Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, madame la présidente, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le crédit immobilier est un élément essentiel de l’accès à la propriété de nos concitoyens. Il est, à ce titre, un enjeu majeur pour les pouvoirs publics.
Plus de 9 millions de ménages disposent aujourd’hui d’un crédit immobilier, pour un encours cumulé de plus de 1 000 milliards d’euros, à des taux historiquement bas.
Dans ce contexte, la capacité pour nos concitoyens à trouver une assurance pour leur prêt immobilier qui les protège à un coût acceptable est évidemment importante. C’est la raison pour laquelle le législateur s’est très légitimement intéressé aux modalités de souscription des contrats d’assurance emprunteur depuis plusieurs années.
Les réformes qui se sont succédé depuis 2010 ont permis des avancées significatives.
La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a introduit une évolution importante, avec le principe de la déliaison entre le prêt immobilier et l’assurance emprunteur, sous réserve que la garantie soit d’un niveau équivalent.
Ce dispositif a ensuite été renforcé par la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, qui a renforcé les droits du candidat à l’assurance emprunteur, pour garantir sa liberté de choix, par la loi du 17 mars 2014, qui a octroyé à l’assuré la possibilité de changer d’assurance emprunteur à tout moment jusqu’à douze mois après la signature de l’offre de prêt, et, enfin, par la loi du 21 février 2017, qui a ouvert la possibilité de résilier un contrat d’assurance emprunteur chaque année pendant toute la durée du prêt.
Grâce à ce cadre législatif très étoffé, les emprunteurs peuvent désormais choisir l’assureur de leur choix et substituer une nouvelle assurance à l’assurance initiale selon une périodicité annuelle.
La loi prévoit également une information renforcée des emprunteurs qui leur permette d’éclairer leur décision. La remise systématique d’une fiche standardisée d’information, la FSI, et la création du taux annuel effectif de l’assurance, le TAEA, facilitent la comparaison des offres.
Le Gouvernement est attentif à l’effectivité de ces réformes, qui sont attendues par nos concitoyens.
La possibilité de déliaison et de substitution d’assurance emprunteur a permis une modération des primes d’assurance pratiquées et réduit la charge financière pour les emprunteurs.
Dans l’avis qu’il a rendu le 18 avril 2017, le Comité consultatif du secteur financier a confirmé que ces évolutions avaient permis d’accroître la concurrence sur les marchés.
Toutefois, des difficultés sont apparues dans la mise en œuvre du droit de résiliation annuel du contrat d’assurance. En effet, les contrats groupe d’assurance emprunteur signés avant le 1er janvier 2018 ne comportent pas de date d’échéance annuelle. Or cette date fait courir un délai de deux mois au cours duquel l’emprunteur peut demander, chaque année, la résiliation de son contrat.
En l’absence de date d’échéance, il n’est pas possible aujourd’hui aux emprunteurs concernés d’exercer, dans les faits, leur droit à la substitution.
Nous avons confié au Comité consultatif du secteur financier la mission d’identifier une solution à cette difficulté pratique. Je salue l’excellent travail de cette instance, qui réunit des représentants des professionnels de la banque et de l’assurance, des associations de consommateurs, des parlementaires et les pouvoirs publics, pour arriver à des solutions coconstruites.
Le CCSF est parvenu, en novembre 2018, à un accord de place, permettant de clarifier la date d’échéance qui doit être prise en compte pour l’exercice du droit à la résiliation annuelle. Le comité a ainsi retenu la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt par l’emprunteur, sauf en cas de demande d’une autre date par le client, si celle-ci existe contractuellement.
L’accord obtenu en 2018 formalise également l’engagement des assureurs d’étendre la durée des contrats d’assurance jusqu’à cinq ans en cas d’allongement de la durée du prêt.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité, avec cette proposition de loi, inscrire dans la loi l’accord auquel le CCSF est parvenu sur la date de résiliation annuelle, mais aussi renforcer les modalités d’information de nos concitoyens et clarifier le régime de sanctions applicables, pour assurer une effectivité sans faille de ces réformes.
Nous souscrivons à ces objectifs. À cet égard, je remercie le sénateur Martial Bourquin de son engagement constant en faveur de l’amélioration du dispositif législatif existant sur cette question. Cet engagement s’est concrétisé dans la présente proposition de loi.
Je remercie également Mme le rapporteur de l’excellent travail d’amélioration du texte qui a été réalisé en commission : il nous permettra d’apporter, aujourd’hui, un très large soutien à la proposition de loi.
Si certains amendements nous semblent devoir être adoptés, le Gouvernement se félicite de ce texte, qui permettra de donner une effectivité accrue au droit de nos concitoyens.
M. le président. Je vous remercie de ne pas avoir utilisé la totalité de votre temps de parole, madame la secrétaire d’État. Le vote de la proposition de loi avant vingt heures trente paraît possible !
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux bien aller vite, mais il faut tout de même prendre le temps de dire les choses !
J’ai aujourd’hui le plaisir de défendre un texte qui non seulement semble emporter l’adhésion du Sénat, mais qui, surtout, parle aux Français, plus particulièrement à ceux qui sont engagés ou vont s’engager dans un prêt immobilier.
La souscription d’un prêt immobilier est un moment important, car il matérialise le choix d’un lieu de vie d’une famille, mais aussi parce qu’il engage financièrement pour de longues années.
Si, aujourd’hui, les taux de crédits immobiliers sont historiquement bas, avec 1,25 % en moyenne hors assurance, les prix d’achat sont de plus en plus élevés. Cette situation amène les ménages à emprunter beaucoup d’argent. La Banque de France, d’ailleurs, s’en inquiète. Le taux d’effort des ménages a connu une augmentation importante ces dernières années, avec un peu plus de 30 % des revenus consacrés, en moyenne, au remboursement des échéances.
J’en viens au sujet qui nous réunit aujourd’hui : la renégociation de l’assurance emprunteur.
La souscription d’une assurance emprunteur est obligatoire lors de la conclusion d’un prêt immobilier. Elle protège l’emprunteur et sa famille contre les accidents de la vie et garantit le remboursement du capital à la banque. C’est donc une assurance extrêmement importante pour de nombreux ménages qui se sont engagés ou qui vont s’engager dans un prêt immobilier pour quinze, vingt, voire vingt-cinq ans.
Je ne reviens pas sur les propos tenus par notre collègue Martial Bourquin, que je remercie de sa ténacité. Il nous a rappelé l’histoire législative des dix dernières années sur le sujet.
Le prix de l’assurance emprunteur peut représenter jusqu’à 30 % du coût total du crédit. Comme nous l’avons constaté lors de nos auditions, le changement d’assurance emprunteur peut représenter une économie sur le coût d’un crédit allant jusqu’à 1 000 euros en moyenne par an. Ce gain peut donc être très important quand on sait que l’endettement des ménages français bat des records.
La négociation de l’assurance emprunteur doit permettre un véritable gain de pouvoir d’achat pour les emprunteurs. Elle est même souvent la variable d’ajustement pour réussir à boucler un plan de financement dans un contexte où l’accession à la propriété est de plus en plus difficile pour les classes moyennes.
Madame la secrétaire d’État, ce gain de pouvoir d’achat est particulièrement bienvenu, alors que le Gouvernement, après avoir supprimé l’APL accession, s’apprête à faire de même pour le prêt à taux zéro, le PTZ, dans les zones B2 et C. Nous regrettons sa suppression dans ces zones, les dernières où les familles modestes peuvent encore acheter leur logement ! Sans le PTZ, elles ne pourront plus réaliser leur projet.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer devant vous pour demander au Gouvernement de revenir sur la suppression du PTZ, cet outil si précieux, qui aide les jeunes ménages à acquérir leur premier logement. La suppression du PTZ sera vécue comme une nouvelle injustice pour les familles qui vivent dans les zones périurbaines et dans nos campagnes.
J’en reviens à ce qui nous rassemble aujourd’hui.
Oui, les marges sur les assurances emprunteur sont énormes. Oui, ce marché reste capté par les banques.
Un tiers des ménages ont un prêt immobilier en cours et 80 % d’entre eux disposent d’une assurance souscrite auprès de leur banque. Nous arrivons à un point de bascule, le coût de l’assurance emprunteur devenant plus élevé que celui du crédit lui-même. Par exemple, pour un crédit de 250 000 euros sur vingt ans, un couple d’emprunteurs âgés de quarante ans versera 35 000 euros d’intérêts, mais 36 000 euros pour l’assurance emprunteur.
Or le marché de l’assurance emprunteur rapporte près de 9 milliards d’euros, compte tenu de la dynamique des prix de l’immobilier. L’encours total des prêts liés à l’habitat a, en effet, franchi le seuil symbolique de 1 000 milliards d’euros en fin d’année dernière.
Depuis dix ans, trois lois ont été votées pour tenter d’ouvrir ce secteur à la concurrence et faire baisser les prix.
Dès lors, pourquoi le secteur ne s’ouvre-t-il pas à la concurrence ? Pourquoi proposons-nous de légiférer encore ? Il faut que ce soit clair : certaines banques – nous ne les citerons pas, mais nous les avons identifiées – recourent à des pratiques dilatoires, afin de priver leurs clients de leur droit au libre choix de l’assurance emprunteur, en contradiction avec l’objectif d’accroissement des possibilités de mise en concurrence qui est celui du législateur, malgré les rappels à l’ordre de l’ACPR, qui a mis le secteur bancaire en garde vis-à-vis de ces pratiques commerciales voilà tout juste un an, et en dépit de l’intervention du CCSF, qui a tenté de clarifier les modalités de résiliation.
L’objectif de la présente proposition de loi est d’assurer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur. Nous sommes arrivés à un accord avec Mme le rapporteur, que je remercie de son travail de précision, lequel a permis de conserver l’esprit et l’ambition de notre proposition de loi initiale.
Le texte que nous examinons aujourd’hui a un objectif de clarification, pour éviter que les assurés soient embrouillés, à l’avenir, sur la date de résiliation de leur contrat. Ce point devrait faire consensus, Mme le rapporteur ayant proposé de reprendre la liste que le CCSF avait négociée avec les banques, les assureurs et les associations de consommateurs.
En outre, l’information du consommateur sera renforcée. Tout d’abord, la date de résiliation sera précisée dans la notice que le prêteur est obligé de fournir à l’assuré au moment des premières simulations. L’emprunteur aura connaissance de ses droits dès le début du processus de souscription d’un prêt. Ensuite, et c’est là un point essentiel, nous créons une obligation annuelle d’information du client sur son droit à résiliation et les modalités d’exercice de ce droit.
Nous avions également proposé que la fiche standardisée d’information, la FSI, puisse être envoyée sans frais par la banque, dans un délai de dix jours maximum, pendant toute la durée du prêt. Madame la secrétaire d’État, vous avez déposé un amendement tendant à supprimer cette mesure, au motif qu’elle relèverait du pouvoir réglementaire. Nous en prenons acte, mais nous souhaiterions que le Gouvernement s’engage à faire évoluer le dispositif existant.
La FSI indique les garanties d’assurance que le prêteur exige en cas de substitution d’assurance. C’est donc un document essentiel, dont l’emprunteur doit disposer s’il souhaite engager une démarche de renégociation de son contrat.
Sur proposition de Mme le rapporteur, l’article 2 met en place un régime de sanctions administratives plus efficace, voire dissuasif : la DGCCRF pourra appliquer des amendes allant jusqu’à 15 000 euros par manquement constaté, soit cinq fois plus que l’amende actuelle.
Ce qui est très important également, la DGCCRF aura la possibilité de rendre publiques ces sanctions, le fameux name and shame qui fait souvent plus peur aux entreprises que les amendes.
Enfin, je tiens à rappeler que les mesures adoptées ont vocation à s’appliquer aux contrats en cours.
Voilà un texte qui parle aux Français et qui est susceptible de redonner, comme l’a souligné Martial Bourquin, 3 milliards d’euros à nos concitoyens. Je vous invite donc, mes chers collègues, à le voter, et vous, madame la secrétaire d’État, à le soutenir à l’Assemblée nationale, pour une adoption rapide et définitive. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
(Mme Hélène Conway-Mouret remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Martial Bourquin et les coauteurs de ce texte de proposer une solution aux entraves que rencontre le droit au changement d’assurance emprunteur sur le terrain.
Après son ouverture voilà une dizaine d’années, le marché de l’assurance emprunteur, qui a évolué, reste encore fermé, même si les prix ont fini par baisser. Nos concitoyens pourraient bénéficier de tarifs encore plus attractifs en changeant d’assurance. Il faut donc rendre possible l’exercice de ce droit.
Il est utile de clarifier la notion de date d’échéance en entérinant dans la loi l’avis du comité consultatif du secteur financier, le CCSF. L’obligation de faire apparaître cette date dans la notice annexée au contrat de prêt constitue une avancée pour les contrats nouvellement conclus.
Outre les confusions autour de la date de référence pour l’exercice du droit de résiliation, les associations de consommateurs constatent la persistance de manœuvres dilatoires visant à décourager l’emprunteur. Il s’agit notamment du non-respect, par les établissements de crédit, des délais de réponse quant au refus ou à l’acceptation du nouveau contrat, de la non-précision des documents manquants et de l’absence de véritable motivation du refus de changement.
En ce qui concerne ces deux derniers points, je proposerai un amendement visant, d’une part, à ce que le prêteur précise quels sont les documents manquants, et, d’autre part, à ce que le prêteur apporte des explications, critère par critère, sur l’absence d’équivalence des garanties entre le contrat de groupe et le contrat individuel.
Le contenu de l’information annuelle de l’assuré a été complété en commission par les modalités de résiliation du contrat et les délais à respecter. Toutefois, tel qu’il est rédigé, l’article concerné ne permet plus de savoir à quel moment doit intervenir cette information. Je crains qu’elle ne soit délivrée trop tardivement.
Or cette précision est essentielle, puisque le rapport dispose que les délais de résiliation peuvent s’élever jusqu’à cinquante-six jours. Nous avons donc déposé un amendement visant à ce que le délai de trois mois, retenu par la proposition de loi initiale, soit applicable aux contrats nouvellement conclus.
L’assurance emprunteur a toujours relevé d’un droit particulier pour ce qui est des conditions de résiliation. Presque dix ans après la reconnaissance du droit à la déliaison, nous sommes encore en train de légiférer sur le droit à la résiliation, nous rapprochant un peu plus du droit commun. Faudra-t-il aller jusqu’à un alignement sur ce dernier, à savoir la résiliation à tout moment sans justification ?
Certes, il conviendra ultérieurement d’évaluer les effets de la déliaison sur la mutualisation des risques, donc son impact sur les profils à risque, qui intéressent moins les assureurs. Pour l’instant, la démutualisation n’a pas entraîné d’augmentation des contributions de ces catégories. La demande de rapport est ici pertinente.
Au regard des avancées qu’il propose, le groupe RDSE soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi s’inscrit dans la lignée des différentes réformes du marché de l’assurance emprunteur initiée par nos collègues voilà maintenant plus de dix ans. Elle vise à parachever cet effort, en clarifiant et en renforçant l’information du consommateur sur son droit à la résiliation.
L’assurance emprunteur est un véritable enjeu, au cœur de la vie de nos concitoyens. Elle représente une part importante du coût de leur crédit, souvent conditionnée à l’obtention du prêt immobilier.
Le législateur est intervenu à plusieurs reprises ces dernières années en ouvrant, puis en élargissant progressivement le droit à la résiliation, augmentant ainsi la concurrence de l’offre. Le constat est aujourd’hui simple : le manque d’information du consommateur persiste. Il existe un réel besoin de clarifier la date retenue lorsqu’un assuré souhaite faire usage de son droit de résiliation.
La date anniversaire de la signature de l’offre de prêt par l’emprunteur apparaît alors opportune. Aussi, je félicite le travail de la commission, qui a jugé utile d’offrir au consommateur la possibilité de choisir une autre date, afin de garder la main sur la période de résiliation qui lui convienne le mieux.
La commission propose également de faire figurer cette information dans la notice de l’assurance pour une parfaite transparence, ce qui permet de réduire l’incertitude juridique autour de la notion de date d’échéance.
En outre, l’emprunteur doit pouvoir se voir communiquer par le préteur sa fiche standardisée d’information tout au long du crédit. Elle est particulièrement utile au consommateur pour connaître les exigences minimales du prêteur et, ainsi, comparer les offres d’assurance.
Toutefois, nous voterons l’amendement du Gouvernement qui tend à supprimer la disposition imposant au prêteur de communiquer, sur demande de l’emprunteur, la fiche standardisée d’information. Cette disposition est en effet déjà satisfaite par le code de la consommation pour les cas de substitution avant l’offre de prêt.
Enfin, le texte propose de créer pour l’assureur une obligation annuelle d’informer l’assuré sur le droit général à résiliation et sur les modalités de mise en œuvre. Obliger l’assureur à informer le consommateur trois mois avant la date d’échéance, comme cela était proposé initialement, aurait été une contrainte trop importante pour les assureurs qui ne connaissent généralement pas cette date.
Mes chers collègues, ces mesures de bon sens vont permettre une bien meilleure information du consommateur. Ne pas être entravé lorsqu’on souhaite faire usage de son droit à résiliation est une question non seulement d’égalité et de légalité, mais surtout de pouvoir d’achat.
Cette réforme était nécessaire. Je tiens à remercier le travail fourni par Martial Bourquin, Élisabeth Lamure et les membres de la commission. Les échanges fructueux nous ont permis de partager de manière unanime l’objectif de ce texte.
Ainsi, le consommateur pourra réellement faire jouer la concurrence. La concentration des acteurs du marché de l’assurance emprunteur reste toujours problématique et porte aujourd’hui préjudice aux consommateurs en termes de pouvoir d’achat.
Je me réjouis de l’unanimité autour de cette proposition de loi et du réel travail de concertation entre le Sénat et le Gouvernement. Le groupe La République En Marche votera bien évidemment en faveur de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais faire comme tout le monde et ranger ma belle intervention pour gagner du temps. (Sourires.)
Un achat immobilier, tout le monde en conviendra, c’est le projet d’une vie. Aujourd’hui, les encours de crédits immobiliers représentent 1 000 milliards d’euros. Il serait d’ailleurs intéressant, madame la secrétaire d’État, que nous puissions avoir un débat sur l’endettement des ménages, clé de l’investissement. Cette situation ne semble pas vous inquiéter, alors que vous nous rebattez les oreilles sur la dette publique. Mais il s’agit d’une autre question.
Avant 2010, l’assurance emprunteur était un monopole. Depuis que ce secteur s’est ouvert à la concurrence, les choses jouent difficilement en faveur des consommatrices et des consommateurs. Si j’étais un peu taquin, je dirais qu’il ne s’agit pas du seul secteur dont l’ouverture à la concurrence ne profite pas à ces derniers…
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont extrêmement faibles, mais les banques se rattrapent et font leur marge – 40 % en moyenne et parfois jusqu’à 70 % – sur les taux d’assurance. Certains de nos concitoyens ne peuvent accéder au crédit faute d’assurance emprunteur. Peut-être faudrait-il imaginer un dernier recours assureur ?...
Comme l’a souligné Martial Bourquin, la renégociation représente parfois jusqu’à 1 000 euros par an, soit 25 000 euros pour un contrat de 25 ans. Il ne s’agit pas d’une mince affaire.
Nous partageons la philosophie de cette proposition de loi : plus de transparence sur la date d’échéance, droit de renégociation, name and shame, information des consommatrices et des consommateurs…
Ces assurances représentent une manne financière de 9 milliards d’euros entre les mains des banques, des courtiers et des assureurs.
En commission, Daniel Gremillet a souligné que le dispositif était auparavant mutualiste. Depuis l’ouverture à la concurrence, les différences entre contrats vont de 1 à 6 selon le profil social, le sexe, l’âge, la santé, le travail… Un ouvrier, un militaire ou un agriculteur est pénalisé par rapport à un cadre ou à un employé de bureau. Demain, avec l’entrée d’acteurs alternatifs, le rapport sera peut-être de 1 à 30. Sans doute faudra-t-il exiger plus de transparence dans la fixation des prix : ce n’est pas aux plus faibles de payer l’ouverture à la concurrence de ce secteur pour les plus riches, c’est aux banques et aux assureurs de rendre l’argent.
Le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Martial Bourquin et Joël Labbé applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai bien compris, en écoutant le président Assouline, que la concision était une vertu préférable à l’éloquence à ce stade de la discussion. Je vais donc suivre sa suggestion et tenter de dégraisser, non pas le mammouth, mais bien mon texte. (Sourires.)
Cette proposition de loi a pour objet de faciliter le jeu de la concurrence dans le secteur des assurances de prêts. Une première réforme, en 2014, avait permis à l’emprunteur de choisir son assureur. L’étude du secteur indique cependant que les choses peuvent être améliorées.
Les assureurs se sont parfois montrés réticents à laisser leurs clients partir vers la concurrence. Certains font traîner en longueur le traitement des demandes de résiliation ; d’autres jouent sur la complexité et sur l’obscurité des dispositions contractuelles. Leur but est de dissuader ou de gêner les consommateurs dans l’exercice de leur droit de résiliation.
Même en l’absence de telles manœuvres, les consommateurs sont encore trop souvent dans l’ignorance de leurs droits. Mal informés ou gênés dans leur volonté de changement, ils restent trop souvent liés à la banque qui leur a accordé un prêt et fait souscrire une assurance.
Cela explique sans doute pourquoi cette activité d’assurance de prêt, qui pourrait être effectuée par n’importe quel assureur, est aujourd’hui encore très majoritairement l’apanage des prêteurs bancaires.
La libre concurrence est un principe auquel le groupe Les Indépendants est très attaché. Elle permet aux consommateurs d’exercer leur liberté de choix en même temps qu’elle garantit des prix raisonnables.
C’est en partie le cas dans le domaine des assurances de prêts. Les prix ont déjà commencé à baisser, mais il subsiste une importante marge de progression. L’étape incontournable vers davantage de concurrence est l’information du consommateur quant à sa faculté de choix. Les dispositions du texte la renforcent utilement.
Les obligations sans sanction n’obligent personne. C’est presque aussi vrai des sanctions dérisoires. Nous nous réjouissons donc que la commission ait quintuplé les sanctions encourues. Portées à 15 000 euros par infraction, elles devraient avoir les propriétés dissuasives que nous leur souhaitons.
Fallait-il dépénaliser les sanctions encourues en cas de non-respect de ces obligations ? Nous comprenons bien que ce passage d’une sanction pénale à une sanction administrative vise l’efficacité. Et nous ne doutons pas de la compétence de la DGCCRF, ni de celle l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, dans la mise en œuvre de contrôles et de sanctions, même si déléguer des fonctions de justice à l’administration pose toujours problème.
L’ensemble du texte est équilibré et nous semble correspondre aux attentes du secteur. L’économie de marché, le libéralisme économique ne signifient pas l’absence de règles. Ils ont au contraire besoin de régulation, d’encadrement et de contrôle. Sans cela, la concurrence peut rapidement tourner à l’abus de position dominante ou au cartel.
C’est par le droit que nous pouvons nous assurer que la concurrence demeure loyale, que les acteurs bénéficient de la meilleure information et que chacun respecte les règles du jeu. Les dispositions du présent texte renforceront la concurrence dans ce secteur. Le groupe Les Indépendants votera donc en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDSE et UC. – MM. Martial Bourquin et Jean-Claude Tissot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Martial Bourquin va permettre non seulement d’améliorer, mais sans doute d’achever la réforme de l’assurance emprunteur entamée en 2010 par la loi Lagarde et complétée, quatre années plus tard, par la loi Hamon.
Les ambitions de ces réformes et de cette proposition de loi sont cohérentes et constantes : faciliter le changement d’assurance lors du recours à un prêt, protéger le consommateur et réduire le coût de ses assurances. Pour ce faire, trois objectifs sont poursuivis : faciliter le changement d’assurance, réduire le coût des assurances et protéger le consommateur.
Aujourd’hui, le changement d’assurance emprunteur est encore insuffisamment utilisé, et la concurrence ne joue pas à plein. La situation s’est améliorée, mais elle reste variable d’un profil d’emprunteur à l’autre. Nous devons être vigilants pour que les possibilités de changement ne bénéficient pas qu’à un public sans risque et nous montrer garants de l’équité entre chacun.
Ainsi, le renforcement des obligations des assurances et des banques en matière d’information du consommateur sur ses droits à résiliation est le bienvenu. Je remercie Mme le rapporteur des modifications apportées qui nous rassurent sur la faisabilité concrète de cette réforme. Le flou sur la date d’échéance est dissipé : le texte permet à l’assuré de la fixer lui-même.
En ce qui concerne la baisse du coût des assurances emprunteurs, les effets de la concurrence ont permis de constater un impact positif pour le consommateur.
Néanmoins, l’assurance représente toujours entre 6 % et 15 % du coût du crédit. Cette proportion est loin d’être négligeable. Nous constatons même qu’elle augmente avec la baisse historique des taux d’intérêt : il devient parfois plus coûteux de s’assurer que d’emprunter. Ce rapport entre les deux coûts liés à un crédit nous interroge.
Nous devons mettre en garde les prêteurs de ne pas profiter de taux d’intérêt bas pour augmenter le coût des assurances. Finalement, le consommateur pourrait sembler gagnant sur le montant total, mais le prêteur assureur ne ferait pas complètement jouer la concurrence.
La protection des consommateurs doit être le seul objectif de nos décisions en matière de crédit et d’assurance. Je souhaiterais ainsi nous mettre en garde collectivement contre certaines dérives de notre système.
La recherche du coût le plus bas possible ne doit pas se faire au détriment du niveau et de la qualité de l’assurance. En outre, nous devons faire attention à ne pas renchérir le coût des assurances emprunteurs sous prétexte de nouvelles contraintes pour les assureurs. En résumé, ces derniers ne peuvent prétendre à une charge sur une mission qu’ils ont mal assurée jusque-là.
Enfin, madame la secrétaire d’État, j’aimerais attirer votre attention sur la capacité réelle de la DGCCRF à effectuer les bons contrôles des mesures que nous adoptons.
Comme souvent, le contrôle nécessite des moyens budgétaires et humains. Nous examinerons bientôt le projet de loi de finances pour 2020. Et même si nous vous faisons confiance, nous observerons avec attention les moyens qui seront mis à disposition.
J’aimerais enfin remercier l’auteur de cette proposition de loi et Mme le rapporteur, qui ont su travailler main dans la main pour aboutir à un texte équilibré, dont j’espère qu’il sera vite examiné par nos collègues députés.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe Union Centriste soutiendront l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC. – MM. Martial Bourquin et Roland Courteau applaudissent également.)