence d’une politique d’ensemble, visant, d’une part, à améliorer l’offre et la qualité des transports, d’autre part, à réguler l’espace, notamment à travers la politique de gestion de l’espace public ou de stationnement.
Pour mieux mesurer l’impact propre de la gratuité, des outils méthodologiques adaptés pourraient être mis en place par les réseaux. Ils permettraient de mieux appréhender et objectiver le report modal. Selon certains, il semble que la gratuité ait eu peu d’effet sur ce dernier, mais qu’elle diminuerait en revanche la part du vélo et de la marche, ce qui pose évidemment question.
Par ailleurs, l’aide à la décision des collectivités locales en matière tarifaire doit les amener à s’interroger sur l’équilibre entre dépenses et ressources, afin de disposer des moyens nécessaires pour répondre aux besoins.
L’État soutient donc la proposition de la mission de mettre en place un observatoire de la tarification des transports pour recenser des éléments plus objectifs, notamment sur le report modal, et constituer ainsi une aide à la décision pour les choix tarifaires des élus locaux.
L’État appuie de telles initiatives, mais ne peut en assurer le pilotage, qui relève plutôt des collectivités ou de leurs associations. On pourrait par exemple envisager qu’il participe en tant que de besoin à l’observatoire, lequel serait piloté par le GART.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. J’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises lors des auditions, notamment lors de celle de Mme la ministre Élisabeth Borne sur le projet de loi Mobilités, aujourd’hui rien n’est prévu en matière de financement pour les intercommunalités qui prendraient la compétence mobilité sans avoir, sur leur territoire, suffisamment de ressources sur le plan économique pour financer les nouvelles mobilités.
J’appelle votre attention sur ce point, madame la secrétaire d’État. C’est important ! Malgré la volonté affichée des uns et des autres – nous sommes évidemment tous favorables à la prise en compte de ces nouvelles mobilités –, il faut que toutes les collectivités puissent les financer dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Cette question, passionnante, de la gratuité des transports concerne bien évidemment les territoires disposant d’une offre de transport, comme nous l’avons tous relevé, donc, pour l’essentiel, les zones urbaines ou certains territoires qui ont pu prendre certaines initiatives par le passé. Elle recoupe largement celle de la fracture territoriale.
Alors que, dans le projet de loi Mobilités, il était question de donner un droit à la mobilité pour tous, constatons que certains territoires sont dépourvus de toute offre de transports. On peut donc mettre en regard ceux qui ont la possibilité de ne pas payer leurs transports et ceux qui sont contraints d’utiliser leur voiture particulière.
Ma question visera tout particulièrement ceux qu’un sociologue, Éric Le Breton, appelle les « insulaires » et qui, d’après lui, représentent 20 % de la population. Il s’agit de ces personnes qui sont pratiquement assignées à résidence, sans offre de transports en commun et sans moyens de financer une voiture particulière.
Madame la secrétaire d’État, comment accompagner les territoires les plus fragiles, dès lors que, dans le projet de loi Mobilités, vous avez refusé les dispositifs proposés unanimement par le Sénat, dispositifs intéressants qui visaient tout particulièrement les nouvelles autorités organisatrices de transports disposant de faibles ressources fiscales en matière de base de versement transport ?
Ma question cible en premier lieu les départements, censés traiter des mobilités solidaires. Ces départements sont exsangues. Or on n’envisage même pas, contrairement à une réponse que nous avait donnée le Premier ministre, de flécher vers eux un peu de TVA !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Votre question, monsieur le sénateur Jacquin, évoque les fractures territoriales, un sujet auquel nous sommes évidemment tous sensibles. Elle a trait, précisément, à la prise de la compétence mobilité par les petites intercommunalités, notamment celles qui disposent de faibles ressources.
Pour les territoires qui ne lèveront pas de versement mobilité, le Gouvernement prendra en compte le besoin de financement nouveau dans le cadre du mécanisme de compensation de la suppression de la taxe d’habitation. Vous vous attendez à cette réponse…
M. Olivier Jacquin. Pas du tout !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. C’est en tout cas la réponse que je vous fais, même si elle ne vous satisfait pas totalement.
La taxe d’habitation sera effectivement remplacée par une quote-part de TVA, dont la dynamique est réellement plus importante que celle des bases actuelles de ladite taxe. Cela concerne toutes les intercommunalités, y compris les plus petites.
Selon nos estimations, la recette supplémentaire que les communes et intercommunalités, sur la France entière, tireront chaque année se situera dans une fourchette allant de 30 et 40 millions d’euros, soit 120 à 160 millions d’euros en produit annuel complémentaire au bout de la quatrième année.
Les communautés de communes qui prendraient volontairement la compétence disposeraient ainsi d’une recette dynamique, permettant d’asseoir le développement de services de mobilité alternatifs à des services collectifs réguliers.
Par ailleurs, l’État, au travers de la démarche France Mobilités, accompagne les territoires qui le souhaitent. Cet accompagnement passe par des appels à projets, comme vous le savez, avec des financements dédiés pour la prise de compétence, notamment au travers de cellules régionales d’appui à l’ingénierie.
Mais le projet de loi d’orientation des mobilités, c’est également un engagement de l’État d’investir 13,4 milliards d’euros dans les infrastructures de transport sur l’ensemble du quinquennat, partout sur le territoire. Cet effort, significatif, est sans précédent ; il est évidemment nécessaire.
On trouve dans cette somme des engagements pris pour le rail, en particulier pour permettre que les trains retrouvent une vitesse normale sur certaines de nos voies ferrées – 2,6 milliards d’euros seront consacrés, sur dix ans, au développement des TER entre les villes moyennes et les métropoles –, et des engagements, à hauteur de 1 milliard d’euros, pour réaménager certaines routes et garantir à leurs usagers un parcours plus sûr.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.
M. Olivier Jacquin. Vous avez reconnu vous-même, madame la secrétaire d’État, que votre réponse ne me satisferait pas. J’avais bien indiqué, dans ma question, que ce n’était pas la réponse que j’attendais.
Je visais très précisément l’accompagnement des départements chargés des mobilités solidaires. Vous ne me répondez absolument pas sur ce sujet.
Dans le projet de loi Mobilités, il est dit que la mobilité doit être accessible à toutes et à tous.
Je ne reviens pas sur les propos de Guillaume Gontard concernant la logique de démobilité : c’est sans aucun doute l’avenir ! Mais, il faut le garder en tête, le droit à la mobilité permet d’accéder à d’autres droits, et, à l’heure actuelle, certains de nos concitoyens sont véritablement assignés à résidence.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Léonhardt.
M. Olivier Léonhardt. À chaque occasion qui m’est offerte dans cet hémicycle, j’alerte sur le cauchemar que vivent les usagers du RER francilien et je rappelle que notre système de transport est à bout de souffle, au bord de l’explosion.
Chaque fois, on m’explique que le Gouvernement investit bien plus qu’avant, progresse sur le projet du Grand Paris, finance les transports du quotidien.
C’est sans doute vrai, mais ces mesures sont clairement insuffisantes pour répondre à la lourde crise à laquelle nous sommes confrontés et que tous les gouvernements ont systématiquement minimisée.
Réveillons-nous ! On a autorisé l’interdiction progressive des véhicules à essence et diesel à l’intérieur des frontières de l’autoroute A86 d’ici à 2030. C’est bien pour l’environnement… Mais où sont les trains RER et les bus qui permettront à des centaines de milliers d’habitants de la grande couronne de laisser leur voiture pour prendre les transports en commun ? Le Grand Paris Express, même s’il était achevé dans vingt-cinq ans – je suis optimiste –, n’arrive pas jusqu’aux départements de grande banlieue et ne complétera donc pas l’offre du RER.
Aucune mesure à la hauteur de ce défi gigantesque n’est prévue.
Réveillons-nous ! Nous ne parvenons déjà pas à gérer la situation actuelle.
Ces dernières semaines, encore, l’accélération des dysfonctionnements au moment des heures de pointe a bloqué des centaines de milliers de personnes sur les quais de nos gares. Les trains sont supprimés ; ils sont sans cesse en retard ; ils sont tellement bondés qu’il faut parfois en laisser passer deux ou trois pour pouvoir monter dans une rame.
Les usagers ne demandent pas en priorité la gratuité des transports. Ils savent bien que les services ont un coût et qu’ils les paieront toujours d’une manière ou d’une autre.
Ce qu’ils demandent, c’est tout simplement des transports qui fonctionnent ! Ils exigent de ne pas être entassés dans des wagons bondés. Ils veulent juste arriver à l’heure le matin au travail ou le soir pour récupérer leurs enfants à la crèche.
C’est maintenant qu’il faut agir et créer des transports légers pour couvrir les besoins, très importants, des 4,5 millions d’habitants de la grande couronne parisienne. Qu’ils soient payants ou gratuits, s’ils fonctionnent, nous les prendrons ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. La capacité à répondre aux enjeux de transport dans la métropole du Grand Paris et en Île-de-France, en général, est évidemment un important défi, qui nous est lancé à tous.
Il est lancé, avant tout, à l’autorité organisatrice de transports, Île-de-France Mobilités, mais l’État intervient pour la soutenir.
Ainsi, les RER franciliens vont être financés à hauteur de 300 millions d’euros par an dans le cadre du contrat de plan État-région, soit 100 millions d’euros supplémentaires par an que sur la période précédente. Le Grand Paris Express, que vous avez également cité, monsieur le sénateur Léonhardt, fera l’objet d’investissements extrêmement élevés. Le programme global atteint 35 milliards d’euros et sera de nature à permettre un désengorgement.
Île-de-France Mobilités a aussi lancé un plan de bus en grande couronne pour désengorger le transport à l’intérieur de cet espace.
Ce sont donc des efforts communs à l’autorité organisatrice et à l’État qui permettront de répondre aux besoins des usagers.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. L’incidence de la gratuité sur le coût généralisé des transports serait en milieu urbain trop faible, cela a été dit et répété depuis le début de notre débat, pour induire un report modal significatif depuis l’automobile.
De nombreuses études de cas confirment les prédictions de la théorie en économie des transports.
Les villes ayant expérimenté une telle mesure n’ont pas observé de réduction significative de la pression automobile ni de leurs externalités. Le report modal a été systématiquement inférieur aux attentes des décideurs publics.
En général, cette mesure a été associée à une augmentation de l’utilisation des transports publics provenant principalement d’un report modal depuis des modes actifs, comme la marche ou le vélo, de nouveaux trajets qui n’étaient pas effectués auparavant et d’une hausse de l’attractivité territoriale des villes concernées.
Nous savons que la réduction de la pression automobile passe nécessairement par un changement de paradigme, qui induit une modification du coût relatif des modes de transport. Un tel changement implique de penser conjointement la tarification des transports en commun et de l’automobile. Les travaux sur le sujet s’accordent sur l’idée que cette modification de coût relatif doit passer par une hausse de la tarification de l’automobile. Or vous reconnaîtrez, mes chers collègues, qu’une telle mesure est plus que politiquement incorrecte en ces temps agités !
Différentes contributions suggèrent que les modalités de mise en œuvre de cette tarification, comme le péage cordon, le péage de zone ou le péage sur le stationnement, jouent un rôle important en termes de performances. À titre d’exemple, des simulations réalisées pour Paris suggèrent des gains importants de bien-être, dont l’ampleur dépend de la technologie choisie.
Enfin, il convient de rappeler que la tarification ne constitue pas le seul outil en mesure de modifier le coût relatif des différents modes de transport. La réduction de la pression automobile devrait être envisagée dans une approche globale de la mobilité urbaine, incluant, outre la réflexion sur la tarification des différents modes de transport, la question de l’espace laissé à l’automobile – nombre de bandes de circulation, zones accessibles, etc. –, de l’espace laissé aux autres modes de transport – transports en commun, mais aussi marche ou vélo – et la promotion d’un usage plus efficace de la voiture à travers la promotion du covoiturage et de l’auto partagée.
Madame la secrétaire d’État, le débat sur la gratuité des transports permet, de manière plus globale, d’ouvrir celui qui concerne la mobilité urbaine. Il permet de reposer le problème de la place de voiture, la gratuité « servant d’alibi pour avoir à prendre des mesures impopulaires auprès des automobilistes » comme l’indique la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, la Fnaut.
D’où ces questions simples. Partagez-vous cet avis ? Quel pourrait être le remède ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison, monsieur le sénateur Marchand, il faut réfléchir plus globalement à la mobilité urbaine et à la place de la voiture. Pour vous répondre, je ne peux que partager cette approche !
Les territoires sur lesquels on observe du report modal de la voiture individuelle vers d’autres modes de transport sont ceux qui ont développé, à la fois, une offre de services de mobilité diversifiée et de qualité, et une politique de régulation de la voiture, notamment par le biais du stationnement payant.
La mise en œuvre au 1er janvier 2018 de la dépénalisation du stationnement souhaitée par de nombreuses collectivités permet aujourd’hui d’utiliser ce levier pour travailler sur la place de la voiture individuelle dans les villes.
Par ailleurs, plusieurs grandes collectivités se sont engagées dans la mise en place de zones à faible émission, visant à réduire la circulation des voitures les plus polluantes dans les centres-villes, ce qui répond à des enjeux de santé publique.
S’agissant du péage urbain, la loi permettait déjà de l’expérimenter, mais selon un dispositif inopérant. Aucune collectivité n’a donc utilisé cette possibilité.
Après de multiples études techniques menées en prévision de l’élaboration du projet de loi Mobilités, dans le contexte de la crise des « gilets jaunes », aucun élu ne soutenant la mesure, celle-ci n’a pas été retenue dans le texte déposé par le Gouvernement au Parlement.
Cela nous montre simplement qu’il faut trouver un juste équilibre entre les contraintes et les mesures d’incitation positive. Ainsi, la mission suggère de réfléchir à d’autres solutions de mobilité, notamment les mobilités partagées, qui sont très encouragées au travers du projet de loi Mobilités.
Ce dernier incite aussi à se saisir du principe de la mobilité vue comme un service, une approche intégrée permettant à l’usager de disposer d’une information, d’une billetterie, voire d’une tarification qui combine tous les modes, indépendamment du territoire et de l’organisateur du service. Les autorités organisatrices de transports pourront ainsi développer des tarifications à l’usage, mixant toutes les formes de mobilité disponibles avec une facture en fin de mois, y compris les vélos ou les voitures partagées en libre-service.
Par ces actions, le Gouvernement entend ouvrir le champ des possibles pour améliorer les solutions de mobilité sur les territoires, afin que la nécessaire transition écologique en matière de mobilité ne soit pas vécue de façon punitive par nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Tout en saluant le rapport sur la gratuité dans les transports collectifs, qui nous permet d’avoir le débat de ce jour, je veux, moi aussi, évoquer le sujet du financement des transports publics, sujet que l’on ne peut plus éluder. D’ailleurs, je constate que c’est un refrain lancinant sur toutes les travées cet après-midi : il faut l’entendre !
Après les débats sur le projet de loi Mobilités, et après les interventions de mes collègues, je ne peux me priver de remettre le couvert…
Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, la ressource principale pour financer un service de transports publics ne provient pas des recettes de billetterie, que celles-ci existent ou non, si le choix de la gratuité a été retenu. Elle est liée, en grande partie, au versement transport, rebaptisé « versement mobilité ».
Vous n’ignorez pas non plus que cette ressource est un impôt de production, critiqué depuis toujours par le monde économique, au motif qu’il est basé sur la masse salariale.
La mise en place de ce versement, dans des territoires très industriels, suscite de très fortes oppositions et donne l’occasion à une forme d’allergie fiscale de s’exprimer. En pareil cas, il est très difficile pour un conseil communautaire de choisir d’en faire une fiscalité nouvelle.
Madame la secrétaire d’État, je vis dans un territoire, la vallée de l’Arve, qui a connu ces difficultés et qui, en même temps, doit faire face au défi de la pollution de l’air.
Comment envisagez-vous d’aider les collectivités, de leur apporter des solutions de financement ?
J’espère obtenir une réponse qui ne se cantonne pas à la dynamique de la TVA… Si vous vous contentez de cela, en évoquant un montant de 40 millions d’euros à l’échelon national, permettez-moi de vous dire, même si je ne suis pas très bon en mathématiques, qu’un simple produit en croix démontre le caractère tout à fait insatisfaisant d’une telle réponse. Les politiques publiques dont nous parlons sont extrêmement onéreuses ; j’attends vraiment une réponse d’un autre ordre !