Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Les fonds recueillis au titre de la souscription nationale sont exclusivement destinés au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier dont l’État est propriétaire ainsi qu’à la formation initiale et continue de professionnels disposant des compétences particulières qui seront requises pour ces travaux.
Les travaux de conservation s’entendent au sens des travaux de sécurisation, de stabilisation et de consolidation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ne peuvent pas être financés par les fonds recueillis au titre de la souscription l’entretien régulier et les charges de fonctionnement, qui relèvent des compétences de l’État, y compris celles de l’établissement public mentionné à l’article 8.
Les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris financés au titre de la souscription nationale mentionnée au premier alinéa du présent article préservent l’intérêt historique, artistique et architectural du monument, conformément aux principes mentionnés dans la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites adoptée à Venise en 1964. Ils respectent l’authenticité et l’intégrité du monument attachées à sa valeur universelle exceptionnelle découlant de son inscription sur la liste du patrimoine mondial en tant qu’élément du bien « Paris, rives de la Seine », en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, adoptée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, le 16 novembre 1972, lors de sa XVIIe session. Ils restituent le monument dans le dernier état visuel connu avant le sinistre.
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Assouline, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner, Manable et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
exclusivement
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture, avec un bémol : elle a précisé que les fonds de la souscription seraient exclusivement destinés au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale et de son mobilier, ainsi qu’à la formation de professionnels.
L’introduction de l’adverbe « exclusivement » laisse entendre que l’aménagement des abords de l’édifice, pourtant nécessaire à l’accueil du public, du culte et des expositions sur les biens de la cathédrale ou l’état d’avancement des chantiers, devra trouver d’autres sources de financement.
Cet ajout est d’autant plus surprenant que, lors de la même lecture, l’Assemblée nationale a prévu un aménagement des abords de la cathédrale. Les députés décident donc d’un côté que l’aménagement comprendra les abords, et, de l’autre, qu’il n’y a pas d’argent pour cela… C’est incohérent.
Ainsi, l’article 8 prévoit que l’établissement public ayant pour mission d’assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations pour la conservation et la restauration de la cathédrale pourra réaliser l’aménagement de l’environnement immédiat de la cathédrale et mettre en œuvre, avec les ministères concernés, des actions culturelles et éducatives de valorisation des travaux.
Cette préoccupation rejoint la nôtre, mais nous nous interrogeons sur le mode de financement qui sera retenu, puisque, désormais, le produit de la souscription sera exclusivement consacré à la conservation et à la restauration de la cathédrale.
Il ne peut être sérieusement envisagé de faire peser l’ensemble du coût de l’aménagement des abords, complémentaire du chantier de la cathédrale, sur les propriétaires de ces abords, en particulier la Ville de Paris, propriétaire du parvis. D’ailleurs, l’Assemblée nationale a prévu que l’établissement public administratif pourra conclure une convention de maîtrise d’ouvrage avec la Ville de Paris.
Aussi préférons-nous, sans modifier l’état d’esprit général de la disposition, supprimer l’ajout dangereux de l’adverbe « exclusivement », superlatif quant au sens, qui risque de poser problème lorsque l’on entreprendra des travaux sur le parvis ou dans le jardin avoisinant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Votre objectif, monsieur Assouline, est de supprimer l’adverbe « exclusivement », afin que le produit de la souscription puisse être utilisé à d’autres fins que la restauration de la cathédrale et de son mobilier, dont l’État est propriétaire, et la formation des compétences requises pour le chantier.
Vous souhaitez notamment pouvoir étendre le périmètre du financement à l’aménagement des abords de la cathédrale, compte tenu de l’extension du périmètre d’intervention de l’établissement public.
C’est malheureusement juridiquement impossible, puisque les organismes collecteurs chargés de recueillir les dons dans le cadre de la souscription, en particulier les fondations reconnues d’utilité publique, sont dotés d’un statut de droit privé et ont l’obligation de respecter l’intention des donateurs. Or il n’a jamais été question, au moment où ceux-ci ont versé leur don, que le champ de la souscription ne porte pas exclusivement sur la restauration de la cathédrale consécutivement au sinistre.
Les abords de la cathédrale n’ont heureusement pas été touchés par le sinistre. Si l’établissement public sera chargé de conduire les travaux sur les abords, ceux-ci ne pourront pas être financés par le produit de la souscription.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Il sera identique à celui de M. le rapporteur. Il est très important d’éviter toute ambiguïté sur l’affectation des dons consentis dans le cadre de la souscription nationale à la restauration de Notre-Dame de Paris. On ne peut pas trahir les donateurs !
En revanche, s’agissant de l’environnement immédiat, notre dispositif donne la possibilité à l’établissement public d’assurer une assistance à maîtrise d’ouvrage pour son aménagement, dans le cadre d’une convention avec la Ville de Paris, qui restera le décideur en la matière, avec d’éventuels autres financeurs – pourquoi pas des mécènes ?
En tout état de cause, on ne peut pas lier les dons réalisés dans le cadre de la souscription nationale et l’aménagement de l’environnement immédiat de Notre-Dame de Paris.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. La question de l’intervention de l’établissement public en dehors de la cathédrale stricto sensu va nécessairement se poser.
En l’état de notre travail, il est impossible de flécher des fonds issus de la souscription vers autre chose que la reconstruction de Notre-Dame. Ce serait, comme l’ont souligné M. le rapporteur et M. le ministre, sinon trahir, du moins détourner l’intention du donateur, ce qui n’est pas pensable.
Pour les abords, du reste, nous avons un peu de temps. Je n’ai pas les clés de tous les problèmes, mais il me semble que c’est l’édifice lui-même qui sera prioritaire. Cinq ans au moins s’écouleront donc avant que nous ayons à réfléchir aux évolutions possibles de l’environnement immédiat.
Cette réflexion sera nécessaire, parce que l’on ne peut pas demander, comme je le fais, que la cathédrale soit reconstruite strictement à l’identique et ne pas imaginer que l’incendie du 16 avril fasse l’objet, dans l’environnement immédiat de la cathédrale, d’une forme de mémorial, à l’issue, peut-être, d’un concours d’art contemporain. Mais nous avons le temps d’y penser.
Quant au financement, l’établissement public aura d’autres ressources que la souscription, notamment, sans doute, des subventions de l’État, lequel pourrait d’ailleurs reverser une partie de la TVA qu’il percevra sur les travaux, mais aussi d’autres dons et legs. Ces moyens pourraient financer d’éventuels travaux réalisés sur le territoire de la Ville de Paris.
Je crois donc qu’il faut maintenir l’adverbe « exclusivement », étant entendu qu’une réflexion doit être ouverte sur l’environnement de la cathédrale.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je me réjouis que M. Leleux appuie certaines de mes interrogations, mais, contrairement à lui et à M. le rapporteur, je ne suis pas rassuré.
Il n’est pas vrai que le chantier de la cathédrale serait urgent et que celui des abords ne le serait pas. En termes de calendrier, les choses ne se passeront pas ainsi.
Pour reconstituer la cathédrale avec sérieux et compétence, il faudra du temps. Le Président de la République annonce cinq ans, mais les spécialistes et tous les professionnels doivent prendre le temps du travail bien fait, en respectant ce qui a duré huit siècles et qui doit durer encore au moins autant. Ce chantier prendra donc le temps qu’il doit prendre.
En revanche, et précisément parce que ce chantier prendra du temps, des transformations vont être entreprises sur le parvis, rapidement. Les touristes affluent toujours par millions pour voir la cathédrale : il faudra trouver le moyen de les accueillir correctement. De multiples projets existent pour le parvis, y compris pour mettre en valeur le travail des compagnons. Ces questions se poseront rapidement.
Monsieur le ministre, vous ne me rassurez donc pas, d’autant que vous évoquez des mécènes ou des sponsors privés, sans jamais annoncer que l’État prendra sa part, si la Ville de Paris ne trouve pas de partenaires de bonne volonté. Si vous pouviez nous rassurer sur ce point, cela nous permettrait d’avancer ensemble.
En attendant, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Monsieur Assouline, l’État investit beaucoup, beaucoup d’argent à Paris et en région parisienne en matière culturelle – c’est même souvent pointé du doigt.
Il y a du sens à adopter une vision globale de la restauration de Notre-Dame de Paris et de l’évolution de son environnement immédiat. C’est pourquoi l’établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame de Paris pourra être, dans le cadre d’un mandat de la Ville de Paris, maître d’ouvrage délégué pour l’aménagement de l’environnement de la cathédrale.
Ce ne sera possible que main dans la main avec la Ville de Paris, mais il faut aussi que celle-ci fasse des choix, y compris budgétaires, pour l’aménagement des abords immédiats de Notre-Dame de Paris. Si des mécènes se présentent, ce qui n’est absolument pas exclu, l’État, à travers la réduction d’impôt, prendra toute sa part de l’aménagement de ces abords.
Toutefois, monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas demander à l’État de financer plus que de raison l’aménagement de Paris.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 3
Après les mots :
intérêt historique, artistique et architectural du monument
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Cet amendement vise à supprimer tout ce qui a été ajouté au Sénat en ce qui concerne la définition des travaux de conservation et l’exclusion des charges d’entretien et de fonctionnement. Il s’agit de revenir à la rédaction initiale, plus simple et plus claire, fondée sur l’intérêt historique, artistique et architectural du monument.
Les dispositions introduites figent dans la loi la définition des travaux de conservation et sont superfétatoires, car elles s’appliqueront de fait. Je pense en particulier à celle qui prévoie que les dépenses de fonctionnement de l’État, jusqu’à la création de l’établissement public, sont indissociables de l’opération. Quant aux stipulations de la Charte de la Venise, elles ne doivent pas, à notre avis, recevoir une portée législative.
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Assouline, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kanner et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner, Manable et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Nous ne pensons pas qu’il soit opportun de retenir comme critère pour la restauration et la reconstruction de la cathédrale sa restitution dans le dernier état visuel connu avant le sinistre.
Non seulement il s’agit d’un critère subjectif, mais il sera peut-être nécessaire de se donner de la liberté pour voir comment les travaux peuvent évoluer. Les figer dans la loi risquerait de bloquer une forme de créativité qui pourrait servir l’avenir de la cathédrale. Il est possible que l’on restaure l’état visuel d’avant le sinistre, mais il ne faut pas l’inscrire dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Monsieur le ministre, la commission est très attachée à l’exclusion des charges d’entretien et de fonctionnement dans le cadre de la création de l’établissement public : les souscriptions ont été consenties pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris – un point c’est tout.
Il ne faut pas que l’on puisse nous reprocher, ainsi qu’au Gouvernement, d’avoir financé sur le produit de la souscription une partie des charges d’entretien qui incombent à l’État comme propriétaire des cathédrales – une charge au demeurant très lourde, eu égard au nombre de cathédrales dans notre pays.
Madame Robert, notre position n’est pas conservatrice, mais nous avons souhaité préserver la silhouette du monument et le profil de la flèche, tels que l’on les connaissait avant le sinistre. Cette question a donné lieu en première lecture à un très large débat devant notre Haute Assemblée.
Au reste, lorsque les donateurs ont accompagné leur don d’un souhait, c’était toujours pour que la cathédrale soit restituée à l’identique. Ils ne se sont d’ailleurs pas posé de question particulière : pour eux, il était naturel de restituer le monument dégradé par l’incendie.
Nous disposons de tous les documents nécessaires à cette reconstruction à l’identique. Les statues avaient été déposées quelques jours avant le sinistre, et le coq a pu être miraculeusement retrouvé par l’architecte en chef des monuments historiques au lendemain de l’incendie. Dans ces conditions, la reconstitution à l’identique sera, sans aucun doute, un gain de temps.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 4 ?
M. Franck Riester, ministre. Les dispositions de cet amendement ne vont pas aussi loin que le voudrait le Gouvernement, mais elles marquent au moins une avancée.
Il n’appartient pas au législateur de trancher la question de la restauration. Il s’agit d’un débat patrimonial habituel, comme il en existe pour toutes les restaurations de monument historique. C’est au propriétaire de décider in fine, après un large travail de consultation des experts – je pense à la CNPA, et au conseil scientifique de l’établissement public – et de nos compatriotes. Toutes celles et tous ceux qui voudront s’exprimer pourront le faire, après quoi l’État décidera du type de restauration qu’il souhaite.
Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais tous les donateurs n’ont pas dit qu’ils souhaitaient une restauration à l’identique.
M. Alain Schmitz, rapporteur. J’ai dit : « tous ceux qui ont exprimé un souhait ».
M. André Gattolin. Vous vous avancez beaucoup…
M. Franck Riester, ministre. La souscription porte sur la restauration de Notre-Dame de Paris, sans précision particulière sur le type de restauration. Reste que si un donateur a précisé qu’il souhaitait un certain type de restauration, on devra évidemment en tenir compte.
Si le Président de la République a souhaité un concours d’idées, avec l’intervention d’architectes, c’est pour ne pas clore un débat patrimonial qui mérite d’exister. On verra bien quelle sera la décision finale de l’État, mais il est bon que ce débat ait lieu, que des architectes, mais aussi de simples citoyens, puissent exprimer leur vision de la restauration de Notre-Dame de Paris.
Nous avons malgré tout précisé dans la loi que la restauration devrait respecter l’intérêt historique, artistique et architectural du monument. On ne peut pas mieux encadrer la façon dont la restauration sera menée.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ma position peut sembler paradoxale : mon point de vue personnel, de citoyen, est que plus on se rapprochera de l’identique, mieux cela sera ; mais je ne pense pas que la loi doive figer les choses, en le précisant de manière trop rigoureuse.
Je ne suis donc pas favorable à la mention du « dernier état visuel connu », d’autant que je vois poindre un autre débat, sur le choix des matériaux. Ainsi, va-t-on remettre du plomb, dont on a vu les ravages sanitaires lorsqu’il brûle ?
M. André Gattolin. Exactement !
M. David Assouline. On apprend de l’histoire, et les matériaux utilisés à l’époque ne doivent pas nécessairement être réemployés. On peut refaire la charpente en bois, mais il faut faire attention : on a bien vu qu’elle brûlait alors un peu plus vite… Il est vrai que le bois n’est pas seulement un matériau, et qu’il a aussi une valeur esthétique. Pour le plomb, je suis moins convaincu.
Plus on ajoute de précisions, plus les restaurateurs seront limités. Or je ne pense pas qu’il appartienne à la représentation nationale de trancher les débats esthétiques ou artistiques. Je suis pour une totale liberté en art.
À titre personnel, je suis un conservateur, au sens où j’aimerais que ce soit la même cathédrale, parce qu’elle était belle ainsi ; mais, je le répète, je ne pense pas que le législateur ait à se prononcer en matière d’art.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Il est tout à fait juste que nos institutions patrimoniales permettent depuis plus d’un siècle d’organiser des débats rationnels et structurés sur la nécessité de restaurer ou de ne pas restaurer et de le faire de façon plus ou moins fidèle.
Régulièrement, des polémiques débordent des lieux où ces questions sont débattues, et l’opinion publique s’en empare, ce qui n’est pas un problème. Le problème, c’est que le présent projet de loi vise à déroger à ces pratiques habituelles.
Nous n’avons pas pour ambition de donner le sentiment du législateur sur un acte esthétique, mais de garantir le respect d’un certain nombre de règles patrimoniales auxquelles vous souhaitez déroger. Nous le verrons d’ailleurs tout à l’heure quand nous examinerons l’article 9, puisque vous ne souhaitez pas que l’institution compétente, qui est un lieu de débat essentiel pour discuter de ce type de projet, soit saisie.
Par ailleurs, nous avons une suspicion de principe. Ce projet de loi vise en effet à sanctuariser un certain nombre de déclarations du Président de la République, qui a notamment affirmé vouloir reconstituer Notre-Dame « plus belle encore »… Je ne saisis pas ce que cette expression signifie, et elle m’inquiète. Je préférerais donc que l’on revienne à des dispositions connues et respectueuses des engagements internationaux de la France.
Enfin, la flèche de Viollet-le-Duc est une œuvre majeure de l’architecture du XIXe siècle, une œuvre pionnière qui permet de comprendre un certain nombre de courants artistiques comme l’Art nouveau, illustré notamment par Hector Guimard.
Ce n’est pas seulement une cathédrale gothique ; c’est aussi un témoignage extrêmement intéressant de la réappropriation par l’art contemporain d’un chef-d’œuvre de l’art gothique. C’est pourquoi il est absolument fondamental de la reconstruire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Il me semble que cette enceinte n’est pas le lieu de discuter de la façon dont on doit reconstruire Notre-Dame, même si j’ai été ingénieur avant d’être sénatrice.
La méthode la plus simple et la plus rapide consisterait probablement à utiliser du bois et à refaire à l’identique, puisque nous disposons de tous les plans. Mais encore une fois, il ne nous revient pas d’en décider. Viollet-le-Duc n’aurait d’ailleurs peut-être pas construit sa flèche si nous avions à en décider aujourd’hui, et ce serait dommage.
L’intérêt historique, artistique et architectural du monument constitue déjà une bonne garantie. Je voterai donc l’amendement n° 4.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Sur un sujet aussi sensible, il est heureux que les parlementaires que nous sommes ayons des doutes, des hésitations, et que notre point de vue soit enrichi par nos débats.
Je me range parmi ceux qui trouvent que Notre-Dame est superbe et, spontanément, je serais plutôt favorable à sa reconstruction à l’identique. Je pense toutefois que le rôle du législateur n’est pas de s’enfermer dans une logique.
Si je compare notre manière de légiférer avec celle d’autres États, je trouve d’ailleurs, mes chers collègues, que nous nous enfermons trop souvent dans des logiques, alors même que le rôle du législateur est de s’en tenir aux grands principes, d’émettre des opinions et, en l’occurrence, de faire confiance aux artistes et aux architectes.
Un projet pourrait naître et nous faire changer d’avis, en enrichissant notre vision initiale. Je rejoins donc Dominique Vérien.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Le sujet est complexe, et il est délicat d’avoir un avis tranché.
Nous avons toutefois avancé, puisque, au début de nos travaux, nous nous étions interrogés en commission sur le maintien ou non des matériaux d’origine. Nous avons finalement renoncé à trancher cette question, estimant qu’il ne nous revenait pas de décider quel type de matériau devait être utilisé pour la reconstruction. Ce sont là les limites de l’exercice législatif.
À l’instar de ce que vient d’indiquer Dominique Vérien, il me semble qu’il en va de même pour la question de l’aspect visuel, et que nous ne devons pas prendre de position définitive dans cette enceinte et dans un temps relativement court. Il revient aux hommes de l’art de nous éclairer en la matière. Ils l’ont déjà fait au travers des auditions que nous avons conduites, mais je pense que le débat n’est pas terminé, et qu’il ne faudrait pas le clore en inscrivant des dispositions dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Schmitz, rapporteur. Permettez-moi d’apporter une précision.
Concernant la reconstruction à l’identique, il paraissait important de préserver au minimum la silhouette du monument et le profil de la flèche. Nous avons travaillé en pointillé pour ne pas être par trop contraignants. Toutes les auditions que nous avons conduites ont montré combien cette silhouette était importante dans la mémoire de tous ceux qui ont pu admirer la cathédrale Notre-Dame de Paris.
M. David Assouline. Vous parlez du « dernier état visuel connu » !
M. Alain Schmitz, rapporteur. Oui, mais, j’y insiste, il s’agit surtout de préserver la silhouette du monument et le profil de la flèche, et non, comme certains ont pu le croire ou l’indiquer, de reconstituer la cathédrale à l’identique.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il y a une confusion. M. le rapporteur dit qu’il n’a évoqué que la silhouette. Certes, mais mon amendement n’est pas celui du Gouvernement. Il vise simplement à supprimer la dernière phrase de l’article concernant le « dernier état visuel connu ».
Monsieur le rapporteur, votre proposition initiale était un compromis qui pouvait me convenir, mais cette rédaction ajoute un second cadenas, qui n’est pas nécessaire. Pourtant, je le répète, je suis personnellement favorable à ce que la reconstruction ressemble à l’identique, mais il s’agit de mon parti pris artistique, et je ne pense pas que nous devions légiférer sur un parti pris artistique.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je partage absolument les propos de M. Assouline : il ne revient pas au législateur de définir un choix esthétique. Mais dans ce cas, nous aurions dû commencer par discuter de l’article 9 et le supprimer pour empêcher toute dérogation au système actuel du patrimoine ! Je me serais alors rallié à la position de la commission.
Dans l’incertitude de ce qu’il va advenir de l’article 9 et de ce qu’il restera du code du patrimoine après la seconde lecture à l’Assemblée nationale, nous sommes obligés de conserver un certain nombre de garanties.
Mes chers collègues, il me semble important que, lorsque nous examinerons l’article 9, nous réaffirmions de façon solennelle qu’il ne revient pas au législateur de faire un choix esthétique.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Monsieur Ouzoulias, vous ne pouvez pas répéter ce que vous avez déjà dit en première lecture ! En effet, les dérogations au code du patrimoine sont inscrites dans le marbre. Il n’y a donc plus d’incertitudes.
Il est clairement précisé qu’une dérogation sur l’avis de la CNPA est possible dans le cas d’un recours sur des installations ou des aménagements transitoires, c’est-à-dire pendant les travaux. Il s’agit d’un avis consultatif, et la dérogation vise simplement à gagner quelques mois dans le cas d’un recours sur l’avis de l’ABF sur les aménagements temporaires. Il ne s’agit pas d’une attaque majeure du code du patrimoine !
Deux autres dérogations sont prévues, l’une sur l’Inrap, l’autre sur la publicité sur Notre-Dame de Paris.
Il ne s’agit pas de déterminer les précautions que l’on doit prendre par rapport à d’éventuels assouplissements du code du patrimoine, mais de décider si l’on veut ou non inscrire dans le marbre de la loi la restauration à l’identique, ou en tout cas dans l’architecture de Viollet-le-Duc.
Pour cette raison, je suis favorable à l’amendement de M. Assouline et du groupe socialiste et républicain.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Le produit des dons et versements effectués depuis le 15 avril 2019, au titre de la souscription nationale, par les personnes physiques ou morales dont la résidence ou le siège se situe en France, dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État étranger auprès du Trésor public, du Centre des monuments nationaux ainsi que des fondations reconnues d’utilité publique dénommées « Fondation de France », « Fondation du patrimoine » et « Fondation Notre-Dame » est reversé à l’établissement public mentionné à l’article 8 ou à l’État, pour le financement des dépenses que ce dernier a assurées directement avant la création de l’établissement public pour couvrir les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale ainsi que pour les dépenses de restauration du mobilier dont il est propriétaire.
Les modalités de reversement des dons et versements peuvent faire l’objet de conventions prévoyant également une information des donateurs. La conclusion de conventions est obligatoire entre les fondations reconnues d’utilité publique et l’établissement public ou l’État pour assurer le respect de l’intention des donateurs.
Les reversements des dons et versements par les organismes collecteurs sont opérés à due concurrence des sommes collectées, après appels de fonds du maître d’ouvrage pour chaque tranche de travaux. Ils s’appuient sur une évaluation précise de la nature et du coût desdits travaux.