M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.
Mme Christine Lavarde. L’article 15 et les articles suivants ajoutés par la commission des lois visent à donner de nouveaux pouvoirs ou de nouvelles facultés aux élus locaux, notamment pour réglementer différents dispositifs en matière d’occupation et d’encombrement du domaine public.
À ce titre, je souhaiterais formuler deux remarques. Tout d’abord, je regrette que le dispositif de l’article 15 quinquies ne puisse pas s’appliquer aux établissements publics territoriaux, l’article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure permettant aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de recruter des agents pour verbaliser ou constater des infractions sur le domaine public ne s’appliquant pas, par nature, aux établissements publics territoriaux, puisque ces derniers ne sont pas dotés de la fiscalité propre.
Pour autant, l’article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales pose le principe d’une compétence des EPT en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés. Ainsi, les EPT ont pu élaborer un règlement de collecte, mais ils ne peuvent pas le faire appliquer, en raison de l’absence d’agents compétents pour constater et réprimer les infractions aux dispositions des articles R. 632-1, R. 633-6, R. 635-8 et R. 644-2 du code pénal. Aujourd’hui, seul le Gouvernement pourrait corriger cette imperfection de la loi NOTRe, nos amendements ayant subi le couperet de l’article 40.
Le ministre va me répondre que la métropole du Grand Paris et les établissements publics territoriaux feront l’objet d’un prochain texte de loi. En l’espèce, il ne s’agit pas de revenir sur le partage des compétences, mais uniquement de leur donner un pouvoir qu’ils auraient pu avoir si, au moment de la rédaction de la loi NOTRe, cette petite subtilité concernant la compétence en matière de gestion des déchets avait été relevée.
Enfin, je suggère au Gouvernement d’étendre par la voie réglementaire les pouvoirs des agents de surveillance de la voie publique, les ASVP, au constat et à la verbalisation des infractions d’abandon de déchets ou de matériaux. Cette possibilité existe déjà pour les gardes champêtres et les agents de surveillance de Paris. Pourquoi ne pas la donner aux ASVP, qui sont déjà agréés par le procureur de la République pour constater, en application des dispositions de l’article L. 130-4 du code de la route ou de l’article L. 1312-1 du code de la santé publique, certaines contraventions tant au code de la route qu’à la propreté de l’espace public ?
M. le président. L’amendement n° 612 rectifié, présenté par MM. Bonhomme, Sido et H. Leroy, Mme Deromedi et MM. Mandelli, Laménie, Saury, Piednoir, Mouiller et Houpert, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :
« Art. L. 2212-2-1. – I. – Dans les conditions prévues au II, peuvent donner lieu à une amende administrative d’un montant maximum de 500 € les manquements à un arrêté du maire :
« 1° En matière d’élagage et d’entretien des arbres et des haies, donnant sur la voie ou de domaine public ;
« 2° Ou ayant pour effet de bloquer ou d’entraver la voie ou le domaine public, en y installant ou en y laissant sans nécessité tout matériel ou objet, ou en y déversant toute substance ;
« 3° Ou ayant pour effet, au moyen d’un bien mobilier, d’occuper la voie ou le domaine public sans droit ni titre lorsque celui-ci est requis, ou de façon non conforme au titre délivré sur le fondement de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, et lorsque l’occupation constitue un usage privatif de ce domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous.
« II. – Ces manquements sont constatés par procès-verbal d’un officier de police judiciaire, dont le maire, d’un agent de police judiciaire ou d’un agent de police judiciaire adjoint.
« Le maire notifie à la personne intéressée les faits qui lui sont reprochés, les mesures nécessaires pour faire cesser le manquement, les sanctions encourues ainsi que la possibilité de présenter des observations, écrites ou orales, dans un délai de quinze jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix. Il met également en demeure le contrevenant d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai de quinze jours débutant au lendemain du délai contradictoire susmentionné.
« Le maire informe le contrevenant qu’à l’expiration de cette procédure contradictoire, il ordonne le versement d’une amende administrative dont le montant, le délai de paiement et ses modalités sont précisés dans la mise en demeure.
« Si le contrevenant met en œuvre l’intégralité des opérations prescrites avant la fin du délai fixé dans la mise en demeure, il doit produire un document justifiant que les opérations ont été réalisées en conformité avec la réglementation en vigueur. À défaut un rapport des services techniques compétents constatant la réalisation de ces opérations et leur date d’achèvement permet de prononcer la mainlevée de l’arrêté. Seuls ces justificatifs peuvent permettre l’interruption de la procédure de sanctions administratives.
« À l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, si les opérations prescrites n’ont pas été réalisées ou si elles l’ont été partiellement, le maire ordonne le versement d’une astreinte journalière jusqu’à mise en œuvre de l’intégralité des opérations exigées par la mise en demeure.
« Si l’inaction du contrevenant est à l’origine d’un trouble du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité, le maire fait procéder à l’exécution d’office des opérations prescrites par la mise en demeure, aux frais du contrevenant. Le montant mis à la charge du contrevenant est calculé, à la convenance de la commune, soit sur la base des frais réels, soit par application de forfaits établis en fonction la quantité et de la difficulté des travaux.
« Le recouvrement des frais engagés par la collectivité s’effectuera par l’émission d’un titre de recette auprès du comptable public.
« Le recours formé contre la décision prononçant ces sanctions est un recours de pleine juridiction.
« Le délai de prescription de l’action du maire pour la sanction d’une méconnaissance ou d’un manquement mentionné au premier alinéa est d’un an révolu à compter du jour où le premier manquement a été commis ou la méconnaissance a été constatée dans les conditions du cinquième alinéa. »
II. – Le deuxième alinéa du 2° de l’article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , à l’exception des sanctions prises en application de l’article L. 2212-2-1 ».
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs de police, les maires se trouvent souvent démunis pour sanctionner le non-respect de la réglementation. La voie pénale n’est pas toujours adaptée, notamment en raison des classements sans suite, et n’apporte aucune solution pour la réparation des dommages. Or, dans le cas des manquements aux pouvoirs de police du maire, il est nécessaire d’intervenir assez rapidement, l’absence de sanction pendant une longue période, en raison notamment de la durée de la procédure, confirmant les contrevenants dans leur sentiment d’impunité.
C’est pourquoi l’amendement tend à supprimer la condition selon laquelle le comportement doit être répétitif ou continu, et complète le mécanisme de l’amende administrative par celui des astreintes et de l’exécution d’office, aux frais du contrevenant.
Concernant l’exécution d’office, plutôt que d’opter pour la consignation d’une somme entre les mains du comptable public avant l’exécution d’office, l’amendement prévoit que les travaux soient réalisés et que la somme soit ensuite réclamée aux contrevenants. Cette procédure présente l’avantage d’être plus rapide et plus adaptée à des montants de travaux susceptibles d’être réglés par des particuliers. La consignation préalable relève davantage de dommages et de travaux importants. L’amendement permet donc de mieux graduer la sanction administrative dans le temps, tout en préservant les droits des contrevenants à présenter des observations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Notre collègue François Bonhomme, dont je comprends les motivations, propose une nouvelle rédaction de l’article 15 qui soulève deux difficultés majeures.
Il nous paraît tout d’abord disproportionné de supprimer la condition relative au risque pour la sécurité des personnes, qui reste un élément essentiel et permet de limiter la procédure de l’amende aux manquements les plus graves.
Par ailleurs, l’ajout d’une procédure d’astreinte et d’exécution d’office n’apparaît pas utile en l’espèce, car le maire dispose d’un pouvoir d’exécution d’office en matière d’élagage et de dépôts sauvages.
C’est pourquoi la commission formule une demande de retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale et encore hier soir, nous expérimentons un renforcement des pouvoirs de police administrative des maires, soit en leur transférant un certain nombre de prérogatives du préfet au maire, soit en facilitant l’exécution, en relevant les seuils ou en augmentant les amendes pour des pouvoirs qu’ils détiennent déjà.
Lors de nos travaux préparatoires, y compris sur le terrain juridique, il nous a fallu fixer un cadre. Le système ne peut ainsi fonctionner s’il n’y a une séparation claire entre police administrative et police judiciaire. Le maire peut constater en tant qu’officier de police judiciaire, mais il n’engage pas la procédure, sauf en matière de contravention.
Telle que nous l’avons travaillée avec le Conseil d’État, la mention en apparence anodine du caractère continu ou répétitif des faits borne le pouvoir des maires, pour le rendre acceptable socialement. Vous n’êtes pas sans savoir, en effet, qu’une partie des élus sont inquiets de ce renforcement de ce pouvoir. L’encadrer, c’est le rendre effectif et solide en cas de recours devant les juridictions administratives.
La rédaction initiale permettait d’écarter les contrevenants de bonne foi, pour ne viser que les récalcitrants. Je n’emploie pas la notion de récidive, qui a un caractère judiciaire.
L’équilibre est important. La référence au caractère continu ou répétitif des faits devrait permettre d’éviter certaines dérives. J’ajoute que nous ne savons pas qui seront les maires de demain… C’est pourquoi certains encadrements que nous proposons méritent selon moi d’être regardés avec bienveillance. Dans quelques années, il faudra peut-être aller plus loin, mais l’équilibre que nous avons trouvé, même si je milite en faveur du renforcement des pouvoirs de police des maires, est le gage de l’acceptabilité sociétale du dispositif par nos concitoyens et par les maires eux-mêmes, qui ne veulent pas apparaître comme des shérifs. Les dispositions que nous avons prévues sont marquées par une certaine audace, mais elles apportent une protection juridique.
C’est donc une demande de retrait que je formule à l’égard de votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 612 rectifié est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Je comprends les arguments du rapporteur et du ministre, mais le point d’équilibre proposé n’est pas satisfaisant. J’entends que certains maires pourraient peut-être, à l’avenir, abuser de ces prérogatives nouvelles. Pour autant, monsieur le ministre, vous n’avez de cesse de répéter qu’il faut faire confiance aux élus…
Admettant la fragilité juridique de mon dispositif, je retire l’amendement, mais la situation actuelle appelle d’autres réponses.
M. le président. L’amendement n° 612 rectifié est retiré.
Je suis saisi de six amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 774 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le montant :
500 €
rédiger ainsi la fin de l’alinéa :
les manquements à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif et continu :
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur la suppression, en commission des lois, de la possibilité pour le maire de sanctionner par des amendes des manquements aux arrêtés municipaux.
Nous proposons de prévoir que les manquements aux arrêtés du maire visés par le présent article devront avoir un caractère répétitif et continu pour pouvoir être sanctionnés par une amende administrative. En effet, s’il nous paraît légitime de donner au maire des outils plus efficaces pour faire respecter les arrêtés pris en vertu de ses pouvoirs de police, il nous semble nécessaire d’encadrer cette nouvelle possibilité afin de limiter et de proportionner son caractère répressif.
M. le président. L’amendement n° 831 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
, lorsqu’il présente un risque pour la sécurité des personnes, tout manquement à un arrêté du maire
par les mots :
tout manquement à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou sans autorisation
III. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° Ou ayant pour effet, au moyen d’un bien mobilier, d’occuper la voie ou le domaine public, sans droit ni titre lorsque celui-ci est requis, ou de façon non conforme au titre délivré sur le fondement de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, et lorsque l’occupation constitue un usage privatif de ce domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous.
IV. – Alinéa 7
1° Première phrase
Supprimer les mots :
pénales et administratives
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
V. – Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À l’issue de ce second délai et à défaut d’exécution des mesures prescrites, le maire peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours, prononcer l’amende administrative prévue au premier alinéa. Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés.
VI. – Alinéas 13 et 14
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l’action du maire pour la sanction d’un manquement mentionné au premier alinéa est d’un an révolu à compter du jour où le premier manquement a été commis. »
La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale du projet de loi, modifiée cependant par le sous-amendement de Mme Schillinger, auquel je suis favorable.
Des associations particulièrement investies dans la promotion du droit au logement ou la protection des personnes sans abri ont saisi mon collègue Julien Denormandie et moi-même pour nous faire part de leur crainte, légitime, que la disposition ne permette à un maire de prendre un arrêté contre les sans-abri. Je me suis engagé sur ce point en indiquant que la rédaction initiale du Gouvernement, par la référence à la nécessité d’un caractère « répétitif ou continu » des faits, pose une première borne juridique. Je m’empresse de préciser que Droit au logement et les autres associations n’avaient pas encore alerté le Sénat et le Gouvernement sur le sujet lorsque la commission a établi son texte.
Le sous-amendement n° 956 de Mme Schillinger complète le dispositif d’amende administrative proposé par le Gouvernement en précisant qu’il ne pourra sanctionner que les actes d’occupation sans titre du domaine public ayant des fins commerciales. Par exemple, avec cette rédaction, le maire pourra intervenir en cas d’abus de droit de terrasse, mais il ne pourra en aucun cas s’agir de s’en prendre à des personnes, sans abri ou non.
Je vous demande instamment d’adopter l’amendement du Gouvernement et le sous-amendement, parce que l’audace dont nous faisons preuve pour renforcer les pouvoirs de police des maires ne saurait souffrir d’une ambiguïté ou d’une équivoque quant aux intentions des maires de France. Il ne faut pas que les arrêtés illégaux et inhumains pris par un ou deux maires entretiennent le doute. Avec cette rédaction, on a un dispositif robuste sur le plan juridique, qui nous permettra d’aider les maires à avancer et rassurera les associations et, plus largement, toutes les personnes ayant des convictions humanistes. Ce sujet a fait l’objet de nombreuses discussions hors cet hémicycle.
M. le président. Le sous-amendement n° 956, présenté par Mme Schillinger, MM. de Belenet, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, MM. Richard, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Amendement n° 831, alinéa 11
Après le mot :
d’occuper
insérer les mots :
, à des fins commerciales,
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. M. le ministre a été très éloquent. J’ajouterai simplement qu’il peut s’agir d’un élagage ou d’un entretien des arbres qui dure et empiète vraiment sur la voie publique, du dépôt de détritus, de gravats ou d’encombrants.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Lavarde, MM. Rapin et Guerriau, Mmes N. Goulet et Eustache-Brinio, MM. Meurant, Lefèvre, Karoutchi, Piednoir, D. Laurent, Savary et Mandelli, Mmes Malet, Sittler et Lamure, MM. Pemezec, Capus, Grosperrin et Husson, Mme Noël, MM. Savin et Chasseing, Mmes Lassarade et Garriaud-Maylam, MM. Poniatowski, Perrin et Raison, Mmes M. Mercier et Imbert et MM. Le Gleut, H. Leroy et Laménie, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
sécurité
insérer les mots :
ou une atteinte à la tranquillité
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ou ayant pour effet de porter atteinte à la tranquillité publique lors de regroupement ou d’attroupement de manière répétée sur le domaine public, excédant le droit d’usage appartenant à tous.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement vise également à donner le pouvoir au maire de sanctionner des occupations sans titre du domaine public par des personnes. J’ai en tête l’exemple d’une école privée hors contrat qui n’a pas de cour de récréation et dont les élèves, tous les jours, passent la récréation dans un parc public. Manifestement, il s’agit là d’une occupation abusive du domaine public à des fins commerciales et, aujourd’hui, il n’y a aucun moyen de pouvoir la sanctionner.
Si la commission ou le Gouvernement me dit que cet amendement est satisfait par l’amendement n° 831 rectifié, je le retirerai.
M. le président. L’amendement n° 775 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’article 15 prévoit, dans sa rédaction actuelle, de sanctionner d’une amende de 500 euros les entraves ou les occupations du domaine public. Cela ouvre la possibilité de sanctionner des personnes sans-abri qui installent leur tente ou leur abri de fortune sur la voie publique ou le domaine public, par exemple sur le trottoir ou dans un square, ou qui stockent leurs biens dans un recoin ou les transportent dans un chariot. Au passage, je rappelle qu’aujourd’hui nous n’avons pas suffisamment d’hébergements d’urgence.
Nous nous opposons à ce que le maire puisse sanctionner par des amendes des blocages, entraves ou occupations du domaine public, car cela ouvre la voie à l’aggravation de la répression, notamment envers les personnes sans domicile fixe, les gens du voyage et, surtout, les participants à des mouvements comme celui des « gilets jaunes ». Il est à noter que cette disposition pourrait également viser les tentes distribuées par les associations humanitaires, les manifestations déclarées, toute personne sans-logis habitant un véhicule immobilisé.
Néanmoins, j’ai entendu, monsieur le ministre, votre proposition. Elle peut en effet répondre à notre préoccupation.
M. le président. L’amendement n° 582 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, M. Buis, Mme Cartron, MM. Gattolin, Lévrier et Marchand, Mme Rauscent et M. Yung, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
occuper
insérer les mots :
à des fins commerciales,
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
M. le président. L’amendement n° 740 rectifié, présenté par Mme Guillemot, MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Ne peut faire l’objet de l’amende administrative prévue au premier alinéa du I le fait pour une personne sans domicile fixe d’avoir installé sur la voie ou le domaine public les objets nécessaires à la satisfaction de ses besoins élémentaires. »
La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Nous maintiendrons cet amendement, parce que celui du Gouvernement ne nous convient pas tout à fait. Monsieur le ministre, les maires qui prennent des arrêtés illégaux et inhumains continueront à le faire. L’ajout de la mention « à des fins commerciales » ne nous rassure pas. Certains maires prétendront que la mendicité est une forme d’activité commerciale, par exemple. Nous avons beaucoup travaillé sur cet amendement avec la Fondation Abbé Pierre et Droit au logement.
Concernant la lutte contre la pauvreté, j’indique que les associations sont vent debout contre l’inclusion de l’AAH et des APL dans le revenu universel d’activité, le RUA. Il faut mener une réflexion sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. L’amendement n° 774 rectifié vise à rétablir le caractère continu ou répété pour les manquements pouvant être sanctionnés d’une amende administrative. Notre commission a jugé nécessaire de supprimer cette condition, qui lui paraissait difficile à caractériser pour le maire. L’avis est défavorable.
On peut comprendre les motivations des auteurs de l’amendement n° 15 rectifié, qui tend à étendre le périmètre de la procédure de l’amende administrative en vue de sanctionner les regroupements ou attroupements répétés sur le domaine public, mais nous devons, me semble-t-il, veiller à ce que cette procédure ne s’applique qu’à des faits objectifs facilement caractérisables pour le maire et ne pouvant donner lieu à interprétation. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Monsieur le ministre, nous sommes animés du même humanisme. Il serait à mon sens préférable de retirer l’amendement n° 582 rectifié bis au profit de l’amendement n° 740 rectifié, plus explicite et plus complet. Cependant, ce dernier mériterait d’être récrit, car sa rédaction actuelle pose un problème juridique. À cette condition, l’avis est favorable. La vérité est à mi-chemin entre les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Nous sommes tous d’accord sur le fond, mais il faut déterminer la rédaction adéquate.
Je demande le retrait de l’amendement n° 774 rectifié au profit des suivants.
Le caractère répétitif et continu des manquements ne constitue pas du tout une entrave pour les maires ; au contraire, c’est une protection. Qu’il ne soit pas mentionné dans votre amendement me gêne, madame Guillemot. Il faut aussi garder la mention des fins commerciales.
Madame Lavarde, le dispositif de l’amendement n° 15 rectifié risque de porter atteinte à la liberté constitutionnelle d’aller et venir. En l’absence de risque avéré pour la sécurité des personnes, il est difficile de suspendre cette liberté, y compris d’ailleurs pour l’autorité préfectorale. Je le dis avec prudence, mais cet amendement pourrait la remettre en cause de manière excessive. En tout cas, c’est l’avis de nos juristes.
L’avis est défavorable sur l’amendement n° 775 rectifié, car celui-ci est déjà satisfait, de même que l’amendement n° 582 rectifié bis.
Madame Guillemot, la notion de personne sans domicile fixe n’existe pas vraiment en droit. L’inscrire dans la loi aurait le mérite de clarifier les choses : les bonnes âmes ne pourront faire de procès d’intention au Sénat ou au Gouvernement. Cependant, je le redis, je tiens à ce que l’on conserve le caractère répétitif et continu. Je propose d’adopter l’amendement du Gouvernement, le sous-amendement de Mme Schillinger et votre amendement, madame Guillemot ; nous améliorerions ensuite l’écriture du dispositif au cours de la navette.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je voudrais repréciser que nous sommes favorables aux amendements nos 582 rectifié bis et 740 rectifié, et défavorables à l’amendement du Gouvernement et au sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Comme la notion de personne sans abri n’existe pas en droit, je suis attaché au maintien du caractère répétitif et continu des faits. Un jeune garçon ou une jeune fille qui fugue peut être amené à dormir une nuit dans la rue, mais il ou elle n’est pas pour autant sans domicile fixe.
Je ne veux pas partir à l’aventure sur ces questions, qui ne sont pas simples. C’est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement du Gouvernement. On pourra s’il le faut le récrire au cours de la navette, mais, j’y insiste, le dispositif constitué par cet amendement, celui de Mme Guillemot et le sous-amendement fonctionne juridiquement. Je le dis à l’adresse des associations qui nous regardent.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous retirons les amendements nos 774 rectifié et 775 rectifié.