M. le président. L’amendement n° 296 rectifié bis n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 7 ter.
(L’article 7 ter est adopté.)
Article 7 quater
I. – (Non modifié) Dans le cadre des missions confiées à la Commission de régulation de l’énergie par les articles L. 134-1 et L. 134-2 du code de l’énergie et, s’agissant de l’électricité, des compétences réparties en application de l’article L. 342-5 du même code, l’autorité administrative ou la Commission de régulation de l’énergie peuvent, chacune dans leur domaine de compétence, par décision motivée, accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents.
Ces dérogations sont accordées pour une durée maximale de quatre ans, renouvelable une fois au plus pour la même durée et dans les mêmes conditions que la dérogation initialement accordée.
Le déploiement expérimental doit contribuer à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique définis à l’article L. 100-1 dudit code.
Ces dérogations ne peuvent être accordées si elles sont susceptibles de contrevenir au bon accomplissement des missions de service public des gestionnaires de réseau ou de porter atteinte à la sécurité et à la sûreté des réseaux ou à la qualité de leur fonctionnement.
II. – Sous réserve des dispositions du droit de l’Union européenne et des dispositions d’ordre public du droit national, les dérogations accordées en application du I du présent article portent sur les conditions d’accès et d’utilisation des réseaux et installations résultant des titres II et IV du livre III et des titres II, III et V du livre IV du code de l’énergie. Lorsque des dérogations portent sur les articles L. 321-6, L. 322-8, L. 431-3 ou L. 432-8 du même code, le gestionnaire du réseau de transport ou de distribution concerné, ainsi que les autorités organisatrices mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales lorsque des dérogations portent sur les articles L. 322-8 ou L. 432-8 du code de l’énergie, sont associés à l’expérimentation ainsi qu’au suivi de son avancement et à l’évaluation mentionnés au V du présent article.
Lorsque les dérogations accordées en application du I portent sur les conditions d’accès et d’utilisation des réseaux prévues aux articles L. 322-8 ou L. 432-8 du code de l’énergie, le gestionnaire du réseau de distribution concerné tient à la disposition de chacune des autorités concédantes mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales dont il dépend les informations utiles à l’exercice du contrôle prévu au I du même article L. 2224-31, relatives aux expérimentations menées sur le territoire de la concession, à leur suivi et à leur évaluation.
III. – (Non modifié) Les dérogations sont assorties d’obligations relatives à l’information des utilisateurs finals concernant le caractère expérimental de l’activité ou du service concerné ainsi qu’aux modalités de mise en conformité, à l’issue de l’expérimentation, avec les obligations auxquelles il a été dérogé. Elles sont assorties des conditions techniques et opérationnelles nécessaires au développement et à la sécurité des réseaux.
IV. – (Non modifié) La Commission de régulation de l’énergie informe sans délai le ministre chargé de l’énergie et, le cas échéant, le ministre chargé de la consommation de la réception d’une demande de dérogation.
Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la demande de dérogation, le ministre chargé de l’énergie et, le cas échéant, le ministre chargé de la consommation peuvent s’opposer à l’octroi de tout ou partie de ces dérogations. La Commission de régulation de l’énergie ne peut accorder ces dérogations qu’à l’expiration de ce délai.
V. – (Non modifié) La Commission de régulation de l’énergie publie chaque année un rapport sur l’avancement des expérimentations pour lesquelles une dérogation a été accordée en application du I du présent article et en publie une évaluation lorsqu’elles sont achevées.
VI. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 7 quater
M. le président. L’amendement n° 156, présenté par M. Courteau, Mmes Préville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 336-8 du code de l’énergie, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2021 ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous sommes tous d’accord pour dire que l’Arenh, qui n’a pas totalement démérité, est aujourd’hui à bout de souffle. Nous n’avons cependant pas d’autre choix que de le maintenir, en tentant de corriger ses imperfections, tant que le nouveau cadre de régulation annoncé n’aura pas été mis en place.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Effectivement, l’Arenh n’est pas parfait, mais il contribue à protéger les Français contre les hausses très fortes des prix de marché. (Vives exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Fabien Gay. Comment vous pouvez dire cela ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. On peut ouvrir un débat sur le fonctionnement de l’Arenh et la formation des prix de marché, mais je peux vous assurer que l’Arenh contribue à protéger les Français !
M. Fabien Gay. Le président Macron a dit l’inverse !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Chacun peut avoir son point de vue. Je vous expose le mien.
L’Arenh contribue à protéger les Français, disais-je, contre les hausses très fortes des prix de marché. Le Gouvernement ne souhaite pas le supprimer. L’amendement contrevient par ailleurs aux engagements pris par la France dans le cadre de la négociation sur l’Arenh et à la décision de la Commission européenne qui fixe le terme du dispositif au 31 décembre 2025.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 156.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8
I A (nouveau). – L’article L. 134-4 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après la référence : « L. 336-3 », il est inséré le signe : « , » ;
2° Après le mot : « acquitter », la fin est ainsi rédigée : « dans le cas prévu au II de l’article L. 336-5. » ;
I. – L’article L. 336-5 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Les deux derniers alinéas sont remplacés par un II ainsi rédigé :
« II. – Dans le cas où les droits alloués à un fournisseur en début de période en application de l’article L. 336-3 s’avèrent supérieurs aux droits correspondants, compte tenu, le cas échéant, de l’effet du plafonnement mentionné à l’article L. 336-2, à la consommation constatée des consommateurs finals sur le territoire métropolitain continental et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, fournis par ce fournisseur, la Commission de régulation de l’énergie notifie au fournisseur et à Électricité de France le complément de prix à acquitter par le premier au titre des volumes excédentaires.
« Ce complément, qui tient compte du coût de financement lié au caractère différé de son règlement, est au moins égal à la partie positive de l’écart moyen entre les prix observés sur les marchés de gros et le prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Il tient également compte de l’ampleur de l’écart entre la prévision initialement faite par le fournisseur et la consommation constatée de ses clients finals sur le territoire métropolitain continental et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, et de l’effet du plafonnement mentionné à l’article L. 336-2.
« Dans le cas où le plafond mentionné au même article L. 336-2 est atteint en début de période, les montants versés par les fournisseurs au titre de la part du complément de prix correspondant à la partie positive de l’écart moyen entre les prix observés sur les marchés de gros et le prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique sont répartis entre Électricité de France et les fournisseurs, chaque fournisseur ne pouvant pas recevoir un montant supérieur à la perte causée par le caractère excédentaire de la demande des autres fournisseurs. Les montants versés à Électricité de France sont déduits de la compensation des charges imputables aux missions de service public assignées à Électricité de France en application de l’article L. 121-6, dès lors qu’ils excèdent le montant nécessaire à la compensation d’Électricité de France résultant du cas où la somme des droits correspondant à la consommation constatée serait inférieure au plafond.
« La part du complément de prix qui excède la part correspondant à la partie positive de l’écart moyen entre les prix observés sur les marchés de gros et le prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique est déduite de la compensation des charges imputables aux missions de service public assignées à Électricité de France en application du même article L. 121-6.
« Les modalités de calcul du complément de prix et de répartition du complément de prix prévue au troisième alinéa du présent II sont précisées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie.
« La Commission de régulation de l’énergie peut déléguer à son président la notification au fournisseur et à Électricité de France du complément de prix à acquitter par le premier au titre des volumes excédentaires. Le président peut déléguer sa signature au directeur général et, dans la limite de ses attributions, à tout agent de la commission.
« Les prix mentionnés au présent II s’entendent hors taxes. »
II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 336-2 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° La première phrase est complétée par les mots : « et dans l’objectif de contribuer à la stabilité des prix pour le consommateur final » ;
2° La seconde phrase est complétée par les mots : « jusqu’au 31 décembre 2019 et 150 térawattheures par an à compter du 1er janvier 2020 et sous réserve d’une révision concomitante du prix de l’électricité cédée en application du présent chapitre dans les conditions prévues par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 337-15 ou, jusqu’à l’entrée en vigueur de ces dispositions réglementaires, par l’article L. 337-16 ».
III. – L’article L. 337-16 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « s’achevant le 7 décembre 2013 » sont remplacés par les mots : « jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires mentionnées à l’article L. 337-15, notamment pour prendre en compte l’évolution de l’indice des prix à la consommation constatée depuis le 1er janvier 2012 ainsi qu’une évolution du volume global maximal d’électricité nucléaire historique pouvant être cédé mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 336-2 » ;
2° La dernière phrase est supprimée.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Nous avons toujours été opposés à l’Arenh, mécanisme consistant à subventionner les fournisseurs alternatifs – à les biberonner, devrais-je dire –, au nom du mythe des bienfaits de la concurrence qui inspire la vague libérale depuis des années. C’est en réalité une concurrence artificielle ou fausse organisée sur le dos d’EDF, avec un prix, inchangé depuis neuf ans, de 42 euros le mégawattheure. Les possibilités d’investissement d’EDF se trouvent ainsi amputées.
Or, ce qu’EDF ne pourra pas payer, c’est finalement le contribuable qui le paiera. Pense-t-on vraiment que le secteur public a vocation à financer, par exemple, des entreprises privées comme Total, qui est d’ailleurs en meilleure santé financière qu’EDF ? Jusqu’à quel âge va-t-on biberonner les fournisseurs alternatifs ? Certes, je reconnais que l’on ne s’improvise pas producteur d’électricité, mais, tout de même, cela fait des années qu’on les subventionne, qu’on leur fournit un filet de sécurité, sans que, pour autant, ils aient particulièrement investi – à une exception près – dans des moyens de production, laissant ce soin à EDF !
De fait, la concurrence est uniquement commerciale. Dans ce domaine, on relève un nombre croissant de litiges liés à des démarchages abusifs ; je vous renvoie aux chiffres fournis par le médiateur de l’énergie. Force est de constater que l’intensification de la concurrence se traduit par une recrudescence de la délinquance commerciale.
Pour couronner le tout, voilà qu’on nous propose d’accroître la taille du biberon, en portant le plafond de volume de l’Arenh à 150 térawattheures par voie d’amendement, donc sans étude d’impact. L’impact sur les prix payés par les consommateurs sera vraisemblablement très faible, mais il sera très fort pour EDF !
Certes, le Gouvernement annonce que le prix de l’Arenh sera revalorisé, mais à quel niveau ? On ne le sait pas ! C’est donc un chèque en blanc que l’on nous demande de faire. Le nouveau prix devra en outre être validé par la Commission européenne, laquelle, on le sait, a toujours renâclé pour revaloriser le prix de l’Arenh. Le risque est que le rehaussement à 150 térawattheures du plafond du volume ne s’accompagne d’aucune revalorisation du prix.
C’est la raison pour laquelle nous avions soutenu, en commission, l’amendement du rapporteur liant l’augmentation du volume à la revalorisation du prix. Pour l’heure, nous demandons tout simplement la suppression de l’Arenh à compter de la fin de 2021.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Roland Courteau. Depuis toutes ces années, les concurrents d’EDF auraient dû investir dans des moyens de production. Il faut maintenant en finir avec ce système : que le meilleur gagne !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Après les autoroutes, après Alstom, après Gaz de France, après votre projet de privatiser ADP, quoique l’affaire soit mal engagée, vous vous attaquez aujourd’hui au service public de l’électricité.
En effet, l’article 8 de ce projet de loi est la première étape de votre entreprise de démantèlement d’EDF et de suppression du service public de l’énergie. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Vous pouvez le contester, madame la ministre, mais on verra à la fin que nous disons vrai !
Introduit par voie d’amendement, donc sans étude d’impact, encore une fois, cet article vise à relever le plafond de volume de l’Arenh et à offrir ainsi aux concurrents d’EDF l’accès à 150 térawattheures par an à prix encadrés.
La démarche qui sous-tend cet article est de faire en sorte qu’EDF puisse de moins en moins disposer de sa propre production d’électricité. On nous dit que l’objectif est de juguler la hausse des prix de l’électricité, mais il s’agit en fait de financer des compagnies pétrolières aujourd’hui, et peut-être des GAFA demain, sur le dos d’EDF et de l’ensemble des usagers. Il n’est pas anodin que certains parlent d’un « amendement Total » !
Pis, outre le relèvement du plafond de l’Arenh, il est même proposé de porter son prix au-delà de 42 euros le mégawattheure. Pour maintenir une concurrence défaillante, on augmente les prix, ce qui aura un impact sur les tarifs réglementés, que vous voulez supprimer par ailleurs ! Les géants du pétrole vont se financer aux dépens de l’opérateur historique et des ménages, mais aussi des TPE et des PME.
Pourtant, ce n’est pas ce qui nous avait été vendu. La concurrence libre et non faussée devait faire baisser les prix. C’est tout le contraire qui se passe !
Au travers de cet article, vous prolongez le hold-up qu’a constitué la mise en place de l’Arenh en 2009 et vous accélérez le transfert de la rente du nucléaire vers le privé sans contrepartie, sans engagement d’investir dans des productions renouvelables, d’assurer la sécurité énergétique du pays, d’assumer une partie des coûts du nucléaire.
C’est une attaque sans précédent contre EDF, qui est pourtant le producteur d’électricité assurant la sécurité et la stabilité de toute la plaque électrique de l’Europe de l’Ouest, le seul producteur qui, au moindre risque d’effondrement du réseau, est capable de démarrer des capacités de production supplémentaires pour le soutenir.
Vous oubliez que le nucléaire historique est un bien commun, une infrastructure essentielle au même titre que les réseaux de transport et de distribution. C’est le nucléaire historique qui permet aujourd’hui de garantir à tous les consommateurs un socle minimal de fourniture d’électricité à un prix stable non corrélé aux fluctuations du marché.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, sur l’article.
M. Jean-François Husson. L’article 8 prévoit une réforme importante du mécanisme d’accès régulé à l’énergie nucléaire historique. C’est peu de dire que le mode de fixation des tarifs de l’électricité est complexe et peu lisible pour nos concitoyens. Le dispositif de l’Arenh, établi en 2010, n’a pas été réformé depuis 2012 et est confronté à deux problèmes contradictoires.
D’une part, l’opérateur historique doit supporter les coûts d’investissement nécessaires à la mise aux normes de ses centrales et à la rénovation de son parc nucléaire. Or le prix de vente du mégawattheure, fixé à 42 euros pour l’Arenh, ne lui permet pas de financer les investissements dont il a besoin.
D’autre part, l’accès à l’énergie nucléaire prévu dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité pénalise à la fois l’opérateur historique et les clients. Lorsque le prix de l’électricité d’origine nucléaire est supérieur au prix de marché de gros, les fournisseurs alternatifs délaissent l’Arenh et s’approvisionnent sur le marché, et inversement.
Avec la multiplication des fournisseurs alternatifs, le plafond de 100 térawattheures est devenu trop restrictif. Cela a d’ailleurs conduit le Gouvernement à augmenter les tarifs de l’électricité, ce qui n’est ni accepté ni acceptable par nos concitoyens.
Le relèvement du plafond à 150 térawattheures est une solution difficile à repousser, mais il ne réglera pas les difficultés de financement de l’opérateur historique, déjà fragilisé, faut-il le rappeler, par une dette de 60 milliards d’euros.
La possibilité que laisse la loi de décider par décret le relèvement du prix de vente de l’électricité d’origine nucléaire est certes nécessaire, mais il est regrettable, une fois encore, que le débat ne puisse se dérouler au Parlement.
Au-delà de ces mesures d’appoint, nous ne pourrons faire l’économie d’une loi spécifique sur l’avenir d’EDF, qui nous préoccupe tous. Je souhaite que ce texte offre l’occasion de traiter à la fois de l’avenir de l’Arenh, qui doit prendre fin en 2025, de l’avenir des concessions hydroélectriques, mais aussi de la gouvernance de l’opérateur historique, dont les dernières annonces me laissent, personnellement, pour le moins sceptique.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nos collègues Gay et Courteau ont bien expliqué à quel point le système de l’Arenh était particulièrement inadapté et lésait EDF.
C’est une régulation asymétrique, qui ne permet pas la couverture des coûts à long terme pour EDF et qui pénalise l’entreprise, alors que les prix du marché ont augmenté. En outre, le niveau de prix est inférieur à l’ensemble des coûts. Enfin, ce système offre une rente injustifiée aux concurrents d’EDF, qui sont désormais, pour l’essentiel, Engie et Total, deux des plus grands groupes français. Ce sont d’ailleurs plus des traders d’énergie que des producteurs ou des acteurs d’une politique énergétique.
La stratégie suivie vise à affaiblir EDF au motif que la Commission européenne l’exigerait au nom de la concurrence, laquelle n’est d’ailleurs pas, contrairement à ce que vous dites, madame la ministre, favorable aux consommateurs français, comme le montre l’évolution des prix. Ceux qui profitent du système, ce sont les entreprises Total et Engie !
Je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur les négociations et les discussions informelles en cours avec la Commission européenne. L’Arenh doit disparaître en 2025. De mon point de vue, faire passer le plafond du volume de 100 à 150 térawattheures, en prétendant que l’on va pouvoir discuter d’un relèvement du prix avec la Commission européenne, procède de la provocation. Il s’agit en fait, selon moi, d’attribuer à la Commission européenne le projet du Gouvernement français de démanteler EDF. On nous explique ainsi que le relèvement du plafond et l’augmentation du prix de l’Arenh ne pourront être obtenus de la Commission européenne qu’à condition de démanteler EDF. Or il est essentiel que cette entreprise, qui doit maîtriser l’ensemble du cycle de l’électricité, soit totalement intégrée. C’est ainsi que sera garantie l’indépendance nationale du pays.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous essayez de faire passer cette réforme en arguant qu’elle serait inéluctable, imposée par la Commission, alors même que vous vous employez à déclencher les foudres de celle-ci et à la conduire à exiger le démantèlement d’EDF.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. On peut mettre fin purement et simplement à ce mécanisme de l’Arenh, en considérant qu’il a rempli son rôle et permis l’entrée de nombreux fournisseurs sur le marché de masse de l’électricité. L’opérateur historique a déjà perdu beaucoup de clients et il continue à en perdre, même si sa part de marché sur le segment domestique reste élevée.
Certes, les fournisseurs alternatifs revendiquent une augmentation du plafond du volume de l’Arenh au-delà de 100 térawattheures, au motif que le nombre de leurs clients s’est accru et que cela leur permettrait d’atténuer la hausse des prix pour le consommateur final. Cependant, dans un contexte où EDF perd des parts de marché et où la production d’électricité nucléaire tend à baisser et devrait encore diminuer compte tenu des objectifs fixés par le texte que nous sommes en train d’examiner, notamment ramener à 50 % la part du nucléaire à l’horizon 2035, est-il justifié que l’opérateur historique continue à subventionner ses concurrents, surtout lorsque ces derniers sont aujourd’hui des compagnies pétrolières et seront peut-être, demain, des sociétés du numérique, comme les GAFA ? Avec une telle logique, plus le nombre des entrants augmente, plus la part de marché d’EDF baisse. Cela ressemble fort à une « spirale de la mort » pour l’opérateur historique.
Les fournisseurs alternatifs peuvent actuellement bénéficier de l’Arenh s’ils le souhaitent, mais sans supporter les engagements à long terme associés à l’exploitation du parc nucléaire. « Ne recourir à l’Arenh que lorsque les conditions du marché y sont favorables sans financer le reste du temps les actifs du parc nucléaire pèse sur l’équilibre comptable de l’exploitant nucléaire », notait déjà la Cour des comptes dans une note publiée le 22 décembre 2017. Une telle asymétrie des engagements n’est pas justifiée.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Un tel sujet mériterait un débat beaucoup plus approfondi que celui-ci ; sur ce point, je rejoins Jean-François Husson.
Cela n’a peut-être pas été suffisamment souligné : le prix de l’Arenh est totalement sous-évalué. Nous avions créé voilà quelques années une commission d’enquête sur le prix de l’électricité. Il était ressorti de ses travaux que le coût réel de l’électricité d’origine nucléaire s’établissait plutôt à 70 euros le mégawattheure, en prenant en compte les taux d’actualisation pertinents, les coûts du retraitement du combustible et du démantèlement des réacteurs. Il est clair que le contribuable français paie aujourd’hui, à côté du consommateur, une partie de la facture.
Il faut donc mettre sur la table la question de la remontée du prix de l’Arenh à la hauteur du coût réel de production. Elle devient extrêmement complexe quand on considère que le dernier appel d’offres pour l’éolien offshore est sorti à 45 euros le mégawattheure, soit un prix très proche de celui de l’Arenh tel qu’il est calculé actuellement. Cela montre que l’électricité d’origine nucléaire pourrait demain être trop chère pour être vendable. Je veux souligner l’une des grandes faiblesses des scénarios retenus par EDF : le prix de gros de l’électricité peut s’effondrer à l’échelle européenne, avec toutes les conséquences que cela impliquerait pour les exportations et les recettes d’EDF.
Pour ma part, je trouve qu’il y a tellement de questions sur la table qu’il faut absolument que l’on ait un débat structuré afin de déterminer le meilleur choix, y compris pour maintenir un prix de l’électricité à peu près stable. En effet, un effondrement dans une logique de surproduction européenne est aussi une possibilité, et cela représente une autre menace pour l’avenir d’EDF.
M. le président. L’amendement n° 289, présenté par M. Gay, Mmes Cukierman, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.