M. David Assouline. Toutefois, pouvez-vous nous en dire plus sur le financement ? Nous pensons bien sûr à l’esplanade, qui se trouve appartenir à la Ville de Paris. Deux types de travaux vont s’y dérouler : des modules provisoires seront probablement installés, ne serait-ce que pour permettre la tenue du culte, et des aménagements plus durables seront réalisés, afin de montrer, dans une sorte de musée des compagnons, le travail de restauration.
Or les fonds issus de la collecte doivent être « exclusivement » réservés à la cathédrale. Par ce mot, vous écartez complètement une vision extensive du problème, qui inclurait au moins le parvis. Comment considérez-vous donc que de tels ouvrages devront être financés ? La Ville de Paris ne peut pas supporter seule le coût de ces travaux.
En outre, vous n’êtes pas convaincu qu’il soit nécessaire de maintenir dans le texte une référence à l’Unesco.
Monsieur le ministre, la version élaborée par le rapporteur nous convient, même si nous tenons à souligner les avancées que contient votre texte. Nous serons attentifs aux débats et au sort réservé à nos amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réunion de la commission mixte paritaire n’aura pas permis de trouver une vision commune entre les positions exprimées par le Sénat et l’Assemblée sur le projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.
Ce sujet pourtant mobilise et réunit très largement les Français. Tous ont voulu témoigner de leur attachement à ce patrimoine commun remarquable qui assure, et continuera de le faire, le rayonnement et l’attractivité de notre pays.
À plusieurs reprises, l’exécutif a exhorté chacun d’entre nous à la communion nationale. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen nourrissait donc l’espoir que ce rassemblement serait aussi le fait de la représentation nationale. Au sein de la chambre haute, nous avons été soucieux de défendre une position commune. Dans le cadre de nos travaux en première lecture, nous avons exprimé des préoccupations susceptibles de nous réunir.
Tout d’abord, nous avons refusé que ce projet de loi, qui a vocation à permettre la restauration de Notre-Dame après le sinistre du 15 avril dernier, soit un catalogue de mesures d’exception. Rien ne le justifie ! Monsieur le ministre, s’il existe un impératif réel qui motive vos intentions, et qui ne soit pas la seule parole présidentielle, nous vous invitons de nouveau à le porter à notre connaissance.
Le monde du patrimoine, dans sa plus grande diversité, a fait part de son inquiétude devant votre empressement et devant la volonté de l’exécutif de déroger aux règles qui régissent la restauration de nos monuments historiques. La cathédrale de Paris n’a pas été édifiée pour servir le culte de l’immédiateté qui caractérise notre époque.
Le Sénat a, en outre, estimé qu’il était absurde de s’employer à fixer des règles pour vouloir ensuite s’en affranchir sans motif impérieux. La restauration de cet édifice doit se faire dans le cadre commun, celui-là même que nous demandons à tous les élus et à tous les propriétaires de France de respecter lorsqu’ils entreprennent des projets de restauration.
Même si Notre-Dame de Paris représente un des édifices les plus remarquables de notre patrimoine architectural, elle en demeure un élément. Si les réglementations et les normes existent, c’est qu’elles sont fondées ; sinon, proposons leur suppression ! Tant qu’elles s’appliquent, sauf motif le justifiant expressément, elles s’appliquent à tous.
En première lecture, les élus du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, à l’instar de la grande majorité des membres de cette assemblée, ont défendu la suppression de l’article 9 du projet de loi, qui contenait l’essentiel des mesures d’exception.
En nouvelle lecture, nous souhaitons accompagner la position de notre rapporteur, qui demeure soucieux d’œuvrer à l’établissement d’un texte de compromis. Aussi, nous ne nous déposerons pas en séance un amendement similaire.
Le Gouvernement a revu la rédaction de l’article 9 du projet de loi. Les modifications qui y ont été apportées par notre commission, sur proposition de notre collège Alain Schmitz, ont conduit à la suppression des principales mesures dérogatoires.
Il s’agit là d’une nouvelle position de sagesse du Sénat et d’une main tendue à nos collègues députés, pour que nous ne donnions pas aux Français l’image d’une représentation nationale divisée sur un sujet qui devrait, au contraire, nous rassembler.
Une mesure demeure toutefois dans ce texte à laquelle les élus du groupe du RDSE ne peuvent toujours pas souscrire : la majoration de la déduction fiscale à 75 % consentie aux donateurs jusqu’à 1 000 euros, dont nous continuerons à demander la suppression.
Cette disposition fait également débat au sein de la chambre basse, puisqu’elle avait été supprimée par la commission des finances de l’Assemblée nationale avant son rétablissement en séance publique.
Tout d’abord, cette majoration ne paraît pas se justifier, au vu de la mobilisation financière aussi spontanée que massive qui a suivi le sinistre, alors que les deniers publics font aujourd’hui très largement défaut ailleurs.
Monsieur le ministre, nous avons entendu vos avertissements quant à la relative lenteur avec laquelle se concrétisent les promesses. Il n’aura cependant échappé à personne que plusieurs personnalités et de grandes entreprises ont formulé, publiquement, des promesses de dons particulièrement généreuses, dont on imagine difficilement qu’elles ne se concrétisent pas.
Monsieur le ministre, il est dans ce pays des défis qui suscitent beaucoup plus d’inquiétudes quant à notre capacité à réunir les fonds nécessaires pour les relever que celui de la restauration de la cathédrale de Paris !
En outre, même si Notre-Dame était le monument le plus visité de France et d’Europe il y a encore trois mois, il n’en demeure pas moins que nos routes et nos communes abritent des merveilles architecturales qui participent également de notre richesse nationale.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
Mme Mireille Jouve. Or nombre de ces éléments patrimoniaux sont aujourd’hui menacés et pourraient légitimement revendiquer un traitement fiscal identique.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. François Bonhomme. Ils auront droit au loto…
Mme Mireille Jouve. Enfin, cette majoration s’appliquant à une simple déduction d’impôt, et non à un crédit, elle exclut, de fait, la moitié de la population. Une partie des Français pourra donc faire œuvre de générosité dans le cadre de la restauration de Notre-Dame en bénéficiant d’un accompagnement de l’État, quand l’autre ne le pourra pas.
On nous oppose la parole présidentielle et celle de l’exécutif pour justifier l’impossibilité de revenir sur cette mesure, mais si le Gouvernement a jugé opportun d’annoncer, dès le lendemain du sinistre, cette majoration, ses mots n’engagent pas pour autant la représentation nationale. Dans ce dossier, on confond décidément vitesse et précipitation.
Les experts du patrimoine et beaucoup de nos compatriotes, dont nous avons bien perçu l’attente, nous exhortent à prendre le temps. Une nouvelle fois, le Sénat est soucieux de ne pas produire une loi d’exception ; un discours prônant la dérogation au règlement sous prétexte de fiabilité, voire d’efficacité, serait tout simplement inaudible.
Après l’immense émotion suscitée par son incendie, la restauration de Notre-Dame de Paris ne saurait être une vitrine politique pour qui que ce soit ; elle doit être un sujet de concorde. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Christine Prunaud et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Pierre Leleux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en général, nos assemblées parlementaires parviennent à coconstruire intelligemment les textes à dominante culturelle, et particulièrement patrimoniale.
S’agissant de ce projet de loi, il a été rédigé dans un contexte émotionnel et précipité, chacun en convient. Il était donc tout à fait normal, compréhensible et légitime qu’il passe par la toise de l’expérience et de la réflexion des députés et des sénateurs pour atteindre sa juste et bonne mesure législative.
Dans cet esprit constructif, le Sénat avait proposé en première lecture, grâce au travail du rapporteur Alain Schmitz, des corrections au texte de l’Assemblée nationale, allant dans le sens d’une plus grande cohérence dans la mise en place des dispositifs à prévoir pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ainsi que d’une plus grande vigilance quant au respect des règles dans l’instruction des travaux à venir.
La commission mixte paritaire a échoué d’emblée dans sa mission d’élaborer un texte commun, dès lors qu’il fut annoncé qu’il n’était pas question de renoncer à l’article 9, qui prévoyait des ordonnances pour adopter des dérogations à différents codes de la loi et que le Sénat avait supprimé. Celui-ci serait, quoi qu’il en soit, réintroduit par la majorité, à l’Assemblée nationale, lors de la lecture suivante.
Après cette annonce, aucun débat n’était possible et la discussion sur les autres articles devenait inutile. Par souci de convivialité, et puisque l’on nous avait annoncé que l’article 9 serait, en tout état de cause, rétabli par l’Assemblée nationale, nous n’avons même pas utilisé notre supériorité numérique pour forcer la commission mixte paritaire à maintenir sa suppression, et les autres articles n’ont été ni examinés ni débattus. Ce fut donc un échec.
Cet article 9 a été rétabli en des termes quasi identiques par la commission de la culture de l’Assemblée nationale.
Quelle ne fut donc pas notre surprise, monsieur le ministre, de vous voir en proposer en séance, par amendement, une nouvelle rédaction, complètement remaniée et presque satisfaisante. Cela mérite que nous saluions votre prise en compte de la grande inquiétude qu’avait soulevée cet article, tant dans notre assemblée sénatoriale que dans l’opinion publique. Les réunions interministérielles ont sans doute été difficiles !
Dans la quasi-totalité de la rédaction ainsi remaniée, vous inversez le raisonnement et précisez les dérogations que vous estimez devoir appliquer. S’agissant du choix de l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, comme opérateur pour effectuer les fouilles archéologiques, des mesures sur la publicité et de l’occupation du domaine public par des activités économiques, nous sommes favorables à votre texte.
En revanche, nous pensons qu’il ne faut pas supprimer la consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, la CRPA, en cas de litige – peu probable – entre l’architecte des bâtiments de France, l’ABF, et l’autorité administrative, par respect pour ses membres, mais aussi parce que cette procédure n’obère en rien le calendrier des opérations.
Cette dérogation pourrait en effet être ultérieurement revendiquée dans les cas d’avis divergents avec les ABF. La CRPA ne statue de surcroît que pour avis, ce qui peut être utile, et le préfet de région peut mettre un terme, par sa décision, à un éventuel désaccord.
Si nous saluons le fait que vous ne proposiez plus de dérogation au code du patrimoine, vous maintenez cependant le principe d’une dérogation par ordonnances aux codes de l’environnement, de la voirie et de l’urbanisme, qui nous semble toujours faire bénéficier l’État d’une liberté d’appréciation des règles établies, alors même que celui-ci exige leur stricte application par les collectivités locales et les citoyens. Nous ne voyons pas en quoi, en outre, ces codes constitueraient des obstacles à l’avancée des travaux.
Aussi proposons-nous la suppression des alinéas concernés.
J’ajoute quelques remarques sur le reste du texte, dont j’indique de nouveau que vos amendements l’ont amélioré, dans le sens que nous souhaitions : nous l’avons quelque peu toiletté, en restant fidèles à nos options et nous y avons maintenu les contributions qui nous semblent nécessaires.
Ainsi, nous ne changeons pas d’avis sur la clarification de la date d’entrée en application de la déductibilité fiscale. De nombreux dons ont été effectués le 15 avril, dans l’intention de contribuer à la restauration de Notre-Dame. Ce n’est pas parce que le Président de la République a dit : « dès demain… » qu’il faut, par la loi, instaurer une inégalité de traitement entre ceux qui ont versé le 15 et ceux qui ont donné le 16.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous restons, comme nombre de Français et beaucoup de donateurs, désireux de voir la cathédrale et sa flèche reconstruites dans le dernier état visuel connu.
Je reste, personnellement, partisan d’y employer, dans toute la mesure du possible, les matériaux d’origine : charpente en bois – le bois est disponible –, pierres de taille,…
M. David Assouline. Et le plomb ?
M. Jean-Pierre Leleux. … et même le plomb. De très nombreux monuments historiques prestigieux de Paris en sont couverts, sans que cela gêne le moins du monde ; c’est le cas du dôme du Panthéon, du dôme des Invalides, de la toiture de la flèche de la Sainte Chapelle, construite en bois et recouverte de plomb, et de bien d’autres monuments historiques de Paris.
M. François Bonhomme. Et le Sénat ?
M. Jean-Pierre Leleux. Je me permets, enfin, de rappeler que la toiture du château de Versailles a été restaurée au plomb.
Nous nous réjouissons que vous ayez tranché l’ambiguïté que contenait le texte initial à l’article 8 et que vous ayez clairement opté pour un établissement public à caractère administratif, placé sous l’autorité du ministre de la culture pour la maîtrise d’ouvrage des opérations. Nous tenons cependant à ce qu’il soit précisé que la maîtrise d’œuvre sera assurée sous l’autorité de l’architecte en chef des monuments historiques.
À titre personnel, j’avais indiqué ma préférence pour désigner l’Oppic, l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, comme maître d’ouvrage délégué, mais nous nous sommes rangés à la solution d’une création ex nihilo. Nous resterons toutefois vigilants sur les acteurs qui animeront ce nouvel établissement public.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, la CNPA, s’est réunie le 4 juillet dernier, et je puis témoigner de l’intérêt tout particulier exprimé par ses membres à l’exposé de M. l’architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, sur l’état des lieux détaillé au lendemain de l’incendie et sur toutes les mesures prises au titre de l’urgence.
Un état des lieux actuel a été présenté, et les mesures à prendre encore dans les semaines et les mois à venir pour effectuer un diagnostic précis et mettre la cathédrale définitivement hors de tous risques – vous le savez, tel n’est pas encore le cas – ont également été inventoriées.
La CNPA a pris acte de la précarité de la situation et de la fragilité des structures de l’édifice, impliquant la nécessité d’achever les travaux de sécurisation et de consolidation qui ont été détaillés.
M. Villeneuve a effectué, avec l’appui des architectes en chef des monuments historiques, Rémi Fromont, Charlotte Hubert et Pascal Prunet, un travail colossal en moins de trois mois, et a reçu les félicitations unanimes des membres de la commission. Le travail des équipes de votre ministère, monsieur le ministre, en particulier de la direction générale du patrimoine, mérite d’être salué et encouragé.
J’espère que cette séance, au cours de laquelle nous allons pouvoir constater de nombreux points de convergence entre l’Assemblée nationale et le Sénat, verra également quelques-unes de nos propositions acceptées et incluses dans le texte qui deviendra prochainement définitif.
Monsieur le ministre, encore un petit effort ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Monsieur Leleux, vous savez que le ministre que je suis essaie toujours de faire de nombreux efforts pour satisfaire le Sénat. (Exclamations amusées.)
Pour preuve, je ne puis que confirmer vos propos s’agissant du travail remarquable des équipes du ministère de la culture, qui, depuis le 15 avril au soir, sont mobilisées au sein de la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, d’Île-de-France, de la direction générale du patrimoine, du centre de recherche sur les monuments historiques, le CRMH, de l’Inrap ou de tous les services concernés du ministère. Elles ne comptent pas leur temps et mettent leur savoir-faire, leurs compétences, leur expertise et leur expérience au service de ce monument magnifique qu’est Notre-Dame de Paris.
Je tiens à dire que les entreprises privées sont également exemplaires dans leur mobilisation pour la sauvegarde, la restauration et la conservation de Notre-Dame.
Madame la présidente de la commission, jamais l’État n’a été aussi rapide à acquitter les factures de ses entreprises. J’en avais pris l’engagement, il a été tenu, et je continuerai à veiller à ce que celles-ci soient payées rubis sur l’ongle, même si, comme dans tout paiement, un délai minimum court bien sûr entre la réalisation d’une prestation et son paiement.
Monsieur Leleux, je vous remercie donc de ces propos, ainsi que d’avoir salué les modifications apportées au texte à la suite d’amendements du Gouvernement à l’Assemblée nationale et qui prennent en compte certaines des remarques que vous avez formulées.
Toutefois, ne feignez pas la surprise : lors de la première lecture, je vous avais dit très clairement que j’écoutais les remarques des sénateurs, comme j’avais écouté celles des députés, et que, le moment venu, avant la fin du processus de discussion du texte, j’essaierai d’inscrire dans le marbre de la loi ce qu’il était possible d’inscrire, par voie d’amendements. Ne soyez donc pas surpris que je l’aie fait, à l’Assemblée nationale, s’agissant des dérogations, ou des assouplissements, et de l’établissement public.
Sur ce dernier point, je vous avais dit que nous hésitions à confier directement la maîtrise d’ouvrage à la DRAC ou à un établissement public, et que, dans cette seconde hypothèse, nous balancions entre un établissement public à caractère industriel et commercial, un EPIC, ou un établissement public administratif, un EPA. J’avais ajouté que nous vous informerions dès que nous aurions pris notre décision et que nous l’inscririons dans la loi. C’est ce que nous avons fait !
Nous avons ainsi pris en compte à cette occasion un grand nombre des remarques que vous aviez formulées.
Sur les assouplissements, j’avais indiqué que nous étudierions le plus vite possible les dispositifs spécifiques nécessaires au déroulement du chantier de restauration de Notre-Dame de Paris, dont nous pouvons collectivement reconnaître qu’il est exceptionnel. Il s’agit d’un monument emblématique, situé au cœur de Paris, qui a suscité une émotion hors du commun : nous ne vivons pas souvent, heureusement, des incendies d’une telle dimension.
J’avais donc indiqué que, si des assouplissements étaient nécessaires, nous les inscririons dans le texte, sans remettre en cause pour autant le code du patrimoine dans son ensemble. Bien entendu, nous conserverons toutes les grandes règles qui permettent de garantir la restauration et la préservation des monuments historiques dans notre pays.
Vous l’avez constaté, ces assouplissements, très limités, permettent notamment à l’Inrap d’être l’institution chargée de l’archéologie dans cette restauration. C’est un point essentiel, monsieur Ouzoulias !
Nous sommes donc allés dans votre sens, tout en respectant l’engagement pris devant vous concernant la nécessité d’être le plus précis possible dans la loi.
Nous avons, par ailleurs, présenté rapidement ce texte pour des raisons que je vous ai expliquées en première lecture. Il ne s’agit pas de précipitation. Certains d’entre vous souhaitent aller lentement, mais nos compatriotes demandent à retrouver vite leur Notre-Dame de Paris. Ne perdons donc pas de temps inutilement.
Les cinq ans annoncés par le Président de la République correspondent ainsi à une ambition pour la mobilisation. Il ne s’agit pas d’un engagement de mener en cinq ans exactement la restauration, mais de mobiliser toutes les énergies, pour que, rapidement, les fidèles, les catholiques, les Parisiens et, plus largement, tous ceux qui veulent aller visiter Notre-Dame de Paris retrouvent ce monument.
Nous avions besoin, en outre, de répondre à l’élan de générosité de nos compatriotes. Nous avons ainsi pris la décision de mettre en place, symboliquement, un dispositif spécifique de réduction d’impôts : 75 %, au lieu de 66 %, pour les particuliers jusqu’à 1 000 euros de don. Comme il s’agit d’une mesure rétroactive au moment de l’incendie, nous avions besoin d’aller vite.
Plutôt que de revenir dans quelques mois ou dans quelques semaines avec un nouveau texte, nous avons souhaité inscrire directement les éléments relatifs aux dérogations et à la forme de l’établissement public dans ce projet de loi, bien que nous n’ayons pas eu le temps de définir l’ensemble de nos besoins. Voilà pourquoi ce texte a été présenté rapidement, avec ces dispositions.
Restent les questions relatives au code de l’environnement, que je ne pourrai pas trancher avec vous aujourd’hui, même si je souhaite suivre les conseils du Sénat lorsque cela me paraît pertinent.
En effet, pour être certains que nous n’aurons pas à déroger à certaines dispositions législatives, nous avons besoin de connaître exactement le projet de restauration et l’étendue des besoins.
Songez aux matériaux – c’est un exemple très concret, mais ne le prenez pas à la légère. Nous allons avoir besoin d’une grande quantité de pierres, en sorte que les schémas qui s’appliquent à l’exploitation des carrières devront probablement être revus. Or la révision d’un schéma de carrière prend deux ans. Attendrons-nous deux ans pour avoir suffisamment de pierres pour restaurer Notre-Dame de Paris ? (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
En la matière, je préfère être prudent et attendre de connaître le projet de restauration dans son ensemble, ainsi que les besoins qui lui sont liés. Ainsi, dans le cas où des dérogations à la marge seraient nécessaires, par exemple pour avoir suffisamment de matériaux, celles-ci seront possibles.
Voilà pourquoi je ne pourrai inscrire dans le marbre de la loi ce qui touche à l’assouplissement du code de l’environnement. En revanche, en ce qui concerne l’archéologie, le code du patrimoine et celui des marchés publics, comme il a été souligné, nous avons véritablement circonscrit le dispositif.
Par ailleurs, nous travaillerons évidemment main dans la main avec l’Unesco, comme nous le faisons déjà. Le rapport soumis à la CNPA permettra de donner suffisamment d’éléments à cette organisation pour qu’elle soit tenue au courant de l’avancée des travaux – pour l’heure, de sauvegarde et de conservation.
Les règles relatives au respect des monuments classés au patrimoine de l’Unesco nécessitent une relation suivie avec cette institution. Il s’agit d’entretenir ces liens réguliers que nous avons avec elle : nul besoin pour cela d’une disposition législative ; et ce n’est pas parce qu’il y en aurait une que cela serait nécessairement fait…
Soyez donc rassurés, mesdames, messieurs les sénateurs, sur notre relation avec l’Unesco. Au reste, nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Quant aux experts, ils sont bien associés par le Gouvernement et la CNPA. Je remercie M. Leleux d’avoir reconnu la qualité, d’ailleurs indiscutable, de la présentation de M. Villeneuve.
De même, nous mobilisons un grand nombre de ressources du ministère, en particulier le laboratoire de recherche des monuments historiques, le LRMH, qui accomplit un travail considérable, d’une manière remarquable. Il est normal que ces ressources soient mobilisées quand un enjeu le nécessite, comme nous travaillons, nous, quand un texte de loi vient en discussion. La qualité des équipes du ministère au sein de ce laboratoire est un véritable motif de satisfaction.
Je terminerai par le diagnostic relatif à la sécurité. La question est importante, et je comprends l’inquiétude légitime qu’a suscitée l’incendie de Notre-Dame de Paris pour d’autres cathédrales.
Comme je l’ai expliqué en première lecture, nous avons tout de suite lancé un diagnostic de la sécurité des cathédrales. Un état des lieux de tous les diagnostics réalisés, au minimum, tous les cinq ans, est donc en cours. L’objectif est de savoir exactement où l’on en est pour chacun de ces monuments, qui sont propriété de l’État.
Nous lancerons ensuite un plan complémentaire spécifique pour les monuments qui nous paraissent le nécessiter, avec l’inspection du patrimoine et les pompiers du ministère de la culture.
Enfin, si c’est nécessaire, ce qui est vraisemblable pour un certain nombre de sites, nous lancerons un grand plan de remise aux normes en matière de sécurité incendie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il y aura un avant et un après l’incendie de Notre-Dame de Paris. C’est, je crois, la moindre des choses. Cela nécessitera des budgets, une méthode et la mobilisation de tous. Je sais pouvoir compter sur votre soutien.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, je vais suspendre la séance pour une demi-heure, afin de permettre à la commission de se réunir pour examiner les amendements déposés sur son texte.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale notre-dame de paris et instituant une souscription nationale à cet effet
Article 1er
Une souscription nationale est ouverte à compter du 15 avril 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Elle est placée sous la haute autorité du Président de la République française.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer la date :
15 avril
par la date :
16 avril
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Cet amendement vise à rétablir la date de départ de la souscription au 16 avril 2019, conformément à l’annonce faite par le Président de la République dans son discours de la veille.
Toutefois, je répète que nous avons en notre possession tous les éléments de nature à rassurer celles et ceux qui auraient donné dès le 15 avril au soir : ils pourront bénéficier des dispositifs spécifiques associés à la souscription nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. M. le ministre nous rassure, mais, comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, nous ne comprenons pas bien les arguments juridiques qui conduisent à refuser d’avancer au 15 avril la date de lancement de la souscription nationale.
Oui, l’ouverture de cette souscription est un peu particulière, puisque la loi y procède de manière rétroactive.
Oui, le chef de l’État a annoncé l’ouverture d’une souscription pour le lendemain de son intervention, soit le 16 avril ; mais l’annonce a été faite le 15, date du sinistre qui est l’événement générateur de la souscription. En outre, deux des quatre organismes collecteurs que le Gouvernement a retenus pour la souscription « Rebâtir Notre-Dame », la Fondation du patrimoine et la Fondation Notre-Dame, ont commencé à recevoir des dons dès le 15 avril.
La rupture d’égalité entre les donateurs serait incompréhensible : ce sont les donateurs de la première heure qui risqueraient – je parle au conditionnel, compte tenu de l’engagement du ministre – d’être pénalisés !
Nous avons bien compris que Bercy se montrerait tolérant vis-à-vis d’eux, en leur appliquant le taux de réduction d’impôt de 75 %, mais convenez que, symboliquement et juridiquement, il serait beaucoup plus logique de retenir le 15 avril, date effective du sinistre, comme point de départ de la souscription.
La commission est donc défavorable à l’amendement du Gouvernement.