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Gratuité totale dans les transports collectifs
Débat sur les conclusions d’un rapport, organisé à la demande d’une mission d’information
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la mission d’information sur la gratuité des transports collectifs, sur les conclusions du rapport : La gratuité totale des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ?
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur de la mission d’information auteur de la demande.
M. Guillaume Gontard, rapporteur de la mission d’information sur la gratuité des transports collectifs. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter les conclusions du rapport de la mission commune d’information, constituée sur l’initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur la gratuité des transports collectifs.
Je tiens tout d’abord à remercier mon groupe d’avoir bien voulu consacrer son droit de tirage à ce beau sujet et de m’avoir confié ce rapport.
Je tiens ensuite à remercier la présidente de la mission, Michèle Vullien, de notre relation de travail riche, franche et constructive.
Je tiens également à remercier chacun des membres de cette mission de leur implication dans nos travaux.
Enfin, je tiens à remercier l’équipe d’administrateurs qui n’a pas ménagé ses efforts pour aboutir au riche rapport dont nous débattons aujourd’hui.
La gratuité des transports : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? Telle est la problématique que nous avons posée pour étudier ce sujet popularisé, entre autres, par le choix opéré par la métropole de Dunkerque, et de plus en plus présent dans le débat public à mesure que les élections municipales approchent.
Après plus de quarante-sept heures d’auditions, les réponses de nombreuses collectivités, une consultation en ligne qui a récolté 10 500 contributions – un record et une preuve, si besoin en était, de l’intérêt du sujet pour nos concitoyens –, notre rapport se veut un outil d’aide à la décision.
La gratuité d’un service public pour ses usagers est un sujet d’ordre quasi philosophique, dont chacun peut s’emparer aisément, et qui enflamme facilement les débats ou les discussions.
On ne se pose plus la question de la gratuité de l’école publique ou celle de l’accès aux soins essentiels. Pour faire un parallèle avec notre thématique du jour, on ne se pose pas non plus la question de la gratuité de l’accès aux routes départementales ou nationales.
En revanche, la gratuité de l’accès aux équipements publics, comme les bibliothèques et les musées, ou celle des transports collectifs fait encore débat.
La question est donc la suivante : notre République doit-elle assurer un droit universel à la mobilité, comme elle assure un droit universel à l’éducation ou à la santé ?
C’est un vaste débat qui agite les passions et qui voit trop souvent s’affronter des positions de principe, pas toujours étayées, pas toujours éclairées. Que l’on soit pour ou contre le principe de la gratuité, on assiste souvent à un florilège d’idées reçues et de lieux communs que le premier objectif de ce rapport était d’éprouver.
Je ne citerai que deux exemples. Non, la gratuité des transports ne conduit pas aux incivilités ou à une dégradation des équipements. Et non, la suppression de la billettique et des contrôles ne suffit pas à compenser les pertes de recettes.
Il s’agissait de l’une de nos premières recommandations : dépasser les positions de principe et les idées reçues pour débattre des faits, des chiffres et des réalités de chaque territoire et de chaque réseau.
Le rapport dresse donc un état des lieux de la mise en œuvre de la gratuité des transports en France – cela concerne vingt-neuf communes à ce jour – et dans le monde. Il trace des perspectives pour repenser la mobilité collective au XXIe siècle.
Le premier constat est sans appel : nous n’avons que très peu de recul sur le sujet. Les expériences françaises et internationales sont assez rares et les études scientifiques le sont encore davantage, notamment pour déterminer clairement le type de report modal qu’implique la gratuité. Les données que nous avons collectées sont parcellaires et ne permettent pas de tirer des conclusions irréfutables.
C’est pourtant une nécessité de pouvoir se fonder sur des études précises pour évaluer objectivement le bilan environnemental de la gratuité. Dans ce rapport, nous proposons de mettre en place un observatoire de la tarification des transports pour accumuler des données statistiques et scientifiques à même d’éclairer la décision publique.
Cela étant, l’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sur Châteauroux, qui date de 2007, et l’étude plus récente réalisée par la ville de Dunkerque semblent montrer assez nettement que la gratuité des transports est une mesure sociale très efficace.
Là où elle a été mise en place, la fréquentation des bus a grimpé : on observe une hausse du nombre des usagers de 23 % à Niort en deux ans et de près de 80 % à Dunkerque en moins d’un an. Selon toute vraisemblance, cette augmentation résulte en premier lieu de personnes qui ne se déplaçaient pas ou peu. La gratuité atteint donc l’objectif qu’on lui assigne : garantir l’égalité en matière de mobilité. La révolution sociale n’est pas loin.
Le principal inconvénient de la gratuité est paradoxalement son efficacité. Elle oblige à se poser la question de l’offre de transport. Ainsi, dans les réseaux déjà extrêmement fréquentés – on pense naturellement à la région capitale, mais c’est le cas pour d’autres réseaux –, une mise en œuvre de ce principe risquerait d’entraîner une saturation totale du réseau et, donc, une baisse de la qualité du service.
Dans les grandes agglomérations qui possèdent des réseaux denses, il est nécessaire d’établir des priorités. Les questions de l’offre de transport et de sa soutenabilité dans le temps doivent prévaloir sur celle de la gratuité. C’est d’autant plus important que les réseaux ferrés des grandes métropoles sont beaucoup plus coûteux à développer et à entretenir que les seuls réseaux de bus.
Cette problématique nous invite aussi à considérer que la gratuité n’est pas une fin en soi ni un but absolu. Il s’agit d’un outil de politique publique parmi d’autres, qui doit s’inscrire dans un projet de mobilité, un projet urbain plus vaste.
Ainsi, pour toutes les villes moyennes où les réseaux sont neufs et sous-utilisés et dont les centres-villes sont de moins en moins fréquentés, la gratuité des transports, associée à une politique de revitalisation des centres-villes, est un outil extrêmement efficace, comme le prouvent les exemples de Châteauroux, de Dunkerque ou de Niort. C’est une autre recommandation du rapport que de penser la gratuité comme un levier au service d’une politique globale, et non comme un objectif à part entière.
En effet, la gratuité pose fondamentalement la question du financement des transports en commun dans notre pays.
M. Loïc Hervé. C’est la vraie question !
M. Guillaume Gontard, rapporteur de la mission d’information. Les leviers actuels, qu’il s’agisse de la billettique, des impôts locaux ou du versement transport, semblent de toute façon insuffisants pour envisager le déploiement de la mobilité écologique du XXIe siècle.
Une autre préconisation du rapport consiste à repenser le financement des transports collectifs. Nous avons émis plusieurs idées qui n’ont cependant pas fait l’unanimité et qui, de ce fait, ne sont pas des recommandations en tant que telles : je pense notamment au péage urbain, à la taxation des plus-values immobilières, à la taxation des plateformes comme Uber ou à celle des zones de stationnement des centres commerciaux.
Une seule d’entre elles a recueilli l’assentiment de tous les membres de la mission et figure parmi les préconisations : le rétablissement du taux de TVA à 5,5 % pour les transports collectifs. Une telle disposition a d’ailleurs été adoptée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 avant d’être rejetée en séance à la demande de votre gouvernement, madame la secrétaire d’État.
Alors que mon propos touche à sa fin, et avant de vous présenter les deux dernières recommandations du rapport, permettez-moi d’ajouter un commentaire plus personnel.
Ma conviction est que la gratuité des transports relève d’abord d’un choix politique, plus ou moins ambitieux en fonction des territoires et des réalités locales.
Pour ne donner qu’un seul chiffre, le coût consacré à l’entretien et au fonctionnement de tous les réseaux de transport en commun du pays s’élève à environ 16 milliards d’euros, somme financée par les usagers, les contribuables locaux et les entreprises. Le coût visant l’entretien de toutes les routes concédées aux collectivités locales, qui est à la charge des seuls contribuables, se monte également à près de 16 milliards d’euros, ce qui permet aux usagers d’y accéder gratuitement, comme je l’indiquais.
Personne ne se pose la question de faire payer l’accès aux routes aux usagers. En revanche, tout le monde se pose celle de l’opportunité d’appliquer la gratuité aux transports en commun. C’est paradoxal quand on songe aux urgences sociales et écologiques auxquelles nous devons faire face.
À titre personnel, je pense qu’il s’agit d’un horizon vers lequel toutes les collectivités peuvent et doivent tendre selon un rythme adapté à leurs particularités, la gratuité partielle constituant un premier pas dans cette direction.
Enfin, nos travaux nous conduisent à deux réflexions plus larges : l’une sur la mobilité entre zone rurale et zone urbaine, l’autre sur la « démobilité ». Attention aux distorsions entre des territoires peu ou pas dotés en transports en commun et des centres urbains disposant de l’ensemble des services, qui sont de surcroît gratuits.
En réalité, la question qui se pose est celle de notre projet urbain, de la taille de nos villes, de l’étalement urbain, de la dissociation entre les zones d’activités économiques et les zones d’habitat. Alors que les centres-villes de nos communes moyennes sont en déshérence, que la transition agricole nécessite une multiplication des emplois et, donc, une forme d’exode urbain, nous sommes amenés à considérer que c’est finalement dans un rapport différent au territoire que la gratuité pourrait trouver toute sa place.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Guillaume Gontard, rapporteur de la mission d’information. Pour rebâtir un modèle économique résilient, capable de résister aux aléas financiers et respectueux de l’environnement, il faut s’appuyer sur des projets locaux et refonder les économies à partir de circuits courts autour de nos villes. C’est également la manière la plus efficace de résorber la fracture territoriale et d’envisager, dans une perspective tant sociale qu’écologique, tout autant qu’un droit à la mobilité, un droit à la démobilité ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR. – M. Olivier Léonhardt applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence du secrétaire d’État chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari, actuellement à l’Assemblée nationale pour l’examen final du projet de loi d’orientation des mobilités.
Le rapport de la mission sénatoriale, complet et équilibré, souligne combien il importe de faire évoluer notre modèle de transport vers des mobilités plus propres et plus solidaires. Ce sont des objectifs que nous partageons tous, quels que soient les moyens mis en œuvre pour y parvenir.
En préambule, je précise que je préfère parler de « choix de tarification » plutôt que de « gratuité », car, comme nous le savons tous, la gratuité des services publics n’existe pas : ces services ont un coût, la question posée étant celle de la répartition de ce coût entre le contribuable et l’usager. L’emploi du seul terme « gratuité » tend à masquer la réalité du choix qu’une telle option suppose, à savoir que l’on fait supporter l’intégralité du coût du service au contribuable.
Une fois le débat posé en ces termes, il est particulièrement important que le Gouvernement puisse y prendre part, et ce au moment même où le projet de loi d’orientation des mobilités est sur le point d’aboutir.
Votre travail met parfaitement en évidence les trois objectifs, parfois difficilement conciliables, auxquels doit répondre une politique tarifaire : garantir le droit au transport pour tous, favoriser une politique de report modal et, enfin, couvrir une partie des coûts de production du service.
La tarification relève de la compétence des autorités organisatrices de la mobilité et, à ce titre, d’un choix politique fait en responsabilité par les élus locaux. Ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins de leurs concitoyens, si bien que l’État n’a pas à décider à leur place. En l’espèce, je vous confirme la volonté du Gouvernement de respecter le principe de libre administration des collectivités locales.
C’est en vertu de ce principe que la gratuité pour l’usager existe aujourd’hui dans vingt-neuf communes en France, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, ce qui permet de nourrir la réflexion sur ce type de dispositif ici et ailleurs dans le monde.
La gratuité pour l’usager peut être considérée comme une mesure sociale essentielle pour répondre aux problèmes de mobilité des plus fragiles. Pour autant, vous le savez, d’autres solutions existent pour atteindre cet objectif.
La tarification solidaire en fonction des revenus ou du statut, mise en place par de nombreuses autorités organisatrices, apparaît, en termes de pouvoir d’achat, comme une alternative efficace pour répondre à la problématique de mobilité des populations les moins aisées.
Elle me semble également plus égalitaire, car elle est fondée sur la capacité financière des usagers. C’est d’ailleurs le choix que fait la grande majorité des collectivités locales, qui aident les usagers des transports publics sous condition de ressources, les étudiants, aux côtés des entreprises qui contribuent au financement de l’abonnement de leurs salariés.
De plus, la question de la tarification ne doit pas monopoliser le débat et masquer les autres enjeux en matière de solidarité et d’accès à la mobilité.
Pour les publics les plus fragiles, un accompagnement à la mobilité et des solutions spécifiques sont nécessaires. De ce constat établi lors des Assises nationales de la mobilité, le Gouvernement a tiré des solutions concrètes dans le projet de loi d’orientation des mobilités : ainsi, un plan d’action en faveur de la mobilité solidaire devra être copiloté par la région et le département dans chaque bassin de mobilité.
Par ailleurs, comme la consultation que vous avez conduite l’a bien montré, l’enjeu en termes d’accès à la mobilité réside d’abord et avant tout dans le développement d’une offre utile.
Le premier frein à la mobilité sur un territoire, c’est l’absence d’offre adéquate. La question de la tarification ne vient qu’après. Comme le secrétaire d’État chargé des transports le rappelait devant votre assemblée il y a deux semaines, notre défi commun, celui qui est au cœur du projet de loi d’orientation des mobilités, est d’offrir partout et pour tous des solutions en matière de mobilité qui soient rapides, fréquentes et fiables. Le débat sur la tarification ne doit pas occulter cet objectif majeur.
Concernant l’enjeu écologique, le manque d’évaluations à notre disposition doit nous conduire à rester prudents sur l’incidence de la gratuité pour l’usager en matière de report modal de la voiture particulière vers les transports en commun.
On peut toutefois relever que les reports modaux observés dans les territoires sont en général le fruit d’une politique globale de mobilité qui dépasse le seul enjeu de la tarification. Celle-ci combine une politique visant à améliorer l’offre de transport et une politique tendant à en améliorer la qualité. À cet égard, vous noterez la plus grande sensibilité des associations d’usagers aux notions de desserte ou de ponctualité qu’à celle de gratuité.
Par ailleurs, il convient de déployer une politique de régulation de l’usage de la voiture, notamment au travers du stationnement.
En revanche, la gratuité pour l’usager permet indiscutablement d’améliorer la fréquentation des services de transport existants, en fidélisant certains usagers et en attirant d’autres publics qui ne sont pas captifs du confort ou de la rapidité de la voiture. Revers de la médaille, il semble que la gratuité conduise certaines personnes à utiliser les transports en commun au détriment de la marche ou du vélo, ce qui ne manque pas de soulever des questions en termes de préservation de l’environnement et de santé publique.
Enfin, si l’incidence de la gratuité pour l’usager en matière sociale et écologique prête à débat, il n’en est pas de même sur le plan économique, puisque la perte de ressources pour la puissance publique est, pour le coup, tout à fait tangible.
Comme je l’ai dit en introduction, et pour reprendre les termes de l’étude récemment menée par le groupement des autorités responsables de transport (GART), « la gratuité n’existe pas dans l’absolu ». Ce qui n’est pas payé par l’usager doit l’être par le contribuable. Il faut être transparent de ce point de vue vis-à-vis de nos concitoyens, en évitant toute démagogie.
Quand la gratuité est mise en œuvre, elle est financée par le contribuable local : les employeurs au travers du versement transport, qui deviendra bientôt le versement mobilité, et les habitants au travers de la fiscalité locale. Si certains territoires peuvent s’appuyer sur un réel dynamisme économique avec la présence de grandes entreprises pour financer la part de l’usager, ce n’est pas le cas de tous.
Ce n’est donc pas un hasard si les réseaux gratuits pour l’usager, une trentaine aujourd’hui en France, sont pour la plupart de taille modeste, avec un taux de fréquentation souvent plus faible que la moyenne.
Comme votre rapport le montre, mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en œuvre d’une telle politique sur les réseaux de grandes agglomérations ne me paraît pas facile. En effet, les recettes tarifaires que les métropoles perçoivent auprès des usagers des réseaux représentent des sommes très importantes, qui couvrent une part significative des dépenses de fonctionnement. Cela correspond par exemple à 36 % des dépenses de financement du réseau en Île-de-France, soit 3,66 milliards d’euros.
La gratuité pour l’usager implique par ailleurs une fréquentation supplémentaire des réseaux sur l’ensemble de la journée, y compris aux heures de pointe, quand ceux-ci sont souvent déjà à saturation, ce qui tend à aggraver la situation et oblige à des investissements et à des dépenses de fonctionnement supplémentaires. Les moyens de production matériels et humains sont en effet dimensionnés pour absorber le trafic en heures de pointe.
À ce titre, les exemples étrangers sont une source d’enseignement, puisque certaines villes ont rétabli une tarification pour faire face aux besoins de financement liés au développement de l’offre.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez compris au travers de mon intervention que le Gouvernement, tout en respectant le choix souverain des collectivités locales, souhaite d’abord développer les offres de mobilité partout dans notre pays et pour tous nos concitoyens.
Le premier facteur d’exclusion ou de discrimination, c’est non pas la tarification, mais l’offre. Ainsi, c’est d’abord en démultipliant les offres concrètes de mobilité que nous répondrons à la principale demande de nos concitoyens.
Vos travaux vont nous permettre d’échanger sur ces sujets au cours de débats qui s’annoncent, j’en suis certaine, riches et constructifs. (Mme la présidente de la mission d’information, MM. Frédéric Marchand et Philippe Bonnecarrère applaudissent.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une mission d’information sur la gratuité des transports a été créée sur l’initiative de mon groupe. Ce choix a été guidé par la volonté de disposer de données précises sur les expériences de gratuité mises en œuvre par un nombre croissant de collectivités, sous l’impulsion d’un certain nombre d’élus de notre sensibilité politique, mais pas seulement.
Nous estimons aujourd’hui et plus que jamais, alors que l’impératif climatique devient incontournable, que la gratuité, en complément d’un renforcement de l’offre de transport, doit être considérée comme l’un des outils favorisant le report modal de la voiture individuelle vers les transports collectifs. Il s’agit d’un outil qui permettrait également de faciliter la concrétisation d’un véritable droit à la mobilité conditionnant souvent l’accès à d’autres droits.
Cette question urgente se combine à des enjeux sanitaires prégnants : on dénombre 48 000 morts dues à la pollution chaque année, je vous le rappelle.
Le rapport de la mission a de nombreuses qualités : il fait notamment un bilan des expériences conduites dans notre pays, ainsi que dans toute l’Europe. Il relève les atouts d’une telle politique en termes de retombées sociales et de report modal.
Pour aller plus loin, il faut maintenant les financements pour aider les collectivités qui souhaiteraient s’engager dans cette voie.
Nous proposons par exemple la généralisation et l’augmentation du versement transport. On nous répond que cela pénaliserait les entreprises. Pourtant, mettre en place de bonnes conditions de transport serait un atout pour les entreprises, tant pour leurs clients que pour les salariés.
Madame la secrétaire d’État, ce rapport comporte plusieurs propositions. Je pense notamment à l’instauration d’un taux de TVA à 5,5 % pour les transports publics, qui correspond à une proposition récurrente de mon groupe. Quelle suite comptez-vous donner à cette mesure, notamment dans le cadre du projet de loi de finances que nous nous apprêtons à examiner au Sénat ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente Assassi, merci beaucoup de votre question.
Vous avez raison, l’intérêt de cette mission est de nous fournir des données précises et de nous permettre de mieux connaître à la fois les expériences ayant lieu en France et les expériences internationales.
Votre question porte notamment sur les principales données chiffrées en matière de financement.
En 2017, le montant des financements consacrés à l’ensemble des transports urbains de province s’élevait à 8,807 milliards d’euros, dont 6,91 milliards d’euros, soit 78 % du total, consacrés au fonctionnement. Le reste, soit environ 1,9 milliard d’euros, était affecté à l’investissement.
Ces ressources proviennent d’abord des employeurs publics et privés. En effet, le versement transport représente aujourd’hui environ 44 % du financement total des transports en France, soit 3,875 milliards d’euros.
L’État, quant à lui, y contribue à hauteur de 105 millions d’euros, montant qui inclut notamment la compensation versée aux collectivités du fait du relèvement du seuil du versement transport, les collectivités locales à hauteur de 2,833 milliards d’euros, soit 32 % du total et, enfin, les usagers à hauteur de 1,379 milliard d’euros au travers des recettes commerciales, soit 16 % du total. À ces ressources propres s’ajoutent les emprunts pour un montant d’environ 615 millions d’euros.
Vous soulevez la question de la baisse du taux de TVA à 5,5 %. Cela représenterait un manque à gagner d’environ 800 millions d’euros pour l’État. Ce dossier n’est pas encore instruit à ce stade.
Pour en revenir à la part des employeurs dans le financement des réseaux de transport, qui s’élève à près de 4 milliards d’euros, soit 44 % du total, il est déjà très significatif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.
Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d’État, je veux rappeler que le secteur routier bénéficie, hors réseau autoroutier, d’une gratuité de service : la construction et l’entretien des routes sont pris en charge par le seul contribuable, ce qui correspond à près de 16 milliards d’euros chaque année, soit davantage que les 12,6 milliards d’euros que représentaient les dépenses pour l’entretien et le fonctionnement des transports publics urbains en 2018.
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, revenu à la une de l’actualité à l’approche des élections municipales de mars prochain, le sujet de la gratuité des transports collectifs est l’objet du rapport qui nous est présenté aujourd’hui.
Ce rapport, dont je tiens à saluer la qualité, nous éclaire sur l’une des politiques publiques les plus sensibles. En effet, afin de répondre à certains effets de mode que l’on observe au sujet de la mobilité, dont la gratuité est l’un des volets, certaines démarches sont mises en œuvre dans les territoires, les métropoles et les régions.
Plutôt que d’essayer de répondre à la dictature du court terme, en oubliant l’intérêt général, rappelons-nous que ce type de dispositif est une réponse de long terme et qu’il doit s’intégrer dans une politique globale des transports collectifs et de la mobilité.
Comme nous le démontre le rapport, la gratuité totale n’est applicable que dans des collectivités de taille réduite, ayant un réseau unique et sous-utilisé.
Pour les autres, notamment les métropoles, l’adaptabilité peut être envisagée grâce à certaines mesures de gratuité partielle, telles que la gratuité lors de pics de pollution, ou la gratuité en fonction de l’âge des usagers, des créneaux horaires, ou encore du type de transport. En outre, certaines collectivités ont créé une tarification solidaire.
La mise en place de toutes ces solutions modulables en fonction du territoire nécessite des recettes : il s’agit de la question centrale, car celles-ci diffèrent en fonction du type de collectivité et de la localisation.
Au moment où des solutions plus écologiques en matière de transport sont étudiées, où certains développent de nouveaux projets de mobilité soutenables pour les collectivités, il nous faut mieux outiller les acteurs de la mobilité, afin de répondre aux attentes des citoyens et aux besoins de tous les territoires.
Chaque offre de mobilité est spécifique, apporte sa richesse et sa singularité. Chacun de nos territoires est concerné, qu’il soit urbain, périurbain ou rural.
Madame la secrétaire d’État, afin que ce dispositif ne devienne pas une fausse bonne idée et qu’il puisse s’appliquer quel que soit le territoire – je pense surtout aux zones rurales –, pourriez-vous nous détailler les outils que le Gouvernement envisage de proposer aux autorités organisatrices de la mobilité ?