Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je voudrais bien sûr féliciter les rapporteurs de leur excellent travail, qui a contribué à améliorer notablement le texte, notamment sous l’angle de l’accompagnement des employeurs territoriaux que sont les collectivités.
Je me satisfais aussi des bonnes décisions, rappelées par notre collègue de la commission de la culture Michel Savin, qui ont finalement été prises pour maintenir les conseillers techniques sportifs dans le giron du ministère. Il y a un temps pour tout, et l’examen de ce texte n’était pas du tout propice à une véritable réflexion sur le devenir de leur mission.
Toutefois, je voudrais tout de même insister sur certains amendements que j’avais portés, votés à l’unanimité ou presque du Sénat, et qui visaient l’adaptation de la fonction publique à l’ère du numérique.
Je regrette, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’ayez pas agi comme votre collègue Jean-Michel Blanquer. Lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, celui-ci avait soutenu des amendements que nous avions été plusieurs à porter, sur mon initiative, au sujet de la formation des étudiants et des enseignants, à l’ère du numérique, à la compréhension et la maîtrise de l’écosystème numérique, mais aussi des choix technologiques qui s’imposent alors que notre souveraineté est de plus en plus menacée.
Des mesures équivalentes n’ont pas pu être adoptées dans le cadre de ce projet de loi – celle que je viens de citer concernait les enseignants, mais pas l’administration, donc les fonctionnaires de l’éducation nationale –, et c’est regrettable.
Pour tous, il y a besoin d’une montée en compétences en matière de numérique, et ce n’est pas une des auditions que nous avons réalisées dans le cadre de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique qui a été pour me rassurer : le directeur interministériel du numérique et du système d’information et de communication de l’État n’a pas clairement exprimé quel était le plan de formation de tous les fonctionnaires sur ces sujets. Il a parlé de recrutement de personnes qualifiées, mais aucunement de formation continue dans ces domaines ; on peut aussi le déplorer.
Par ailleurs, a également été retoqué en commission mixte paritaire un amendement visant à assurer notre souveraineté nationale et lutter contre le pantouflage et le rétropantouflage. La porosité, très prégnante, est effectivement de plus en plus avérée entre la haute fonction publique et certaines entreprises extra-européennes, qui cherchent ainsi à influencer nos pratiques.
Je regrette donc aussi cette décision, monsieur le secrétaire d’État, car, pour avoir bien suivi l’audition de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique que je viens de mentionner, le directeur interministériel a plutôt évoqué la nécessité d’une accélération du va-et-vient entre les secteurs privé et public ! Je m’en inquiète fortement au moment où l’on constate, de la part desdites sociétés, des dérives et des pratiques antidémocratiques.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Catherine Morin-Desailly. Pour soutenir le président de la commission des lois et mes collègues rapporteurs, je voterai en faveur de ce projet de loi,…
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly. … mais je souhaiterais que les sujets que je viens de mentionner restent d’actualité et que nous continuions à en parler.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je voudrais également souligner le travail qui a été réalisé sur ce texte par le président, les rapporteurs et l’ensemble des collègues de la commission des lois, mais aussi ce que nous avons pu partager de nos expériences respectives.
L’ensemble constitué de nos trois fonctions publiques – d’État, territoriale et hospitalière – est tout de même complexe. Il regroupe des femmes et des hommes qui contribuent au service public, au travers de missions très variées et diversifiées. Dans un tel contexte, les notions de dévouement, de travail, d’écoute, de concertation et de dialogue ont toute leur importance, cela a été rappelé.
On a souvent fait référence à des textes anciens, notamment aux lois de 1984, et à la nécessité de les faire évoluer. Ce travail a été mené. Je m’y associe, en soulignant à quel point, dans ces domaines, il faut rester vigilants et porter un esprit constructif.
J’irai dans le sens de la commission et apporterai donc mon soutien à ce texte.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi de transformation de la fonction publique.
(Le projet de loi est adopté définitivement.) – (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
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Règlement du budget et approbation des comptes de l’année 2018
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018 (projet n° 686, rapport n° 693).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà deux semaines, à l’issue d’une séance rassemblant, à la fois, le débat d’orientation des finances publiques pour l’année 2020 et l’examen des comptes de l’année 2018, et malgré l’adoption de chacun des articles, le Sénat a choisi de ne pas adopter le projet de loi de règlement qui lui était soumis.
Nous nous en sommes étonnés au sein du Gouvernement, considérant que la loi de règlement n’est qu’un exercice de constatation a posteriori, un moment de vérité plus que de contradiction.
Bien sûr, il pourrait y avoir matière à polémique si la sincérité des comptes présentés au Parlement était sujette à caution, mais vous aviez vous-même souligné, monsieur le rapporteur général, l’effort de sincérité inédit caractérisant ce texte, comme l’avait fait avant vous le Haut Conseil des finances publiques.
L’exercice 2018 fut ainsi le premier exercice sans décret d’avance depuis la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF. Les annulations et ouvertures de crédits sont demeurées à un niveau très bas, tout comme le taux de mise en réserve et les reports de charges. Nos prévisions macro-économiques se sont révélées exactes.
Dès lors, mesdames, messieurs les sénateurs, peut-être votre assemblée a-t-elle interrogé autre chose que la sincérité des comptes dans le cadre du débat que vous avez eu avec Gérald Darmanin voilà quinze jours. Peut-être son intérêt s’est-il plutôt porté sur les choix politiques traduits à travers ces comptes, ce qui expliquerait le vote final.
Puisque nous devons une nouvelle fois examiner ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018, faisons de nouveau les mêmes constats.
Constatons que, l’année dernière, le déficit public a diminué de 0,3 point de PIB – 2,5 % contre 2,8 % en 2017 –, soit un montant inférieur de 10 milliards d’euros à la prévision initiale.
Constatons aussi que, l’année dernière, le ratio de dépenses publiques est passé de 55 % à 54,4 % du PIB, crédibilisant notre objectif de baisse de 3 points sur le quinquennat.
Constatons encore que, l’année dernière, le taux de prélèvements obligatoires a diminué de 0,2 point de PIB, pour s’établir à 45 % du PIB.
Constatons enfin que, l’année dernière, le résultat patrimonial de l’État a été négatif de 51,9 milliards d’euros, soit le meilleur résultat depuis 2008, et la dette publique s’est stabilisée à 98,4 % du PIB, ce qui n’était pas arrivé depuis des années.
Je reconnais bien volontiers – vous avez eu l’occasion de le souligner, monsieur le rapporteur général – que les collectivités ont joué le jeu de la contractualisation, et je salue l’effort réalisé, qui a permis une sous-exécution des objectifs de dépense, en hausse de seulement 0,8 %.
Je souligne également les bons résultats de la sécurité sociale, dont l’exécution des dépenses sous Objectif national des dépenses d’assurance maladie, ou Ondam, en amélioration de 3,9 milliards d’euros, est la meilleure depuis 2001.
L’État a lui aussi pris sa part ; il n’a pas seulement tiré parti de la croissance. Les efforts en dépenses sont bien réels, avec un déficit inférieur de près de 10 milliards d’euros à la prévision en loi de finances initiale et une sous-exécution de 1,4 milliard d’euros par rapport à la norme de dépense.
Par ailleurs, si nous devons aborder ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, les choix financiers macro-économiques sous-tendant, à la fois, la loi de règlement et la préparation du budget à venir, vous serez certainement rassurés.
En effet, le Gouvernement, sans renoncer à son objectif de baisse de la dépense publique de 3 points de PIB, financera en même temps la plus forte réduction d’impôts depuis quarante ans – plus de 27 milliards d’euros, avec la suppression de la taxe d’habitation ou encore la baisse de l’impôt sur le revenu – et la hausse des crédits des politiques prioritaires, en matière de sécurité, d’éducation ou de transition énergétique.
Sans anticiper sur les débats qui nous occuperont à l’automne, je veux conclure en précisant que je suis convaincu que les efforts de sincérité caractérisant le texte qui vous est présenté n’ont de sens que si le Parlement se saisit pleinement de ses pouvoirs en matière de contrôle et d’évaluation. C’est là, à mon sens, que réside l’intérêt de l’exercice qui nous rassemble de nouveau aujourd’hui.
À cet égard, le chemin parcouru ces dernières années est encourageant.
J’ai, devant l’Assemblée nationale, salué les avancées réalisées dans le cadre du « printemps de l’évaluation », ainsi que les efforts entrepris pour doter les députés de moyens de contrôle et d’évaluation indépendants. Mais je n’ignore rien des évolutions qui sont en cours ici, singulièrement au sein de votre commission des finances.
Vos travaux de contrôle ont montré leur utilité. Je pense par exemple à vos propositions en matière de TVA sur le e-commerce, élaborées de manière transpartisane, et qui ont éclairé le Gouvernement dans la préparation du « paquet » de mesures en matière de TVA que nous proposerons en projet de loi de finances avec Gérald Darmanin.
Je pense aussi à la mobilisation de la commission des finances pour disposer du « code source » de l’impôt : le simulateur d’impôt sur le revenu mis en ligne la semaine dernière sur le site du ministère de l’action et des comptes publics devrait vous donner satisfaction, tout comme la publication en open data de plusieurs jeux de données fiscales.
Il faut certainement aller plus loin, et je sais que le Parlement, ici comme à l’Assemblée nationale, saura relever le défi.
Ces encouragements de la part du Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, sont à la fois sincères et intéressés : sincères, parce que nous sommes tous ici d’accord sur l’objectif, à savoir faire des débats budgétaires un exercice plus transparent, plus informé, donc plus démocratique ; intéressés, parce que nous espérons que ces nouveaux outils d’évaluation et de contrôle vous permettront à l’avenir de reconnaître la bonne exécution de nos priorités politiques et, qui sait, peut-être, de mieux les partager.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’ai malheureusement pas été convaincu par M. le secrétaire d’État, malgré l’excellent discours qu’il vient de nous livrer à l’instant… (Sourires.)
Nous sommes effectivement réunis cet après-midi pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2018, à la suite du rejet par le Sénat de ce texte en première lecture le 11 juillet dernier et de l’échec de la commission mixte paritaire, le 16 juillet, et du rétablissement du texte issu de sa première lecture par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture jeudi 18 juillet.
À l’instant, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes quelque peu étonné de la position du Sénat, nous disant que le projet de loi de règlement présentait le constat de l’exécution budgétaire et comptable de l’année passée.
Il est vrai que nous ne contestons ni les chiffres ni la sincérité de l’exécution, comme je l’avais indiqué en première lecture. Nous n’avons donc rien à dire s’agissant du respect de l’autorisation parlementaire telle qu’elle a été accordée par loi de finances pour 2018. Je constate en particulier l’absence, cette année, de tout décret d’avance.
Pour autant, le projet de loi de règlement constitue aussi le résultat concret de la politique fiscale et budgétaire menée par le Gouvernement. C’est à ce titre – nous ne sommes pas simplement des comptables, comme le serait la Cour des comptes – qu’il est soumis à l’approbation du Parlement. Et c’est dans ce cadre que le Sénat a décidé de ne pas l’adopter.
Pour quelles raisons ? L’explication essentielle tient au fait que le Gouvernement a pu disposer, une nouvelle fois, d’une croissance supérieure à son potentiel et d’un fort dynamisme des prélèvements obligatoires, sans qu’il en profite pour mener une politique de redressement structurel des comptes publics.
Ainsi, les deux tiers de la réduction du déficit sont d’origine conjoncturelle, et la France ne respecte aucune des règles budgétaires européennes. (M. Jean Bizet approuve.) Je vois que M. le président de la commission des affaires européennes approuve.
Nous enregistrons un déficit à 2,5 % en 2018, alors que le reste de la zone euro est désormais à l’équilibre budgétaire !
Ensuite, contrairement à ce que le Gouvernement indique, il n’y a pas eu de baisse de la dépense publique en volume. Si l’on neutralise les facteurs exceptionnels – Areva, taxe à 3 % – et que l’on prend en compte les crédits d’impôt enregistrés en dépense, la dépense publique continue au contraire d’augmenter à un rythme de 0,7 %, rythme qui est même supérieur à 2017.
En outre, les résultats de l’État ne sont globalement pas bons : tandis que les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale confortent leurs excédents, l’État, au contraire, voit son déficit se creuser de plus de 8 milliards d’euros par rapport à 2017, pour atteindre 76 milliards d’euros en 2018.
Alors que ses recettes sont stables, les dépenses des ministères augmentent de 1,4 milliard d’euros, avec vingt des vingt-neuf missions du budget général qui voient leur consommation de crédits progresser.
Le coût des dépenses fiscales, qui, pour certaines d’entre elles, seront discutées lors de l’examen du projet de loi de finances, dépasse désormais le seuil de 100 milliards d’euros.
Enfin, l’année 2018 a également constitué une année d’application d’une politique fiscale et budgétaire dont le Sénat n’a pas soutenu plusieurs de ses mesures emblématiques, pour des raisons que je ne rappellerai pas ici.
Voilà brièvement présentées les principales critiques formulées quant à l’exécution du budget de l’année 2018. Et si l’on regarde l’avenir, comme nous y invitent le calendrier budgétaire et le récent débat d’orientation des finances publiques, le manque d’ambition en termes de redressement des comptes publics se confirme, ce que la Cour des comptes n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner.
Alors que, dans quelques semaines, la présentation du projet de loi de finances pour 2020 marquera de son empreinte la seconde moitié du quinquennat, il convient de s’interroger sur les bons choix à faire et de ne pas reporter les efforts qui pourraient être réalisés de façon raisonnable, sans porter atteinte à la croissance ni renoncer aux marges de manœuvre qu’offre indéniablement la période actuelle de taux bas pour soutenir l’investissement.
Compte tenu de ces éléments, tout en reconnaissant la sincérité de l’exécution budgétaire et l’absence de décret d’avance, la commission des finances propose au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2018, ni, par cohérence, aucun des articles du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a une dizaine de jours, le Sénat s’est prononcé sur le projet de loi de règlement pour 2018 et a débattu de l’orientation des finances publiques.
Nous avons voté l’article liminaire, qui présente le solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques. Nous avons entériné la tenue des finances publiques par rapport à l’autorisation en loi de finances initiale : le déficit public est ainsi amélioré de 0,3 point de PIB par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.
Nous avons voté l’article 1er, qui présente les résultats du budget de l’année 2018, à savoir l’amélioration du solde budgétaire de l’État et la maîtrise des dépenses en dépit d’une révision à la hausse de la charge de la dette et du prélèvement sur recettes, au profit de l’Union européenne.
Nous avons voté l’article 2, qui présente le besoin de financement et les ressources de financement pour l’année ; l’article 3, qui retrace le compte de résultat de l’exercice 2018 ; l’article 4, qui régularise les dépassements constatés et procède à l’annulation des crédits non consommés ni reportés ; l’article 5 sur les budgets annexes ; l’article 6 sur les comptes spéciaux.
Nous avons voté l’article 7, qui procède à la ratification de deux décrets, ainsi que l’article 8.
Le Sénat a donc voté chacun des articles du texte…. Mais il a finalement rejeté l’ensemble de celui-ci !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est une décision politique !
M. Didier Rambaud. La semaine passée, tous les orateurs ont introduit leur propos relatif au projet de loi de règlement et au débat d’orientation des finances publiques en rappelant qu’il s’agissait de regarder à la fois vers le passé, en débattant l’exécution de l’année 2018, et vers l’avenir, en débattant de la stratégie des finances publiques de notre pays.
Toutefois, je dois vous le dire, mes chers collègues, au regard de la première lecture, nos concitoyens auront surtout eu, je crois, le sentiment de regarder vers le passé, un passé politique qu’ils souhaitent révolu.
Ces choix politiques conduisant au rejet du texte au prétexte que le budget initial n’aurait pas été approuvé n’appellent que peu de discussion. Je me tournerai donc vers les mesures qui ont été annoncées et qui concernent les comptes de la Nation.
Nous avons, grâce aux premiers documents budgétaires disponibles, les priorités du Gouvernement.
Je citerai : le renforcement des mesures de lutte contre la pauvreté, notamment avec la montée en puissance du plan pauvreté ; la poursuite des investissements dans les fonctions régaliennes de l’État – je rappelle ici l’augmentation de 1,7 milliard d’euros par an pour les armées ; l’investissement dans le capital humain et la formation, avec l’augmentation de plus de 1 milliard d’euros pour 2020 des crédits de l’éducation nationale ; l’écologie, non seulement par la hausse des crédits, mais aussi par l’adoption d’un budget vert, c’est-à-dire que, pour la première fois, les décisions budgétaires seront analysées par rapport à nos engagements environnementaux et à l’accord de Paris.
En parallèle, seront menés des chantiers de réforme majeurs pour notre pays, à la fois en termes d’équilibre de nos finances publiques et en termes de justice sociale.
Ainsi, la réforme de l’assurance chômage pourra dégager des ressources nécessaires aux comptes de la Nation, tout en mettant en œuvre le principe de justice. Elle permettra, par exemple, de stopper l’abus des contrats courts.
Celle des retraites pourra clarifier l’organisation complexe des régimes et donner plus de liberté aux Français. Elle aura aussi pour conséquence des transferts entre les régimes qu’il faudra assumer : par exemple des hommes vers les femmes, aujourd’hui lésées, ainsi qu’en faveur des familles monoparentales.
Enfin, nous suivrons le chantier de la réorganisation de l’État dans les territoires, pour faire suite aux circulaires du Premier ministre du 24 juillet 2018 et du 5 juin 2019. Il doit permettre la simplification du paysage administratif avec une nouvelle déconcentration.
Face à ces chantiers, nous devrons, mes chers collègues, nous rassembler et débattre pour un seul objectif : la réussite de notre pays.
Le Gouvernement a envoyé des signaux forts, notamment aux élus que nous sommes. Je pense au projet de loi dit « proximité et engagement », récemment présenté par Sébastien Lecornu, qui corrigera de nombreuses incohérences et donnera aux élus locaux davantage de liberté, car, nous le savons, ce sont les élus de proximité qui peuvent faire émerger de nouvelles pratiques et des solutions pour nos territoires et nos concitoyens.
Pour conclure, notre groupe votera ce projet de loi de règlement. Nous espérons que la discussion du projet de loi de finances pour 2020 sera l’occasion pour les membres de notre assemblée qui voudront se tourner vers les Français de le faire collectivement. (M. Bernard Buis applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons une nouvelle fois le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2018.
Afin d’avoir un échange utile et d’expliquer la position de notre groupe, je vais prendre un poste particulier de dépenses : les baisses d’impôts et de cotisations dédiées, selon vous, monsieur le secrétaire d’État, et selon votre majorité, à la résorption du chômage.
L’analyse du budget 2018 montre que vous vous êtes évertué à continuer les baisses d’impôts sur les plus riches et sur les sociétés. Vous avez poursuivi la suppression de l’ISF – hop ! un cadeau de 3,2 milliards d’euros aux riches contribuables ; vous avez diminué le taux de l’impôt sur les sociétés, pour près de 1,2 milliard d’euros. Puis, vous lancez la première étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers, qui a coûté 3 milliards d’euros. Enfin, vous instaurez le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, soit 1,6 milliard d’euros abandonnés à ceux qui touchent des revenus financiers. Tout cela, une fois de plus, au nom de la lutte contre le chômage !
Pourtant, un simple regard historique montre qu’offrir des cadeaux fiscaux aux plus riches ne fait pas reculer le chômage. Le taux marginal d’imposition sur le revenu et le taux d’imposition sur les sociétés sont en baisse quasi continue depuis 1986. À cette date, il était encore à 65 % pour l’impôt sur le revenu, tandis que le taux d’imposition sur les sociétés était de 45 %.
Si 1986 a été le point de départ d’une baisse continue de l’imposition des contribuables les plus riches, la courbe du chômage, elle, n’a pas suivi le même chemin. Elle n’est jamais passée durablement sous le seuil des 9 % d’alors.
En fin de compte, les mêmes recettes conduisent aux mêmes résultats. Notre vote contre trouve ici sa première justification : le refus d’une politique qui, en définitive, subventionne de manière déguisée le chômage.
Vous mobilisez un second outil : les allégements de cotisations sociales sur les salaires. Vous prétendez encore qu’il s’agit de favoriser l’emploi. Une solution miracle grâce à laquelle la France triomphe, d’ailleurs…
Bravo à votre majorité, monsieur le secrétaire d’État : savez-vous dans quel domaine nous sommes les premiers, les meilleurs, les leaders dans la zone euro ? Notre pays est celui qui offre le plus d’allégements de cotisations sociales en Europe ! Nous sommes les champions !
En 2018, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a vu son taux passer de 6 % à 7 %, ce qui a coûté à nos finances publiques 3,5 milliards d’euros. Et vous avez acté sa transformation en allégements de cotisations sociales : 3,5 milliards d’euros, qui s’ajoutent à presque 100 milliards d’euros. Cela restera dans l’histoire sociale, économique et financière ! Depuis 2013, on aura mis 100 milliards d’euros dans le CICE. Avec quel effet tangible sur l’emploi ?
Soyons précis et concrets. Je voudrais confronter l’efficacité de ces mesures à la situation de l’emploi dans mon département du Val-de-Marne. Cette comparaison démontre le caractère passéiste et assez idéologique de votre politique. Les premiers allégements de cotisations sociales ont été lancés par M. Balladur – rendez-vous compte ! –, en 1993. Pourtant, entre 1989 et 2000, le chômage dans mon département est passé de 6,2 % à 7,2 %. Aucun effet positif, donc.
Loin de s’arrêter, les cadeaux fiscaux ont continué : la ristourne dite « Juppé », lancée en 1996 et accentuée en 2003 sur l’initiative de M. François Fillon, a eu les mêmes effets ! Si bien que, à la moitié de la décennie, en 2005, dans mon département, le taux de chômage avait encore grimpé pour atteindre 8,3 %. Vous noterez que ces données excluent la crise économique.
Une fois encore, mes chers collègues, il n’y a aucune efficacité des cadeaux fiscaux dans la lutte contre le chômage ! Voici la seconde raison pour laquelle nous nous opposons à votre politique fiscale.
Aussi, je vous en conjure, il faut sortir des dogmes qui règnent depuis des décennies. Cette après-midi, lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, mon collègue Pierre Ouzoulias a posé une question au sujet de Conforama.
M. Jean Bizet. Comme par hasard !
M. Pascal Savoldelli. Imaginez que vous soyez salarié de cette entreprise et que vous appreniez sa liquidation, en même temps que l’on vous annonce qu’elle a touché 62 millions d’euros d’aides publiques. Ne croyez-vous pas qu’il puisse y avoir au moins une colère sourde et un sentiment d’injustice ?
L’emploi est la première préoccupation des Françaises et des Français, et le chômage pénalise en premier lieu les jeunes et les femmes. Pourtant, en plus d’offrir des cadeaux fiscaux injustes et inefficaces, vous réduisez les moyens permettant de lutter contre le chômage, monsieur le secrétaire d’État. C’est la troisième raison pour laquelle nous nous opposons à votre politique.
Le niveau d’exécution de la mission « Travail et emploi » recule de 2 323 millions d’euros par rapport à 2017, les programmes « Accès et retour à l’emploi » et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » étant les principaux concernés par cette baisse. La fin de l’aide en faveur de l’embauche PME et la réduction du nombre de contrats aidés ont fortement pesé.
Vous n’êtes ensuite pas capables de tenir vos promesses, puisque, en exécution, les missions « Travail et emploi » voient leurs crédits reculer de près de 700 millions d’euros par rapport à ce que nous avions voté en loi de finances initiale.