compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour un rappel au règlement.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux aujourd’hui ; je prends la parole non pas pour nous, parlementaires, mais pour le respect de l’administration, des salariés du Sénat et de nos collaborateurs.
Il reste plus de deux cents amendements sur le texte ; comment allons-nous nous organiser pour les examiner ? Est-il envisagé de prolonger nos débats jusque tard dans la nuit ? Ouvrons-nous la séance de vendredi, avec toutes les contraintes que cela entraîne, et que je peux entendre ?
En tout état de cause, nous n’accepterons pas que, en début d’après-midi, on nous dise qu’il faut accélérer nos travaux. De nombreux sujets importants restent à étudier, notamment deux : les tarifs réglementés – ces tarifs concernent, je le rappelle, 28 millions de personnes et ils permettent à nombre de Français d’accéder à l’électricité et au gaz –, et le déplafonnement de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, l’Arenh. Ces deux sujets occasionneront des débats.
Comment faisons-nous donc, madame la ministre, pour aller jusqu’au bout de l’examen de ce projet de loi, de ce grand projet de loi, qui nous a été soumis après le 14 juillet ? C’est une question, je le répète, de respect pour les salariés et pour les fonctionnaires ; c’est primordial.
Nous devons déterminer, avant d’entamer nos travaux du jour, comment nous allons nous organiser pour terminer l’examen du texte. Il s’agit donc d’une interpellation collective ; ayons un rapide débat ce matin afin de déterminer où nous allons et comment nous nous organisons.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je précise que la direction de la séance du Sénat n’a pas encore reçu de courrier du Gouvernement relatif à l’ordre du jour. Nous devrions le recevoir au cours de la matinée, mais peut-être Mme la ministre a-t-elle des réponses à nous apporter ?
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Vous le savez, mon cher collègue, depuis le début, je partage votre préoccupation sur la désorganisation de l’examen de ce texte : délais inacceptables accordés au Sénat pour l’étudier, quatre cent soixante amendements soumis à l’examen du rapporteur en vingt-quatre heures, discussion impossible entre le dépôt des amendements, l’avis de la commission et le débat en séance. Je l’ai souligné deux fois et je le répète, ce ne sont vraiment pas des conditions dignes de l’importance de ce texte.
M. Fabien Gay. Tout à fait !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mme la ministre n’y est pour rien, c’est ainsi. Nous l’avons indiqué à plusieurs reprises au Gouvernement, je l’ai dit à Marc Fesneau, mais il y a une sorte d’entêtement à faire passer ce texte dans l’urgence. Il me semble pourtant que la définition de la politique énergétique de la France pour les cinquante prochaines années pouvait attendre un mois…
M. Roland Courteau. Exactement.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. On pouvait tout à fait laisser à chacun la pause estivale pour y travailler correctement.
Bref, nous le regrettons, mais c’est ainsi.
Ce que je peux toutefois indiquer, mes chers collègues, c’est que nous essaierons de travailler le plus tard possible ce soir, et que nous avons demandé l’ouverture de la séance de demain – nous verrons si c’est accepté –, en prévision du cas où, vers minuit et demi ou une heure, nous nous apercevrions qu’il reste encore beaucoup d’amendements à traiter, sur des sujets qui sont, vous l’avez dit, mon cher collègue, éminemment importants.
L’ouverture d’une séance supplémentaire est compliquée, chacun ayant des engagements et certains collègues devant rentrer dans leur territoire. Par conséquent, nous risquons d’avoir, demain, des débats d’experts, dans la configuration d’une réunion d’experts…
M. Fabien Gay. Indigne !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Voilà ce que je puis vous dire à ce stade.
M. Roland Courteau. C’est dommage !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour un rappel au règlement.
M. Jean-François Husson. Je souscris aux propos qui viennent d’être tenus. En fonctionnant ainsi, madame la ministre, on poursuit le travail de sape de la démocratie française ; en tout cas, on abîme cette dernière.
M. Fabien Gay. Oui !
M. Jean-François Husson. En rentrant hier soir, à minuit et demi, et ce matin de bonne heure, j’ai regardé une chaîne d’information en continu. On pouvait entendre que le Sénat avait adopté le projet de loi relatif à l’énergie et au climat…
L’information n’est pas exacte, évidemment ; nous travaillons dans des conditions difficiles, mais ce qui ressort du fonctionnement de la démocratie est terrible, parce que cela ne correspond pas à ce qui se passe. On ne voit pas les conditions de travail qui sont les nôtres, et nous sommes jugés sur des éléments inexacts, qui font du mal à la représentation nationale, comme aux élus.
J’appelle donc, sur cette question, l’attention du Sénat et la vôtre madame la ministre ; en effet, vous êtes, à cet instant, la voix, les yeux et les oreilles du Gouvernement au sein de la Haute Assemblée.
Nos débats méritent beaucoup mieux que cela. Lorsque les parlementaires s’expriment, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, ils participent à un dialogue avec les territoires et avec l’exécutif, ils font face aux enjeux de l’économie française et de nos entreprises, à échéance – pourquoi pas ? – de 2050, mais surtout à court terme.
Si l’on veut restaurer la confiance, il faut donc que les conditions d’organisation du débat démocratique soient bien plus cadrées, il faut assurer la dignité du débat. Nous manquons aujourd’hui de sérénité dans notre discussion, faute d’une bonne organisation. Cela n’est jamais bon et personne n’a à y gagner : ni l’exécutif, ni le Parlement, ni les Français.
Je le répète : attention, avec ces défauts de fonctionnement, on est en train d’abîmer la démocratie.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Je m’associe au rappel au règlement de Fabien Gay. Il faut du temps pour examiner ce texte ; l’énergie est un sujet important, qui engage l’avenir.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen n’est pas nombreux, mais il assumera ses responsabilités, il sera là, y compris s’il y a séance samedi matin. En effet, notre collègue Dantec a la chance d’avoir un TGV lui permettant de rejoindre son département ; moi, je ne peux le faire qu’en avion, et celui-ci est complet, donc je dois partir demain.
Cela dit, nous sommes assez nombreux, donc, je le répète, nous assurerons notre présence dans l’hémicycle, jusqu’à samedi si nécessaire.
M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. J’entends les observations des uns et des autres. Sans vouloir me dédouaner, je n’ai pas vraiment suivi la façon dont ce texte a été inscrit à l’ordre du jour ni le délai d’examen qui vous a été laissé.
M. Roland Courteau. Il n’y a pas eu de délai !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Nous pouvons tous regretter, me semble-t-il, qu’un certain nombre d’amendements adoptés hier ne reflètent pas la position du Sénat.
Je suis bien évidemment à la disposition de la Haute Assemblée pour prendre le temps nécessaire à l’examen des amendements restant en discussion. Leur nombre ne me paraît pas considérable, comparé à un texte que j’ai récemment défendu à l’Assemblée nationale.
Je le répète, je reste à la disposition du Sénat pour prendre le temps d’avoir un débat de qualité sur chaque amendement.
3
Énergie et climat
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’énergie et au climat (projet n° 622, texte de la commission n° 658, rapport n° 657, avis n° 646).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, à l’article 3 ter.
Chapitre II (suite)
Dispositions en faveur du climat
Article 3 ter
I. – Le chapitre III du titre Ier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est ainsi modifié :
1° L’article 18 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces adaptations particulières ne s’appliquent pas lorsque les logements ont une consommation énergétique primaire supérieure ou égale à 331 kilowattheures par mètre carré et par an. » ;
b) Après ce même deuxième alinéa, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :
« Ce seuil de consommation énergétique ne s’applique pas :
« 1° Aux bâtiments qui, en raison de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés, ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre une consommation inférieure audit seuil ;
« 2° Aux bâtiments pour lesquels le coût des travaux pour satisfaire cette obligation est manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien.
« Les critères relatifs à ces exonérations sont précisés par décret en Conseil d’État.
« 3° Par exception, ce seuil de consommation énergétique s’applique à compter du 1er janvier 2033 dans les copropriétés :
« a) Faisant l’objet d’un plan de sauvegarde tel que prévu à l’article L. 615-1 ;
« b) Situées dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 et inscrite dans le volet de cette opération dédié au redressement d’une ou plusieurs copropriétés rencontrant des difficultés sur le plan technique, financier, social ou juridique ;
« c) Situées dans le périmètre d’une opération de requalification de copropriétés dégradées prévue aux articles L. 741-1 et L. 741-2 ;
« d) Pour lesquelles le juge a désigné un administrateur provisoire, conformément aux dispositions des articles 29-1 ou 29-11 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
« e) Déclarées en état de carence en application de l’article L. 615-6 du présent code. » ;
2° L’article 23-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « réalisé », la fin de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « et que le logement ait une consommation énergétique primaire inférieure à 331 kilowattheures par mètre carré et par an. » ;
b) Après le même premier alinéa, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :
« Ce seuil de consommation énergétique ne s’applique pas :
« 1° Aux bâtiments qui, en raison de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés, ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre une consommation inférieure audit seuil ;
« 2° Aux bâtiments pour lesquels le coût des travaux pour satisfaire cette obligation est manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien.
« Les critères relatifs à ces exonérations sont précisés par décret en Conseil d’État.
« 3° Par exception, ce seuil de consommation énergétique s’applique à compter du 1er janvier 2033 dans les copropriétés :
« a) Faisant l’objet d’un plan de sauvegarde tel que prévu à l’article L. 615-1 ;
« b) Situées dans le périmètre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat prévue à l’article L. 303-1 et inscrite dans le volet de cette opération dédié au redressement d’une ou plusieurs copropriétés rencontrant des difficultés sur le plan technique, financier, social ou juridique ;
« c) Situées dans le périmètre d’une opération de requalification de copropriétés dégradées prévue aux articles L. 741-1 et L. 741-2 ;
« d) Pour lesquelles le juge a désigné un administrateur provisoire, conformément aux dispositions des articles 29-1 ou 29-11 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
« e) Déclarées en état de carence en application de l’article L. 615-6 du présent code. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2024.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Je viens d’entendre quelque chose qui m’a surpris. Les votes sont ce qu’ils sont, madame la ministre ; qu’ils vous plaisent ou non, c’est une chose, mais ils reflètent la volonté des parlementaires, qui s’expriment en toute indépendance.
J’en viens à l’article 3 ter.
La question de la précarité énergétique et la résorption des passoires thermiques méritaient mieux que l’introduction des dispositions de l’article 3 ter par voie d’amendements.
Le projet de loi initial ne comportait en effet aucune mesure en la matière, et c’est au travers d’amendements, parfois contradictoires entre eux, que ce projet de loi prévoit, sans étude d’impact, sans concertation avec les parties prenantes et sans véritable évaluation, de modifier la qualité des rapports locatifs telle qu’elle est définie par la loi de 1989.
Cet article propose de modifier les règles relatives à la révision des loyers en zone tendue et la contribution du locataire à la suite de la réalisation de travaux, tout cela dans un temps d’examen parlementaire extrêmement contraint.
Pourtant, un rapport du Sénat nous le rappelait voilà quelques années, « l’équilibre juridique des relations entre les bailleurs et les locataires a donné lieu à une “bataille” parlementaire qui s’est déroulée tout au long des années 1980 », et la loi de 1989 en est le résultat. Certes, cette loi a été, depuis lors, modifiée, mais elle ne l’a pas été dans ces conditions.
Le sujet est sensible ; le rapport précité indiquait d’ailleurs par la suite qu’« il convient que, dans le domaine des rapports bailleurs/locataires, une négociation appropriée puisse avoir lieu avant que le Parlement, qui bien évidemment doit garder son pouvoir d’appréciation, soit saisi des modifications proposées ».
Si l’objectif du conditionnement de l’augmentation des loyers à la réalisation des travaux peut à première vue sembler louable, il aurait été opportun de s’interroger sur le principe même de cette augmentation, et sur les effets de celle-ci sur l’accès au logement en zone tendue, et il en va de même avec la contribution du locataire à ces travaux.
En effet, nous connaissons toujours un mouvement global de hausse des loyers, due à une spéculation foncière et immobilière dont nous ne sommes pas près de sortir.
En outre, encore une fois, nous ne disposons d’aucun élément relatif aux moyens financiers que le Gouvernement compte déployer pour accompagner cette réforme. Or il faudrait mobiliser des ressources financières abondantes, d’accès facilité pour le plus grand nombre, au coût par conséquent le plus réduit possible ; cela ne semble pas à l’ordre du jour…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il est hors de question, pour le rapporteur, d’accélérer l’examen du texte, mes chers collègues ; vous n’avez d’ailleurs rien entendu de tel dans ma bouche ni dans celle de Mme la présidente.
M. Fabien Gay. Je ne disais pas ça pour vous !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je le sais, mais ce que vous avez dit le sous-entend quelque peu.
C’est vrai, il nous reste un nombre important d’amendements, mais le sujet est sérieux ; il concerne l’ensemble des Français, notre économie, la place de la France dans le monde, au travers de sa stratégie, et, bien évidemment, l’avenir de nos enfants, via notre action sur le climat.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit, madame la ministre, mais nous avons travaillé, depuis le début, dans des conditions absolument incroyables. Comme rapporteur, j’ai procédé à mes premières auditions sans même connaître le résultat des débats de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et de celle des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Si j’ai demandé la parole, c’est parce que, quels qu’aient été les débats et les votes d’hier soir, il nous faut poursuivre notre travail et examiner les articles consacrés au bâtiment, dans le prolongement de notre discussion d’hier.
Je veux revenir sur la définition du logement décent. Au travers du vote d’hier soir, le Sénat a souhaité adresser, nous le comprenons tous, un message au Gouvernement : il faut faire plus et plus vite, en matière de rénovation énergétique. Voilà en tout cas ce que j’ai compris et intégré comme rapporteur.
Cela dit, tout le monde le sait, on ne peut pas sortir, du jour au lendemain, plusieurs millions de logements du parc, et ce n’était sans doute pas la volonté des auteurs de l’amendement ni celle des sénateurs qui l’ont voté.
Je propose de poursuivre la discussion du texte, même si l’adoption de certains des articles suivants n’a plus de sens, compte tenu de la disposition adoptée hier. La volonté qui anime votre rapporteur est que le Sénat prenne sa part pleine et entière dans les discussions de la commission mixte paritaire. Nous devrons nécessairement trouver un équilibre si nous ne voulons pas perdre tous les apports de la Haute Assemblée au texte.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je le dis de manière solennelle, ce qui a été exprimé hier, c’est la volonté de fixer un rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de finances, afin d’analyser les moyens consacrés par le Gouvernement au défi du logement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Hier soir, le Sénat a exprimé deux, ou même trois choses.
Tout d’abord, Sophie Primas l’a souligné, il a souhaité dire que l’on ne peut pas travailler dans ces conditions, qui aboutissent à prendre position en l’absence d’étude d’impact.
Ensuite, le Sénat a indiqué que, non seulement il travaille dans des délais courts – cela n’est évidemment pas votre faute, madame la ministre –, mais, en outre, il étudie la question du bâti sans que l’État présente aucune stratégie en la matière. Personne, je dis bien personne – ni les services de l’État, ni les ministres, ni le Sénat –, ne croit un seul instant que la loi, telle qu’elle existe, permet d’atteindre les objectifs quantitatifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre et d’efficacité énergétique.
Il y a, dans le texte, une contradiction flagrante entre les objectifs quantitatifs destinés à répondre au défi climatique et la manière dont on traite la question de la rénovation du bâti.
L’État n’a pas été capable de mettre en place une stratégie, car, on le sait tous, il n’y a pas eu d’accord entre le ministère du logement et le ministère de la transition écologique et solidaire, et les réunions interministérielles ont été difficiles.
Comme il n’y a pas de stratégie, l’Assemblée nationale a essayé de bricoler en urgence des propositions pour rehausser l’ambition du texte, puis nous avons essayé de limiter la contradiction – flagrante, je le répète – entre les objectifs quantitatifs et l’absence de stratégie, y compris financière, puisque ce volet est en jeu, en matière de rénovation du bâti.
J’entends bien ce que dit Daniel Gremillet : conformément à sa tradition, le Sénat cherche à adopter un texte cohérent – le rapporteur y a consacré beaucoup d’énergie sur une période courte –, et la cohérence du projet de loi n’est plus tout à fait assurée. Nous en sommes tous conscients.
Néanmoins, nous avons demandé à l’État, avec ce vote, de nous présenter une stratégie cohérente sur la rénovation du bâti, une stratégie qui intègre des objectifs, des éléments de coercition – il en faudra – et des éléments financiers, car cette stratégie, nous ne l’avons pas aujourd’hui.
Enfin, le Sénat a envoyé un troisième message, adressé à la commission des affaires économiques du Sénat, qui avait adopté un certain nombre de dispositions : on ne peut pas être moins ambitieux que l’Assemblée nationale. En repoussant des échéances de 2021 à 2024 et de 2028 à 2033, en retirant les rares dispositifs un peu incitatifs adoptés par l’Assemblée nationale, nous n’ajoutons aucune ambition, au contraire. (M. Jean-François Husson proteste.)
J’entends bien ce que dit Daniel Gremillet, continuons l’examen du projet de loi, même si nous adoptons un texte incohérent à l’issue de la discussion. Soit, mais faisons-le à la condition que la commission mixte paritaire n’aboutisse pas, à cause du Sénat, à un texte moins ambitieux que celui de l’Assemblée nationale, qui était déjà insuffisant.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Gremillet, une large partie de ce que vous venez de nous dire reçoit notre approbation. Nous n’avons pas adopté cet amendement parce qu’il serait le fin du fin de ce qu’il faudrait faire. Il s’agissait de poser une question au Gouvernement. Je le rappelle, il n’y avait pas de proposition du Gouvernement dans le texte initial ; il y a eu une proposition d’origine parlementaire ; et aucune stratégie n’apparaît lisiblement.
Je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, l’essentiel se jouera lors de l’examen de la loi de finances, mais pas en totalité. Je pense en particulier à la nature de la coercition raisonnable que l’on peut imposer aux bailleurs pour ne pas laisser durablement des locataires vivre dans des passoires thermiques avec des charges importantes. Voilà quel était l’appel de nature politique que nous avons lancé.
Cela dit, je vous en donne acte, monsieur Gremillet, il s’agit maintenant d’avancer en commission mixte paritaire et en loi de finances.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Sans vouloir refaire la discussion générale sur ce texte, ce sujet est, chacun d’entre vous le mesure bien, compliqué ; s’il était simple, il serait réglé depuis longtemps.
On ne peut effectivement se satisfaire de la complexité des dispositifs d’aide, qui peut conduire à un véritable parcours du combattant pour boucler un plan de financement – c’est d’ailleurs le sens des mesures de simplification proposées par le Gouvernement –, ni du niveau d’efficacité des rénovations engagées. C’est un sujet sur lequel Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie travaillent depuis des mois, je puis vous l’assurer.
Je souhaite pouvoir discuter rapidement de ce dossier avec ce dernier pour trouver le bon chemin, pour définir des dispositifs efficaces, avec des aides facilement accessibles, un bon ciblage des travaux et des travaux de qualité. Nous devons travailler rapidement à tout ce chantier.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 238, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4 à 14
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéas 17 à 27
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 28
Remplacer l’année :
2024
par l’année :
2021
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le dispositif de l’article 3 ter limite l’augmentation des loyers et l’imputation au locataire des dépenses de travaux de performance énergétique aux logements très énergivores.
Il ne me semble pas opportun d’introduire ces dérogations, qui ne sont pas justifiées pour ce dispositif – lequel ne concerne que les évolutions de loyer et le partage des économies de charges –, ni de retarder l’entrée en vigueur de ces dispositions.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Dantec, Cabanel, Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer l’année :
2033
par l’année :
2028
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il s’agit de remplacer l’année 2033 par l’année 2028 comme échéance pour la rénovation des logements du parc locatif privé appartenant aux copropriétés situées au sein des zones tendues.
Nous sommes là au cœur du sujet ; il n’est pas sérieux, alors que la question climatique se fait de plus en plus pressante, de fixer l’échéance à 2033, dans quinze ans ! Cela n’a aucun sens ! (M. Jean-François Husson ironise.)
L’année 2028, c’est dans dix ans, c’est déjà beaucoup. Tout se jouera dans les dix prochaines années pour le climat, c’est ce que nous disent les scientifiques. Si une puissance comme la France n’est pas capable de définir une stratégie en dix ans, où allons-nous ?
En outre, dans ces copropriétés, la solution passe certainement par l’association de la rénovation thermique et des ravalements de façade. D’énormes moyens d’animation ont été consacrés, à Nantes, pour convaincre les copropriétaires de s’engager collectivement, mais les résultats ont été très mitigés. Il faut donc trouver d’autres dispositifs. Le ravalement des façades est certainement le moment clé à cibler, avec un volet financier de soutien.
On voit à peu près ce qu’il faut faire, mais fixer une échéance à 2033 n’est en tout cas pas sérieux.
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié, présenté par MM. Dantec, Artano, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Remplacer l’année :
2024
par l’année :
2021
La parole est à M. Ronan Dantec.