M. Marc Laménie. Monsieur le président, je vais tâcher de faire bref.
Au-delà de la remise d’un rapport au Parlement, cet amendement tend à engager des réflexions en vue de l’évolution et de la modernisation des services de l’état civil, très attendues à la fois par les officiers de l’état civil et par nos concitoyens.
L’exposé des motifs de l’amendement, qui est très long, indique clairement les intérêts multiples de cette évolution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, qui vise à solliciter un rapport.
À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° 451 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les services de l’état civil, mais aussi l’ensemble des organismes sociaux sont à la recherche d’une solution qui permettrait d’appliquer le principe que le Gouvernement appelle « Dites-le-nous une fois », c’est-à-dire de sortir du déclaratif, au profit de répertoires qui soient mieux organisés. C’est notamment vrai pour les organismes de sécurité sociale.
La réflexion est en cours et nous devrions en voir les premiers effets lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je pense donc que cet amendement pourrait être retiré…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 451 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre II
Fluidifier les relations entre l’État et les collectivités
Articles additionnels avant l’article 20
M. le président. L’amendement n° 437 rectifié ter, présenté par MM. Montaugé, Antiste et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Duran, Mme Grelet-Certenais, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lozach, Mmes Lubin, Monier, Perol-Dumont et Taillé-Polian et MM. Tissot, Tourenne et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Avant l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, chaque année à compte de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant un état des lieux des moyens nécessaires aux maires, adjoints et secrétaires de mairie des communes de moins de 3 500 habitants, en termes d’expertise juridique et d’ingénierie, pour appliquer les normes, renseigner le public et mener des projets relevant de compétences communales, dans les meilleures conditions.
Ce rapport étudie notamment l’articulation existante et souhaitable de la fourniture de ces moyens par l’échelon intercommunal, le département et l’État.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à donner un début de réponse à un enjeu clairement posé dans le rapport rendu public par l’Association nationale Nouvelles ruralités, que préside notre collègue Patrice Joly, le 26 juillet 2019, et intitulé Ruralités : une ambition à partager, 200 propositions pour un agenda rural.
À la page 36 de ce rapport, on trouve une description exacte du malaise des élus face à leur population et face à l’exercice de leurs responsabilités : « Le sentiment général est que la parole de l’élu rural n’est pas entendue et que le maire qui incarne la proximité se trouve trop souvent dépourvu face à des mesures de plus en plus complexes à appréhender. Un double sentiment de frustration se fait jour : l’incapacité d’expliquer à ses administrés les mesures prises au-delà de la commune et le sentiment d’être spectateurs plutôt que d’être des décideurs. Le sentiment d’impuissance chez les élus ruraux persiste. »
Dans nos territoires, nous constatons tous que le désengagement des préfectures en matière d’ingénierie n’a pas été compensé de manière satisfaisante. Les autres échelons, notamment le département, ne comblent pas toujours totalement les besoins.
Une évaluation régulière est manifestement nécessaire, en particulier pour le Sénat, qui doit être un garant de l’effectivité de l’exercice des compétences des collectivités territoriales.
Cette évaluation pourrait prendre la forme d’un rapport annuel réalisé, par exemple, par la future Agence nationale de cohésion des territoires. Il nous semble qu’elle pourrait s’intéresser à cette question pour les communes de moins de 3 500 habitants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 437 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 787 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :
Avant l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences de la suppression du principe de territorialisation des demandes de cartes d’identité empêchant les mairies ne disposant pas du dispositif de recueil des empreintes digitales d’instruire les demandes et de délivrer les cartes d’identité.
Ce rapport détaille notamment les conséquences en termes d’affaiblissement du lien de proximité entre les habitants et leurs communes et d’éloignement des services publics.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Seuls quelques élus se sont élevés contre le décret du 28 octobre 2016, paru quelques mois avant la dernière élection présidentielle dans une indifférence quasi générale, qui a profondément modifié les modalités de délivrance des cartes nationales d’identité.
Jusqu’alors, la demande de carte nationale d’identité, ou son renouvellement, qui permet de symboliser la citoyenneté et de faire corps avec la Nation, se faisait dans sa commune de résidence. Depuis ce décret, seules les communes pouvant procéder à une instruction numérique des dossiers sont en mesure d’assumer cette compétence, notamment au nom de la lutte contre le terrorisme, ce que nous ne minimisons pas.
Nous restons profondément convaincus, comme de nombreux élus que nous rencontrons tous au quotidien, que la délivrance des cartes d’identité est au cœur du lien civique qui s’établit entre l’élu et ses administrés.
Cette délivrance est d’abord l’occasion, pour le maire, de garder un contact régulier, décennal, avec sa population. Au-delà, elle permet de symboliser – mais c’est aussi davantage qu’un symbole – le sens de la relation entre l’individu et l’échelon communal.
Certes, la question technologique ne peut être balayée d’un revers de main. Cela dit, des propositions d’innovation ou d’expérimentation ont été formulées par un certain nombre de communes pour leur permettre, un jour par semaine, de continuer d’enregistrer les demandes de cartes d’identité.
Lors de nos déplacements sénatoriaux, les élus nous interpellent souvent sur cette question. Malgré la jurisprudence constante de la commission des lois, nous demandons donc la remise d’un rapport sur la problématique de l’instruction des demandes de cartes d’identité, dans la mesure où de nombreuses communes ont vu leurs compétences en matière d’état civil fortement se réduire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je peux accepter ces réponses laconiques pour gagner du temps, mais je me permettrai d’ajouter encore un élément.
Monsieur le ministre, votre gouvernement nous annonce une réforme constitutionnelle. Or, dans notre grande République parlementaire, où le droit d’amendement des députés et sénateurs est déjà assez faible, il est devenu habituel de refuser quasi systématiquement toute demande de rapport. C’est pourtant la seule solution dont nous disposons pour souligner un certain nombre de problèmes et obtenir des réponses.
Vous me permettrez – et vous n’êtes bien évidemment pas obligé de me répondre – de vous interpeller concrètement sur ce problème. Il s’agit d’une remontée de terrain. De très nombreux élus ruraux nous interrogent au quotidien, depuis la fin de l’année 2016, sur la question du devenir des demandes de cartes d’identité.
Un compromis a été proposé : dès lors que l’ensemble des communes ne peut procéder à l’enregistrement de ces demandes, les cartes d’identité pourraient être renvoyées dans les communes de résidence pour leur permettre de continuer d’assurer – pas forcément de manière solennelle ou symbolique – ce lien indispensable entre le citoyen et la République.
Alors que nous débattons depuis quinze jours de la place de la commune, ce geste, au-delà du symbole qu’il constituerait, manifesterait la volonté du Gouvernement de réaffirmer le rôle de la commune dans ce qui fait République, dans ce qui fait du commun et dans de ce qui fait la citoyenneté dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Nous avions déposé un amendement visant à ce que chacun puisse aller retirer sa carte d’identité dans sa commune de domiciliation.
Cet amendement, qui nous semblait faire sens, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution. C’est regrettable.
En l’espèce, la sécurité a joué au détriment du lien de proximité et du lien citoyen.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je souscris entièrement à ce qui vient d’être dit.
Que s’est-il passé en octobre 2016 quand le ministre de l’intérieur, au nom de la sécurisation des titres, a publié ce décret ? De manière subreptice, le dispositif en vigueur a été modifié.
Nous étions alors dans un contexte de prévalence des enjeux sécuritaires, pour les raisons que nous savons, qui a fait passer le reste au second plan. Or nous mesurons seulement aujourd’hui ce que cela signifie dans la relation de proximité et dans le sentiment de proximité, ce qui n’est pas tout à fait pareil.
Tous les maires, au fur et à mesure des demandes de cartes d’identité – qui doivent être renouvelées au maximum tous les quinze ans – ont vu leur population exprimer son désarroi, particulièrement les administrés ayant des problèmes de mobilité et qui se retrouvent inscrits sur des listes d’attente dans les communes désignées pour prélever les empreintes digitales. Les maires se retrouvent aujourd’hui à devoir expliquer pourquoi ce décret a été pris.
Je partage d’autant plus ces propos que nous avons interpellé Mme Gourault, la semaine dernière, lors de son audition par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur cette possibilité de retrait dans la commune de résidence.
Laissons au moins cette possibilité, qui n’est pas que symbolique. On touche tout de même à la carte nationale d’identité, ce n’est pas une petite histoire. Dans les secteurs ruraux, quand vous avez un certain âge ou que vous n’êtes pas très mobile ni voituré, on n’imagine pas combien il est difficile d’aller refaire la queue pour peu qu’il manque un élément dans le dossier administratif. Pour certains, c’est un petit traumatisme. Je voudrais simplement que le ministre en prenne la mesure, même s’il n’est pas responsable de cette situation.
Il faut s’efforcer de prendre des mesures correctives. Pouvoir retirer sa carte d’identité dans sa commune de résidence est une première solution.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Cette question relève du domaine réglementaire et je ne voterai pas cet amendement.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je voudrais parler du point de vue non de la population, mais des maires.
Les maires ruraux de votre département comme du mien ne connaissent plus leur population. Les administrés n’ont plus aucune raison, s’il n’y a pas d’école et qu’ils n’ont pas d’enfants scolarisés, de venir se présenter au maire.
Quand on veut renforcer la vigilance, comme le Premier ministre nous y a appelés, quand on veut savoir ce qui se passe dans sa commune, ou quand on veut prévoir des équipements, par exemple, il est nécessaire de connaître sa population, ne serait-ce qu’à travers la remise de la carte d’identité.
Aujourd’hui, on coupe complètement le lien entre les maires et leur population. Je sais que l’on peut aussi développer des services comme le dépôt postal. Très bien ! Certaines communes le font, mais La Poste ne le prévoit pas pour toutes.
Il est essentiel de maintenir un lien entre la population et les maires dans les plus petites communes. C’est la raison pour laquelle je défends l’idée qui le sous-tend, mais certainement pas l’amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je voudrais juste étayer mon propos en deux mots.
À entendre certains, on pourrait croire que l’adoption de cet amendement permettrait de revenir sur le dispositif en vigueur. Or il s’agit d’un problème réglementaire et d’une demande de rapport, raison pour laquelle la commission y est très défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, après ces dix minutes de prises de parole, la main sur le cœur, je voudrais souligner que nous avons examiné onze amendements en plus d’une heure.
Pour votre parfaite information, à ce rythme, il reste encore dix heures de débat.
Article 20
Le titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Demande de prise de position formelle
« Art. L. 1116-1. – Avant d’adopter un acte susceptible d’être déféré, les collectivités territoriales ou leurs groupements ainsi que leurs établissements publics peuvent saisir le représentant de l’État compétent pour contrôler la légalité de leurs actes d’une demande de prise de position formelle relative à la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leurs exécutifs. La demande est écrite, précise et complète. Elle comporte la transmission de la question de droit sur laquelle la prise de position formelle est demandée ainsi que du projet d’acte.
« Le silence gardé par le représentant de l’État pendant deux mois vaut absence de prise de position formelle.
« Si l’acte est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l’État ne peut pas, au titre de la question de droit soulevée et sauf changement de circonstances, le déférer au tribunal administratif.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, je renonce à cette prise de parole. Mieux vaut passer un peu plus de temps sur de vrais sujets plutôt que d’allonger inutilement les débats par ailleurs.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.
Mme Christine Lavarde. L’article 20 du projet de loi a pour objet d’aider les collectivités locales qui le souhaitent dans le contrôle de légalité de leurs actes en leur permettant de soumettre au représentant de l’État une question de droit.
Malheureusement, le respect de cette prise de position formelle par ladite collectivité locale a peu de conséquences juridiques, puisqu’elle n’emporte qu’une interdiction pour le représentant de l’État de déférer cette décision devant le tribunal administratif.
Pour autant, elle n’est pas opposable aux tiers et n’emporte donc aucune garantie de l’État au profit de la collectivité.
C’est la raison pour laquelle j’avais déposé un amendement visant à apporter aux collectivités une garantie de l’État en cas de recours de tiers, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Je voudrais illustrer par un exemple les problèmes auxquels les collectivités pourraient être confrontées en cas d’application de cet article 20.
En matière d’urbanisme et d’autorisation d’occupation du sol, il est de jurisprudence constante que la responsabilité à rechercher est celle de la personne publique au nom de laquelle la décision fautive a été prise.
Supposons qu’une commune sollicite auprès des services de la préfecture, laquelle se tournera vers la direction départementale des territoires, ou DTT, une prise de position formelle sur l’élaboration de son PLU et obtienne un avis favorable. La commune applique à la lettre cet avis favorable.
Un peu plus tard, la même commune demande une autre prise de position formelle aux services de la préfecture quant à l’opportunité de délivrer un permis de construire. Là encore, la préfecture, toujours via la DDT, rend un avis formel positif sur la délivrance du permis, conforme au PLU élaboré et voté par la commune.
Or ce permis, attaqué devant le tribunal administratif, est annulé. Le jugement est confirmé par la cour d’appel administrative, puis par le Conseil d’État. Des riverains sollicitent devant les juridictions civiles la démolition de la maison qui leur porte grief et obtiennent satisfaction.
Le bénéficiaire du permis annulé et propriétaire de la maison démolie se retourne alors contre la commune qui lui a délivré le permis de construire après l’avis favorable donné par la préfecture. Il sollicite des dommages et intérêts dont le montant est égal à la valeur de la maison démolie.
Si tout cela se passe dans une petite commune de 100 à 500 habitants, cette dernière sera-t-elle en mesure de faire face aux frais financiers induits par cette procédure qui trouve son origine dans une prise de position formelle de validation des services de la préfecture ?
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Cet article vise à rendre opérationnelle une attente forte des élus locaux, et singulièrement des maires, celle d’un État qui accompagne les collectivités locales dans leurs tâches et dans l’exercice de leurs missions – attente forte, très souvent annoncée, souvent avec ostentation, et pourtant très largement déçue.
La création d’une procédure de rescrit, ou de demande de prise de position formelle, pour les collectivités locales, comme il en existe dans d’autres domaines, et ce pour des actes posant des questions de droit, me semble de nature à alléger, à fluidifier l’exercice des responsabilités et le travail quotidien des exécutifs locaux.
Pour peu qu’un délai raisonnable soit retenu pour obtenir une réponse, cette procédure constituerait une amélioration significative pour le fonctionnement courant des collectivités en sécurisant juridiquement leur décision et en évitant le risque de déféré, même si les risques de recours de tiers restent présents, comme vient de le souligner Mme Lavarde.
Nous savons tous que le contrôle de légalité s’exerce imparfaitement et différemment selon les territoires et les relations entre élus et préfets. Cela revient à donner une latitude nouvelle aux élus pour stabiliser et réduire certaines incertitudes et fragilités juridiques.
J’ajoute que cela ouvre la voie à un renversement attendu en favorisant une logique de conseil plutôt qu’une situation de tutelle et de contrôle.
M. le président. Je voudrais rectifier ma remarque précédente. Mon optimisme m’a joué des tours : à ce rythme, nous en avons encore pour dix-huit heures de débat. (Exclamations.)
Il s’agit simplement de vous informer. Tirez-en les conséquences que vous voulez, mais les yeux ouverts.
L’amendement n° 589 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Meurant, Frassa et Laménie, Mmes Sittler, Deromedi et Bruguière et M. Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le représentant de l’État prend une position formelle dans un délai de deux mois.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement, déposé sur l’initiative de notre collègue Henri Leroy, vise à rendre obligatoire la prise de position formelle par le préfet en cas de saisine.
Dans la mesure où la prise de position formelle exclut un déféré préfectoral, l’adoption de cet amendement conduirait à un report temporel de la charge de travail des services de l’État, puisque tous les actes des collectivités territoriales sont aujourd’hui transmis et analysés. S’il y a davantage de prises de position formelle, l’analyse des actes dans le cadre du contrôle de légalité sera allégée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Monsieur le président, charité bien ordonnée commence par soi-même : pour faire plus court, je vais donner dès à présent un commentaire global sur l’ensemble des amendements déposés sur cet article.
Je souscris totalement aux propos de Mme Lavarde : en apparence, le rescrit est intéressant, mais il peut être très contre-intuitif et entraîner des effets secondaires non désirés. Je souscris également aux propos de M. Bonhomme.
Nous allons laisser vivre le rescrit. Il part d’un bon sentiment et pourra constituer un éclairage intéressant pour les maires. Nous aurions souhaité qu’il ait un caractère un peu plus contraignant, mais nous comprenons la position des services de l’État et le fait que les choses soient, en l’état actuel, compliquées. Nous espérons que le texte à venir sur la déconcentration permettra aux préfectures et aux sous-préfectures de disposer d’un peu plus d’agents pour que le rescrit devienne un outil réellement intéressant pour les élus.
Nous souhaitons que la mesure soit évaluée, étayée et chiffrée à l’échéance de deux années. Comme l’ont souligné Mme Lavarde et M. Bonhomme, ce dispositif pourrait vite avoir des effets indésirables et se retourner contre les élus.
Pour ces raisons, nous serons défavorables à la plupart des amendements déposés sur cet article, notamment au regard du caractère contraignant du dispositif, même si je partage l’avis de leurs auteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le président, je procéderai comme l’a fait le rapporteur, pour aller plus vite par la suite.
Le rescrit, qui n’existait jusqu’à présent qu’en matière fiscale, est une innovation importante. Tout le monde s’était refusé à le faire, parce qu’il s’agissait d’un exercice lourd et compliqué.
Il s’agit aujourd’hui de lui donner une base légale. Il est important de dissocier la base légale de la façon dont le dispositif fonctionnera en pratique.
Le rapporteur Darnaud a mille fois raison : le mieux est l’ennemi du bien et le rescrit n’empêchera jamais un tiers de saisir le tribunal administratif. Il ne faudrait pas que ce dispositif, que nous avons initialement imaginé avec la commission des lois, se retourne contre les élus et que le juge administratif se montre plus sévère dans le cadre d’un recours de plein contentieux ou d’un recours pour excès de pouvoir en raison même de l’existence d’un rescrit.
Le silence vaut silence : cette tautologie protège l’élu et non les services de l’État. Si le silence valait autre chose, je suis déjà certain du résultat des contentieux éventuels. L’objectif du Gouvernement n’est évidemment pas de tout judiciariser. Je serai vigilant sur cette question.
Je reste ouvert sur les délais. Lorsque la commission des lois des lois m’a auditionné, les quatre mois lui paraissaient longs. La commission a ramené ce délai à deux mois ; un amendement tend à le porter à trois, comme pour le rescrit fiscal. Cette dernière proposition me paraît intéressante en termes d’intelligibilité du droit et d’alignement des délais.
Par ailleurs, les préfectures ne disposent pas toutes des mêmes moyens. La préfecture du Nord, la préfecture du Rhône, la préfecture des Bouches-du-Rhône, quoi qu’on en dise, auront toujours davantage de moyens que celles de la Creuse ou de la Lozère, par exemple. C’est aussi la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans la loi un délai qui s’applique sur tout le territoire et qui permette d’équilibrer les choses. C’est une belle innovation.
Oui, monsieur le rapporteur, je suis favorable à une évaluation du rescrit dans les temps qui viendront.
Les ministres sont censés définir, avec le secrétariat général du Gouvernement, les critères d’évaluation de la loi. Sachez que j’y ai inscrit ce dispositif de rescrit. Nous verrons bien quel sera le taux de recours contre cette capacité à faire interpréter les normes.
Parfois on légifère très vite sur la base d’amendements pas toujours très bien rédigés. Si nos collègues élus locaux, les secrétaires de mairie, les directeurs généraux de services et les services de préfecture ont parfois du mal à dire le droit, c’est aussi que nous l’avons – collectivement – mal écrit. Il faut avoir l’humilité de le reconnaître.
Tentons l’aventure du rescrit. Avis défavorable à l’amendement n° 589 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je voudrais faire remonter deux préoccupations.
Nous connaissons tous des préfets courageux et d’autres qui le sont moins ; nous connaissons tous des préfets téméraires et d’autres qui le sont moins. Nous savons très bien que certains préfets engageront la parole de l’État via le rescrit et que d’autres ne le feront pas. Dès lors, comment allez-vous procéder pour homogénéiser les pratiques et faire en sorte que les préfets soient tous enclins à recourir à ce dispositif pour apporter des réponses aux élus ? Il s’agit d’une vraie source d’inquiétude pour les élus locaux.
Il peut aussi arriver que, dans un même département, dans un même arrondissement, l’interprétation du droit et le contrôle de légalité varient sur des problèmes de droit quasiment identiques.
M. François Bonhomme. C’est déjà le cas !
M. Loïc Hervé. Nous le vivons au quotidien. Nous sommes souvent interpellés par les élus qui ne comprennent pas cette situation.
Avec le rescrit, on met en place une sorte de contrôle de légalité a priori, avant même l’acte administratif. Comment allez-vous garantir qu’un même problème recevra la même réponse sur l’ensemble du territoire ?
Nous le savons tous – il s’agit non d’une accusation, mais d’un constat –, les services du contrôle de légalité sont à l’os dans beaucoup de départements et n’ont pas les moyens de traiter avec suffisamment d’ingénierie juridique toutes les demandes des élus et de leur apporter la sécurisation nécessaire, même lorsqu’il s’agit de décisions importantes pour les collectivités.